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Perception de la profondeur
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parois parallèles
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Janvier 2011
Master théorie & Projet
Sous la direction de Jacques Lucan
01 Sommaire.
Introduction. 04
1. Perception en enfilade
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et perspective.
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A. Perspective, espace et représentation. 09
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B. Positionnement et point de vue privilégié. 17
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C. Jardins et expérimentation spatiale. 25
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2. Perception diagonale
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et l’espace en mouvements.
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perception frontale.
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et « espace-temps ».
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et problématiques de surfaces.
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A. « transparence phénoménale » 55
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et compression de la profondeur.
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B. La profondeur de la surface. 65
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Conclusion. 73
Bibliographie. 75
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Profondeur : - Distance, dimension du fond à la surface.
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- Impression subjective, due au concours
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d’une série de processus ou de phénomènes (convergence oculaire,
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masquage, ombres) qui fait apparaître les objets dans un espace à
trois dimensions.1
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« Elle est, pour ainsi dire, de toutes les dimensions la plus
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aux choses (…) elle annonce un lien indissoluble entre les choses
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et moi par lequel je suis situé devant elles, tandis que la largeur
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peut, à première vue, passer pour une relation entre les choses
elles-mêmes où le sujet n’est pas impliqué. »2
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Maurice Merleau-Ponty
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La profondeur, peut à première vue être considérée comme
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une distance entre l’observateur et les choses ou entre les choses
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elles-mêmes, elle acquiert alors un statut objectif et mesurable.
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Maurice Merleau-Ponty, en s’attachant à décrire les phénomènes
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perceptifs tels-quels, montre que la profondeur est un phénomène
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subjectif, dans le sens où « elle se compte de notre corps aux
choses, et que nous sommes collés à lui »1. A sa suite, plutôt que
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de nous intéresser à l’aspect mesurable de la profondeur, nous
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nous focaliserons sur la perception phénoménologique qu’en a
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l’observateur.
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avec la peinture, qui est la représentation d’un espace, doté ou non
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de profondeur, sur la surface plane de la toile. Les conceptions
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architecturales seront donc constamment mises en relation avec les
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mouvements picturaux et les théories de la peinture qui leurs sont
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contemporaines.
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En conséquence du rapport entre les différentes pensées
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architecturales et les cultures qui leurs sont contemporaines,
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les grandes parties de cette analyse seront donc classées
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chronologiquement, afin d’associer ces conceptions de la
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profondeur aux époques qui les ont vus naître. Cela dit, les
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surfaces.
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même dimension, disposée identiquement sur chacun des plans. Ce
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dispositif de plan peut être lié à une problématique de pièces qui se
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succèdent par enfilade, ce dont nous parlerons plus tardivement.
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L’utilisation d’un percement identique entraîne une mise en
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abîme de l’espace. Chaque pièce est visible à travers l’ouverture
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de la pièce précédente, et ce ainsi de suite. Cette mise en abîme
contribue à créer un espace que l’on peut représenter -se représenter
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en un coup d’oeil, en une image. L’espace est perçu dans toute
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sa profondeur, appréhendable grâce au rythme régulier des plans
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verticaux.
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l’espace, étant donné qu’il est masqué par les plans. Ne l’étant
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« Les différentes pièces offrent d’un seul coup d’oeil, et par une
même enfilade, la magnificience intérieure du principal corps de
logis.»
Jean-François Blondel
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à la mise en place d’un système de représentation de l’espace,
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nommé perspective. De nombreux textes ayant été écrits à ce sujet,
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nous nous appuierons sur quelques uns d’entre eux pour définir ce
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phénomène.
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« «Item perspectiva est mot latin signifiant vision
traversante». C’est en ces termes que Dürer a cherché à cerner le
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concept de perspective»1
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C’est ainsi que débute le traité d’Erwin Panofsky, La perspective
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comme forme symbolique (1975). Vision traversante peut dès lors
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Au XIVème siècle, cette conception du monde change. On
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passe d’une vision théocentrique à une vision anthropocentrique
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du monde. La perspective artificielle de la Renaissance, en faisant
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converger toutes les lignes horizontales d’un tableau vers un même
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point de fuite -plus ou moins central- évoque l’idée d’un univers
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infini, dont on ne peut percevoir les limites. Paradoxalement , c’est
avec le sujet de la représentation d’un espace clos et non d’un
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espace extérieur que va être mise en place le système perspectif :
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«elle constitue une révolution dans l’appréciation formelle de la
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surface de représentation, cette surface n’étant plus désormais le
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1. Ibid., p.121.
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Filippo Brunelleschi, San Spirito,
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Florence
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parle de commensuratio, «c’est-à-dire qu’il établit un rapport
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défini entre la distance des objets dans l’espace et leur grandeur
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sur l’intersection de la pyramide visuelle»2, il explicite ainsi le lien
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entre perspective et proportion. Il le souligne un peu plus loin en
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déclarant que «la «proportionnalité» est le concept mathématique
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sur lequel repose la théorie perspective de la Renaissance».3
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Wittkower explique que l’architecture de Brunelleschi,
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comme représentatitve et la plus aboutie de la période
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Renaissance, est entièrement construite selon un système métrique
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(…). Tout fut tenté pour transformer cette perception des rapports
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un espace profond plus naturellement, elle a permis à l’architecture
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de représenter un espace profond sur une surface de façade et ainsi
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de devenir plus proche de la peinture. En peinture cela a permis
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l’illusion de la réalité; en architecture cela a réduit l’espace réel à
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l’illusion d’un espace plat sur une surface peinte.»1
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Il s’établit ainsi un aller-retour permanent entre un espace réel,
tridimensionnel, et sa représentation, bidimensionnelle.
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Représenter l’espace avec une image va donc entraîner
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alors dire de cet espace qu’il est un espace perspectif, dans le sens
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où il favorise ce positionnement privilégié de l’observateur. Ainsi
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comme le déclare Blondel, «Les différentes pièces offrent d’un seul
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coup d’oeil, et par une même enfilade, la magnificience intérieure
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du principal corps de logis.»1
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Dans une étude intitulée Brunelleschi, Lacan, Le Corbusier.
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Architecture, space and the construction of subjectivity, Lorens
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HOLM explicite le lien entre espace perspectif et positionnement
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1. Cité dans AMALDI, Paolo, Mies van der Rohe: Espace et densité - Mur,
colonnes, interférences, coll. Archigraphy, éd. Infolio, 2006, p. 177
2. Lorens Holm, Brunelleschi, Lacan, Le Corbusier. Architecture, space and
the construction of subjectivity, éd. Routledge, 2010, op. cit.
3. Maurice Merleau-Ponty, L’Oeil et l’Esprit, éd. Folio Essai, Paris, 1964, p.64.
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scandé par des plans perpendiculaires à cette plus grande distance.
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Alexandre Gady définit ainsi l’enfilade : «Par ce mot, on désigne la
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suite des pièces principales de l’appartement, qui se commandent
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les unes les autres. Le passage se fait par des portes situées dans
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le même axe, ce qui procure un beau coup d’oeil en même temps
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qu’un effet perspectif très séduisant.»1
Il précise que «ces enfilades de portes» -le mot enfilade s’applique
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à la fois aux pièces et aux portes) définissent un «sens de
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circulation». C’est dans les hôtels particuliers que ce dispositif en
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enfilade, combinant système de circulation et de mise en scène des
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les deux directions de cette grille. Dans chaque enfilade, l’une des
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accélerée
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ouvertures, ce qui a pour conséquence d’accentuer le point de fuite
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que l’on s’imagine assez immédiatement. En réalité les ouvertures
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ont exactement les mêmes dimensions.
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Le positionnement statique de l’observateur à un point
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précis est poussé à son paroxysme dans les dispositifs de trompe-
l’oeil ou encore d’anamorphose. Qu’il soit représenté en peinture ou
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construit architecturalement, le trompe-l’oeil est un dispositif qui
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se révèle une illusion parfaite uniquement si l’oeil de l’observateur
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est placé à un endroit précis. Il ne s’agit plus seulement de position
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ils sont à la recherche d’un effet.»1
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Le trompe-l’oeil peut être vu comme un exercice qui
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utiliserait les lois de la perspective, mais qui en changerait
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l’utilisation. En effet la perspective est utilisée non pas pour
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représenter un espace réel mais pour construire un espace fictif.
Il fut beaucoup utilisé dans la conception des jardins, qui peuvent
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également être vus comme le laboratoire d’expériences spatiales
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mettant en jeu la profondeur et sa perception.
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C.Steenbergen et W. Reh
«La balance entre la géomorphologie du terrain et la symétrie du plan»
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25 C. Jardins et expérimentations spatiales
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particulièrement importante, notamment depuis l’apparition du
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jardin Renaissance, puis dans le jardin «à la française».
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Nous nous pencherons plus spécifiquement sur l’analyse
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du jardin de Vaulx-le-Vicomte par Clemens Steenbergen et Wouter
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Reh, comme une mise en scène de l’espace et de sa profondeur. Ce
jardin, considéré comme le précurseur de Versailles, nous semble
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plus appréhendable et plus pertinent pour étudier la relation entre
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création paysagère et perception de la profondeur.
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1. Ibid., p.165
2. Ibid., p.155.
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empêchent de mesurer la profondeur spatiale. Certains éléments
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de la composition ne vont apparaître qu’après avoir parcouru les
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premiers parterres, d’autres paraissent plus grands qu’ils ne le sont.
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L’espace réel -mesuré- est beaucoup plus long qu’il n’est perçu. «La
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position objective de l’horizon perspectif et la profondeur réelle du
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jardin sont manipulés par la façon dont l’axe spatial a été organisé
architectoniquement.»2 L’utilisation des pentes présentes sur le site
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permet successivement de créer des illusions de la perspective.
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Celle-ci est tout à tour accélérée et raccourcie selon les différents
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parterres, ce qui empêche de déterminer la profondeur réelle du
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sur cette axe - une fontaine, le grand canal- ce qui implique que
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1. Ibid., p.155
2. Ibid., p.156
3. Ibid., p.166
4. Ibid., p.166
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réduction de la perpsective. Les bassins, parce qu’ils sont placés
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dans l’axe majeur et sont infranchissables, obligent le visiteur à
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se détacher de l’axe principal, pour y revenir dans des conditions
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différentes.
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La perspective en tant que représentation statique de la
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profondeur de l’espace a été mise à l’épreuve par l’art des jardins.
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La mise en mouvement du visiteur a permis de se détacher d’un
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point de vue unique mettant en valeur une vue globale de l’espace.
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quels pourraient être les rapports intentionnels entre les choses qui
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se déployer grâce au mouvement.
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pour des raisons structurelles -les murs fonctionnent comme des
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poutres afin de limiter l’impact des points porteurs au sous-sol.
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Chaque paroi est interrompue une première fois dans toute sa
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hauteur, ce qui permet le passage d’une couche à l’autre, puis une
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seconde fois par une large fenêtre donnant sur un patio. Les quatre
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patios sont disposés en quiconque, ce qui détermine la position
décalée des percements des parois.
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Cette disposition en quinconce ainsi que les nombreux
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percements des patios visent à éviter une perception frontale des
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espaces. Il n’est pas possible de voir frontalement plus de deux
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cinématographique continue.
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Cet éloignement d’une perception frontale a déjà été amorcée
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par certains mouvements et architectes tels Van Doesburg. Celui-
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ci met en correspondance «frontalisme» et «conception statique
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de la vie»1, ce qui va à l’encontre de ses recherches spatiales. Il
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cherche à concevoir un «espace universel» où «les différentes
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cellules d’espaces se développent excentriquement, du centre
à la périphérie du cube, par quoi les dimensions de hauteur, de
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largeur, de profondeur, de temps, reçoivent une nouvelle expression
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plastique.»2 Cette conception de l’espace correspond à des
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préoccupations apparues au milieu du XXème siècle, où fluidité
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l’autre
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espace non visible mais perceptible, ressenti par le visiteur lorsqu’il
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s’approche du plan contenant la façade du bâtiment.
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Cet abord non frontal de plans verticaux qui se produit
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involontairement dans la ville est explicitement recherché par
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Aldo Van Eyck dans le Pavillon de sculptures, construit en
1965 à Arnhem. Celui-ci exprime cette volonté de retrouver
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dans le bâtiment «quelque chose de la proximité, la densité et
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la complexité des choses urbaines - que cela devait en fait être
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comme la ville (city-like), dans le sens où les gens et les objets
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pas révéler ce qui se passe à l’intérieur avant que l’on ne soit très
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perpendiculairement aux plans, le regard est arrêté sur chaque plan,
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ces derniers cloisonnant fortement les différents espaces. On ne
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peut jamais percevoir frontalement plus de deux plans ou plus de
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deux couches d’espace à la fois. Les seules visions en profondeur
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sont créées par des diagonales mettant en scène une sculpture.
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Contrairement à un dispositif de plan en enfilade qui
donnerait à voir l’espace dans son intégralité, les désaxements des
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ouvertures les unes par rapport aux autres empêchent d’appréhender
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le pavillon d’une position fixe, il faut le parcourir.
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trace les directions des vues diagonales crée par les cinq percements
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plus direct, il est perturbé et dévié par la courbure des plans. Les
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évidents qu’un point de vue frontal. Les croquis retraçant les études
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1. Ibid., p.134
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Toute la composition du plan dépend de la règle du
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positionnement des percements des plans. Le Corbusier déclare
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en effet que «La composition consiste à ouvrir des trous dans
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ces murs, tous parallèles, en jouant des pleins et des vides.»1 On
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constate qu’il y a à la fois des enfilades de percements rectilignes,
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suggérant une approche frontale, mais également des percements
légèrement décalés ou agrandis d’un plan à l’autre. Les plans
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délimitent plus qu’ils ne cloisonnent les espaces, le franchissement
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de chaque plan va amener une vision différente, le parcours devient
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orienté diagonalement par le décalage des percements.
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une vision changeante, qui peut être vue comme une succession
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l’espace.
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une des manières de représenter l’espace en mouvement.
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Pour étudier la perception des éléments urbains, Cullen rappelle
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la prégnance de la découverte visuelle d’un espace : «Nous nous
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tournons vers la faculté de la vision, parce que c’est presque
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essentiellement à travers la vision que l’environnement est
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appréhendé.»1 En y ajoutant la dimension du mouvement, il va
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réaliser des séries d’images retraçant la découverte d’une partie
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de ville par un visiteur. Il explique ainsi cette démarche: «le
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piéton marche à travers la ville à une vitesse uniforme, le décor
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(scenery) des villes est souvent révélé en une série de secousses ou
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espace est développée d’une autre manière par Siegfried Giedion
llé
dans Espace, Temps, Architecture (1941). Proposant une lecture
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personnelle de l’histoire de l’architecture, il énonce en particulier la
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notion d’espace-temps, qu’il applique à la perception de l’espace.
e
r rn
Il pose ainsi les bases d’une nouvelle conception et par extension
eu Ma
d’une nouvelle représentation de la profondeur.
'a s à
Giedion évoque la suprématie qu’a eu la perspective
t d re
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depuis son invention. Depuis son invention, elle fut en effet une
dr rrit
condition quasi sine qua none de la représentation, aussi bien
au te
dans l’art que dans l’architecture. Rappelant que «l’art avait été
is es
fin de cette suprématie, qui apparaît au XIXème siècle selon lui par
ou &
t s ille
1. Ibid., p.195
2. Siegfried Giedion, Espace, Temps, Architecture, éd. Denoël, (traduction
française 1968) 1990, p. 259
3. Ibid., p. 260
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faces d’un objet, comme si l’on pouvait en faire le tour sans se
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déplacer. Il replace cette recherche dans le contexte de son époque,
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précisant que «La représentation d’objets vus à la fois sous
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différents angles correspond à un phénomène étroitement lié à la
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vie contemporaine: la simultanéité.»2 A la notion de simultanéité
eu Ma
s’ajoute plus tard celle «d’interpénétration», notions qui lui
permettent de préciser les enjeux et conditions d’une nouvelle
'a s à
conception de l’espace qu’il va énoncer, celle de l’espace-temps
t d re
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(notons que Gropius ne définit jamais explicitement cette notion
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d’espace-temps.)
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pour point de départ: «Il percevait les objets, pour ainsi dire
ou &
t s ille
quatrième: le temps.»3
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1. Ibid., p. 260
2. Ibid., p. 261
3. Ibid., p.260
4. Ibid., p. 290
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indispensable pour appréhender un bâtiment. Plus particulièrement,
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c’est dans un premier temps l’oeil qui doit se mettre en mouvement.
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Gordon Cullen parle d’un «oeil en mouvement, mais un oeil qui
-la
est attentif et non paresseux.»2 Il compare cet oeil en mouvement
e
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à une caméra qui permet d’obtenir une vision continue d’une
eu Ma
séquence parcourue. Il parlera d’un «eye as a movie-camera» qui
permet d’enregistrer des séquences spatiales par le mouvement. Il
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retranscrira cette expérience par des images successives, qui
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«essaient de recapturer dans le media limité et statique de la page
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imprimée un peu du sens de la découverte et de la théâtralité
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villes.»3
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1. Ibid., p.291
2. Gordon Cullen, The Concise Townscape, éd. Architectural Press, Guildford,
(1961) 1971, p.19
3. Ibid., p.19
4. Aldo VAN EYCK, Aldo Van Eyck - Works, éd. Birkhaüser, 1999, p.134
5. Ibid., p. 134
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ne pourrait se voir selon un point de vue statique. La perception
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du tout et l’expérience spatiale dans sa continuité semble primer
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sur une vue particulière et comme le disait Van Doesburg à propos
-la
de la perspective, une vue qui serait «particularisante». Comme
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l’exprime Merleau-Ponty, on pourrait dire que «la profondeur ainsi
eu Ma
comprise est plutôt l’expérience de la réversibilité des dimensions,
d’une «localité» globale où tout est à la fois, dont hauteur, largeur
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et distance sont abstraites, d’une voluminosité qu’on exprime d’un
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mot en disant qu’une chose est là.»1
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1. Maurice Merleau-Ponty, L’Oeil et l’Esprit, éd. Folio Essai, Paris, 1964, p.65
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1994 est un bâtiment composé de trois parois de verre disposées
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successivement, l’une étant un écran sur la rue, et les deux autres
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formant les façades avant et arrière du bâtiment. Elles sont
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plus grandes que le corps du bâtiment et dépassent en hauteur
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et latéralement afin d’exprimer plus fortement leur nature. La
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Fondation Cartier est perçue comme une lame d’espaces comprise
'a s à
entre deux parois.
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La matérialité du bâtiment, le verre, donne une perception
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changeante de sa profondeur. La propriété physique de transparence
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du verre permet la compréhension de l’organisation interne du
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que Colin Rowe appelle une transparence littérale. Mais lorsque les
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Jean Nouvel
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compression de la profondeur.
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de Siegfried Giedion et à son livre Space, Time and Architecture
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précédemment évoqué. Contrairement à Giedion, Colin Rowe
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souhaite montrer que la transparence en architecture n’est pas due
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à la qualité du matériau, comme au Bauhaus de Dessau, mais à
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l’organisation en plans successifs d’un bâtiment. Pour cela, il part
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de la définition de transparence donnée par Gyorgy Kepes dans The
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language of vision :
« Lorsque l’on voit deux ou plusieurs figures qui se
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chevauchent, chacune revendiquant pour elle seule l’aire qui leur
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est commune, on se trouve face à une contradiction d’ordre spatial.
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la peinture cubiste qui n’est pas pour lui une vision simultanée de
l’objet sous plusieurs points de vues comme elle l’est pour Giedion
ou pour Moholy-Nagy dans Vision in motion. Elle s’apparente
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bien distinctes illustre parfaitement le propos : chaque partie du
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tableau peut être lue alternativement comme étant au premier plan
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et couvrant les deux autres ou comme étant à l’arrière plan et étant
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en partie masquée. On constate donc que grâce à un entremêlement
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des figures, la peinture cubiste joue sur la perception ambigüe et
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changeante de la profondeur du tableau et sur la disposition des
plans picturaux.
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Avec Colin Rowe, on peut essayer de retrouver cette
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notion de transparence phénoménologique dans l’architecture, et
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Dans la Villa Stein, l’organisation en profondeur est donnée
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à lire, par l’intermédiaire des plans successifs, dans une vision
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frontale de la façade : « c’est grâce aux points de référence fournis
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par ces plans parallèles que la façade s’organise, l’ensemble
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suggérant une stratification verticale de l’espace intérieur du
bâtiment »2. L’espace en profondeur du bâtiment est donc ramené à
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la frontalité de la façade, créant une compression de la profondeur
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perçue. On peut encore une fois faire un parallèle avec la peinture
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cubiste qui contracte les plans dans une profondeur fortement
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représenter la nature »3.
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House I : axonométrie présentant la stratification
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les espaces profonds et peu profonds à être enregistrés sur le plan
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frontal »1.
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La série de maisons de I à X, projetées par Eisenman
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entre 1969 et 1975 sont une tentative de mettre en pratique cette
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succession de plans virtuels afin de structurer le bâtiment. Pour la
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House I, les plans virtuels sont marqués par des colonnes et des
poutres, « placés pour être perçus comme résidus de ces plans »2.
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Il désigne cette conception comme une architecture de carton, dans
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laquelle « le terme carton est utilisé pour signifier une disposition
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particulière de colonnes, de murs et de poutres en une série de fines
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n’est plus l’espace classique défini par des murs de tous les côtés,
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1. Peter Eisenman, Real and English, dans Peter Eisenman inside out – Selected
writngs 1963-1988, M. Rakatansky (dir.), Yale University Press, 2004, p. 60.
2. Peter Eisenman, Cardboard Architecture, dans Peter Eisenman inside out –
Selected writngs 1963-1988, M. Rakatansky (dir.), Yale University Press, 2004,
p. 31.
3. Ibid. p. 28.
4. J.F. Chevrier, Ornement, structure, espace, entretient avec Jacques Herzog
dans La trame et le hasard, éd. L’arachnéen, 2006, p. 90.
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Giedion, d’une transparence crée par les qualités du verre.
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Il s’oppose aussi à Gyorgy Keppes qui ne trouve l’équivalent
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architectural aux compositions cubistes que dans les propriétés du
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verre et dans les superpositions aléatoires produites par la reflexion
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de la lumière. Si l’on s’en tient à la conception de Keppes, la
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Fondation Cartier de Jean Nouvel est le parfait exemple d’une
transparence telle qu’on la retrouve dans la peinture cubiste.
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Les différentes parois de verre créent un jeux de reflet que l’on
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peut effectivement comparer à des « figures qui se chevauchent,
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chacune revendiquant pour elle seule l’aire qui leur est
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acrylique.
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des préoccupations architecturales des questions d’espace vers
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des problématiques de surfaces s’inscrit selon l’architecte dans la
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culture contemporaine caractérisée par la bi-dimensionnalité : « La
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vitesse est intimement liée à un enregistrement bi-dimensionnel de
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l’information visuelle : TV, cinéma, publicité... sont tous les formes
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d’un monde traduit par le bi-dimensionnel »1. Elle s’inscrit de plus
dans l’histoire de l’architecture : « Le XXIe siècle signe la fin de
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l’architecture en trois dimensions. La fin d’Alberti. La perspective
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ne sait plus représenter »2. Selon Jean Nouvel, l’architecture n’est
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donc plus déterminée par des paramètres spatiaux mais plutôt
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d’espace fait passer la question de la profondeur d’une dimension
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spatiale à une dimension de surface. Comme nous l’avons vu, Jean
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Nouvel donne une profondeur à la surface grâce au traitement de
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la matérialité, particulièrement avec les propriétés du verre. Une
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autre manière de trouver une profondeur au sein d’une surface,
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consiste à créer des surfaces composées de différentes couches.
Déjà Alberti, au XVème siècle, semble chercher a atteindre cet
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perception d’une surface profonde lorsqu’il précise que « Le corps
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d’un bâtiment devrait être couvert par une peau faite de plusieurs
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couches de stuc qui devraient briller comme du marbre »1. On
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lire dans son épaisseur, et, comme pour le bâtiment des entrepôts
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1. Alberti, Sur l’art de bâtir, livre IV, cité dans Alejandro Zaera, Herzog & De
Meuron, between the face and the landscape, El Croquis 60+84, Herzog & De
Meuron 1981-2000, éd. El Croquis, Madrid, 2000, p. 395.
2. Bruno Reichlin, l’entrepôt dans une petite carrière, cité dans Matière d’art,
architecture contemporaine en Suisse, éd. Birkhäuser, Bâle, 2001, p. 30.
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69 Dans leur recherche sur l’expressivité donnée à l’enveloppe
d’un bâtiment, Herzog & De Meuron utilisent l’ornementation
pour jouer avec les perceptions de profondeur liées au traitement
de la surface. Pour commenter les sérigraphies de l’enveloppe de
leur bibliothèque à Eberswalde, les architectes convoquent, chez
Matisse, la saturation de la toile par l’ornement : « Chez Matisse
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nous a fasciné la manière dont il utilise l’ornement, qui lui permet
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de détruire la perspective et la forme, et nous avons décidé de
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transposer cela dans l’architecture. La photographie que Thomas
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Ruff a faite de la bibliothèque Eberswalde aplatit le bâtiment, le
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fait apparaître comme une découpe rectangulaire »1. On voit ici
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que l’ornementation permet aux architectes de faire disparaître
la profondeur du bâtiment dans l’espace, au profit de celle de la
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surface. Celle-ci, saturée par la sérigraphie, prend une nouvelle
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profondeur pour le regard, à la manière des motifs dans les œuvres
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de Matisse : « je ralentis, je ralentis, je circule de plus en plus
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de la surface, elle n’est pas mesurable par une distance réelle, elle
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est uniquement perçue.
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73 Conclusion.
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des projets à parois parallèles, on a pu différencier plusieurs
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manières d’appréhender et donc de concevoir la profondeur en
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architecture. Ces différentes approches sont liées à une tradition
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de la représentation depuis la Renaissance et la perspective. Elles
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correspondent chacune à un moment particulier de cette histoire,
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et sont représentatives de son évolution. Cependant, ces différents
procédés mettant en scène la perception de la profondeur se
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retrouvent à l’époque contemporaine, comme l’ont montré les
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bâtiments étudiés. Ils témoignent d’intentions et d’approches assez
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divergentes. La perception en enfilade de l’exposition « 7 rooms »
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recherche.
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75 Bibliographie.
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CARLO ARGAN, Giulio,WITTKOWER, Rudolph, Architecture
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et perspective chez Brunelleschi et Alberti, éd. Verdier, Lagrasse,
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(1990) 2004.
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Peter Eisenman - Feints, CASSARA, Silvio (ed.), éd. Skira, Milan,
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2006.
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CULLEN, Gordon, The Concise Townscape, éd. Architectural
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2006.
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éd. Gallimard, 1964.
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PANOFSKY, Erwin, La perspective comme forme symbolique, éd.
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Les Editions de Minuit, Paris,(1927) 1975.
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Eisenman Inside Out - Selected Writings 1963-1988, M.
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RAKATANSKY (dir), Yale University Press, New Haven - London,
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2004. dr rrit
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peinture murale de Rémy Zaugg - Une oeuvre pour Roche Bâle, éd.
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El Croquis n° 65-66, Jean Nouvel 1987-1998, éd. El Croquis,
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Madrid, 1998.
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El Croquis n° 129+130, Herzog & de Meuron 2002-2006, éd. El
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Croquis, Madrid, 2006.
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El Croquis n° 60+84, Herzog & de Meuron 1981-2000, éd. El
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Croquis, Madrid, 2000. dr rrit
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