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teledoc le petit guide télé pour la classe

2006
2007

L’Enfant du secret
Un téléfilm
En 1774, un adolescent sourd, muet et abandonné à son
de Serge Meynard (2006),
scénario de sort est recueilli par un prêtre, l’abbé de L’Épée, qui
Patrick Laurent et Alicia Alonso, entreprend de communiquer avec lui par signes et de
avec retrouver ses parents. Le téléfilm de Serge Meynard relate
Michel Aumont (l’abbé de L’Épée),
l’acte de naissance, en plein siècle des Lumières, d’une
Claire Borotra (la comtesse de
Solar), Fanny Cottençon (Marie nouvelle conscience de l’enfant et d’une approche plus
de L’Épée), Joshua Julvez humaniste de la surdité.
(Joseph/Guillaume), Yvon Back
(Cazeaux).
2h

FRANCE 2
MARDI 23 JANVIER, 20 h 50
Un enfant au siècle des Lumières
Éducation civique, français et histoire, collège

En 1773, un adolescent sourd- « Ni homme, ni bête, mais enfant » l’homme naît bon mais est perverti par la société
muet et traumatisé est confié (Rousseau) dans laquelle il vit et qu’il convient de lui offrir
à un hospice de fous. Il est > Par l’observation de la manière dont sont la possibilité de découvrir par lui-même, au
recueilli par l’abbé de L’Épée, représentés les enfants dans le film, opposer la contact de la nature, les chemins qui conduisent
un prêtre qui, avec l’aide de sa conception ancienne de l’enfance à celle que à la raison et à la conscience morale.
sœur, tient une institution de mettent en avant l’abbé de L’Épée et les
jeunes sourds au sein de penseurs des Lumières. Un homme des Lumières
laquelle il a mis au point un • L’enfant de l’Ancien Régime. On recensera les > Montrer que l’abbé de L’Épée est un homme des
langage de signes qui leur différents enfants vus dans le film pour dégager Lumières..
permet de communiquer. Bien la diversité de leur relation souvent négative à • Un homme d’Église. On recherchera des détails
vite, le jeune garçon baptisé l’adulte : délaissement auprès d’une nourrice, qui montrent que l’abbé de L’Épée raisonne encore
du nom de Joseph fait savoir abandon pur et simple par les parents, éduca- en homme d’Église : l’usage des paraboles dans
qu’il a été jadis abandonné tion stricte fondée sur une absence d’affection, son enseignement, le « je, tu, il » inculqué à
par les siens. L’abbé, voulant volonté de «représenter» l’enfant (au sens même Joseph qu’il assimile au « Père, Fils et Saint-
briser le douloureux secret de la représentation théâtrale) comme un adulte Esprit », la référence à l’âme plus qu’à la raison,
enfoui en lui, prend la en devenir, etc. On étudiera notamment, au début etc.
décision d’en appeler à la du film, le contraste entre l’« enfant sauvage » • L’utopie de l’abbé de L’Épée. On montrera en
justice et de retrouver la dans sa masure et la petite aristocrate lors de la quoi l’institut des jeunes sourds qu’il a fondé
famille indigne afin de soirée au château : deux facettes extrêmes de la avec sa sœur est dépeint comme une utopie :
restaurer Joseph dans ses relation d’une même mère à ses enfants, saisies refuge clos, centré sur la cour souvent ensoleillée
droits. Or la mère de celui-ci dans un montage parallèle. On s’interrogera enfin avec sa fontaine d’où jaillit l’eau et sa nature
n’est autre que la comtesse de sur l’attitude de la comtesse de Solar par rap- dans laquelle les enfants jouent et étudient.
Solar qui, ne pouvant port à Joseph/Guillaume, puis celle de madame L’école apparaît comme un lieu idéal où les
supporter que son fils fût Bonaventure vis-à-vis d’Agnès : les mères exigent enfants sont protégés des atteintes de la société
handicapé, l’avait abandonné dans les deux cas une parfaite conformité avec extérieure et libres d’agir comme bon leur sem-
à une nourrice. Lors du procès, leur statut social. Dans la France de l’Ancien ble. Cet univers méconnaît la violence, ce qui ne
la femme se repent et, Régime, il n’existe aucune conscience de la sin- rend que plus inadmissible la bagarre qui oppose
retrouvant son fils qui s’était gularité enfantine : l’enfant est confondu avec les deux adolescents et qui, finalement, les frappe
entre-temps enfui, implore les adultes, dont il endosse très tôt les habits de stupeur tant l’acte apparaît là irraisonné.
son pardon. et le comportement. • Un pédagogue des Lumières. L’abbé de L’Épée
• Un nouvel enfant. Au XVIIIe siècle se fait jour travaille à faire sortir les sourds-muets de l’en-
une nouvelle perception de l’enfant dont témoi- fermement et de la marginalité en leur appre-
gne le souci de l’abbé de L’Épée : l’éducation nant un langage qui permet de communiquer.
devient plus attentionnée, plus adaptée aussi à L’enseignement qu’il prodigue aux jeunes sourds
la personnalité singulière de l’enfant. On mont- se révèle ici caractéristique de la pédagogie prô-
rera en quoi l’abbé, promoteur d’une démarche née par les penseurs des Lumières : préconisant
pédagogique semblable à celle que préconise d’abord une « éducation négative », préalable à
Rousseau de manière presque contemporaine dans l’acquisition des connaissances et à la raison, il
Émile ou De l’éducation (paru en 1762), voit dans prend ensuite en compte la singularité de l’âge
l’apprentissage un moyen de donner aux indivi- adolescent et de sa propension aux « passions »,
dus la possibilité de développer leur autonomie. et suggère une « éducation positive », dont l’ob-
L’abbé, en cela, défend aussi l’idée selon laquelle jectif est de fixer ces passions sur les meilleurs
objets avant d’entrer dans la société.
• Une affaire véridique. À l’instar des célèbres
« affaires » (Callas, le chevalier de La Barre) qui
ont vu l’engagement des penseurs du XVIIIe siècle
Rédaction Agnès Lefillastre, professeur de dans le débat judiciaire et moral, l’affaire Solar a
lettres, et Loïc Joffredo, CNDP bien eu lieu, mais la chronologie suggérée dans
Crédits photos France 2 / Laurent Denis
le film raccourcit quelque peu les événements
Édition Anne Peeters et Émilie Nicot
Maquette Annik Guéry réels de l’époque : si c’est bien en 1773 que fut
découvert le jeune sourd en Picardie, il ne fut
Ce dossier est en ligne sur le site
de Télédoc.
confié à l’abbé de L’Épée que bien plus tard et
www..cndp.fr/tice/teledoc/ la procédure judiciaire ne fut entamée qu’en 1777
pour s’achever en 1781 avec une sentence par qualité abstraite, n’en résulte-t-il pas le mot L’abbé de L’Épée
laquelle le jeune Joseph est reconnu comme étant intelligibilité ? Enfin, par un cinquième, en y
le fils du comte et de la comtesse de Solar. ajoutant une négation, n’avons-nous pas le mot Né en 1712, Charles-Michel
entier inintelligibilité ? » (Cité par Ferdinand de L’Épée, avocat au
Une langue pour les sourds Berthier, Les Sourds-Muets avant et depuis l’abbé Parlement de Paris, était
> Dégager les termes des débats sur l’ap- de L’Epée, publié en 1840.) Alors que pour l’abbé un prêtre dévoué au
prentissage de la langue des signes telle que de l’Epée ce mot nécessitait cinq signes, les élè- secours aux pauvres et aux
le préconisait l’abbé de L’Épée et les carac- ves entre eux n’en utilisaient que deux : « impos- indigents. Mis par hasard
téristiques de cette langue. sible » et « comprendre »... On soulignera que la en relation avec des sœurs
• Les « silencieux » : une communauté en quête langue des signes aujourd’hui (LSF, langue des jumelles sourdes et
de droits. On relèvera au cours du film tous les signes français) est une véritable langue, au muettes, il découvre le
préjugés dont souffraient les sourds-muets et les même titre que le français oral : naturelle (elle langage gestuel que
interdits sociaux qu’on opposait à ceux qui n’a pas été inventée mais s’est formée au cours pratique la communauté
étaient appelés les « silencieux » : disposer de de l’histoire des sourds) ; fondée sur une gram- des sourds parisiens.
leur propre langue, se marier entre eux, s’associer, maire, une syntaxe, un vocabulaire, des niveaux Passionné, il ouvre en
faire valoir leur témoignage en justice, etc. Le de langage (soutenu, poétique, argotique, etc.) 1760, rue des Moulins,
principal a priori à leur encontre était qu’ils n’é- et des dialectes régionaux ; nationale, enfin (elle près du Louvre, une école
taient pas éducables : « Il ne connaît tout sim- n’est pas comprise par un sourd étranger). publique (futur Institut
plement pas la différence entre le vrai et le faux, • Une controverse : l’oralisme contre la langue des national des jeunes sourds,
entre le bien et le mal», dit de Joseph l’avocat de signes. Le film fait état, à travers la conversa- rue Saint-Jacques), où les
la comtesse de Solar. Ce préjugé renvoie à une tion entre l’abbé de L’Épée et madame Bonaven- sourds-muets apprennent à
question fondamentale depuis l’Antiquité : ture, d’une interrogation de l’époque : les sourds lire, à écrire et à
l’homme privé de parole possède-t-il une raison ? sans l’écriture possèdent-ils seulement une s’exprimer à l’aide d’un
• La « mimique » au XVIIIe siècle. On partira de la mémoire visuelle ? Un apprentissage préalable langage de « signes
séquence de la première rencontre de Joseph de la parole ou de l’articulation n’est-il pas une méthodiques », mélange de
avec les enfants de l’institut de l’abbé de L’Épée nécessité ? On pourra reproduire les termes d’un gestes imitatifs et
et du relevé des signes distinctifs qui « nom- débat qui opposait (et oppose toujours) les d’alphabet dactylologique
ment» chacun d’eux: «le batailleur», «l’artiste», tenants de l’oralisme (la parole est le préalable à dont l’abbé voulait faire
« celle qui n’aime pas qu’on la regarde ». On s’a- tout enseignement de la langue, ne serait-ce que une langue universelle que
musera en classe à demander à chaque élève pour communiquer avec les entendants, mais les entendants de tous les
d’inventer le signe qui le caractérise le mieux. cette langue orale est purement mécanique, pays apprendraient dans
À partir de l’observation de la méthode ensei- dépourvue de spontanéité : « À tout prendre, le des collèges. Si sa méthode
gnée par l’abbé au cours des séquences d’ap- perroquet est supérieur au singe, lui au moins, il est aujourd’hui tombée en
prentissage (20e et 26e min), on dégagera les parle », déclare madame Bonaventure) à ceux de désuétude, son action
traits spécifiques de cette langue : des gestes la langue des signes (la tendance naturelle des pédagogique, ses traités
naturels utilisés pour exprimer des choses ou des sourds est de « signer » pour dialoguer entre eux, d’apprentissage et l’intérêt
idées (fondé sur le mime, d’où le nom donné au mais elle interdit en effet la communication avec que de nombreux émules
XVIIIe siècle à cette langue : la mimique), des les entendants qui méconnaissent les signes). en Europe lui ont porté ont
signes grammaticaux pour indiquer le temps, les prouvé la justesse d’une
personnes, les genres et les fonctions gramma- ■ démarche qui, loin de
ticales du français ; des mots en français faits de l’« oralisme » et de
lettres de l’alphabet dactylologique. D’où une l’apprentissage mécanique
grande complexité, parfois, comme le montre Pour en savoir plus de la parole par les sourds,
l’expression du mot « inintelligibilité » : « Je n’ai reconnaissait une langue
eu besoin que de cinq signes exécutés dans un • L’ÉPÉE Charles-Michel de, La Véritable Manière d’ins- spécifique pour ces
instant comme vous venez de le voir, précise truire les sourds et les muets (1784), Fayard, 1984. derniers. En 1791, deux
l’abbé. Le premier annonçait une action inté- • LANE Harlan, Quand l’esprit entend. Histoire des sourds- ans près sa mort,
rieure, le second représentait l’action d’une âme muets, Odile Jacob, 1991. l’Assemblée nationale
qui lit intérieurement, c’est à dire qui comprend • LSF sur le Web, un site créé par quatre étudiants de reconnaît l’abbé de L’Épée
ce qu’on lui propose, le troisième déclarait que l’Université Paris-8 pour faire connaître la langue « bienfaiteur de
cette disposition était possible. Cela ne donne- des signes. l’humanité ».
t-il pas le mot intelligible ? Mais pour un qua- http://ufr6.univ-paris8.fr/desshandi/supl/
trième signe, en transformant cet adjectif en projets/site_lsf/accueil/accueil.php
Plaidoyer pour un enfant sourd
Fiche de travail

Dans L’Enfant du secret, L’abbé de L’Épée prend la parole :


un procès oppose la « Vous avez décrit on ne peut mieux le triste monde où évoluent ces malheureux. Et qui
comtesse de Solar et le s’en émeut? Personne, ou presque. On les considère comme des sortes de demi-automates
jeune Joseph qui qui coûtent seulement plus cher à entretenir que les vrais. On les place dans le premier
revendique sa filiation hospice venu. On les abandonne au coin d’un bois. Ils vivent comme des animaux, sans
avec l’aristocrate pour droits, sans avenir. Et pourquoi un tel manque de cœur? Parce que, comme vous Monsieur,
recouvrer ses droits. l’on pense qu’entre le captif et sa geôle, il n’y a pas de différence, que l’une est constitutive
de l’autre. Eh bien c’est faux ! Et de même qu’un homme qu’on libère de ses chaînes
L’abbé de L’Épée, en
retrouve après quelques temps le plein usage de ses membres endoloris, offrez à un
réponse à l’avocat de la
sourd le moyen de quitter sa prison et il retrouvera le chemin de l’humanité dont il a été
comtesse qui dénie à éloigné jusqu’alors. Or qu’est-ce que ce chemin ? L’échange, l’échange, l’échange avec
Joseph le droit son prochain ! C’est-à-dire rien d’autre que l’amour. Car c’est ici dans ce lien entre la
d’exprimer des mère et l’enfant que surgira la langue, dans ce lien qui nous unit tous. Comprendre son
sentiments justes, fait prochain, c’est déjà l’aimer, que nous le voulions ou non.. Et c’est en cela que le Verbe
un plaidoyer au cours est Amour. […]
duquel il fait valoir la Pourquoi croyez-vous que pour parler on ait besoin de la voix ? Est-ce qu’on ne parle
légitimité du pas par écrit ? N’y a-t-il pas différentes manières de parler ? Voyez-vous les mots qui
témoignage du jeune sortent de ma bouche ? Pouvez-vous les toucher ? Sont-ils des signes plus tangibles que
sourd-muet. Avec des ceux exprimés par ces enfants avec leurs mains, ces signes que je leur enseigne depuis
élèves de 3e, on des années ? Non, vous ne les voyez pas, ces mots, ni ne les touchez. Ce ne sont que des
étudiera la oiseaux invisibles qui volent vers vos esprits, comme volent les signes que, jour après jour,
construction de ce ils apprennent dans mon école. Ils avancent vers nous, ces enfants. Leur esprit avance
texte argumentatif vers nous. Ils apprennent à penser, puis ils apprennent à lire. Après, il suffit d’apprendre
reproduit ici. On à écrire, et alors rien ne les sépare des autres. »
pourra, en
prolongement de ce Questions
travail, se livrer à 1. La construction du plaidoyer
l’observation des • Distinguez les arguments de la thèse adverse. Comment les sourds sont-ils désignés dans
intonations du discours cette thèse ? Quelle caractéristique commune présentent ces termes ? Repérez la fonction
et de la gestuelle de grammaticale du pronom les : que révèle-t-elle du comportement de la société vis-à-vis
l’abbé dans son des sourds ?
plaidoyer : expressions • Les arguments de l’abbé de L’Épée. Relevez deux arguments par analogie ; un argument
faciales, gestes de la religieux ; une maxime.
Comment les sourds sont-ils désignés dans le premier paragraphe ? Que constatez-vous ?
main, mouvements
Quels connecteurs logiques permettent d’enchaîner les différents arguments ?
généraux du corps dans
• Relevez des questions de rhétorique dans ce passage. Quel effet produisent-elles ?
l’espace, en appui de
l’argumentation du
2. Le style oratoire
discours.
• De quelle manière l’orateur nomme-t-il son interlocuteur ? Pourquoi simule-t-il un
dialogue dans le premier paragraphe ?
• Relevez les marques de l’oralité dans le texte : types de phrase appuis du discours,
modalisateurs.
• Soulignez les répétitions. Quels termes mettent-elles en valeur ?
• Étudiez les procédés de généralisation : temps des verbes, pronoms.

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