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Mais pourquoi utilise-t-on le terme d’’économie’ ?

Il semble que la signification donnée à ce terme


dans le cadre théologique, est associé au premier usage du terme grec ’oikonomia’ qui désignait
l’administration et la gestion de la vie domestique. La théologie a donc extrapolé cette notion pour
parler de la façon dont Dieu administre et gère ’sa maison’, c’est-à-dire le monde. Pour bien le
gérer et l’orienter, c’est-à-dire pour le sauver, Dieu décide avant tout de l’habiter, de le traverser,
et c’est pourquoi son ’économie de salut’ correspond à son ’plan d’incarnation’. Le terme
d’économie restera ainsi lié dans le domaine théologique aux relations entre Dieu et l’histoire
humaine, entre son plan de salut et son efficacité historique, entre son projet de ’paix’ et la ’violence’
qui caractérise la vie sur terre.

Le terme d’économie sera repris et encore plus précisé dans le domaine théologique lors de la
crise iconoclaste du VIIIème siècle (M. J. Mondzain, ’Image, icône, économie’). Il sera alors utilisé
pour désigner l’articulation entre l’icône et ce qu’elle représente, c’est-à-dire son modèle divin ;
autrement dit, la relation entre l’image visible et l’image invisible, ou encore entre la réalité
historique concrète et la transcendance. Le terme d’économie acquiert à travers sa relation avec
l’image iconique, un statut relationnel et dynamique, car il désigne la circulation entre le profane et
le sacré, le mouvement entre l’immanent et le transcendant. Quand la circulation se paralyse et le
mouvement s’arrête, l’image invisible reste fixée et assimilée à l’image visible, le modèle se
confond avec l’objet qui le représente. A ce moment-là l’icône devient idole, et l’économie perd son
caractère dynamique et relationnel.

Ce risque toujours présent dans l’image iconique, de devenir une image idolâtrique, révèle toute
l’ambiguïté de l’’économie de salut’ : c’est un projet de salut, et donc de paix, qui risque à tout
moment de devenir un projet de mort, qui ne véhicule que de la violence. Et malheureusement les
exemples aujourd’hui sont nombreux pour illustrer les morts les plus atroces faites au nom du salut
divin.

Ces catégories de relation iconique et de relation idolâtrique associées à la notion d’’économie de


salut’ pourraient peut-être nous aider à penser cette frontière vacillante et glissante entre la vie et
la mort, entre la paix et la violence, qui se trouve au coeur même du projet de salut religieux. Si
bien nous avons ici parlé exclusivement de la religion chrétienne, nous pensons que l’ambivalence
entre la vie et la mort, entre la violence et la paix, entre le salut divin et le tragique de l’histoire,
traverse toutes les religions, car elle est inhérente à la logique du sacré.

Mais au-delà du domaine religieux et théologique, cette approche de l’économie associée aux
notions de salut et d’icône, interroge aussi le domaine économique proprement dit. La science
économique est aujourd’hui considérée plutôt comme une science ’dure’, du type des sciences de
la nature, que comme une science ’molle’, du type science sociale. Et pourtant, elle relève d’un
type de relations humaines, qui sont constitutives et centrales dans nos sociétés contemporaines,
à savoir les relations économiques. Que ce soit par le travail ou par le commerce, nos vies sont
régulées et organisées autour des relations économiques. Peut-être que l’’économie de salut’
pourrait aider la science économique à retrouver du mouvement et de la communication dans des
relations économiques souvent prises de façon trop déterministe et causaliste. Peut-être que
l¡économie de salut’ pourrait aider la science économique à penser la violence et la paix au sein
des rapports économiques.

Mots-clés
violencepaixthéologie

Commentaire
Cet aperçu de la notion d’économie de salut’ est trop sommaire mais il suffit à poser des questions
essentielles à la théologie et à l’économie. Comment la théologie pense l’ambivalence entre violence et
paix qui traverse et identifie le rapport entre l’humain et le sacré, entre l’histoire et la transcendance ?
Comment l’économie pense l’ambivalence entre la violence et la paix qui traverse et identifie les relations
économiques de notre vie quotidienne ?
Notes
Fiche réalisée dans le cadre de l’atelier sur ’ Religion et Paix ’, La Haye, mai 1999.

Source
Livre

MONDZAIN, Marie José, Image, icône, économie, Seuil, 1996 (France)

Centre de Recherche sur la Paix - Institut catholique de Paris - 21 rue d’Assas, 75006 Paris FRANCE- Tel 33/01 44 39
84 99. - France - www.icp.fr/fasse/crp.php

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