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LE DOCUMENT DE LA SEMAINE

Comment se procure-t-on les armes


nécessaires à l'entraînement et à la vie de l'organisation ?
C'est simple. Soit en les volant. Soit en les achetant...

Suite de la page 125 hold-up avant la rentrée d'automne. Nous nous niveau (directement par l'exécutif national, dit
au-dessus de tout soupçon en devint propriétaire partageons en deux groupes qui ee mettent à la Patrizio Peci), a permis l'obtention d'un mil-
et servit de couverture légale, mais un incendie, recherche de quelque chose à dévaliser. Les uns liard cinq cents millions de lires. Comme les
hélas, s'y déclara. Il fallut faire appel aux pom- voulaient prendre d'assaut une': banque, les colonnes génoise, turinoise et romaine y ont
piers pour le maîtriser. Le projet d'école de autres une bijouterie. On s'arrête à la banque. participé, elles recevront chacune cinq cents mil-
cadres avec tunnel d'entraînement fut Aussitôt on vole deux voitures qu'on abandon- lions. La séquestration Costa est la première
abandonné. nera tout de suite après le hold-up. Butin : seize grande séquestration politique réussie en Italie.
Comment se procure-t-on, terroriste d'une millions de lires. On en avait bien besoin. » Puis La deuxième, celle de l'assesseur démochrétien
Roberto Sandalo : « On a tourné pendant des _Ciro Cirillo, réalisée de commun accord entre le
petite ou d'une grande « 0 », les armes néces- journées le long de la côte adriatique pour repé- « milieu » napolitain et les B.R., rapportera,
saires à l'entraînement et à la vie de l'organisa- rer des -banques » elle, en 1981, trois milliards de lires, ainsi subdi-
tion ? C'est simple. Soit en les volant. Soit en visés, d'après les enquêteurs : un milliard cinq
les achetant à des trafiquants ou à des vendeurs Le nombre des hold-up, en tout cas, a été
réguliers. Si on les vole, c'est à un garde asser- multiplié par six en dix ans, raconte-t-on au cents millions aux gens du bandit Cutolo, un
menté, un policier, un collectionneur ou bien ministère de l'Intérieur. Et il a entraîné des con- milliard quatre cent cinquante millions aux bri-
dans une armurerie ou dans une caserne. Si on flits entre le « milieu » et le terrorisme. Car les gadistes, tandis que 50 millions se perdaient en
les achète légalement, un « nulla osta » de la petits amateurs en terreur, les apprentis sorciers cours de route en pourboires divers, comme il
du braquage ont longtemps cassé les pieds des convient dans le « milieu » de Naples. Le géné-
préfecture est indispensable, mais il se révèle ral Dalla Chiesa, d'ailleurs, longtemps chef de
aisément falsifiable : de telle sorte qu'en une mafias organisées. Leur action conjuguée a
d'ailleurs poussé à la militarisation des, ban- l'Antiterrorisme, disait volontiers que les ran-
journée on peut faire le tour de cinq ou six çons rapportent davantage aux terroristes
armureries et y acheter autant d'armes avant ques : gardes armés,. circuifs intérieurs et é)é-:
rieurs de téléVisie, éclairage Violents des fa.a. quaux «droit commun ». Car ces derniers sont
que les différentes déclarations d'achat parvien- très dépensiers, Coffrent des femmes et des croi-
nent à la préfecture de police. Si on les achète des. Mis à part4es PP"itil Se -proeurer
.

des sous il reste lès séquestrations de personnes. sides, VOin dardleS C à.S inos, se lancent dans des
. .
illégalement, il faut un contact avec un trafi- achats ostentatoires. Tandis que les terroristes
quant. Un seul ennui dans tout cela : ces armes Elles sont difficiles à « gérer »: il faut bien
coûtent très cher. Il faut donc beaucoup choisir les cibles en fonction de leur capacité à « sérieux » — Dalla Chiesa pensait surtout aux
payer une rançon. Spécialement recherchés B.R. qui sont plus « franciscains », se révè-
d'argent. Qui dit argent dit hold-up ou séques- lent infiniment plus modestes et scrupuleux dans
trations de personnes. Ni le uns ni les autres ceux ou celles qui ont des biens à l'étranger et
qui peuvent payer la rançon hors d'Italie. Une la gestion de l'argent.
n'ont manqué en Italie depuis douze ans. Ecou-
tons Marco Barbone : « Nous étions en juin des plus importantes séquestrations B.R. : celle Une bonne rançon, pourtant, ne suffit pas.
1980, raconte-t-il à ses juges, et nous cherchions de l'industriel Costa, membre d'une grande Encore faut-il transformer cet argent « sale » en
de l'argent. Il fallait absolument faire un famille génoise. L'opération, gérée à haut argent « propre ». Le terroriste débutant Carlo
Fioroni en sait quelque chose, lui qui fut chargé
en 1975 par son organisation de changer en
francs suisses force billets de 10 000 lires, prove-
nant de la rançon Saronio, et qui éveilla les
soupçons des banquiers de la Confédération hel-
vétique par sa régularité et son obstination. Les
Brigades rouges elles-mêmes, la rançon Costa
une fois perçue, durent se mettre à laver une à
une les coupures avec une éponge et à les faire
sécher sur des radiateurs, car elles avaient été
immergées dans une poudre spéciale qui deve-
nait phosphorescente sous une lampe à rayons.
Chaque colonne B.R. dut donc, des mois
durant, détecter, nettoyer et sécher 500 millions
en billets de banque... Qui disait que le travail
du terroriste est exaltant ?
Chercher de l'argent. « Nettoyer » l'argent
trouvé. Acheter des armes. Un vrai casse-tête.
Non que les trafiquants d'armes manquent. On
finit par entrer en contact avec eux. On a con-
naissance; par des procédés identiques à ceux
qui ont cours dans le monde de la drogue,
qu'un chargement va transiter à tel ou tel
endroit, le plus souvent dans des camions TIR.
On prend des contacts, et on négocie. C'est
ainsi que 50 % des armes vendues par l'Italie
(qui est le quatrième exportateur mondial) en
direction de l'Afrique n'arrivent jamais à bon
port : elles ont été vendues en contrebande
avant même de quitter le territoire national.
Dernière filière pour les achats d'armes : les
organisations de libération nationale (spéciale-
ment palestiniennes). Mario Moretti, un des lea-
ders brigadistes, fit ainsi en 1979 un mémorable
voyage au Moyen-Orient, où il reçut une cargai-
son qu'il véhicula sur un voilier, en trente-trois
jours, vers le port de Mestre, en Vénétie. La
Libye elle aussi aurait vendu« des armes à des
trafiquants siciliens, qui les auraient cédées à
leur tour aux Brigades rouges. Que les canaux
CIGARILLOS EXTRA-FINS. CAPE EN TABAC DU BRÉSIL. Suite page 128 )11.

126 Samedi 18 septembre 1982

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