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net 1

Formes multilinéaires et déter-


minant
1 Introduction
Montrer qu’une application linéaire est inversible n’est à prioris pas chose évidente.
Le déterminant permettra, dans certains cas, de montrer très facilement si une matrice
est ou non inversible. Il permettra aussi, toujours dans certains cas, d’obtenir facile-
ment l’inverse d’une matrice. Enfin, il servira, mais c’est pour une leçon prochaîne,
à la diagonalisation et la trigonalisation des endomorphismes d’un espace vectoriel. Il
constituera alors un pont entre la théorie des anneaux polynomiaux et celle de l’algèbre
linéaire.
Dans tout ce chapitre k désigne un corps. Rappelons qu’un corps est un espace vecto-
riel sur lui même de dimension 1.

2 Formes multilinéaires
Définition Soit E un k-espace vectoriel. Soit

f :E     E


k 
p f ois

f est une forme p-linéaire ou une forme multilinéaire ( ou encore une p-forme li-


x f x1          
néaire) sur E si pour tout i=1,...,p, pour tout x1 ,...,xi 1,xi 1 ,...,x p E, l’application
xi 1 x xi 1 x p est linéaire de E dans k. On note p (E) l’ensemble des 
p-formes linéaires sur E.

Proposition Soit E un k-espace vectoriel. L’ensemble des p-formes linéaires sur



E, p (E) muni de l’addition des fonctions à valeurs dans k et de la multiplication par
un scalaire a une structure de k-espace vectoriel.

Démonstration On montre sans peine que c’est un sous espace vectoriel de l’es-
pace des fonctions définies sur E et à valeurs dans k.

Définition Soit E un k-espace vectoriel. Soit f une forme p-linéaire définie sur un
k-espace vectoriel E. Si p=2, on dit que f est une forme bilinéaire. Si p=3, on dit que f
est une forme trilinéaire.

           
Définition Soit E un k-espace vectoriel. Une forme p-linéaire est dite alternée si
pour tout (x1 ,...,x p) E p vérifiant i j 1 p i j xi =x j , alors f(x1 ,...,x p)=0. L’en-
semble des formes p-linéaires alternées sur E est notée p (E). 
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Définition Soit E un k-espace vectoriel. Une forme p-linéaire est dite symétrique
si pour tout (x1 ,...,x p) E p , pour tout i,j 1 p i j alors f(x1 ,...,xi,...,x j ,...,x p) =
f(x1,...,x j ,...,xi,...,x p).

         
Définition Soit E un k-espace vectoriel. Une forme p-linéaire est dite antisymé-
trique si pour tout (x1 ,...,x p) E p , pour tout i,j 1 p i j alors f(x1 ,...,xi,...,x j ,...,x p)
= -f(x1 ,...,x j ,...,xi,...,x p).

Proposition Si f est une p-forme linéaire antisymétrique et si k est un corps de


caractéristique différente de 2 alors f est alternée.


  
 
 
Démonstration Comme f est antisymétrique, pour tout (x1 ,...,x p) E p et pour tout
i,j 1   p   i   j alors f(x1 ,...,xi,...,x j ,...,x p)=-f(x1,...,x j ,...,xi,...,x p). Supposons que
xi =x j . L’égalité précédente devient: f(x1,...,xi ,...,xi,...,x p)=-f(x1,...,xi,...,xi ,...,x p), soit
2. f(x1,...,xi ,...,xi,...,x p)=0, ce qui donne, k étant de caractéristique différente de 2 :
f(x1,...,xi ,...,xi,...,x p) = 0.

Avant de continuer, effectuons deux petits rappels à propos du groupe des permu-
tations d’un ensemble fini.

Rappel 1:
– L’ensemble des bijections σ : 1 p
           
tion est appelée une permutation de 1 p .
     
1 p est noté S p . Une telle bijec-

– S p muni de la loi de composition des applications possède une structure de


groupe.
– Une permutation préservant tout les éléments de 1 p sauf deux qu’elle per-
     
mute est appelée une transposition. Toute permutation est produit de transposi-
tion. Le nombre de transposition intervenant dans cette décomposition est indé-
pendant de la décomposition (en transposition) choisie.

Rappel 2:
– Il existe une morphisme de groupe surjectif ε :S p 1 1 où
  
1 1 est muni
  
de sa struture multiplicative. L’image de ε sur une permutation est appelée la

    
signature de cette permutation.
– Si σ est élément de S p alors ε σ 1 n où n est le nombre de transposition
dans une décomposition de σ en produit de transposition.

Proposition Soit f une forme p-linéaire alternée définie sur un k-espace vectoriel
E. Soient v1 ,...,v p, p vecteurs de E. Soit aussi σ un élément de S p . Alors
       vσ  p   ε  σ f  v1    v p  
f vσ 1
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Démonstration Comme les permutations sont des produits de transposition, il suf-


fit de montrer cette égalité pour une transposition. Soit i,j 1 p i j et soit τ la
         
     
transposition de 1 p qui échange i et j. On a clairement:

       vτ  i"! # # # ! vτ  j     vτ  p  


f vτ 1

f  v1    v j    vi    v p  


 f  v1    vi    v j    v p  

Proposition L’ensemble des p formes linéaires alternées sur le k-espace vectoriel


E  p (E) est un sous espace vectoriel de l’espace vectoriel des p-formes linéaires sur E

 p (E).

Démonstration Il suffit de vérifier que la p-forme nulle est bien élément de p (E) 
et que la combinaison linéaire de deux formes linéaires alternées est encore une p-
forme linéaire alternée.

3 Dimension de $ p (E) et déterminant


Proposition E désigne un k-espace vectoriel de dimension finie et p un entier na-
turel. Si p est plus grand que la dimension de E alors p (E)= 0 .   
Démonstration Soit f

p (E) et soient v ,...,v , p vecteurs non nuls de E. Comme
1 p

  
E est de dimension finie n<p, l’un des vecteurs v p par exemple est combinaison linéaire
des p-1 autres vecteurs. Il existe donc α1 α p 1 dans k tels que
p 1
v p  ∑ αi vi 
i% 1

p 1
On peut alors écrire:

     v p   ∑ f  v1    v p 1  vi 


f v1
i% 1

Mais comme f est alternée, pour tout i=1,...,p-1, f  v1    v p 1  vi  =0. On a prouvé que
f  v1    v p  =0. Cela étant vrai pour toutes familles de p vecteurs de E v1 ,....,v p, f est
identiquement nulle sur E.

Proposition Soit E un k-espace vectoriel de dimension n. L’ensemble des n-



formes linéaires alternées sur E: n (E) est de dimension 1 sur k.

Démonstration Considérons une base e=(ei )i 1 n de E. Considérons d’autre part % !###!


une n forme linéaire alternée f sur E ainsi qu’un n-uplets (v1 ,...,vn) de vecteurs de
E. Pour i=1,...,n et j=1,...,n il existe des scalaires αi j k tels que pour tout j=1,...,p,

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vj  ∑n αi j ei  Considérons aussi l’ensemble & des suites à n éléments et à valeurs dans


 1   i% n1 . On peut alors écrire:
f  v1    vn   ∑ αi 1 ,, αi n f  ei    ei  
 i  ' ( ) ) ( *+
k k 1 n
1 n 1 n

Remarquons qu’il existe une bijection évidente entre & et Sn . Cette bijection est celle
qui à une suite (ik )k % 1 ! # # # ! n de & associe la permutation qui envoie l’entier m sur l’entier
im . Via cette remarque, on peut écrire:

     vn   ∑ ασ  1 1 ,- ασ  n n f  eσ  1    eσ  n  


f v1
σ* S

n

f étant alternée, pour tout σ Sn ,

f  vσ  1    vσ  n    ε  σ  f  v1    vn  

     vn   ∑ ασ  1 1 -, ασ  n nε  σ f  e1    en  


Donc:
f v1
σ* S n

Soit encore:
     vn    ∑ ασ  1 1 ,- ασ  n n ε  σ f  e1    en  
f v1
σ* S n

Π  v1    vn   ∑ ε  σ  ασ  1  1 ,- ασ  n  n
et posant

σ* S n

v1 ,...,vn étant n vecteurs quelconques dans E:

f  f  e1    en   Π 
Il faut montrer que Π est une forme multilinéaire et alternée. On vérifie sans peine que
Π est multilinéaire. Soient v1 ,....,vn n vecteurs de E et i,j tels que i<j et tels que
/.
vi =v j .

Π v1      vi    v j    vn   ∑ ε  σ ασ  1 1 -, ασ  i i , ασ  j  j -, ασ  n n


σ* S n

 ∑ ε  σ ασ  1 1 ,, ασ  i i - ασ  j  i ,- ασ  n n 


σ* S
    n  .
n

Soit τ la transposition qui échange i et j. τ préserve tout les autres éléments de 1


Donc

Π  v1    vi    v j    vn   ∑ ε  σ  ασ  τ  1  1 ,, ασ  τ  i  i , ασ  τ  j  i ,, ασ  τ  n  n 


σ* S n

Comme τ=τ 1 , et ε  σ 0 τ  
 ε  σ ,
Π  v1    vi    v j    vn  

∑ ε  σ 0 τ ασ  τ  1 1 ,- ασ  τ  i i - ασ  τ  j  i ,- ασ  τ  n n
σ1 τ * S n
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  ∑ ε  σ ασ  1 1 -, ασ  i i , ασ  j  i -, ασ  n n 


σ* S n

En conclusion

∑ ε  σ ασ  1 1 ,, ασ  i i - ασ  j  i ,- ασ  n n 


 ∑ ε  σ ασ  1 1 -, ασ  i i , ασ  j  i -, ασ  n n 
*
σ Sn σ* S n

Donc Π  v1    vn   0 et Π est bien alternée.

Définition - Proposition Soit E un k-espace vectoriel de dimension finie. Soit


e=(e1 ,...,en) une base de E.. On appelle application déterminant dans la base e l’ap-
plication multilinéaire alternée qui à n vecteurs v j j=1,...,n de E d’écriture v j  ∑n αi j ei
i% 1
dans la base E associe la quantitée

dete v1     vn   ∑ ε  σ ασ  1 1 -, ασ  i i , ασ  j  j ,, ασ  n n 


σ* S n

Démonstration Nous venons de démontrer que cette application est multilinéaire


alternée.

Proposition Soit E un k-espace vectoriel de dimension finie. Soit e=(e1 ,...,en ) une
base de E et soit dete l’application déterminant associée à cette base. Alors dete (e1 ,...,en)=1.

Démonstration Il suffit de revenir à la définition du déterminant.

Proposition Soit E un k-espace vectoriel de dimension finien. Soit n la dimension


de E et soit e=(e1 ,...,en ) une base de E. Soit f une application n-linéaire alternée. Soient
aussi v1 ,...,vn n vecteurs de E.

f v1      vn   f  e1    en   dete  v1    vn  

Démonstration Cette proposition n’est rien d’autre que la ré-écriture de celle dé-
montrée au début de ce paragraphe et qui donne la dimension de n (E). Se reporter 
donc à la démonstration de cette proposition.

de E. Soit p
/.
Proposition Soit E un k-espace vectoriel de dimension finie. Soit n la dimension
2
tel que p n. Alors la dimension de p (E) est donnée par dim p (E)=Cnp  
 
p
où Cn désigne le rapport n n!p !p! .

Démonstration Notons & l’ensemble des suites à p éléments distincts et à valeurs



dans 1    n  . Une suite élément de & sera notée (ik )k % 1 ! # # # ! p . Soient v1 ,...,v p p vecteurs

de E. Pour i=1,...,n et j=1,...,p il existe des scalaires αi j k tels que pour tout j=1,...,p
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vj  ∑n αi j ei  Si f est une p-forme linéaire sur E,


i% 1

43  f  v1    v p   ∑ αi 1 ,- αi p f  ei    ei  


 i  ' ( ) ) ( *+ k k 1 p
1 n 1 n

La somme précédente est donc prise sur l’ensemble des suites appartenant à . &
&
Etudions plus précisément . Une suite de est caractérisée par: &
– L’ensemble des valeurs qu’elle peut prendre.
– L’ordre dans lequel elle prend ces valeurs.
Désignons par les entier k1 <...<k p les p valeurs pouvant être prises par une suite donnée
&
de . Soient i1 ,...,i p et i’1 ,...,i’ p deux suites de prenant leur valeurs dans k1 k p . &      
Il existe une unique permutation σ de S p telle que iσ m =i’m pour tout m=1,...,p. Ré-  
ciproquement si i1 ,....,i p est une suite de et que σ est une permutation de S p , alors &
  &
iσ 1 ,....,iσ p est une autre suite de prenant ses valeurs dans le même ensemble que
     
% !###!
peut donc être décrit par l’ensemble kσ 1
  &         
la suite (ik )k 1 p . Le sous ensemble de des suites qui sont à valeur dans k1 k p
kσ p ; σ S p . En conclusion peut lui &
être décrit par:
&  kσ 1 5           
kσ p ; σ S p
16 k 7 # # # 7 k 6 n
1 p

Ce partitionement de & permet une autre écriture de la somme (*):

f  v1    v p   ∑ ∑ αk 8 9 1 ,- αk 8 9 p f  ek 8 9    ek 8 9


16 k 7 # # # 7 k 6 n σ* S
σ1 σn σ1 σn
1 p p

Mais comme f est alternée, ceci se ré-écrit:

     v p  
f v1 ∑ ∑ αkσ 1 8 9 1 -, αk 8 9 pε  σ f  ek    ek  
6 7 # # # 7 k 6 n σ* S
1 k1 p p
σn 1 n

Ou encore:

f v1     v p    ∑ αk 8 9 1 ,- αk 8 9 pε  σ- f  ek    ek  



16 k 7 # # # 7 k 6 n σ* S
σ1 σn 1 n
1 p p

L’expression entre parenthèses est exactement égale à dete ( ) ) ( (vk ,...,vk ). Notons
( pour 1 2 k1<...<k p<n) Πk ! # # # ! k l’application qui à un n-uplet (v1 ,...,vn) associe le p-
k1 kp 1 p

uplet (vk ,...,vk ). Notons aussi ek ! # # # ! k la famille libre ek ,...,ek . (*) admet comme
1 p

1 p 1 p 1 p
écriture:

     v p   () )( 0 ! # # # ! k  v1    vn  f  ek    ek  


6 7 ∑# # # 7 k 6
f v1 detek1 kp
Πk1 p 1 n
1 k1 p n

Soit encore, (v1 ,...,vn) étant un n-uplet quelconque de vecteurs de E:

f  ∑     ek 
f ek1 detek1 () )( 0 Πk1 !# ##!k 
6 7 ###7 k 6
1 k1 p n
n kp p

Ce qui est beaucoups plus sympathique.


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On vérifie sans peine que les fonctions detek1 k p Πk1 k p sont des formes p- () )( 0 !###!

linéaires alternées. p (E) est donc engendré par l’ensemble des formes = detek1 k p :  () )( 0
!###!
Πk1 k p ; 1 k1 2 ;  ;
  2 
k p n . Remarquons que l’ensemble des p uplets k1 ,...,k p tels
2 2
que 1 k1 <...<k p n est de cardinal Cnp . Donc est de cardinal Cnp . Montrons pour :
terminer que cette famille est libre. Considérons une famille de scalaires (λi ) pour i
p
allant de 1 à Cn . Re-indiçons cette suite de la façon suivante: (λk1 k p )1 k1 k p n , ce !###! 6 7 ###7 6
qui sera bien plus pratique. Supposons que cette suite vérifie:

∑ λk1 ! # # # ! k dete ( ) ) ( 0 Πk1 ! # # # ! k  0


6 7 ###7 k 6
1 k1 p n
p k1 kp p

Par ailleurs, si 1 2 m1 <...<m p 2 n, étudions

∑ ! # # # ! k dete ( ) ) ( 0 Πk ! # # # ! k  em    em  
λk1
16 k 7 # # # 7 k 6 n
p k1 kp 1 p 1 p
1 p

Chacun des termes dete ( ) ) ( 0 Πk ! # # # ! k  em    em  est nul sauf celui tel que k1 =m1 ,...,k p=m p
p
qui vaut 1. Donc λm ! # # # ! m =0. On peut faire ce raisonement pour tout les p-uplets
k1 kp 1 p 1

m1 ,...,m p tels que 1 2 m1 <...<m p 2 n, ce qui prouve que chacun des λm ! # # # ! m est nul et
1 p

que la famille : est libre. Ouf!!!


1 p

4 Déterminant d’une matrice, d’une application linéaire


! % !###!
Définition Soit M=(αi j )i j 1 n une matrice carrée à coefficients dans le corps k.
On appelle déterminant de la matrice M et on note det(M) le déterminant des n vecteurs
dont les coordonnées ( dans la base canonique de kn ) sont données par les colonnes de

      -,   ,   -,   


M:
det M ∑ ε σ ασ 1 1 ασ i i ασ j j ασ n n
σ Sn*
Proposition Soit E un k-espace vectoriel de dimension égale à n. Soient e=(e1 ,...,en)
et e’=(e’1 ,...,e’n) deux bases de E. Alors: dete (e’1 ,...,e’n).dete (e1 ,..,en )=1 ( dete (e’1 ,...,e’n) <
est inversible dans k d’inverse dete (e1 ,..,en ). <
Démonstration L’application qui au n-uplets (v1 ,...vn ) de vecteurs de E associe
< <
dete (v1 ,...,vn) est n-multilinéaire alternée. Donc dete (v1 ,...,vn)=dete (e1 ,...,en ).dete (v1 ,..,vn ). <
< <
Mais dete (e’1 ,...,e’n)=1 donc dete (e1 ,..,en ) est inversible dans k d’inverse celui précisé
dans la proposition.

Définition - Proposition Soit f une application linéaire définie sur le k-espace


vectoriel E de dimension finie. Soit e une base de E. Si Me ( f ) désigne la matrice de f
dans la base E, alors on appelle déterminant de f le scalaire de k det( f )=det Me ( f ).
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Démonstration Soit n=dim E. Il s’agit bien évidemment de montrer que si e’ est


< <
une autre base de E alors dete Me ( f )=dete Me ( f ), ce qui garantira le sens de cette défi-
nition. Rappelons que Me ( f ) est la matrice dont les vecteurs colonnes sont données par
 
les coordonnées des f ei pour i=1,...,n dans la base e. Donc dete Me ( f )=dete (f(e1),...,f(en)).
< < <
De même dete Me ( f )=dete (f(e’1 ),...,f(e’ n)).
Intéressons nous à l’application qui au n-uplet (v1 ,...,vn) de vecteurs de E associe
dete (f(v1),...,f(v n)). Cette application est n-linéaire alternée. Donc dete (f(v1),...,f(v n)) =
dete (f(e1),...,f(en)) dete (v1 ,...,vn). En particulier, dete (f(e’1),...,f(e’ n)) = dete (f(e1),...,f(en))
dete (e’1 ,...,e’n). Soit encore:

  =     f  en= - 


dete f e1 dete Me f  , dete e1  =     en=  
D’autre part l’application qui au n-uplets (v1 ,...vn) de vecteurs de E associe dete (v1 ,...,vn) <
<
est elle aussi n-multilinéaire alternée. Donc dete (v1 ,...,vn)=dete (e1 ,...,en) dete (v1 ,..,vn ). <
Si on applique cette formule au n-uplets: (f(e’1),...,f(e’ n)), on obtient dete (f(e’1),...,f(e’ n)) <
< <
= dete (e1 ,...,en ) dete (f(e’1),..,f(e’ n)). Ce qui s’écrit aussi:

<   = >   f  en= , 


dete f e1 dete Me f<  <  , dete e1<      en  
On aboutit à l’égalité:

  -
dete Me f dete e1  =     en=   dete Me f <  <  - dete e1 <      en  
En vertu de la proposition précédente ( dete (e’1 ,...,e’n).dete (e1 ,..,en )=1 ), cela donne <
  - 
dete Me f dete Me f <  <  - 
Donc det(f) est bien indépendant de la base choisie.

5 Quelques propriétés du déterminant


Proposition Si f et g sont deux endomorphismes du k-espace vectoriel E alors

 0 
det g f det g   det f 

Démonstration Soit n la dimension de E et soit e=(e1 ,...,en ) une base de E. Consi-


dérons l’application qui au n-uplet (v1 ,...,vn) de vecteurs de E associe dete (g(v1),...,g(v n)).
Cette application est n-multilinéaire alternée. Donc

      g  vn - 
dete g v1 dete g e1  >   g  en , dete v1      vn  
Appliquons cette formule au n-uplet (f(v1),...,f(v n)), on obtient

   -    g  f  en -, 


dete g f e1 dete g e1       g  en , dete f e1   >   f  en ,
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 0   
ce qui est exactement
det g f det g  det f

! % !###!
Proposition Soit M=(αi j )i j 1 n une matrice carrée à coefficients dans le corps
k. Soit t M la transposée de la matrice M. Alors det(M)=det(t M).

! j % 1 ! # # # ! n alors t M=(αi= j )i! j % 1 ! # # # ! n avec pour tout i,j=1,...,n


= 
Démonstration Si M=(αi j )i
αi j α ji et
det t M    ∑ ε  σ ασ=  1 1 ,, ασ=  n n
σ* S
 ∑ ε  σ α1σ  1 ,- αnσ  n 
n

σ* S n

Comme les applications σ de Sn sont des bijections, que le multiplication est commu-
tative, on peut écrire:
α1σ 1  -, αnσ  n 
?  1 1 ,- ασ?  n n 
ασ 1 1

De plus, ε étant un morphisme de groupes multiplicatifs, ε  σσ 1  =1 et donc ε  σ  


ε  σ 1  . Cela donne
det  t M   ∑ ε  σ  ασ  1  1 ,- ασ  n  n 
σ* S n

Proposition Soit M une matrice triangulaire par bloc.

A@ M1 M=
M
0 M2 B
Où M1 et M2 sont des matrices carrés. Le déterminant de M est égal au produit det(M1)
det(M2 ).

Démonstration On suppose que M est une matrice carrée à n colonnes. On suppose


             
que M1 possède m colonnes. M2 possède donc n-m colonnes. Notons aussi M=(αi j )i j 1 ! % ! # # # ! n.

Considérons = σ Sn ; σ 1 m 1 m . Si σ n’est pas élément de alors 
 C    
i 1 m tel que σ i   D E    
m 1 n . Pour cet entier i, aσ i i =0 et 
ε  σ  ασ  1  1 ,
 
 
 -
 
 
 ,
  
ασ  n  n 0 

det  M   ∑ ε  σ  ασ  1  1 -, ασ  n  n 
Donc

σ *GF
    
Mais si σ  alors σ  1    m    1    m  et σ  m E 1    n    m E 1    n  . σ est

le produit d’une permutation de 1   m  et d’une permutation de m E 1    n  . Notons

 
  

S’n m l’ensemble des permutations de m E 1    n  . On obtient:
det  M   ∑ ε  σσ=  ασ  1 1 , α  σ  m m   ασ<  m 1 m 1 , ασ<  n n
σ * S σ< * S <
m
?n m
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 ∑ ε  σ ασ  1 1 , ασ  m m ∑ ε  σ=  ασ<  m 1 m 1 , ασ<  n n


σ* S σ< * S <
?
 det  M1  det  M2  
m n m

Corollaire Soit M une matrice triangulaire ( supérieure ou inférieure ) à coeffi-


cients dans un corps k. Alors le déterminant de M est égal au produit des éléments
diagonaux de M.

Démonstration Intéressons nous en un premier temps aux matrices triangulaires


supérieures. On remarque que si M est d’ordre 1, son déterminant est clairement égal
à son (seul ) coefficient diagonal. Supposons que la propriété est vraie pour toutes les
matrices d’ordre n-1. Soit M une matrice d’ordre n. Ecrivons M sous la forme
H@ λ11 I-I,I
A
0 M = B
où M’ est une matrice triangulaire supérieure d’ordre n-1 et où λ11 est le premier coeffi-
cient diagonale de M. La propriété précédente permet d’affirmer que det(M)=λ11 M’.
Appliquons l’hypothèse de récurrence: le déterminant de M’ est égal au produit des
coefficients diagonaux de M’. Le déterminant de M est alors bien égal au produit de
ses coefficients diagonaux et le théorème est démontré.

Corollaire L’application identique Id sur le k-espace vectoriel de dimension fini


E vérifie det(Id)=1.

Démonstration En effet, la représentation matricielle de Id dans une base de E est


la matrice dont les coefficients diagonaux sont tous égaux à 1 et qui a tout ses autres
coefficients égaux à 0. Le déterminant d’une application linéaire étant celui d’une de
ses représentations matricielles, on obtient le résultat prévu.

6 Méthodes de calcul du déterminant


Proposition Soit M une matrice carrée d’ordre n à coefficient dans k. On ne change
pas la valeur du déterminant de M en:
– Effectuant une opération élémentaire sur les colonnes de M.
– Effectuant une opération élémentaire sur les lignes de M.

Démonstration Si M=(αi j )i ! j % 1 ! # # # ! n alors M est


P
N O
composée des n vecteurs colonnes
α1 j OO

v j KJLL
α2 j
LM ... Q
αn j
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Le déterminant de M est égal, par définition du déterminant d’une matrice, au détermi-


nant de ces n vecteurs.
Effectuer une opération sur les colonnes de M revient à additionner λvi où λ k et

     
i 1 n à une des colonnes C j de M. Soit M’ la matrice obtenue en additionnant
λvi à la jième colonne de M. On a:

det M  =       vi    v j E


det v1 λvi    vn  
Par multilinéarité du déterminant, ceci devient:

det M      vi    v j    vn  E λdet  v1    vi    vi    vn 


 =  det v1

et comme le déterminant est alterné, det  v1    vi    vi    vn   0 et

det  M =   det  v1    vn   det  M  

Pour ce qui est des opérations élémentaires sur les lignes il suffit de considérer la trans-
posée de M: une opération élémentaire sur les lignes de M est une opération élémentaire
sur les colonnes de t M, puis d’appliquer ce qui vient d’être démontré.

Proposition Soit M une matrice carrée d’ordre n. Soit λ k.



det λM     
λn det M

Démonstration Comme précédement il suffit de remarquer que si v1 ,...,vn sont les


vecteurs colonnes constituant la matrice M alors λv1 ,...,λvn sont ceux qui constituent
λM et
det λM det λv1 λvn        
L’application déterminant étant n-linéaire, on aboutit à l’égalité

det λM  λn det v1      vn   λn det M  

Proposition Soit M une matrice carrée d’ordre n. On change le signe du détermi-


nant de M si:
– On permute deux colonnes de M.
– On permute deux lignes de M.

Démonstration M est constituée des n vecteurs colonnes vi i=1,...,n. Le détermi-


nant de M est égale au déterminant de ces n vecteurs. Permuter deux colonnes de M
revient à permuter les deux vecteurs corespondants dans la liste (v1 ,...,vn). Supposons
que les vecteurs permutés soient le ième et le jième (i<j), L’application déterminant
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étant alternée, det(v1 ,...,vi,...,v j ,...,vn)=-det(v1,...,v j ,...,vi,...,vn), cqfd. Pour ce qui est
des lignes, il suffit de considérer la transposée de M.

Proposition Développement du déterminant par rapport à une ligne ou une


! % !###!
colonne Soit M=(αi j )i j 1 n une matrice carrée d’ordre n à coefficients dans k. Soit
M pq la matrice carrée d’ordre n-1

M pq   αi j  i ! j % 1! # # # ! n i% R p j % R q 
Le déterminant de M admet comme développement par rapport à la jième colonne:

   ∑   1  i 
n
det M j
αi j det Mi j 
i% 1

et par rapport à la ième ligne:

   ∑   1  i  
n
det M j
αi j det Mi j
j% 1

Démonstration Considérons là encore les vecteurs colonnes de M


NPOO
α1 j O
v j KJLL
α2 j
LM ..
. Q
αn j

Considérons aussi la base canonique e de kn . Pour tout j=1,...,n. v j  ∑n αi j ei. Le dé-


i% 1
terminant de M est égal au déterminant des n vecteurs v j . Considérant le jième vecteur,
par multilinéarité de l’application déterminant,

       vn   ∑ αi j det  v1    v j 1  ei  vi 1    vn  


n
det M det v1
i% 1

Représentant les n vecteurs (v1 ,....,v j 1,ei ,vi 1 ,...,vn ) par une matrice M’, on obtient
pour M’ l’écriture:
NPO
α11 I-I,I α1 j 1 0 α1 j 1 I,I-I α1n OO
O
JLL ... I-I,I I,I-I .. OOO
.. .. .
. 0 .
LL αi 11 I-I,I αi 1 j 1 0 αi 1 j 1 I,I-I αi 1n O
M=  LL αi1 I-I,I αi j 1 1 αi j 1 I,I-I αin OO
LL αi 11 I-I,I αi 1 j 1 0 αi 1 j 1 I,I-I αi 1n
LLM ...
I-I,I I,I-I .. Q
.. .. .
. 0 .
αn1 I-I,I αn j 1 0 αn j 1 I,I-I αnn
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Par transposition des lignes et des colonnes de M’, on transforme la matrice M’ en


la matrice M”:
NPOO
1 α12 I,I-I α1 j 1 α1 j 1 I,I,I α1n O
M = =  LJL
0
ML ..
. Mi j Q
0

M” est triangulaire par bloc. De plus, comme M” est obtenue à effectuant i-1 transpo-


sitions sur les lignes de M’ et j-1 transposition sur les colonnes de M’, le det(M’)=(-
1)i j det(M”). Mais det(M”)=det(M i j ). Donc

   ∑ αi j   1 i  
n
j
det M det Mi j
i% 1

Pour ce qui est du développement suivant les lignes, il suffit de refaire le même calcul
avec la transposée de M.

Définition Soit M=(αi j )i j 1 ! % ! # # # ! n une matrice carrée d’ordre n. Soit M pq la matrice


carrée d’ordre n-1
M pq   αi j  i ! j % 1! # # # ! n i% R p j % R q 
On appelle matrice adjointe de la matrice M la matrice carré d’ordre n M’=(αi= j )i ! j % 1 ! # # # ! n
où S i,j=1,...,n, αi j =(-1)i j det(Mi j ).

Définition On appelle comatrice de la matrice carrée M la transposée de la matrice


adjointe de M.

Proposition Si M est une matrice carrée d’ordre n et que M est la comatrice de T


M alors M.M =M .M=det(M).Id.T T
Démonstration Supposons que M=(αi j )i ! j % 1 ! # # # ! n et que MT =M=(αi= j )i! j% 1 ! # # # ! n. Alors
! j% 1! # # # ! n avec βi j  ∑ αik αk= j . Donc
T
n
M.M =(βi j )i
k% 1

43  βi j  ∑   1 j k αik det  M jk  


n

k% 1


Supposons que i  j et remplaçons dans la matrice M la jième ligne par la ième. Dé-
veloppons ensuite cette dernière matrice suivant cette jième ligne. On obtient pour
le déterminant de cette matrice exactement l’expression (*). Mais cette matrice pos-
sédant deux lignes égales a un déterminant nul. Donc si i j, βi j =0. Si i=j, βi j  
∑
n
 1 j k
 
αik det Mik qui est exactement égale au développement de det(M) suivant
%
T
k 1
la ième ligne. donc βii =det(M). En conclusion M.M =det(M).Id.
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T
Travaillons maintenant sur le produit M .M. Posons ici encore M .M=(βi j )i T ! j% 1! # # # ! n
avec βi j  ∑ αi= k αk j . Donc
n

k% 1

43U3  βi j  ∑n   1 j k
  
det Mki αk j
k% 1


Si i j, on remplace la ième colonne de M par la jième. Développant cette nouvelle ma-
trice suivant cette ième colonne, on obtient exactement l’expression (**). On termine
alors comme précédemment.

V Théorème Soit M une matrice carrée d’ordre n. M est inversible dans l’anneau
n (k)
si et seulement si son déterminant est non nul. De plus, dans le cas où M est
T
inversible, la matrice inverse de M est égale à, M étant la matrice adjointe de M

M 1   det  M , 1  M T

 1    det  M , 1 
et
det M

Démonstration Si M est une matrice carrée inversible, alors il existe une matrice
N de même ordre que M telle que M.N=N.M=Id. Donc det(M.N)=det(Id)=1. Mais

     - 
det(M.N)=det(M).det(N). Donc det(M) est inversible dans k ( et est par conséquent
non nul) et det M 1 det M 1 Supposons que det(M) est non nul et calculons.
T
Notons M la matrice adjointe de M. La proposition précédente donne M.M = M .M T T

= det(M).Id. Comme det(M) est non nul, det(M) est inversible et il en est de même de
M. On obtient alors exactement l’expression voulue pour M 1 .

Le calcul de la matrice adjointe d’une matrice offre donc un moyen de calculer


l’inverse de cette matrice. Ce calcul est cependant souvent très laborieux. Cette tech-
nique est utilisée en particulier pour résoudre des systèmes d’équations du premier
degré.(Système de Cramer).

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