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QUESTIONS HISTORIQUES POUR UN CONCILE DE DEMAIN

Alberto Melloni

Centre Sèvres | Recherches de Science Religieuse

2005/2 - Tome 93
pages 171 à 194

ISSN 0034-1258

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Pour citer cet article :
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Melloni Alberto, « Questions historiques pour un concile de demain »,
Recherches de Science Religieuse, 2005/2 Tome 93, p. 171-194.
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QUESTIONS HISTORIQUES
POUR UN CONCILE DE DEMAIN
par Alberto MELLONI, Universités de Bologne et Modène

L ’histoire des grands conciles est longue et profonde : si on ne se limite


pas à suivre le développement de l’« idée » de concile général 1, mais
son effective réalisation, on rencontre une pluralité de formes, modèles,
procédures, — assez souvent en conflit les unes avec les autres — mais
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surtout une pluralité d’horizons qui en déterminent l’ethos, comme et

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même plus que le mécanisme institutionnel qui en règle la préhistoire
d’abord et la réalisation ensuite.
À propos de concile, le passage du XXe au XXIe siècle que nous avons
laissé derrière nous, est marqué par une attente et par un horizon. Car le
besoin d’un concile a été énoncé à plusieurs reprises et à des degrés divers
(ou peut-être complémentaires), soit dans la perspective inédite d’un
concile pan chrétien, soit dans celle continuellement différée d’un
concile pan orthodoxe, soit dans la perspective plus limitée d’un concile
général du catholicisme romain. En plus, à l’horizon s’est levé, depuis la
fin des années quatre-vingt-dix et suivantes, le lourd rideau d’une guerre
dans laquelle les épaisseurs religieuses sont continuellement évoquées,
pour les exciter et les exorciser dans un jeu qui met à nu les âmes et les
étroitesses. Le problème de la guerre dans un monde unipolaire — tout
autre qu’imprévisible — s’est imposé depuis qu’en 1991 l’Occident, avec
légèreté, a cru pouvoir gérer l’énième arrogance d’un dictateur trop
longtemps habitué à régler les comptes géopolitiques dans cette région si
sensible du croissant habité par trois religions, leurs origines et leurs
schismes. Les prodromes de ces événements (les mercenaires antisoviéti-
ques de Reagan en Afghanistan rentrés en Algérie après la défaite de

1. Sur cela, voir la monumentale série de H.J. SIEBEN, Vom Apostelkonzil zum ersten
Vatikanum zur Geschichte der Konzilsidee, Paderborn 1996 ; Die Konzilsidee des lateinis-
chen Mittealters, Paderborn 1984 ; Traktate und Theorien zum Konzil. Vom Beginn des
Großen Schismas bis zum Vorabend der Reformation (1378-1521), Frankfurt 1983 ; Die
katholische Konzilsidee von der Reformation bis zu Aufklärung, Paderborn 1988 ; Katho-
lische Konzilsidee im 19. und 20. Jahrhundert, Paderborn 1993.

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l’URSS, l’invasion du Koweït et l’opération Desert Storm) et leurs dévelop-


pements (l’accroissement de la présence américaine dans la péninsule
arabique, la deuxième Intifada, le 11 septembre, l’Afghanistan, l’Irak,
Madrid, et Dieu sait quoi encore) ont donné une atroce visibilité à cette
frange du fondamentalisme islamiste qui ne vise pas à détruire l’Occident
mais à abattre les États et gouvernements du Dar al Islam et à les remplacer
par cet hybride inédit de modernité politique et de grossièreté théologi-
que que l’on appelle l’« islamisme radical » 2.
C’est une filière de violence qui défit les classes dirigeantes qui ne sont
pas à la hauteur de tant de tragédie. Elle interpelle avec non moins
d’impériosité la vie ordinaire des Églises et surtout appelle à cette extra-
ordinaire capacité à saisir les signes des temps qu’elles manifestent dans
les grandes occasions conciliaires. Et de lire les signes des temps, nous en
avons un besoin désespéré. En fait, l’hypothèse géopolitique avancée par
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Samuel Huntington entre 1993 et 1996, selon laquelle un clash de civili-

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sations servirait de prodrome à la Très Grande Guerre entre la Chine et
les États-Unis vers 2010 3, est devenue la clé de lecture courante de la
spirale terrorisme-guerre, sur l’horizon de laquelle il y aurait un Occident
qui fait du nom de « chrétien » son propre drapeau, et d’un terrorisme
dans lequel il est impossible de reconnaître la richesse de la foi « islami-
que », mais qui normalement est défini précisément par ce terme-là.
L’indisponibilité des Églises, et particulièrement de la papauté, à accep-
ter une telle théologisation du conflit, est l’ultime frein qui résiste encore
pour éviter que l’hypothèse de Huntington ne devienne la formule d’un
sortilège évocateur de monstres politico-religieux. Il est clair toutefois
que cette guerre — qu’elle soit une guerre de cent ans encore à ses
débuts, ou un conflit déjà résolu par la disproportion des forces au
combat — exige une lecture « spirituelle » qu’aucune institution ecclé-
siastique ordinaire n’est en mesure de produire. Elle pourrait être de-
main l’ethos d’une convocation conciliaire qui, sous une forme encore
indéfinie – qu’elle soit celle d’un concile pan chrétien, infra chrétien, ou

2. Martin E. MARTY-R. SCOTT APPLEBY (ed.), Fundamentalisms Comprehended, The


Fundamentalism Project 1995 ; une vue d’ensemble in Klaus KIENZLER, Der religiöse
Fundamentalismus. Christentum, Judentum, Islam, München 1996 et les mélanges Der
neue Fundamentalismus. Rettung oder Gefahr für Gesellschaft und Religion ?, hrsg
Klaus. KIENZER, Düsseldorf 1990.
3. Samuel HUNTINGTON, Clash of Civilizations, in “Foreign Affairs”, Summer 1993,
pp. 22-49, suivi d’un ouvrage en 1996, avec nombreuses traductions et rééditions.
Une lecture différente in Tariq ALI, Clash of Fundamentalisms. Crusades, Jihad and
Modernity, London 2002.
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simplement catholique romain —, viendra s’ajouter à une série longue et


articulée. C’est sur l’horizon de cet ethos et dans la perspective changeante
de la longue durée que doivent donc être placées les questions que
l’histoire plurielle des conciles pose à un rendez-vous qui n’a pas
d’échéance, mais qui apparaît inéluctable, si les églises veulent répondre
au cri de ce temps.

Une histoire plurielle


Avant de tenter des observations plus précises, je crois qu’il faut réflé-
chir très attentivement à la pluralité de l’histoire conciliaire. Tous les
paramètres classiques de l’expérience conciliaire (convocation, mem-
bership, présidence, agenda, vote, promulgation, application, réception)
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ont en fait radicalement changé au cours d’un temps pluriséculaire dont

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les origines — même sans remonter aux « conciles » bouddhistes —
dépassent certainement les grandes assises du IVe siècle, et dont les
retombées vont bien au-delà de l’ultime occasion conciliaire à échelle
planétaire, réalisée avec l’assise catholique romaine de Vatican II dans les
années soixante du siècle dernier.
Chaque concile traîne avec lui une fantasmagorie de mentalités, ima-
ges, expériences, récits, mythes : les éléments objectifs et communs qui
identifient telle manière et tel niveau de gouvernement ecclésiastique
existent, mais ils échappent à une description qui soit à la fois globale et
neutre. Car dès que la nécessité explicative en demande une énuméra-
tion ordonnée, voilà que les priorités narratives deviennent des juge-
ments de valeur et révèlent des images qui se projettent en avant dans le
temps, en pariant sur le fait que telle tradition n’est pas passible de
cassation, bien que chacune de ses réalisations porte en elle-même l’ex-
traordinaire.
C’est pourquoi, quand on dit que les conciles se nomment à partir des
conciliabula des martyrs, par une abstraction allant du nom du lieu à celui
d’un organe dont les contours liturgiques sont réels et flous, on va au-delà
de l’étymologie 4 : en énonçant ce donné comme prioritaire, est-ce qu’on
ne finit pas par suggérer que l’essence du concile n’est pas celle de la
conflictualité parlementaire, mais la synthèse entre communio liturgique
et élaboration de décisions communes ?

4. L.M. BERMEJO, Church, Conciliarity and Communion, Anand 1990.


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De même, quand on perçoit dans les conciles un système de délibéra-


tion autorisée semblable à celle du sanhédrin 5 et qu’on souligne qu’ils
interviennent là où il y a des questions qui agitent et divisent les Églises,
comme la date de Pâques ou la lutte contre les hérétiques, on décrit
quelque chose d’objectif. Et pourtant cette perspective ne finit-elle pas
par insinuer que le concile est le moyen extraordinaire de solution de
conflits qu’on ne peut résoudre autrement, plutôt qu’un organe stable de
la relation entre évêques ?
Et si on peut souligner que les conciles ont un souffle et une représen-
tativité qui couvre toute l’oikouméné, quand celle-ci coïncide avec l’empire
chrétien et organise l’assemblée dans un style semblable au sénat ro-
main 6, ne risque-t-on pas de mettre en valeur de façon non critique une
tradition typiquement catholique, pour laquelle il y a concile si et pour
que l’équivalent ecclésiastique du princeps senatus puisse y exercer son
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autorité ?

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Cela ne signifie pas que faire une histoire des conciles ne soit pas
possible. Pour s’en rendre compte, il suffit de voir le considérable saut
qualitatif réalisé par les études qui s’accumulent depuis l’édition du
Concilium Tridentinum promue par Sebastian Merkle jusqu’à l’histoire de
Vatican II dirigée par Giuseppe Alberigo. Mais, en cette histoire, ce sont
les différences, les écarts et les variantes qui ont le plus de poids, car là est
justement la force historique, apparemment inépuisable du « rêve conci-
liaire », c’est-à-dire sa capacité de se prêter au changement, tout en
conservant quelque chose qui appartient à la tradition, dans son sens le
plus large et le plus haut, et qui a une éloquence capable de communi-
quer même à celui qui ne vit du concile qu’un reflet, un souvenir ou une
étincelle.
Car le concile, quant à l’expérience, n’est accessible qu’à un petit
nombre d’« acteurs ». Même à Vatican II, où l’étendue de l’épiscopat
catholique, l’accueil des observateurs, la présence des consulteurs, audi-
teurs et journalistes, ont paru immenses, le concile n’a été matérielle-
ment vécu que par un peu plus de six mille personnes sur les centaines de
millions de catholiques et de chrétiens 7. Mais certainement moins de six

5. G. STEMBERGER, Stamm das synodale Element der Kirche aus der Synagoge ?, in
Synodale Strukturen der Kirche. Entwichlung und Probleme, hrsg. W. Brandmüller, Do-
nauwörth 1977, pp. 7-26.
6. A. ROTA, La definizione isidoriana di « concilium » e le sue radici romanistiche, in Atti
del congresso internazionale di diritto romano, IV, Milano 1953, pp. 213-225.
7. Cf. Massimo FAGGIOLI-Giovanni TURBANTI, Il concilio inedito. Fonti del Vaticano II,
Bologna 2002.
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mille sont les catholiques et chrétiens qui n’ont pas eu un contact, une
approche, un jugement sur le concile, qui subjectivement n’ont pas été
moins décisifs que ceux qui l’avaient vécu à la première personne. Au
contraire, alors que les quarante ans de Vatican II voient disparaître la
génération de ceux qui ont fait Vatican II en tant qu’évêques, la ligne de
partage du concile — la lettre ou l’esprit, l’événement ou la décision, la
grâce ou le malheur — reste vive dans les opinions publiques de l’ensem-
ble du monde 8.

À faire, à éviter, à craindre


Tout cela pour dire qu’on n’a pas tort de considérer la longue saison
conciliaire avec la conscience que l’attente d’un futur concile est là et
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qu’il est d’autant plus nécessaire de mesurer cette attente à l’aune d’une

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histoire longue et profonde. On perçoit le signe de cette attente au niveau
œcuménique, où la proposition d’un concile « genuinely universal »
adoptée par le Conseil œcuménique des Églises en 1968, a été reproposée
par Konrad Reiser, secrétaire général du Conseil œcuménique de Ge-
nève, à l’assemblée de Harare en 1998 et ensuite au comité central de
l’été 2002 9. Ce concile des Églises serait-il le siège adéquat pour dépasser
les impasses actuelles du mouvement œcuménique, plus habile à signer
des accords d’ordre théologique qu’à débloquer la construction d’une
unité visible 10, continuellement menacée par l’impuissance des chefs des
Églises devant le besoin d’inter communion (apparemment très facile, en
revanche, parmi les fidèles) et par la formidable capacité de blesser la
sensibilité de l’autre, ce que les chrétiens savent s’administrer mutuelle-
ment dans les moments les plus imprévus 11 ? Le débat sur cette hypo-
thèse, qui a trouvé les différentes Églises paresseuses et peu enthousiastes,
a proposé une nouvelle discussion qui avait déjà eu lieu au moment de la

8. Lucien RICHARD, Daniel T. HARRINGTON, John W. O’MALLEY, Daniel HARRING-


TON, Vatican II : The Unfinished Agenda : A Look to the Future, Cambridge Mass 1988.
9. World Council of Churches, Report, Central Committee, 26 August-3 September
2002, Doc. gén. 3.
10. Cf. Giuseppe RUGGIERI, Il vicolo cieco dell’ecumenismo. A proposito di alcune
pubblicazioni recenti, in « Cristianesimo nella storia » 9 (1988), pp. 563-615.
11. Sur les récentes relations entre Rome et Moscou, cf. Glaube in der 2.Welt. Forum
fûr Religion und Gesellschaft in Ost und West, vol. 30, 11/2002 ; une perspective
irénique in A. CAZZAGO, Giovanni Paolo II e Alessio II. Un incontro per sperare, in
“Communio” 190-191 (2003), pp. 111-150.
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naissance de l’organisme genevois, qui porte inscrite depuis toujours


dans son propre nom l’ambivalence du couple « concile/conseil ».
Le débat à un niveau œcuménique qui s’est greffé sur une querelle
interne au monde catholique romain, complète, d’une certaine manière,
cette vision. En fait ce n’est pas d’aujourd’hui qu’il y a dans le catholi-
cisme ceux qui accompagnent leur propre jugement sur les conciles (et
évidemment sur Vatican II de manière particulière) d’un jugement sur
un concile qui n’existe pas et qu’on a souvent désigné — par manque de
fantaisie ou par projection d’une géographie hyperréaliste de l’incons-
cient catholique — comme « Vatican III » 12, sur lequel il y a encore
moins de consensus que pour le précédent. Vatican III serait la seule
manière d’assurer aux choix réformateurs de Vatican II l’accomplisse-
ment qu’ils n’ont pas eu 13. Les impasses actuelles du gouvernement
pastoral catholique romain apparaissent alors pour quelques-unes
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comme des évocations du futur concile : si la papauté n’est pas en mesure

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de choisir entre le maintien du célibat et le maintien de l’eucharistie, si la
pastorale n’arrive pas à offrir un accueil à ceux qui ont souffert dans leur
propre chair du changement des mœurs familiales ou des identités
sexuelles, si les évêques font semblant de croire qu’il suffit de quelques
petits tours de passe-passe pour occulter la « dyscrasie » entre le besoin de
pardon et l’administration des sacrements, eh bien, tout cela devra être
débattu dans un concile, parce que seul un concile pourra trouver cet
élan réformateur aussi urgent que manquant dans l’épiscopat dispersé
dans le monde 14.
À l’inverse, il y a ceux qui élaborent encore de nouvelles relectures
restrictives de Vatican II ou, tellement emportés par leur logorrhée anti-

12. Le thème, soulevé par la revue Concilium dans les années soixante-dix, est
aujourd’hui utilisé de manière presque littéraire : Rebecca NAPPI, Journey to Vatican
III propose des thématiques de réforme radicale dans l’Église catholique, et sur
Amazon la section Vatican III, gérée par un étudiant, concerne les thèmes qui
réformeront l’Église. Avec une autre rigueur, le groupe de travail C21 sur l’Église
dans le nouveau siècle de Boston College, Church 21st Century, est intervenu sur le
besoin d’un concile — national ou général — qui traite des graves problèmes
survenus dans la gestion des diocèses des États-Unis des procédures contre les
prêtres accusés d’abus sexuels.
13. Dans cette perspective une pétition a été présentée par quelques évêques et
cardinaux au Pape au lendemain du Jubilé. Elle se trouve aujourd’hui in www.pro-
concil.org. Une reprise des thèses exprimées aussi ailleurs se trouve in Hans KÜNG,
Waiting for Vatican III, in « The Tablet », December 1995.
14. Une synthèse des thèmes est aussi donnée par Ian KER, Why the New Century
will not bring Vatican III, in « The Catholic Herald », May, 2001.
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conciliaire enflammée, se servent du passé récent et même un peu du


futur, pour dire que non seulement de nouvelles assises ne sont pas
nécessaires, mais que même celle qui a déjà été célébrée ne l’était pas.
Avec l’empressement dont on énonce un truisme, ils en énumèrent les
fautes, depuis la condamnation manquée du communisme jusqu’à l’in-
troduction d’éléments antiautoritaires dans la discipline de l’Église.
Enfin il y a, entre les uns et les autres, ceux pour qui un concile
entièrement confié à un épiscopat créé par le long pontificat de Jean-
Paul II, ne pourrait rien faire d’autre que d’enterrer tout ce qui avait été
fait de bien par Vatican II, où le choix des évêques, opéré par Pie XI et
Pie XII, avait heureusement « conspiré » avec le charisme de Jean XXIII
pour l’aggiornamento d’une Église affaiblie par son triomphalisme.
Autrement dit, ils considèrent la série des conciles des Églises confession-
nelles terminée avec Vatican II, et pensent qu’un nouveau synode vrai-
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ment œcuménique ne sera possible que lorsque les Églises auront cons-
truit l’unité visible.
Toutefois, pour ces trois secteurs du catholicisme, la référence au
concile est évidente, dirimante, éclairante. Et, en un certain sens, tous ces
groupes d’opinion seront exaucés.
Pour un certain temps, seront exaucés ceux qui ne veulent pas enten-
dre parler de concile. Le concile en fait n’arrive jamais « maintenant »,
car depuis toujours l’occasion conciliaire a sa propre maturation, une
attente, une raison qui le préparent. Certes, dans l’état actuel des normes,
la simple voluntas papale suffit pour convoquer les assises des évêques, et
rien n’aurait empêché Jean-Paul II, par exemple, de clore un pontificat,
dont les faits à sensation ont été plus riches que les progrès doctrinaux 15,
sur un coup de théâtre absolu comme la convocation d’un concile. Toute-
fois, même si cette éventualité peut entrer dans l’agenda de Benoît XVI,
entre ce moment et l’effective célébration d’un concile, le déroulement
des discussions et le poids des opinions auront sur l’agenda conciliaire un
caractère incisif bien plus grand que le poids institutionnel que lui
réserve l’ordonnance juridique. Quand, en 1909, l’article « Concile » du
Dictionnaire de théologie catholique supposait qu’il n’y aurait jamais plus de
synodes généraux de l’épiscopat catholique, rendus désormais obsolètes
par les définitions de 1870 sur l’infaillibilité et la primauté du pontife

15. J’en ai rendu compte in I gesti ecumenici nel cattolicesimo contemporaneo, in


« Concilium » (2001)/3, pp. 171-189.
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romain 16, il exprimait un sentiment analogue. Du point de vue de


l’essence historique et canonique, il s’agissait là d’une bêtise pure et
simple, à laquelle répondrait avec autorité le Codex Iuris Canonici rédigé
par le cardinal Gasparri 17, en gardant les formes et les formules du
concile, bien qu’encadrées par une ecclésiologie que Yves Congar n’hé-
sitera pas, quelques années plus tard, à qualifier de papolatrique 18. Et
pourtant l’article du Dictionnaire était l’annonce de quelque chose de
réel, car le concile — demandé en privé par monseigneur Bonomelli au
début du siècle, dessiné en vue du conclave de 1939 par le cardinal
Costantini, pesé par Pie XII lui-même au début des années quarante 19 —
aurait lieu seulement un demi-siècle plus tard, c’est-à-dire après que la
répression antimoderniste, l’indulgence envers les totalitarismes, les
guerres mondiales et la Shoah auraient mis à nu la crise de l’Église dans la
catastrophe de la société. De façon analogue donc, ceux qui, aujourd’hui,
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s’opposent à un concile, satisfaits des éphémères plaisirs médiatiques que

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la papauté réussit à fournir aux observateurs ecclésiastiques les plus
superficiels, s’acquittent d’une fonction : celle de dire que le concile est
toujours quelque chose qui s’impose de l’extérieur, avec un certain degré
de consensus, mais aussi avec un degré souvent plus haut de responsabi-
lité. Et l’auctoritas a besoin de temps pour se construire.
Par ailleurs, seront également exaucés ceux qui pensent que les problè-
mes auxquels l’Église est confrontée ne peuvent pas être résolus par
l’usage des pouvoirs du pape ou une simple référence rétrospective à
Vatican II. Et il y en a qui vont dans cette direction, telle que l’une des plus
importantes congrégations de la curie romaine, celle de la doctrine de la

16. Cf. Storia del concilio Vaticano II, sous la direction de Giuseppe ALBERIGO, I,
Bologna, 1995, p. 33.
17. Le Codex Pie-Bénédictin (can.222-229) place le concile non seulement après
le pontife romain, mais dans une position de totale dépendance. L’intention du
cardinal GASPARRI, rédacteur du code, ressort clairement d’une lecture attentive des
Fontes, sur lesquelles je ne connais pas d’études historiques spécifiques, et qui est de
consolider, au nom de la tradition, la récente praxis conciliaire catholique romaine
et les normes des lettres apostoliques de Pie IX données en vue de Vatican I. Au
contraire, seul le can. 228 conservait des traces juxtaposées d’une autre tradition,
pour qui « concilium oecumenicum suprema pollet in universa ecclesia potestate »,
mais en excluant toute possibilité d’appel au concile contre la sentence du pontife
romain.
18. Cardinal Yves CONGAR, Écrits réformateurs, éd. J.-P. JOSSUA, Paris, 1995.
19. Cf. Alberto MELLONI, Prodromi e preparazione des discorso d’annuncio del Vatica-
no II (« Questa festiva ricorrenza », 25 gennaio 1959) in « Rivista di Storia e Letteratura
religiosa » 28 (1992), pp. 607-643.
QUI ET QUOI 179

foi. Au-delà des portraits psycho-théologiques gratuits du cardinal Ratzin-


ger 20, des distinctions à sensation entre le proto-Ratzinger, expert com-
batif du cardinal Frings au concile, et le deutero-Ratzinger, présumé
réprimant la théologie catholique 21 (et peut-être le portrait de Benoît
XVI, qui est passé du rôle de conseiller à celui de « conseillé »), au-delà de
la gêne que suscite l’autodispense à la rigueur et à l’équité que l’ancien
Saint Office s’accorde dans son agir 22, au-delà de la saveur arbitraire ou
casuelle que semble avoir la lecture « vaticane » des points critiques pour
la foi, souvent déterminés par des mécanismes de dénonciation non
filtrés de façon adéquate dans le temps, ou par une grande hâte de
répondre à celles qui ne sont souvent que de misérables provocations
médiatiques, au-delà, bien sûr, de la bonne foi des personnes et de la
valeur humaine et culturelle de ceux qui composent le bureau, au-delà de
tout cela, il existe une « politique doctrinale » de la congrégation pour la
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doctrine de la foi qui cherche à transformer Vatican II en un nouveau

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concile de Trente, à démonter et à remonter en catéchismes, manuels,
argumenta pour des sentences définitives fonctionnelles à une image
d’Église 23. Est bien connue la distinction entre le concile de Trente et ce
que l’historiographie appelle le tridentinisme de la contre-réforme 24. Eh
bien, aujourd’hui, il y a de la part d’un secteur du catholicisme la tentative
de bâtir, à travers une herméneutique téméraire du wording de Vatican II,
une image déformée de ses équilibres doctrinaux et spirituels, un « vati-
canisme » qui, très respectueusement, fait formellement siennes les pres-
criptions conciliaires en proposant un magistère « définitif » 25 qui ren-
drait au fond insignifiant tout ce qui s’est passé à Vatican II 26. La lecture
qui objectivement minimise Vatican II, suggérée par beaucoup d’actes du
magistère de la congrégation (qui inévitablement suscite l’émulation
dans les autres), crée de fait une impasse. Entre les problèmes auxquels

20. John ALLEN, Cardinal Ratzinger, The Vatican’s enforcer of the faith, New York 2000.
21. Hermann HÄRING, Theologie und Ideologie bei Joseph Ratzinger. Die fundierte
Analyse und überfällige Kritik einer zu Stein gewordenen Theologie, Düsseldorf 2001.
22. Cf. Alberto MELLONI, Recenti notificazioni su opere di Reinhard Messner, Jacques
Dupuis e Marciano Vidal, in « Concilium » 38 (2002)/5, pp. 145-171 [845-871].
23. Cf. Giuseppe RUGGIERI, La politica dottrinale della curia romana nel postconcilio, in
« Cristianesimo nella storia » 21 (2000), pp. 103-131.
24. Giuseppe ALBERIGO, Du Concile de Trente au tridentinisme, in « Irénikon » 54
(1981), pp. 192-210.
25. Cf. Alberto MELLONI, Definitivus, definitive, in « Cristianesimo nella storia » 21
(2000), pp. 171-205.
26. Cf. L’evento e le decisioni. Studi sulle dinamiche del concilio Vaticano II, sous la
direction de Alberto MELLONI et Maria Teresa FATTORI, Bologna 1997.
180 A. MELLONI

l’Église est confrontée depuis au moins trente ans (la faiblesse de ses
institutions, la difficulté à se mesurer avec les altérités non réductibles, la
coupure entre discipline et pardon, la domination des pulsions fonda-
mentalistes), et les solutions que Vatican II avait suggérées, (la collégia-
lité, l’acceptation de l’autre comme sacrement, la simplicité biblique, la
fonction façonnante de l’eucharistie, la pauvreté comme critère), il existe
un hiatus dû au fait qu’on empêche ces intuitions conciliaires d’expliciter
leur potentialité.
Il me semble que la synergie imprévue entre cette politique doctrinale
et l’espoir d’une réforme — soulignée par la fameuse conférence de Mgr
John R. Quinn, ancien président de la conférence épiscopale américaine,
si honnête et linéaire qu’elle s’est révélée explosive 27 — est ce qui fait
grandir l’attente d’un concile qui puisse reprendre cette réflexion et
refaire l’expérience propre à chaque concile, c’est-à-dire mettre en œuvre
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la valeur ajoutée, réelle et prévisible, que la congregatio apporte sur le plan

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de la vision aussi bien des problèmes que des solutions : ce plus qui,
mutatis mutandis, différencie les élections des sondages, et assigne les uns
à la politique et les autres à la sociologie.
Un concile — réuni pour la troisième fois au Vatican ou dans un autre
coin de la planète — tôt ou tard aura lieu, selon un countdown commencé
par le cardinal Martini quand il prit la parole au synode des évêques de
1999, et redoublé, de façon significative, par l’invitation formulée par le
secrétaire de la CEE sur une échelle encore plus vaste. En 1990, des
raisons de discrétion institutionnelle avaient poussé l’archevêque de
Milan d’alors à ne pas prononcer en public un « appel » à la convocation
d’un concile qui, dans la codification en vigueur, reste un pouvoir réservé
au pontife romain 28. Mais il était évident que ce que demandait le très
influent cardinal dans une circonlocution prudente, mais non équivo-
que, était un concile 29. Avec cette prise de position, Martini marquait une
nouvelle phase — celle justement de l’attente — qui pourrait même
durer plusieurs décennies, mais ne pourra qu’arriver à son accomplisse-
ment, en portant devant la future assemblée tous les problèmes qui,
depuis 1999 me semble-t-il, n’ont surtout fait qu’augmenter.

27. J.R. QUINN, The Reform of the papacy. The costly call to Christian unity, New York
1998 qui reprend la conférence du 29 juin 1996 a Campion Hall, Oxford. Le texte
original in http://www.usao.edu/~facshaferi/QUINN.HTML.
28. K. HARTELT, Das Ökumenische Konzil, in Handbuch des katholischen Kirchenrechts,
hrsg. J. LISTL, H. MÜLLER, H. SCHMITZ, Regensburg 1983, pp. 266-277.
29. Cf. Alberto MELLONI, Sognare la realtà. La speranza del cardinal Martini per un
nuovo concilio, in « Il Mulino » (1999)/6, pp. 1133-1144.
QUI ET QUOI 181

À l’inverse, ceux qui craignent la faiblesse de l’épiscopat sélectionné


sous Jean-Paul II, pourraient ne pas être exaucés ; pour eux, une telle
faiblesse ne concerne évidemment ni la foi, ni la discipline, mais le
problème touche justement l’imprinting reçu par les évêques qui se sont
habitués à être entièrement mis dans l’ombre par la valeur spirituelle et
publique du pontife, et qui par conséquent (par vertu ?) s’autoréduisent
à des fonctions administratives, à courir fébrilement après les rendez-vous
et les gestes du pape, délèguent aux grandes machines internationales
(les JMJ) des secteurs pastoraux importants, et subissent la pression de
groupes et mouvements, ou bien, en sont la conséquence institutionnelle.
Vraies ou fausses, ces caractéristiques ne sont pas destinées à s’affaiblir
dans le temps, et quel que soit le rôle du nouveau pape et l’espace qui
sépare le présent d’une convocation conciliaire, c’est eux — ou les
évêques choisis dans leurs presbytérium ou encore plus en aval — qui en
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détermineront le climat, la tension spirituelle, l’épaisseur œcuménique...

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Cela aussi, d’ailleurs, est bien assuré sur le plan historique, où jamais un
concile n’a pu compter sur un épiscopat « différent » de celui qui l’a vu
grandir ou a provoqué les raisons de sa convocation.

Le countdown d’un concile


Pour le futur concile, donc, la question n’est pas de fait, mais de temps,
un temps peut-être très long, pendant lequel on formera les agendas, les
mentalités, les compétences, les expériences. Dans ce compte à rebours –
indéterminable et donc de faible intérêt — de graves problèmes substan-
tiels ont commencé à émerger.
Rien qu’en observant le champ catholique, certains de ces problèmes
ont éclaté dans toute leur urgence dramatique, comme la crise de l’auto-
rité épiscopale dont témoigne la gestion des crimes contre les mineurs
commis par des clercs aux États-Unis 30. Loin d’être une pathologie de
célibataires (des gens mariés insoupçonnables sont tristement au premier
rang dans l’abus de mineurs), la crise a démontré les effets pervers d’une
politique d’usure de l’autorité de la conférence épiscopale qui avait
examiné la question et proposé des moyens qui se sont révélés efficaces
pour les diocèses qui les ont appliqués. Elle a aussi mis au jour un manque
d’autorité et de contrôle de la part de Rome que Ladislao Orsy a décrit et
dénoncé avec une finesse inégalée. D’autres problèmes restent encore

30. Cf. les observations et la documentation qui est à la base de Peter STEINFELS,
A People adrift. The crisis of the Roman Catholic Church in America, New York 2002.
182 A. MELLONI

dans l’ombre, comme ceux qui concernent les institutions. Il est clair, par
exemple, qu’il n’existe pas de lieux de collaboration permanents et
efficaces de communion entre les évêques et le pape. Même si certains en
nient la nécessité au nom d’une efficience ou de l’unité, et malgré
quelques tentatives d’approfondissement théologique 31, il est évident
que dans une perspective historique, c’est sur cela que se joue le futur
œcuménique du catholicisme romain dans la grande famille chrétienne.
D’autres problèmes typiques d’une saison d’attente sont toujours en
quête d’un aménagement théologique partagé, comme la question d’une
christologie adéquate à l’autocompréhension de l’homme contemporain
(pour ne rien dire de la question des femmes dans l’église qui occupe la
scène médiatique). Mais à côté des nœuds substantiels qui grandissent
dans cette zone étroite du présent historique dans laquelle se livrent les
événements, et dans cette fine couche de personnes conscientes de leurs
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implications, il y a les problèmes structuraux d’un futur concile. Réduits

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à l’essentiel, ils sont décrits par quatre « éléments » dont la combinaison,
sur le plan historiographique, peut expliquer les parentés et les distances
entre les différentes formes de concile : i) l’autorité qui convoque et
dirige le concile, ii) les membres et leur articulation interne, iii) l’ordo
celebrandi, iv) l’agenda et la méthode des décisions.
Aucun des ces quatre traits n’est resté inchangé. i) L’architrave papale
elle-même avec laquelle Robert Bellarmino a cherché à construire une
« œcuménicité » au concile de Trente et à l’inscrire dans une tradition
ininterrompue, mettant l’assise antiprotestante à l’abri des contestations,
non seulement n’a pas résisté à l’analyse historico-critique 32, mais a été
historiquement interprétée de différentes manières aussi bien au XIXe
qu’au XXe siècle. Car le pouvoir papal de décider la convocation —
aujourd’hui protégé par les canons des Codices du droit canonique pour
l’Église latine — a été décliné de façon diamétralement opposée par
Pie IX et par Jean XXIII, tous les deux « libres » de disposer du concile,
mais tous les deux pressés par l’urgence historique dans la convocation de
l’épiscopat, et tous les deux menacés dans la poursuite des travaux

31. Natura e futuro delle conference episcopali (Atti del colloquio di Salamanca, 3-8
gennaio 1988), sous la direction de Hervé LEGRAND-Julio MANZANARES et
Autoub GARCIA Y GARCIA, Bologna 1988 ; Synod and Synodality, Alberto MELLONI,
and Silvia SCATENA (eds.), Münster 2005.
32. J.G. GAZTAMBIDE, El numero de los concilios ecuménicos, in Ecclesia Militans.
Studien zur Konzilien und Reformationsgeschichte R. Baümer zum 70. Geburstag gewidmet,
Paderborn 1988, pp. 1-21 et V. PERI, L’ecumenicità di un concilio come processo storico
nella vita della Chiesa, in “Annuarium Historiae Conciliorum” 20 (1988) pp. 216-244.
QUI ET QUOI 183

conciliaires par des circonstances militaires externes. Pie IX a vu l’agenda


qu’il avait approuvé, brisé par la guerre franco-prussienne, puis enterré
par la fin du pouvoir temporel. Et moins de cent ans après, la crise des
missiles à Cuba a laissé supposer qu’un destin semblable pouvait arrêter et
emporter le concile de Jean XXIII. ii) Quant à la membership conciliaire, il
a été évident à Vatican II qu’au-delà du refrain selon lequel le concile est
« des évêques » 33, la présence d’observateurs des Églises avec lesquelles
Rome n’était pas en communion, l’assistance de laïcs et de laïques, la
foule des experts et la présence des journalistes, n’ont pas été purement
décoratives par rapport au noyau épiscopal. D’ailleurs, la présence de
représentants des princes chrétiens dans d’autres situations avait déjà eu
un rôle pas banal entre le Moyen Âge et l’Âge Moderne. iii) Ce rôle —
comment ne pas penser à l’empereur et à ses légats dans les premières
assises œcuméniques et encore à Constance ? — a eu la connotation
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d’une vraie et totale présidence, par rapport à laquelle la reconstruction

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a posteriori du consensus de l’évêque de Rome était un acte dû et de
modeste intérêt. iv) Enfin, la manière de célébrer le concile et de décider
a connu des variations substantielles. Un concile dont le but est de
prononcer avec une solennité adéquate et une information universelle
les décrétales du pape (comme ce fut souvent le cas entre le XIIe et le
XIIIe siècle), n’est pas la même chose qu’un concile où l’on vote par
nations 34. Mais la pression même exercée par Paul VI sur Vatican II pour
qu’il ne se limite pas à décider à la majorité — ce que Jean XXIII avait
considéré parfaitement adéquat —, mais qu’il atteigne l’unanimité mo-
rale, a pesé sur le mode de formation des textes et ouvert la voie non
seulement à des formes de négociation directe entre majorité et minorité,
mais aussi à des formes de négociations triangulaires minorité-
pape/pape-majorité, qui ont marqué les décisions et leur réception.
Ces quatre aspects sont essentiels pour comprendre comment se confi-
gurera un concile qui n’est plus — je tiens à le répéter — une utopie
abstraite, mais un thème à examiner entre les Églises et dans les Églises.
Ces axes sont à l’ordre du jour dans le mouvement œcuménique, d’une
part, qui, s’il veut vraiment proposer un « genuinely universal concile »
panchrétien, devra élaborer ces thématiques structurelles de manière

33. P.-R. CREN, Concilium episcoporum est. Note sur l’histoire d’une citation des Actes du
concile de Chalcédoine, in « Revue des sciences philosophiques et théologiques » 46
(1962) pp. 45-62.
34. H. MÜLLER, Die Franzosen, Frankreich und das Baslerkonzil (1431-1449), 2 vol.
Paderborn 1990.
184 A. MELLONI

adéquate. Puisque l’autorité de convoquer un concile des Églises vien-


drait seulement de leur propre consensus, la participation serait détermi-
née par des critères de représentativité géographiques et confessionnel-
les, tous à créer. L’ordre des travaux devrait tenir compte d’un pluralisme
beaucoup plus vaste que celui expérimenté par les conciles généraux et
l’agenda sur lequel voter devrait se bâtir par accumulation, selon des
modalités qui prendront davantage inspiration de la catégorie médiévale
des nationes comme cultures, plutôt que de celle des partis des assemblées
parlementaires modernes.
Ils sont aussi sur le tapis dans le catholicisme romain, d’autre part,
parce qu’à partir du moment où un nouveau concile sort des limbes des
hypothèses et rejoint la masse critique nécessaire pour être énoncé
devant l’organe représentatif de l’épiscopat, les quatre descripteurs pren-
nent rapidement un caractère concret, non pour décider quelle « com-
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binaison » parmi celles du passé il est convenable de répéter (au besoin il

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faudra rappeler comme avertissement la tentative échouée de transférer
à Vatican II le règlement de Vatican I 35), ni pour deviner lequel des
événements passés peut aider à répondre aux nombreuses questions qui
peuvent venir à l’esprit. S’agira-t-il d’un concile œcuménique au sens
propre avec la participation des églises sœurs ? d’un concile d’évêques
catholiques, silencieux et déçus comme ceux qui fréquentent Rome à
l’occasion des Synodos episcoporum ? un concile de réforme de style grégo-
rien, où une papauté lucide et forte impose des remèdes amers pour l’un
ou l’autre secteur de l’église ? un concile régi par la curie pour résoudre
les conflits internes aux organes de l’administration centrale romaine ?
un concile de majorités simples après un concile d’unanimisme ? ou
encore un concile de conciles continentaux, avec des degrés de partici-
pation œcuménique variables et une capacité de décisions différenciées
qui prend au sérieux la pluralité du catholicisme ?.
Réfléchir sur les éléments qui déterminent la « combinaison » d’un
concile — sur lequel l’ethos dont je parlais au début aura l’effet de
catalyseur — signifie s’efforcer de comprendre quels processus histori-
ques, aujourd’hui déjà en cours, sont déjà en train de configurer le concile
du futur.
i) Autorité et concile — La manière dont un futur concile affrontera le
problème de son autorité et de la représentation des autorités en son sein

35. Cf. Giuseppe ALBERIGO, Dinamiche e procedure nel Vaticano II. Verso la revisione del
Regolamento del Concilio (1962-1963), in « Cristianesimo nella storia » 13 (1992),
pp. 115-164.
QUI ET QUOI 185

(vexata quaestio 36), a déjà été, me semble-t-il, significativement déterminée


au cours du dernier quart du siècle. Autour du pontificat de Jean-Paul II et
de sa fin, deux schématisations journalistiques se sont en fait consolidées,
qui occultent, me semble-t-il, le nœud fondamental de la longue saison
dont il est le chiffre. En exalter la valeur historique et politique avec des
tons surhumanisants, ou bien en peindre un sombre portrait de restaura-
teur, signifie oublier qu’aucune de ces deux « qualités » — en admettant
qu’elles soient capables de décrire une personnalité complexe comme fut
celle du pape Wojtyła 37 — touche le nœud de l’autorité et de son exercice
dans l’Église de la seconde moitié du XXe siècle.
De fait, la fin du pouvoir temporel a permis à l’autorité papale d’avan-
cer avec anticipation sur cette voie d’immatérialisation des fonctions du
gouvernement, que d’autres centres de pouvoir (que l’on pense à la
présidence de Ronald Reagan qui a imposé pour cause un acteur comme
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protagoniste d’un grand tournant dans l’administration US) n’ont connu

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que de nombreuses décennies après. Tout en ayant l’occasion d’exercer
un pouvoir « immatériel » et de pure communication, la papauté n’a pas
trouvé facilement son propre standing. Quelque paradoxal qu’il soit, le
point douloureux de cette transition n’a pas été celui du rapport entre
papauté et peuple chrétien, marqué — au-delà des moments et des sujets
de tension — par une attention constante et solide, autrefois plus critique
et aujourd’hui extrêmement affectueuse jusqu’à la requête de béatifica-
tion immédiate ; le point de crise a été dans le rapport entre le pape et la
curie. Née et vécue comme organe du pouvoir pontifical au temps de la
souveraineté temporelle au milieu d’une chrétienté européenne et sur
une Église culturellement faible, la curie est le tourment des papes du
XXe siècle. Avant d’être le complexe de quelque théologien ou la prota-
goniste de politiques doctrinales répressives, la curie romaine a été
l’antagoniste du pape, non en raison de quelques défauts de ses membres
(assez souvent exemples de loyauté et de liberté irréprochables), mais en
raison d’un problème structurel. Réformée par Pie X, Paul VI et Jean-
Paul II avec des actes formels, la curie a été modifiée par Pie XI, qui en a
fait la couveuse de tensions déchirantes, par le choix de Pie XII de la
décapiter en se réservant la fonction de secrétaire d’État, et enfin par
Jean XXIII qui, avec les organes de préparation de Vatican II, en a

36. P. L’HUILLIER, Le concile œcuménique comme autorité suprême de l’Église, in « Ana-


lekta » 24 (1975)/1, pp. 78-102.
37. Cf. Alberto MELLONI, Chiesa madre, Chiesa matrigna. Un discorso storico sul
cristianesimo che cambia, Torino, 2004.
186 A. MELLONI

redessiné l’organigramme et, avec la célébration du concile, réorganisé


les pouvoirs. Paul VI, qui somatisait presque les tensions qui mûrissaient
en elle et les conflits qu’elle allumait, et Jean-Paul II, qui l’a simplement
laissée « à la maison » à partir du moment où il a fait de ses voyages le vrai
instrument de gouvernement, et de ses gestes le magistère, ont beaucoup
contribué à l’état actuel, dans lequel — par ce qu’on peut en voir de
l’extérieur — la machine de la curie est plus divisée que l’Église qu’elle
gouverne 38. Au-delà de la finesse des individus, elle a fini par devenir, au
cours du XXe siècle, la fabrique de produits que chacun loue et personne
n’achète. Exploitée par ceux qui l’utilisent pour faire carrière, et mépri-
sée par qui tombe sur la médiocrité humaine de certains des ses fonction-
naires, la curie n’a pas été guérie par l’internationalisation que Pacelli et
Montini considéraient comme le remède dont elle avait besoin 39. On a la
sensation même — les variations du quota des Européens et Italiens dans
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ses rangs le démontrent — que la multiplication des passeports d’origines

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n’a pas élargi la vision du monde, mais au contraire a importé un
provincialisme dont étaient moins affectées (hélas !) les filières de roma-
gnols et placentins, siciliens et piémontais qui remplissaient ses rangs il y
a quelques décennies. Les évêques ne s’y opposent pas avec la combativité
intellectuelle et spirituelle avec laquelle Grossateste, il y a huit siècles,
réagissait à son avidité économique, mais simplement considèrent la
curie comme l’apothéose d’une bureaucratie du néant, dont il faut se
défendre avec une déférence plus commode que l’antagonisme, et plus
imperméable que toute objection.
Dans ce processus — comparable à la crise des bureaucrates dirigeants
de tout l’Occident que plusieurs considèrent comme irréversible — la
perspective de futures assises conciliaires devient ainsi un appel silen-
cieux, impérieux à un exercice plus « autorevole » de l’autorité. Seules
des structures de consultation et de décisions qui donnent la voix aux
évêques, qui les « obligent » à assumer la responsabilité envers l’Église
universelle qui, selon la doctrine, leur est conférée par la consécration
épiscopale 40, pourra éviter que la voix du concile se trouve demain privée
d’une autorité avec laquelle on est en dialectique.

38. Cf. Andrea RICCARDI, Il potere del papa da Pio XII a Giovanni Paolo, Roma-Bari
1993.
39. Pour situer cette question cf. La curia romana : aspetti ecclesiologici, pastorali,
istituzionali. Per una lettura della « Pastor Bonus ». Testo e commenti, Città del Vaticano
1989.
40. Cf. Luciane MORTARI, Consacrazione episcopale e collegialità.La testimonianza della
Chiesa antica, Firenze 1969 et Giuseppe ALBERIGO, Lo sviluppo della dottrina sui poteri
QUI ET QUOI 187

ii) Représentation et concile — Sur le plan de la représentativité, le


concile du futur (quels qu’en soient le type et la date) devra tenir compte
de ce qu’est la représentation des formes et des visages du christianisme
qui s’est historiquement donnée dans le passé récent et qui se construira
au cours du proche avenir.
La question des membres du concile a marqué une longue phase de
l’histoire conciliaire. Et comme on sait, la limitation aux évêques du droit
de participation au concile est survenue il y a plus de 16 siècles pour
empêcher la pression du clergé égyptien trop nombreux. Sur ce fait, un
double processus s’est développé : d’une part, la théologie a élaboré
doctrinalement les raisons de cette limitation, en argumentant sur le
charisme dont le membre d’un concile qui fait fonction de tribunal et de
magistère doit être doté ; d’autre part, la tradition d’après laquelle pour
la présence des consacrants l’évêque reçoit une juridiction sur l’Église
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universelle, a facilement reconnu dans le concile le lien par lequel cette

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fonction des individus et du collège épiscopal comme tel se manifeste à
son plus haut degré. C’est d’après ce double principe que dans la tradi-
tion latine on a toujours pensé que les évêques titulaires ont plein droit
pour participer au concile 41.
Toutefois même la tradition latine n’a jamais pensé que le droit priori-
taire des évêques était menacé par la présence des délégués de l’empe-
reur, des abbés ou des supérieurs des ordres religieux, admis avec droit de
vote ou d’assistance ou de parole. D’après cela, à Vatican II on décida
d’admettre des observateurs non catholiques, sur la présence desquels on
a déjà attiré l’attention 42. Aussi bien sur le plan historique que théologi-
que, cette présence de chrétiens d’autres confessions, quantitativement
minuscule, a signifié beaucoup, car elle a matérialisé l’altérité confession-
nelle comme une des dimensions que le concile ne pouvait ignorer 43.
Car il est évident que la membership conciliaire n’est pas le simple
résultat d’une équation doctrinale. Elle englobe des conceptions aussi

nella Chiesa universale. Momenti essenziali tra il XVI e il XIX secolo, Roma-Freiburg
i.B.-Wien 1964.
41. R. WEIGANG, Teilhemer des ökumenischen Konzilien in der Geschichte und in CIC, in
La synodalité. La participation au gouvernement dans l’Église, (« L’Année Canonique »,
h.s.), 2 vol., Paris 1990, pp. 125-142.
42. Giuseppe ALBERIGO, Ekklesiologie im Werden. Bemerkungen zum Pastoralkonzil und
zu den Beobachtern des II. Vatikanums, in “Ökumenische Rundschau” 40 (1991),
pp. 109-128.
43. Mauro VELATI, Una difficile transizione. Il Cattolicesimo fra unionismo e ecumenismo
(1959-1964), Bologna 1996.
188 A. MELLONI

bien de l’Église que de la société, et restitue à l’une comme à l’autre des


images dans lesquelles se reconnaître 44. Même sur ce plan, ce qui a été
fait dans les dernières décennies construit le système de « précédents »
avec lesquels un futur concile devra se mesurer. Une pratique de l’hospi-
talité œcuménique entre les Églises dans leurs moments les plus solennels
est devenue habituelle, au-delà de laquelle s’étend une pratique de l’inter
communion, massivement répandue bien que niée sur le plan du prin-
cipe. Moins expérimentée, mais déjà engagée, se pratique aussi l’expé-
rience d’une hospitalité inter-religieuse qui n’a pas comme but l’imposi-
tion d’un langage politically correct là où l’identitarisme pourrait prévaloir,
mais l’expérimentation de la rencontre. Il est impossible de dire com-
ment ces deux réalités pourront se rendre visibles sur le plan de la
membership de futures assises conciliaires, mais sans aucun doute il ne sera
pas possible de mettre de côté ces expériences au nom d’un précédent
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qui n’existe pas.

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Sur un tout autre plan, l’accueil fait aux mouvements et à leurs leaders
constitue un défi pour la composition d’un futur concile. Jean-Paul II, qui
a valorisé la vitalité des mouvements même si le nombre de leurs adhérents
ne fait aucun pourcentage avec la masse des fidèles catholiques dans le
monde, leur a donné visibilité à diverses occasions, avant et après la
significative cérémonie de Pentecôte 1998 que le pape célébra avec eux et
pour eux. Cette mise en évidence de leur visibilité pourra avoir des
répercussions sur la formation d’une future assemblée conciliaire. Et si
cela a lieu, ce sera la première occasion pour les mouvements de prouver
leur capacité à comprendre le bien de l’Église dans sa totalité, et pas
seulement l’intérêt ou la défense de leur propre charisme : un banc d’essai
non seulement pour les dirigeants, mais aussi pour ces clercs qui depuis les
rangs de ces organisations ont été élevés à la dignité épiscopale 45.
Enfin, la question du genre représente un défi inédit pour une assem-
blée conciliaire. Malgré des montagnes de littérature édifiante, de recher-
ches et d’observations empiriques disant que même le catholicisme est
une foi transmise par les mères, la structure conciliaire n’a pas su faire
place aux femmes — même si le cas de la présidence de la basilissa Irène
à Nicée II est un des cas, peu nombreux, de direction féminine d’un

44. Julio MANZANARES, Concilio ecuménic. Poderes, funciones, relacion con el primado,
in La synodalité cit., pp. 143-165.
45. Cf. Movimenti nella chiesa, sous la direction de Alberto MELLONI et
Miklos TOMKA, « Concilium » (2003)/3, et le fascicule monographique de « Cristia-
nesimo nella storia » 25 (2004)/2, sous la direction de Giuseppe ALBERIGO et
Massimo FAGGIOLI.
QUI ET QUOI 189

organe du gouvernement ecclésiastique. Le thème n’intéresse pas seule-


ment la théologie féministe militante, mais le rapport entre l’Église et une
modernité qui a progressivement cru indispensable de renverser les
habitudes discriminatoires et de reconnaître donc à des assises conciliai-
res une autorité proportionnée à la capacité créative d’affronter ces
questions. Il ne s’agit pas d’un problème de quota de femmes (plus ou
moins proportionné au public des fidèles), mais plus profondément
d’une question de « typologie » de concile. Car l’assemblée conciliaire
agit en tant que lieu d’échange et non simplement comme projection de
secteurs de l’apparence ecclésiale. Le problème de la présence de fem-
mes dans un concile futur aura donc des effets (comme ce fut le cas pour
les non catholiques à Vatican II) sur toutes les thématiques et sur le
langage même de la communication.
iii) modus celebrandi — Cette question concerne déjà le nœud des
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modalités de la célébration. La longue histoire des conciles a connu

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différentes modalités de travail : alternance entre disputes des théologiens
et débats des pères (Trente), organisation des nationes culturelles et poli-
tiques (Constance), répartition par hémisphères spirituels (Florence),
par fonctions de jugements (Lyon I). On a travaillé en sessions entrecou-
pées par des pauses, on s’est battu pour les allonger ou les réduire, on a
discuté dans l’attente d’un nombre de présences justifiant le commence-
ment de la phase des débats. Un pluralisme de modalités qui s’est affaibli
après Trente et qui, avec Vatican I, s’est réduit à une structure de concile
de type parlementaire avec des commissions consacrées à fournir à l’aula
des textes achevés et à en recevoir des amendements disparates. Ce
schéma très pauvre a été enrichi à Vatican II par peu de nouveauté sur le
plan du fonctionnement institutionnel — par exemple, l’emploi des votes
« d’orientation » qui sondaient l’assemblée sur un problème et non sur
une formule — et par quelques intégrations empiriques au système
organisatif — par exemple, les conférences d’évêques qui l’après-midi
approfondissaient hors de l’aula les thématiques en discussion.
Même sur ce plan, l’histoire récente est en train de construire de
nouvelles modalités de célébration du concile qui découlent aussi bien
des changements culturels que de l’intégration œcuménique et de la
praxis catholique. La culture politique, en effet, reconnaît aux parle-
ments un rôle affaibli, et c’est de moins en moins dans les salles des
congrès que se déroulent les débats. On ne peut pas prévoir quelle
influence cela aura sur le fonctionnement d’un futur concile, mais il est
clair que déjà à Vatican II les médias ont eu un rôle qui ne pourra que
croître quand l’Église catholique se mettra en état de discussion. L’expé-
190 A. MELLONI

rience du synode de la communion anglicane, et du synode de l’Église


russe aussi, montre que le moment des décisions — réalisé avec des
formes et des modalités non comparables entre elles — a eu une longue
préparation publique, soit en impliquant, comme dans le cas de Lam-
beth, des Églises nationales très structurées, soit en concernant, comme
dans le cas de Moscou, une Église avec une très forte hégémonie natio-
nale. Le catholicisme romain a déjà commencé à expérimenter dans les
vingt dernières années des modes de procédure particulièrement intéres-
sants (comme pour les institutions parlementaires...). Jean-Paul II, en
fait, tout en évitant de réformer le synode des évêques, en a organisé une
convocation fréquente à échelle continentale (dans le langage du CJC
une convocation extraordinaire).
Le déroulement de ces assemblées n’a jamais été particulièrement
enthousiasmant, et dans plusieurs circonstances, la décision de les convo-
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quer à Rome a rajouté un brin d’humiliation non nécessaire que Benoît

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XVI peut au moins éviter. Toutefois cela a développé une forme possible
d’organisation du débat à échelle continentale (qui n’a pas de régula-
tions dans le Code et pour cela est plus intéressante) qui peut constituer
une réponse à une des objections les plus fortes contre un concile auquel
auraient droit de parole et de vote cinq mille évêques.
iv) L’agenda et le decision making — Tandis que l’expérience est en
train de jeter les fondements de nouveaux ordines pour la célébration du
concile, la question, si sensible dans l’église latine, de la forme et de la
méthode de décision connaît des profondes réorganisations et ouvre de
nouveaux scénarios. De ce point de vue, Vatican II a déjà marqué une
discontinuité irréversible quant à la forme des décisions. Pour la pre-
mière fois, un concile ne prononçait pas de condamnations (sinon celle
de la guerre totale et de l’antisémitisme), mais dessinait une réforme de
l’Église à travers un langage discursif parénétique. Anathèmes et canons,
décrétales et excommunications, dogmatisations et symboles, le latin
« basic » de la culture ecclésiastique et la syntaxe complexe qui compen-
sait un vocabulaire pauvre, sont-ils donc dépassés ou perdus pour tou-
jours ? Probablement oui ; la question cependant n’est pas de deviner ce
qui ne se représentera pas de façon identique, mais ce qui est en train de
conduire une métamorphose inéluctable des formes de décision et dans
quelle direction.
Dans cette perspective, l’expérience des vingt-sept ans de pontificat de
Jean-Paul II laissera un signe difficile à écarter. Car un pontificat qui a, de
fait, cassé par inflation ce que la théologie du XIXe siècle avait défini
comme « le magistère ordinaire », et qui a élu comme forme suprême
QUI ET QUOI 191

d’éloquence le geste comme tel dépourvu de support conceptuel vérifia-


ble, peut grever la façon de décider.
Ce poids, sur des choix non complètement extrinsèques, s’est même
déjà réalisé. Un concile qui ne parle pas latin, mais des langues vivantes, a
un degré de « publicité » bien plus élevé. Et il est impensable de restaurer
à froid une langue que personne ne comprend plus. Un concile médiatisé
par la télévision et décrit par Internet doit tenir compte de cette réduc-
tion des temps séparant l’énonciation des problèmes et la réaction de
l’opinion publique, ce dont la politique fait souvent l’expérience.
Même des instances qui ont derrière elles une discussion canonique
séculaire se présentent aujourd’hui différemment. Un des thèmes chauds
du débat médiéval concernait le principe de majorité : qui décide pour
tous ? quand le recours à la majorité simple est-il légitime ? qui peut en
prétendre la qualification ? Dans la société de l’information, les réponses
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à ces questions entrent en contradiction. D’un côté (c’était déjà vrai pour

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Paul VI), la visibilité des assises conciliaires requiert une unanimité qui
n’est pas nécessaire à la décision, mais à la communication de la déci-
sion 46 ; de l’autre, la majorité simple est perçue, dans une culture démo-
cratique, comme porteuse d’un légitime intérêt général (tant il est vrai
que sur un petit collège comme celui des cardinaux électeurs, les nouvel-
les normes de 1996 prévoient le passage à la majorité simple pour
empêcher le conclave de dépasser un mois).
Il y a enfin la question la plus substantielle, à savoir le développement
du processus décisionnel, depuis la phase où l’on postule la décision aux
analyses, depuis le choix de l’instrument décisionnel à sa formalisation,
au vote. Cela concerne désormais l’agenda du concile. Car il est évident
que la formation de l’agenda est décisive, aussi bien quand elle a la force
de s’imposer à la discussion d’assises paresseuses ou querelleuses, qu’au
moment où la construction devient un moment révélateur de la dialecti-
que majorité/minorité, comme ce fut le cas, avec des issues différentes, à
Vatican I et à Vatican II.
De ce point de vue, l’expérience du dernier quart de siècle de l’Église
catholique constitue un point d’interrogation. En effet, l’Église catholi-
que romaine durant ces 27 ans de pontificat de Karol Wojtyła, a mis entre
parenthèses le problème des agendas. Si la liste des quaestiones disputatae
avait marqué de conflits et décombres la dernière partie du pontificat de

46. H.J. SIEBEN, Consensus, unanimitas und pars maior auf Konzilien, von der Alten
Kirche bis zum Ersten Vatikanum, in “Theologie und Philosophie” 67 (1992), pp. 192-
229).
192 A. MELLONI

Paul VI, celui de Jean-Paul II a comme mis entre parenthèses les aspects
problématiques. Si sous Paul VI les déchirements sur la morale sexuelle et
sur la collégialité épiscopale, sur la tradition et la pauvreté, sur la liturgie
et sur la forme des communautés, avaient pris les tons paroxystiques de la
contestation, sous Jean-Paul II ces questions ont été « résolues » d’une
manière expéditive 47. D’un côté, on renonce à une réflexion approfon-
die, en la remplaçant par la non application de la discipline, de l’autre, on
professe une déférence extrinsèque au magistère, sans s’interroger sur les
modes et les limites de sa réformabilité.
On place ensuite au-dessus de tout la figure triomphante du pontife,
autour duquel se rassemble désormais une vénération assez souvent
sélective, une déférence qui admire plus les records que la fonction, une
estime qui entoure la manière de faire du pape (aussi bien celui infatiga-
ble des débuts que celui souffrant et courbé de la fin) plus que son
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contenu global. C’est une nouvelle infaillibilité, à l’envers de celle de

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Vatican I 48, qui ne vient pas ex sese, sed ex consensu ecclesiae. Elle n’est pas
canonique, mais médiatique ; elle ne concerne pas principalement le
couple fides-mores, mais la manière même de se situer. On ne mesure pas
avec la déférence de l’intellect, mais avec la chaleur du goût. C’est une
forme d’autorité celle qui permet au souverain pontife de
proposer/imposer un agenda frénétique de voyages internationaux,
d’exploration dans des innombrables continents spirituels par l’intermé-
diaire des béatifications, d’infatigables négociations avec les secteurs du
catholicisme par les nominations épiscopales. L’agenda conciliaire, qui
ne peut se constituer que lentement, s’enrichit et s’effrite années après
années, jusqu’à paraître presque imperceptible dans son articulation.
Il s’effrite parce que tout indice hypothétique — qu’il se forme in capite
et in membris et vice versa — est continuellement mis à zéro par des
événements solennels, par des exploits retentissants, par de nouveaux
gestes. Là où se consume la praxis pastorale qui, pas après pas, remplit les
cahiers de doléances de l’Église (les diocèses, les communautés, les parois-
ses), la continuelle émersion du protagonisme papal intervient d’une
façon qui n’a rien à voir avec le « vieil » autoritarisme pontifical. Au fond,
la force historique de la monarchie pontificale moderne consistait
justement dans la capacité à se reproduire parfaitement aux niveaux

47. Andrea RICCARDI, Governo carismatico. Venticinque anni di pontificato, Milano


2003.
48. H.J. POTTMEYER, Unfehlbarkeit und Souveränität. Die päpstliche Unfehlbarkeit im
System der ultramontanen Ekklesiologie des 19. Jahrhunderts, Mainz 1975.
QUI ET QUOI 193

intermédiaires (entre évêques et prêtres, entre prêtres et laïcs 49), et


constituait un modèle qui, bien qu’unilatéral sur le plan ecclésiologique,
avait sa plausibilité organisationnelle. Aujourd’hui par contre, l’exemple
papal agit exactement dans la direction opposée, car dans la mesure où il
propose comme critère de l’efficacité pastorale un succès aux dimensions
planétaires et son omniprésente représentativité médiatique universelle,
tout en échappant à une possible émulation, il rend insignifiante la trame
de petits nombres et petits actes qui constituent la vie vécue du peuple
chrétien. C’est le problème majeur, du début du pontificat de Benoît XVI,
mais pas seulement cela.
Dans les dernières années, renvoyer la décision justement, ou la com-
primer dans les quelques heures d’un consistoire extraordinaire, aug-
mente le sentiment que, tôt ou tard, tous les problèmes pour lesquels hic
et nunc le temps manque, devront être repensés, problèmes parmi les-
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quels il faut inscrire ceux qui sont visibles et ceux qui sont invisibles.
Les questions visibles ont été énumérées par le cardinal Martini devant
le synode en 1999 : la « carence des ministères ordonnés », la « position
de la femme », la participation « des laïcs à certaines responsabilités
ministérielles », « la sexualité, la discipline du mariage, la pratique péni-
tentielle », le renforcement de « l’espérance œcuménique ».
Parmi les questions invisibles, par contre, on trouve celles liées à la
christologie ou, si on veut, à la représentation de la narrativité synoptique
comme communication de la grâce, ou encore plus simplement — si cela
ne paraît pas trop simpliste — à « Jésus ». Aujourd’hui, la vie de l’Église
(sur beaucoup d’aspects de la discipline, mais aussi dans des moments
plus pensés, comme ceux de la dispute Ratzinger-Kasper qui a marqué les
années du jubilé, centrées sur l’antériorité ou postérité de l’Église univer-
selle par rapport à l’Église locale 50), est conçue comme une réalité née
du don de l’Esprit de la Pentecôte qui — malgré l’apparente emphase sur
le salut « dans le Christ » qui se voudrait menacé par une écoute plus
profonde de l’autre — laisse de côté la vie de Jésus, sa progression. Jésus
devient une prémisse essentielle, mais facilement escomptée, sur laquelle
personne ne peut rien ajouter — pas même les spécialistes dont la

49. Cf. Giovanni MICCOLI, Vescovo e re del suo popolo. La figura del prete curato tra
modello tridentino e risposta controrivoluzionaria, in Storia d’Italia. Annali 9, La chiesa e il
potere politico dal Medioevo all’età contemporanea, Torino 1986, pp. 883-928.
50. Ph. BLOSSER, The Kasper-Ratzinger Debate and the State of the Church, in « New
Oxford Review » 69 (2002), n. 4, pp. 18-25.
194 A. MELLONI

documentation montre que comme pour l’Église ancienne on fait voya-


ger en parallèle écrits canoniques et non canoniques 51.
En revanche, c’est justement sur ce point, me semble-t-il, que se joue
quelque chose d’essentiel non seulement pour comprendre le christia-
nisme, mais aussi pour le vivre. Jusque dans les fonctions institutionnelles
les plus traditionnelles du catholicisme, on voit aujourd’hui une dérive
« pentecôtiste », un « congrégationalisme catholique » grâce auquel cha-
cun peut se choisir une « congrégation » de ses semblables où être
reconnu et où voir accueillis avec miséricorde ses propres fragilités et
charismes, laissant à tous ceux qui n’arrivent pas à remplir les moindres
qualités requises d’admission, l’option de frapper à une autre porte 52.
Bref, la question de la normativité de la vie de Jésus (que seulement
l’expérience chrétienne peut communiquer et qui, en même temps, ne
peut qu’être continuellement « exilée » par la réalité misérable de l’ex-
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périence vécue), est quasi invisible, mais non moins sérieuse.

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Qui et quoi
À la fin de cet exposé trop rapide, un point seulement paraîtra donc
évident : les qui et les quoi d’un concile naissent dans une histoire
concrète, sur un horizon concret. Et cet horizon est marqué aujourd’hui,
d’une part, par la progressive difficulté des Églises (difficulté que l’Église
catholique partage, mais n’épuise pas) à exprimer l’expérience chré-
tienne comme lieu de pardon et de paix, façonnée par la vie de Jésus ;
d’autre part, par la montée d’une insécurité et d’une peur qui, comme l’a
expliqué le beau livre d’un militaire italien, est alimentée par la guerre et
est cause efficiente d’une guerre dans laquelle on voudrait traîner aussi
comme agent le nom chrétien. Au centre, il y a la foule qui cherche une
demeure et qui, assez souvent, de cette demeure communautaire qu’elle
croyait avoir, est exclue par négligence pastorale ou par sentence. Quel
qu’il soit, le concile, qui arrivera à croiser à nouveau la vie des Églises et du
catholicisme romain, sera avec ce « quoi » auxquels les « qui » devront se
mesurer. n

(traduit de l’italien par Daniela Caldiroli)

51. Cf. François BOVON, New Testament Traditions and Apocryphal Narratives, Allison
Park Penn 1995 et H. KÖSTER, Ancient Christian Gospels : Their History and Development,
Philadelphia, PA 1990.
52. Sur cela cf. Movimenti nella chiesa, cit., « Concilium » 4 (2003).

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