Annales.

Economies, sociétés,
civilisations

Le Baroque au Théâtre et la théâtr alité du Baroque

Guy Bocquet

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Bocquet Guy. Le Baroque au Théâtre et la théâtr alité du Baroque. In: Annales. Economies, sociétés, civilisations. 24ᵉ année,
N. 5, 1969. p. 1230;

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COMPTES RENDUS
Le théâtre baroque.
Les participants aux premières Journées
Internationales d'Étude du Baroque (1963)
avaient accepté la notion de baroque
« en tant qu'hypothèse de recherche ».
Les journées de 1966 furent centrées sur
le théâtre dans un effort de précision d'un
concept complexe1. Comme le souligne
Jean Jacquot, les constructions permettant
d'interpréter des ensembles de faits
artistiques ne sont pas exclusives : la liaison
de l'architecture et des fêtes baroques avec
la réforme catholique post-tridentine et
une monarchie tendant à l'absolutisme,
dans une société où la puissance économique
dépend toujours, d'abord, de la possession
de la terre (V.-L. Tapie) est parfaitement
compatible avec l'effet des guerres de
religion sur l'obsession de la mort et
l'exaspération des passions (R. Lebègue) ; mais,
même si l'on retrouve partout un mouvement
complexe menant de la métamorphose
des apparences à l'unité retrouvée (J. Rous-
set) ou une recherche de la stabilité à
travers une suite de ruptures (A. Cioranescu),
peut-on trouver un dénominateur commun
aux pays catholiques latins, à l'Angleterre
élizabéthaine et jacobéenne et à l'Allemagne
de la guerre de Trente Ans ? Certes, actions
cruelles et scènes macabres ont le même
but cathartique quand Shakespeare utilise
le cycle de la guerre des Deux Roses pour
rallier les Anglais autour d 'Elizabeth et
quand Garnier invite les Français à voir
l'image des malheurs de la France dans ceux
des « Juives » ou des Romains. Mais, si
les dramaturgies élizabéthaine et espagnole
présentent tous les aspects de l'existence
à des publics socialement et culturellement
hétérogènes, « faut-il parler pour
l'Angleterre d'un théâtre de la fin de la
Renaissance, encore fortement pénétré
d'humanisme chrétien, mais expression d'une
société qui a déjà commencé son évolution
vers une sécularisation fondée sur la
pluralité des opinions philosophiques et
religieuses ? et lui opposer pour l'Espagne
1. Le Baroque au Théâtre et la théâtralité
du Baroque. Actes 1966 de la 2e session des
Journées internationales d'étude du Baroque,
Montauban, 1967.
1230
un théâtre baroque qui dispose, certes,
d'une grande liberté créatrice, mais au sein
d'un ordre social où l'unité de la foi est
rigoureusement maintenue ? » Autre thème
de recherches abordé par J. Jacquot, la
résolution technique du changement total
de décor remplaçant, à la fois, le théâtre
statique construit à l'antique, comme à
Vicence, et la scène neutre élizabéthaine,
aux localisations précisées par les entrées,
sorties et places de jeu et encore plus par
le dialogue : cette autre métamorphose
s'applique à des comédies ou pastorales
qui auraient pu s'en passer, sous la pression
tacite d'un public de cour habitué aux
comédies à intermèdes musicaux et aux
tournois à grande mise en scène. Mais,
comme le drame poétique, la fête musicale
baroque utilise les ressources de la scène
dynamique, selon les traditions nationales,
opéra italien, ballet de cour français ou
masque anglais.
Toutefois, les problèmes posés par le
rapport initial de J. Jacquot font un peu
trop place à une suite de communications
sans débat, ce qui paraît ôter à ce genre
de manifestation sa raison d'être,
monographies autour d'une ou plusieurs pièces,
comme celles de Ch. V. Aubrun sur le
Siège de Bréda (de Calderon), de Maurice
Gravier, sur la tragédie silésienne (des
collèges protestants) ou de Pierre Mesnard
sur Vondel, ou mises au point de Françoise
Mathieu-Arth sur la résistance des Anglais
à l'opéra italien ; de Jacques Vanuxem,
sur la collaboration des écrivains «
classiques », Corneille, Molière ou Racine, avec
les « machinistes » baroques Torelli et
Vigarani, ce qui limite l'antinomie des
typologies habituelles, comme de Raymond
Lebègue expliquant la représentation visuelle
de la violence dans le théâtre baroque par
le souci de plaire à un public traumatisé
par les guerres de religion et par la venue
d'auteurs extérieurs au petit cercle de
clercs et de juristes qui écrivaient les
tragédies humanistes. Les plus neuves sont
peut-être celles où Pierre Charpentrat
analyse la théâtralisation de l'architecture
baroque considérée comme spectacle, et
où R. E. Wolff dégage le rôle de la musique
comme signifiant du bien et du mal dans
le théâtre baroque.