Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Cultura Popular y Religion PDF
Cultura Popular y Religion PDF
http://scp.sagepub.com
Published by:
http://www.sagepublications.com
Additional services and information for Social Compass can be found at:
Subscriptions: http://scp.sagepub.com/subscriptions
Reprints: http://www.sagepub.com/journalsReprints.nav
Permissions: http://www.sagepub.co.uk/journalsPermissions.nav
Citations http://scp.sagepub.com/cgi/content/refs/55/3/304
Aldo AMEIGEIRAS
Les questions théoriques portant sur les cultures populaires et leur relation
avec les religions ont traversé différentes phases, suivant les repositionne-
ments des diverses perspectives en vigueur dans les sciences sociales. L’auteur
s’intéresse ici à ce phénomène à partir de quelques perspectives qui ont
dernièrement souligné la nécessité de refondre les catégories d’analyse du
sacré, en particulier en prenant en compte la singularité des cultures populai-
res latino-américaines.
Introduction
DOI: 10.1177/0037768608093693
http://scp.sagepub.com © 2008 Social Compass
modes d’existence de ce qui est populaire que des articulations et des processus
suscités par la culture de masse. Ceci implique de porter un regard nouveau sur
la culture populaire—un regard qui n’ignore ni les contradictions, ni les conflits
qui animent celle-ci en permanence, qui reconnaît l’existence et la singularité de
matrices culturelles qui luttent pour leurs existences (elles sont donc en tension,
mais celle-ci est créatrice).
Il devient donc possible de proposer une nouvelle analyse du phénomène reli-
gieux et de sa présence dans la société—qui coïncide avec l’apparition de nou-
velles modalités de croyances et de recompositions identitaires religieuses. Une
situation qui, dans le champ populaire, mérite d’être envisagée en fonction de la
particularité des cultures populaires pour comprendre alors, dans ses multiples
implications, la signification profonde du sacré dans la vie des croyants. Cette
approche de la connaissance du phénomène religieux en général—et des
approches de la religion populaire, en particulier—à partir de la trame des sens
partagés par le champ populaire, pose au moins deux défis à la recherche. Le
premier est lié à la signification du sacré dans le champ populaire; le second, à la
forme sous laquelle le religieux se constitue en recours symbolique fondamen-
tal dans la vie quotidienne des sujets dans lesdits champs. Ces deux instances
permettront d’aboutir à une approche singulière du pluralisme religieux.
Nous en venons ainsi à un thème central de notre analyse, et qui est précisément
lié à la pluralité des matrices culturelles existant dans les différentes cultures
populaires, ainsi qu’à l’examen des dimensions attenantes aux approches
du sacré, dont les implications sont fondamentales quant à la considération
de la religiosité populaire et du pluralisme religieux présents dans le champ
populaire.
À ce propos, dans le cadre des sciences sociales et de la sociologie de la
religion en particulier, nous devons tenir compte du fait que les notions et les
catégories d’approche du sacré sont le résultat d’un long parcours théorique,
dont l’un des points d’ancrage se trouve chez É. Durkheim (1968) qui pose
l’existence de deux champs distincts: le sacré et le profane. Cette conceptualisa-
tion, qui s’appuyait sur une des notions qui s’imposaient à l’époque, a permis
d’avancer vers une formulation qui exigeait un remarquable effort d’approche
de la complexité du religieux et qui, au-delà des différentes critiques que
l’on peut lui adresser, constitue un point de référence incontournable de cette
thématique.
Depuis lors, la considération du sacré et du profane comme deux genres
opposés, différentiables et séparés—qui renvoient à la “division du monde en
deux domaines qui comprennent pour l’un tout le sacré, pour l’autre tout le
profane”—a constitué un point d’appui essentiel dans l’approche du phénomène
religieux (Prades, 1987: 127).
Ce type d’approche a été approfondi par M. Eliade (1994). Pour lui, l’“abîme
… qui sépare les deux instances” rend possible l’existence de “deux modalités
d’être au monde, deux situations existentielles”, assumées généralement comme
la catégorisation la plus adéquate pour la compréhension du phénomène reli-
gieux en général.
Ces notions de profane et de sacré, bien qu’elles contribuent incontestable-
ment à la compréhension de la complexité de notre thématique, comportent
cependant certains aspects qui donnent lieu à une utilisation indiscriminée
dans certains contextes difficiles. Cette considération dichotomique élimine
non seulement la possibilité d’articulations, mais écarte aussi toute possibi-
lité de synthèse ou d’existence d’alternatives. Comme C. Parker le remarque
(1995: 44), il s’agit d’une conceptualisation fortement influencée par le carté-
sianisme, l’un des éléments apparaissant aux antipodes de l’autre et la contra-
diction étant envisagée à partir de l’existence de multiples et possibles formes
de relation. Même si on considère que cette forme est viable dans une société et
une culture déterminée, il ne faut pas, pour autant, croire que celle-ci puisse se
produire de la même manière dans toutes les autres et, partant, d’universaliser
une relation qui, au contraire, se singularise selon les différentes latitudes et
expériences, au sein de cultures différentes. Ce questionnement exige donc
une attention toute particulière. Il convient de s’interroger sur la validité de
ces notions par rapport à la singularité des cultures en général et de la culture
latino-américaine en particulier.
C’est en considérant comment la culture latino-américaine génère des perspec-
tives, des approches et des modalités qui ne dissocient pas le naturel de ce qui est
C’est à partir de cette approche du sacré que se construit une perspective reli-
gieuse, dans le champ populaire, qui non seulement se constitue en recours
symbolique fondamental, mais se manifeste encore dans une diversité de pra-
tiques sociales et symboliques dans le cadre de la vie quotidienne. Ce recours
symbolique—en ceci qu’il procure un support de sens au défi permanent de
survie, d’affirmation de la valeur de la vie sur la mort—établit aussi le sens de
l’existence au-delà de l’indifférence du marché et de la détresse des champs
sociaux en situation de pauvreté et d’exclusion. Par ailleurs, cette perspective
religieuse s’incarne dans une diversité de pratiques où devient explicite une
approche du sacré non distanciée, mais consubstantielle à l’ensemble des rela-
tions sociales où se manifeste une “capacité de médiation et d’union entre le
matériel et le spirituel, le sensible et le suprasensible” (Ameigeiras, 1996: 189).
C’est un type de religiosité non exempt d’ambiguïtés et de limitations, mais
où se manifeste la fécondité de la singularité de la mystique populaire. À ce
type d’approche correspond une position concrète, spatio-temporelle, à partir de
laquelle il est possible de reconsidérer la vie et d’établir des critères d’orientation
face aux tensions rencontrées chaque jour, une perspective où se manifeste la
fécondité d’une mystique populaire particulière. Aussi, en tant qu’incarnation du
sacré, la croyance religieuse dans le champ populaire suppose-t-elle la présence
son ensemble. Plutôt que de discriminer divers regards, le pluralisme les met
en position d’égalité par sa capacité de mise en relation. Comme le signale
P. Semán de manière juste, selon nous:
L’expérience populaire embrasse la diversité et est embrassée par elle; elle organise une
vision où toutes les religions, parce qu’elles sont en relation avec un niveau de la réalité, le
sacré, sont sacrées. (Seman, 2006: 48)
En guise de conclusion
Par cette réflexion, nous avons examiné deux instances que nous considérons
comme essentielles pour l’étude de la religion populaire en Amérique latine:
la relation, dont l’importance est immense, entre les cultures populaires et la
religion populaire et la religion populaire elle-même, dont la densité est remar-
quablement significative.
En ce qui concerne le premier aspect, nous avons insisté sur la nécessité d’une
compréhension adéquate de la trame de signifiés que constituent les sujets dans
le champ populaire. Celui-ci, même dans le cadre de conditions historiques et
structurelles hégémoniques, génère une cosmovision singulière du monde et de
la vie. Cette perspective suppose la reconnaissance de matrices culturelles, car
c’est au cœur de celles-ci que surgit une approche particulière du sacré qui non
seulement se constitue en un sens articulateur d’autres sens, mais qui, à son tour,
devient un recours symbolique fondamental dans la vie quotidienne des sujets. Ce
type d’approche est différent de n’importe quelle autre approche du religieux.
En second lieu, pour ce qui est de souligner la densité significative de la
religion populaire, celle-ci ne constitue pas seulement une réserve de sens qui
se déploie individuellement à des moments particuliers et dans des situations
limites, mais se manifeste aussi dans les tensions et les conflits de l’expérience
historique et dans la mémoire collective des peuples en Amérique latine.
Notre approche de la religiosité populaire depuis la particularité des cultures
populaires implique ainsi, au-delà de l’option théorique et méthodologique, une
prise de position épistémologique qui, à son tour, indique une voie à explorer
et laisse à penser qu’il serait indispensable de mener de nouvelles études et
recherches sur le phénomène religieux, dans le cadre des sciences sociales en
Amérique latine.
RÉFÉRENCES
Ameigeiras, Aldo (1996) “La religiosidad popular”, in J.A. Soneira (ed.) Sociología de
la religión, pp. 187–220. Buenos Aires: Docencia.