Vous êtes sur la page 1sur 1

Les anciens de la NRP ont alors fondé un exploser notre appareil.

La répression a eu lieu
centre de contre-information qui voulait pré- en deux temps. Il y a d'abord eu une rafle dans
parer la venue de la gauche au pouvoir, le les anciens milieux maos. N'ont été arrêtés que
groupe CRISE. On y trouvait même quelques des gens étrangers à l'affaire ou à l'organisation

ïrecte
militants du Ceres à côté des anciens de l'orga- qui avait revendiqué l'attentat. Plus tard ont
nisation secrète des maos retirés des voitures été interpellés Oriach, Lapeyre et Girard.
même s'ils participaient àcles opérations logis-
' C'était la première fois qu'on arrêtait des mili-
tiques ponctuelles avec d'autres milieux. tants portant sur eux des armes ayant servi à des
A ce moment-là, le leader des BI s'est suicidé attentats. Le milieu napap a explosé. La police
(2). Il estimait sans doute que son combat ne avait fait son travail de façon classique et effi-
petit groupe avec les jeunes prols. On était une menait à rien. Je l'ai appris en rentrant de cace. Elle avait épluché le passé des militants
vingtaine, des Parisiens, avec des contacts en vacances pendant l'été 76. Il représentait pour arrêtés. Ils avaient commis l'erreur de se re-
province. Il y a eu un coup de grisou à Liévin. moi l'engagement politique. C'était une sorte trouvér autrefois avec d'autres militants dans
On a décidé de dérouiller le directeur des de figure idéale, Il avait un code d'honneur, il des centres de FPA. L'action Tramoni a pour-
Charbonnages. On a fait des repérages pen- respectait des règles. J'aurais dû m'arrêter. tant eu un certain écho. Nos derniers contacts
dant trois mois. On sortait d'une certaine Mais il y avait une telle mise sur la table. Sa ouvriers une trentaine de personnes dans le
forme d'amateurisme. On était pourtant des mort était un défi à notre propre vie. Nord, dans l'Ouest et à Paris, ont demandé
'

adeptes du système D révolutionnaire. On Tout le reste, après lui, a été mal vécu. Sur qu'on crée une véritable organisation mili-
téléphonait à son bureau, avec une certaine cet échec se sont créés les Napap (3), un des taire. On a tenté de relancer une nouvelle vague
malice, pour connaître ses horaires. Il habitait embryons d'Action directe. Il y avait deux ten- d'« établissements » (4). Ce fut un échec.
Sèvres-Babylone. Le jour de l'action, il a été dances dans les Napap. La première était dure, En même temps, le Liban entrait en guerre
assez difficile de maîtriser sa femme. Lui était cloisonnée. Ce sont ses militants qui ont abattu civile. Un groupe de Palestiniens est arrivé à
très calme. Malheureusement, il y avait un au 44 Magnum un diplomate iranien. Les Paris. Un ancien du Mouvement des Travail-
livre de Maurice Clavel sur sa table de nuit. La tueurs étaient venus en Mobylette. Malgré des leurs arabes nous les a présentés. Ils se préten-
présence de ce livre a perturbé le déroulement incidents (un policier a ceinturé un tireur), ils daient El-Fatah-Conseil révolutionnaire, dis-
de l'action. Il a pourtant eu ses deux baffes, et ont gardé tout leur sang-froid. Ils faisaient du sident du Fatah, et décidés à lutter jusqu'au
une paire de menottes aux poignets. On avait travail de professionnels. Ils ont tué de la même bout contre ce qu'ils appelaient la liquidation
pris une photo. On commençait à s'intéresser manière, en mai 1976, l'ambassadeur de Boli- de leur idéal par Arafat. Ils étaient quatre. Le
sérieusement aux problèmes des médias. On a vie, un colonel autrefois responsable de la mort chef vivait dans un grand hôtel du huitième et
envoyé la photo à « France-Soir », et on a eu la de Che Guevara. Les militants de cette bran- les trois autres étaient installés à Barbès. Ils '

une. Plus tard, on s'est renseigné pour savoir ce che dure des Napap n'étaient pas des clandes- nous ont demandé un soutien logistique. Nou
que Pierre Victor, l'ancien dirigeant de la GP, tins. Ils avaient une vie officielle, un travail, avons fait des repérages à Neuilly pour leur
pensait de l'action. La police ne surveillait plus parfois à l'usine, et une vie cachée. Ils étaient compte.
ce milieu, autoliquidé. Nous n'avons pas été sûrs d'eux, apparemment sans problèmes exis- Après ce premier travail, ils nous ont dési-
inquiétés. tentiels. Ils faisaient quelques hold-up, pour gné la cible : ils étaient venus pour descendre
J'avais donc suivi dans la presse les attentats ramasser de l'argent. Quand un magot était Rifaat el-Assad, le frère du président syrien,
des Brigades internationales. Après l'Uru- qui à l'époque soutenait les phalanges chré-
guayen, ils avaient descendu un attaché espa- tiennes pour mener sa politique au Liban. Ils
gnol. Un de mes amis a pris contact avec le voulaient le flinguer à la sortie d'un restaurant
leader du premier groupe. Et j'ai appris que Les milieux durs au milieu de la foule. Les Napap ont refusé.
c'étaient eux qui signaient leurs actions « Bri- des NAPAP avaient Mais quelques-uns d'entre nous ont conservé
gades internationales ». C'est à ce moment là -
une vie officielle, avec le commando des liens personnels. C'est
que j'ai abandonné mes études. Mes parents par ce canal que nous a été faite la proposition,
n'en savaient rien et continuaient de m'en- un travail alléchante, de faire un stage de six mois, un vrai
voyer de l'argent. Un processus de fusion entre à l'usine, et - stage de fond. On se demandait où ça se passe-
les trois groupuscules s'est engagé. Mais c'était une vie cachée rait. Au Yémen du Sud ? Au Liban, encore ? Ils
très difficile et la compétition l'a emporté sur la ont fini par nous dire que le stage aurait lieu
volonté d'union. dans un pays de l'Est, en même temps qu'ils
Je suis alors parti pour l'Italie. Des élèves de nous proposaient un stage en Angola.
Normale sup traduisaient des textes italiens Ces Palestiniens étaient ceux d'Abou Nidal.
qui m'intéressaient. Il y était question de faire volé, il était géré de façon ascétique par l'orga- Leurs propositions nous ont divisés parce que
un mouvement, pas un parti. Je suis arrivé à nisation. Cette branche dure était toujours nous haïssions autant l'URSS que les milices
Milan au printemps 76. J'ai rencontré Toni prudente, et, il faut bien le dire, jamais inquié- patronales. Il y a eu d'un côté ceux qui ont
Negri chez lui. Il habitait un grand apparte- tée par la police. freiné des quatre fers l'action dans laquelle ils
ment, avec sa femme ses enfants et sa vieille La branche « mouvementiste », en revan- étaient engagés depuis plusieurs années. De
bonne. C'était le Professeur. Le groupe Potere che parlait avec tous ceux qui voulaient l'en- l'autre, il y a eu des militants qui se sont dit que
operaio s'était reconstitué après un an de disso- tendre
, les occupants des premiers squatts, les tout cela, ces contacts obligatoires avec l'Est,
lution. C'était pour moi un bon exemple. Je étudiants autonomes, et naturellement sans n'avait pas d'importance. Ils ont continué leur
voyais des gens qui vivaient bien. On allait au doute les indicateurs de police. Curieusement combat et sont partis dans une autre histoire.
restaurant, on chantait. Il y avait l'efferves- pourtant, ces militants sans grande discipline Celle d'Action directe. »
cence de l'Autonomie qui venait de se séparer géraient les contacts avec les organisations Propos recueillis par
des Brigades rouges. Une lutte très dure com- étrangères, l'Autonomie ouvrière (Italie), le DANIEL RONDEAU •
mençait entre Negri et les BR. J'ai assisté à un PRP-BR d'Otelo de Carvalho (Portugal), les
meeting à la fac, participé à une occupation de Commissions ouvrières tendance libertaire (I) Nouvelle Résistance populaire, service « action » de la
Gauche prolétarienne.
maison vide. J'ai rencontré un type de l'appa- (Barcelone), un groupe allemand et la revue (2) II se serait tiré un coup de fusil à pompe au bord de
reil clandestin de l'Autonomie. Il préparait « Zero Work » (USA). la Seine, dans l'île Saint-Louis.
une lutte sur le problème de Seveso. Je voyais Puis, en mars 1977, la branche dure des (3)Noyaux aimés pour I 'Autonomi e populaire.
un gauchisme vivant et fort, qui n'existait plus Napap a exécuté Tramoni, l'assassin de Pierre (4) Le travail en usine « au milieu du peuple » des
à Paris. Et cette force m'attirait. Ovemey à Renault. L'affaire Tramoni a fait intellectuels maorstes.
21-27 NOVEMBRE 1986/45

Vous aimerez peut-être aussi