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LA THERMOGRAPHIE INFRAROUGE
➤ Application à l’industrie automobile
➤ Par Jean-Baptiste BLUMENFELD, technicien celles du visible (“histoire du forgeron”).
études essais, responsable de la mise en œuvre et Le filament de tungstène d’une lampe
du traitement des mesures par thermographie infra- à incandescence est un exemple d’objet
rouge, et Gilles DURIEUX, ingénieur essais non des- chauffé vers 3 000 °C par un courant
tructifs, Renault. électrique. Il émet du rayonnement
visible et surtout du rayonnement infra-
Il est connu qu’un forgeron peut très bien rouge.
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mesure de tempéra-
ture par analyse du
rayonnement. Le flux total ou bilan radiatif vu par la
Sur la figure 1, on caméra infrarouge comporte plusieurs
voit qu’à 30 °C, le composantes dont certaines peuvent per-
maximum de rayon- turber la mesure (cf. figure 3) :
nement est émis vers - l’émission thermique propre (ε) de
10 µm. À 500 °C, le l’objet visé, fonction de sa température
maximum se situe (qu’on cherche à mesurer) et de son
vers 3,7 µm. émissivité ;
Un objet à -273 °C ne - le flux émis par l’environnement (R)
contient pas d’éner- (lequel n’est pas à -273 °C) et réflé-
gie. Si on lui en chi par la surface de l’objet visé en
fournit, il en restitue direction de la caméra infrarouge ;
une partie par rayon- - le flux émis par la couche de l’atmo-
nement dans les lon- sphère (τ) séparant l’objet de la caméra.
Figure 1 : courbes de Planck. gueurs d’onde de Cette dernière composante est négli-
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L’émissivité correspond au rapport entre temporelle de cette distribution. noir. Un logiciel spécifique permet la
l’énergie rayonnée par le matériau à la La caméra infrarouge est constituée saisie de l’émissivité et sa prise en
température T et l’énergie rayonnée par d’une optique en germanium (matériau compte pour corriger les niveaux appa-
un corps noir à la même température. transparent aux infrarouges, contraire- rents des températures.
Un corps noir est un corps qui absorbe ment au verre) et d’une matrice de détec- Les détecteurs sont refroidis par un
tout rayonnement incident et ce à n’im- teurs sensibles au rayonnement micro-compresseur (Stirling) jusqu’à la
porte quelle longueur d’onde. Son émis- infrarouge dans la bande spectrale température de -196 °C de façon à mini-
sivité est égale à 1. 3-5 µm ou 8-12 µm. miser le bruit de mesure.
ε = Lobj/Lcn Chaque détecteur délivre un courant Les caméras infrarouges de 1ère généra-
Lobj = luminance de l’objet mesuré électrique qui dépend de l’intensité du tion (balayage mécanique par un seul
Lcn = luminance du corps noir rayonnement infrarouge, plus précisé- détecteur) étaient refroidies par azote
L’émissivité, qui varie entre 0 et 1, ment du nombre de photons frappant liquide versé, ce qui représentait des dif-
dépend de la nature du matériau, de son chaque détecteur. Le courant électrique ficultés importantes pour les mesures
état de surface, de la longueur d’onde et est amplifié, puis numérisé et retranscrit réalisées sur différents sites.
de l’angle d’observation. Sa connais- en niveaux de température via la courbe La performance du système de mesure
sance est indispensable pour calculer la d’étalonnage obtenue à partir d’un corps de thermographie infrarouge repose sur
température absolue à partir du signal
électrique délivré par la caméra. Dans le
cas des matériaux non métalliques Figure 4 : performances
opaques aux infrarouges, elle s’ap- des caméras infrarouges
proche le plus souvent 0,9. En revanche, nouvelle/ancienne génération.
pour les matériaux métalliques, elle est
souvent faible (< 0,5). Dans ce cas, le
facteur de réflexion est élevé, ce qui per-
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Les applications
dans l’industrie automobile
par thermoélasticimétrie).
2 critères principaux : la résolution ther- bons équipements annexes (montages spé- Les mesures de températures
mique et spatiale. cifiques pour positionner la caméra infra-
La résolution thermique est l’aptitude de rouge, utilisation de filtres pour les Les applications sont nombreuses et
la caméra à discerner de faibles écarts mesures à hautes températures, etc.) variées, comme l’attestent les exemples
de températures sur une même image. suivants :
Elle est essentiellement limitée par le Il faut déterminer les grandeurs d’in-
bruit électronique de l’ensemble “détec- fluence à prendre en compte et leurs ➤ Mise au point des paramètres de
teurs/chaîne de traitement du signal”. Le valeurs (réflexions parasites, émissivité, chauffage par induction des pignons de
refroidissement extrême des détecteurs température ambiante, angle de visée, dis- 6e de la boîte de vitesses PK6 avant fret-
est nécessaire pour réduire ce niveau de tance entre la caméra et l’objet visé, etc.) tage à chaud sur l’arbre primaire
bruit. Sur site, il faut procéder à un examen (cf. figure 5).
La résolution spatiale est l’aptitude de visuel des scènes thermiques, de l’at- Il s’agit de trouver un compromis entre
la caméra à faire apparaître la distinc- mosphère séparant la scène observée de la puissance et la durée de chauffage
tion entre des valeurs de température très la caméra, afin de déterminer les éven- de l’inducteur pour dilater suffisamment
voisines. Elle est limitée par la qualité tuels rayonnements parasites dus à la l’alésage du pignon en évitant la sur-
de l’optique et le temps de réponse de proximité d’une source chaude. chauffe qui risquerait de modifier ses
toute la chaîne électronique. Ce type de source est observable sur propriétés mécaniques. Une instrumen-
l’objet visé par réflexion. Si l’on déplace tation par thermocouple serait perturbée
Un critère secondaire est la résolution la direction d’observation en bougeant par le champ magnétique de l’inducteur,
temporelle qui caractérise la fréquence- la caméra, l’image de la source chaude tandis que la thermographie infrarouge
image du système. Les caméras matri- se déplace, ce qui prouve qu’elle n’est fournit, par un examen à distance et sans
cielles permettent des fréquences-images pas liée à la scène thermique. La mesure contact, un résultat instantané de la
de plusieurs centaines de Hertz (150 Hz de température de l’objet perturbé est répartition des températures en surface
en utilisant la matrice entière et jusqu’à possible en intercalant un écran ther- du pignon et permet de suivre la diffu-
499 Hz en fenêtrant sur 8*8 pixels). mique. Si l’on ne peut pas déplacer la sion de la chaleur au cours du temps. Le
Le tableau de la figure 4 donne les per- caméra, on cherche à masquer les rayon- choix des paramètres d’induction est
formances des caméras matricielles com- nements en provenance de la source alors fait par comparaison des cartogra-
parées à celles des caméras à balayage. chaude. On “éteint” la source chaude en phies de température résultant des dif-
la masquant. férents essais de chauffage.
La maîtrise de la situation
de mesure Dans la pratique, pour les matériaux pré- ➤ Fabrication des ailes plastiques
sentant des faibles valeurs d’émissivité (cf. figure 6).
La préparation d’une campagne de mesure et afin d’avoir une valeur connue de Les ailes sont mises en forme dans des
demande de connaître avec précision les l’émissivité, le dépôt d’une fine couche presses d’injection composées d’une
besoins du client afin de préparer les de peinture noire mat d’émissivité élevée matrice et d’un poinçon. Chaque élément
bonnes configurations de la caméra et les (0,95) convient. de la presse est parcouru par un circuit
∆T = -Km.T.(∆σx + ∆σy)
de Speckle, dont l’intérêt est de fournir arrière (cf. f igure 15) pour lequel contraintes se sont très bien corrélées
toutes les composantes des contraintes, les calculs EF, très sensibles aux avec les résultats de durée de vie en
mais dont l’inconvénient est de ne couvrir conditions aux limites, n’avaient pas fatigue. C’est la raison pour laquelle,
qu’une petite zone d’analyse (intérieur rendu compte des concentrations de en tenant compte des réserves liées à
d’un cercle de 15 mm de diamètre). contraintes présentes sur les pièces pro- l’insensibilité aux contraintes de
totypes, alors qu’elles avaient été mises cisaillement, la thermoélasticimétrie
Parmi les exemples d’applications en évidence par la thermoélasticimé- est tout à fait recommandée pour
récentes, donnés figures 11 à 16, la ther- trie ; réduire le nombre d’essais de fatigue
moélasticimétrie s’est avérée particu- - dans la comparaison de différentes ver- par une présélection de solutions tech-
lièrement intéressante dans deux cas : sions de moyeux de disques de freins niques en phase exploratoire de déve-
- lors de la mise au point d’un essieu (cf. figure 13) où les cartographies de loppement d’organes.
Figure 13 : deux moyeux de disques de freins. Figure 14 : jumelles d’un carter de boîte de vitesses.