Ces arrêts viennent remettre en question la souveraineté pleine des Etats dans
l’exercice de la protection diplomatique. Ils consacrent l’existence de droits
individuels internationaux et posent ainsi une relation tripartite où l’Etat responsable et l’Etat lésé ne sont plus les seuls acteurs.
Les conséquences juridiques posées par la Cour seront le réel reflet de
l’existence de droits individuels internationaux ; dans un tel cas, lesdits droits devront être respectés soit par les Etats eux-mêmes, au risque de violer une obligation internationale vis-à-vis de l’individu, soit par une décision de la Cour dont la portée juridique serait obligatoire.
En l’espèce, la Cour commence par rappeler que la réparation d’un préjudice,
conséquence de la mise en jeu de la responsabilité, n’est pas automatique. Il convient d’apprécier au cas par cas le dommage subi (cf. arrêt Usine de Charzow). La Cour estime qu’il faut vérifier si la violation du droit international a effectivement causé un dommage aux ressortissants. Il y a une prise en considération non seulement du dommage subi par l’Etat (ne pas avoir pu exercer sa protection consulaire et diplomatique) mais avant tout de celui subi par les ressortissants ( quelles seront les conséquences d’une absence de protection consulaire en son temps). C’est donc la violation des droits individuels à l’origine de la mise en jeu de la responsabilité d’un Etat qui va déterminer la réparation du préjudice. Dès lors, l’Etat lésé ne va pas obtenir automatiquement une restitution intégrale, une cessation ou l’application de l’obligation non respectée, mais il conviendra d’apprécier la portée de la violation internationale pour l’individu.
La Cour est compétente pour déterminer les conséquences juridiques découlant
d’un fait internationalement illicite. Elle peut donc imposer le respect de droits individuels internationaux aux Etats et les individus pourraient avoir la possibilité de faire valoir leurs droits directement devant une juridiction internationale. Cependant, en l’espèce, les mesures de réparation qu’elle pose sont insuffisamment caractérisées ; il n’y a pas de protection directe des droits individuels reconnus. Elle impose simplement un réexamen et une révision de la décision rendue à l’encontre des ressortissants, sans toutefois indiquer les modalités d’une telle démarche. Dans l’arrêt Avena, elle pose comme unique restriction à la souveraine appréciation de l’Etat responsable le devoir de prendre en considération la violation à l’origine dudit réexamen : l’Etat doit vérifier si en l’absence de violation le verdict rendu aurait été différent.
Ill appartient alors à l’Etat responsable d’apprécier le lien de causalité existant
entre la violation causée et le dommage subi et d’adopter les dispositions correspondantes. En l’espèce, la violation internationale a eu des répercussions dans le déroulement de la procédure judiciaire interne, car elle a privé le ressortissant d’une aide juridique au cours du procès, que lui aurait apporté un consul .
La position de la Cour est de ne pas s’immiscer dans l’indépendance judiciaire
des Etats. Il y a un respect de la souveraineté de l’Etat dans la mise en jeu de sa responsabilité. La Cour se borne donc à qualifier de droit individuel une norme internationale sans toutefois modifier son comportement vis-à-vis des Etats, à savoir, comme elle le dit elle-même, ne pas être une juridiction d’appel en matière criminelle(cf. arrêt Paraguay contre Etats Unis) .
D’autre part, dans l’affaire étudiée, la doctrine de l’Etat responsable empêche
une révision et un réexamen qui prenne en considération la violation internationale. Il y a divergence entre respect droits individuels internationaux et procédures judiciaires internes. Ainsi, d’après la doctrine de la carence procédurale, propre aux Etats Unis, dès lors que les ressortissants se retrouvent à une certaine étape de leur procès, les éléments juridiques apportés seront considérés comme complets et les accusés ne pourront plus invoquer d’autres moyens ; une absence d’aide juridique découlant de la violation d’une convention internationale ne sera plus recevable. L’effectivité des droits individuels posés par les normes internationales est donc contestable. L’Etat pourrait conférer des droits de défense constitutionnels alternatifs pour l’individu, comme c’est le cas du recours en grâce aux Etats Unis, mais cela ne remettrait pas en question la violation d’un droit individuel international et son non respect après constatation de ladite violation. Il y a pourtant tentative de la part de la Cour de concilier les procédures judiciaires et doctrines internes d’un Etat avec le respect de la Convention de Vienne. En l’espèce, elle déclare qu’en soi la carence procédurale n’est pas contraire à l’article 36, car jusqu’à un certain stade du procès celui-ci peut être invoqué. Elle impose la compatibilité de normes sans remettre en question le droit interne de l’Etat responsable. Mais la pratique indique que ladite doctrine ne permet pas l’application de l’article violé. Il y a lors déni de justice pour les individus. Il faudrait une révision de l’ordre juridique interne pour qu’il y ait respect possible de la Convention de Vienne. Cela revient à intégrer à l’ordre juridique interne les droits individuels internationaux dégagés par la Cour. Or l’arrêt Avena n’a donné lieu qu’à une déclaration du président des Etats Unis en 2005, invoquant un devoir de courtoisie sans poser d’autres obligations aux juridictions internes, De plus, les Etats Unis ce sont déclarés non parties à la Convention.
Il y a une certaine volonté de la part de la Cour de renforcer la protection de
l’individu par la mise en place d’une jurisprudence internationale ; au paragraphe 157 de l’arrêt Avena la décision est déclarée applicable pour tout autre cas analogue de ressortissant souffrant d’un manque d’informations en son temps pour la mise en œuvre d’une protection consulaire. Cependant, lorsque l’arrêt Lagrand avait déclaré que toute ordonnance antérieure à l’instance, posant des mesures conservatoires, à savoir la non exécution d’un ressortissant condamné tant que la Cour ne se serait pas prononcée, était obligatoire, le principe jurisprudentiel n’avait pas été respecté par la suite. De même, l’attitude des Etats Unis vis-à-vis de l’arrêt Avena et l’absence d’intervention de la Cour a posteriori prouvent la difficulté d’une telle pratique.
La reconnaissance de droits individuels internationaux ne semble donc pas
changer grand-chose à l’ordre international ; les Etats restent les seuls sujets s’exprimant réellement devant les juridictions internationales et sont souverains dans la mise en œuvre de la responsabilité internationale, qu’il s’agisse de la reconnaissance du droit international ou de son application.
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