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Résumé
La Bibliothèque des arts graphiques (BAG) a été créée en 1929, à la suite du don de la
bibliothèque du typographe et journaliste Edmond Morin à la Ville de Paris en 1918. Cette
collection était l’aboutissement des engagements syndicaux et professionnels de Morin. Cet
engagement était aussi révélateur de l’importance de la documentation et des bibliothèques
privées dites « populaires » dans les pratiques culturelles et sociales au XIXe siècle. Si la BAG
devint une bibliothèque spécialisée de la Ville de Paris, elle n’en conserva pas moins un
fonctionnement proche des bibliothèques populaires, de type associatif. Mais cette identité de
« bibliothèque populaire » heurtait les militants de la lecture publique, dont un des objectifs était
la professionnalisation des pratiques et des personnels. Ceci conduisit à une marginalisation de la
BAG après la Seconde Guerre mondiale jusqu’aux années 1970, où elle intégra réellement le
réseau des bibliothèques de la Ville de Paris, au prix de l’abandon d’un fonctionnement qui
reposait sur le bénévolat.
Entrées d’index
Mots-clés : bibliothèque, industries graphiques, formation professionnelle, patrimoine, ouvrier
du livre
Keywords : bibliothèque, industries graphiques, formation professionnelle, patrimoine, ouvrier
du livre
Géographie : Paris, France
Chronologie : XXe siècle
Schlagwortindex : bibliothèque, industries graphiques, formation professionnelle, patrimoine,
ouvrier du livre
https://journals.openedition.org/chrhc/7087 1/11
28/09/2019 La Bibliothèque des arts graphiques : être utile (1929-1983)
Texte intégral
1 En 1918, Edmond Morin (1859-1937) fait don de sa bibliothèque à la Ville de Paris,
don qui aboutit en 1929 à la création de la Bibliothèque des arts graphiques (BAG),
bibliothèque publique dite « spécialisée ». Selon la presse professionnelle des années
1930, la BAG « offre à la curiosité professionnelle de ceux qui exercent leur activité
dans les arts et industries du livre une foule d’ouvrages, publications et documents du
plus haut intérêt technique1 ». Une bibliothèque au service de toute une profession,
telle est la mission de la BAG. Cette mission simple et honorable s’avéra pourtant
laborieuse.
2 L’histoire de la BAG jusqu’en 1983 recoupe en effet deux histoires : celle des
bibliothèques depuis la Belle Époque et celle de la transmission des savoirs
professionnels. L’histoire des bibliothèques au XXe siècle est marquée par l’action des
militants de la lecture publique (un service public de la lecture organisé selon les
principes de la bibliothéconomie moderne), mobilisés à la fois contre le conservatisme
des bibliothèques d’études et contre l’« amateurisme » des bibliothèques privées dites
populaires. L’enseignement professionnel contemporain est le terrain où associations,
syndicats et hauts fonctionnaires du ministère de l’Instruction publique, puis de
l’Éducation nationale, sont très présents. Si tous souhaitent une meilleure organisation
de l’apprentissage, son contrôle donne lieu à de fortes oppositions.
3 L’œuvre d’Edmond Morin, dont la vie militante a été consacrée à la transmission de
savoirs professionnels et techniques, est donc au cœur de cette double tension2.
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rares cours du soir4ou, à Paris, des conférences avec le soutien de l’école Estienne,
cours qui serviront de base lors de la création des brevets d’études professionnelles
(BEP) et des premiers brevets de technicien supérieur (BTS) dans les années 1960.
7 Au cours du XXe siècle, l’évolution des techniques est pourtant rapide : pendant la
première moitié du siècle, les techniques de l’image se perfectionnent (héliogravure,
photogravure), l’offset remplace l’impression typographique et pendant la deuxième
moitié du siècle la chaîne graphique est bouleversée par la photocomposition. Si au
XIXe siècle les entreprises assimilaient peu ou prou ces transferts de technologies en
organisant des formations en interne ou par « l’aide » des fabricants de machines,
patrons et ouvriers du livre utilisaient aussi les expositions universelles, les conférences
et surtout l’imprimé, principal vecteur de la diffusion des connaissances
professionnelles.
8 C’est pourquoi des hommes comme Edmond Morin ont défendu dès les années 1880
la nécessité de mettre musées et bibliothèques à disposition des apprentis et des
ouvriers, pour leur apprendre leur métier et mettre à jour leurs connaissances.
L’objectif n’est pas que ces hommes – il n’est nullement question des femmes –
entament ainsi une ascension sociale, mais qu’ils deviennent et restent des
professionnels de haut niveau, donc des ouvriers au service de leur milieu. Ce
qu’Edmond Morin résumait par sa devise : « Être utile ».
9 Né en 1859, originaire de Seine-et-Marne, Edmond Morin devient compositeur
typographe après son apprentissage commencé en 1874. Il se syndique à la Chambre
syndicale typographique et à la Fédération française des travailleurs du livre. Dans son
engagement, il se caractérise par sa passion pour les questions d’apprentissage et de
transmission. En 1887, Morin fonde avec Paul Trapp et Victor Breton la bibliothèque de
la Chambre syndicale typographique parisienne et il est à l’origine du cours
professionnel du syndicat en 1895. En 1887-1889, il soutient, avec Victor Breton, la
fondation de l’école Estienne ; en 1896-1897, il est membre de son conseil de
surveillance. En 1894, il applaudit à l’ouverture de la bibliothèque de l’école Estienne,
riche de 2 000 titres, dont il espère qu’elle deviendra aussi un musée5. Il publie
également des articles dans de nombreuses revues professionnelles et syndicales, ainsi
que des brochures techniques6.
10 Pour Edmond Morin, les professionnels parisiens du livre n’ont pas accès
correctement aux connaissances nécessaires. La bibliothèque du Cercle de la librairie
n’est pas adaptée, ni celles de l’école Estienne et de la Chambre syndicale, en raison
d’horaires et de conditions d’accès restrictifs7. Ces collections ne répondent pas « aux
besoins professionnels des ouvriers » et « surtout aucune n’[est] ouverte à des heures
pratiques permettant aux travailleurs de la fréquenter », c’est-à-dire le soir et le
dimanche8.
11 En 1897, il doit abandonner ses responsabilités et mandats syndicaux après un conflit
avec la Fédération française des travailleurs du livre (FFTL). Cette rupture le conduit à
quitter son emploi de typographe, et il devient représentant pour le fabricant d’encre
Laflèche-Breham. Mais il continue d’écrire dans la presse professionnelle. Son activité
de journaliste ès arts graphiques consiste en particulier à présenter aux lecteurs les
dernières nouveautés techniques, des comptes rendus de congrès, des visites
d’entreprises… En somme, il mène une véritable « veille technologique » via la presse
professionnelle internationale, les visites et un vaste réseau de sociabilité
professionnelle. Sa passion professionnelle l’avait aussi transformé en libraire,
propriétaire d’une « bouquinerie au 10 de la rue de Savoie9 ».
12 Bien que cette vie consacrée aux métiers du livre et à la défense des droits sociaux
soit singulière, Morin est un homme de son temps. Sa conviction que les connaissances
techniques et professionnelles conduisent à l’émancipation politique, économique et
sociale est largement partagée au sein de la FFTL. Mais ses propos se traduisent en
actes : au sein de la « Chambre typo », dans la presse professionnelle et finalement en
1918 lorsqu’il propose à Paris de créer une bibliothèque des arts graphiques.
13 Au sortir de la Première Guerre mondiale, la capitale compte 82 bibliothèques
(20 bibliothèques centrales d’arrondissement et 62 bibliothèques de quartier). Alors
que la grande majorité des bibliothèques publiques en France sont rares et délaissées
par leur tutelle, Paris fait clairement figure d’exception.
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objets, qui devaient servir au projet de musée. Mais il n’y en a aucune trace dans les
archives consultées21.
19 La décision d’accepter la collection a été prise dans la précipitation. C’est en effet la
Fraternelle des protes, organisme mutualiste, qui s’est chargée de trouver un lieu : elle
jette son dévolu sur l’école du 80 boulevard du Montparnasse. La préfecture de la Seine
donne son accord en 1926 ou 192722. Une telle localisation n’est pas inhabituelle : les
bibliothèques de prêt de Paris sont traditionnellement logées dans les établissements
scolaires. La Bibliothèque des arts graphiques, installée au 1er étage, y est inaugurée le
26 janvier 1929. La BAG est ouverte du lundi au vendredi de 20 h à 22 h et les samedi
après-midi et dimanche matin. Horaires habituels à Paris, ce sont également des
horaires pratiqués, depuis les débuts du mouvement ouvrier, dans toutes les
bibliothèques professionnelles et syndicales23.
20 Ce sont des bénévoles, professionnels du livre, qui assurent le service public le
samedi après-midi, afin que les lecteurs puissent être orientés par des professionnels.
Edmond Morin vient à la BAG trois fois par semaine et assure l’accueil du public tous
les samedis. La BAG étant une bibliothèque d’études, le prêt n’est donc pas prévu.
Aucun livre n’est en libre accès. Il n’y a pas non plus de fichiers descriptifs en accès
direct. Il faut donc passer par le personnel chargé de l’accueil, qui aide le lecteur à
trouver le document dans le catalogue que Morin avait élaboré et mis à jour.
21 La BAG dispose d’un budget. Il était de 3 100 francs en 1929, mais de 2 000 francs
pour les achats et de 300 francs pour la gestion courante en 193424. Cette année-là, on
espérait développer la bibliothèque pour « pouvoir y organiser un embryon de musée
du livre25 ».
22 Toujours journaliste dans la presse professionnelle, Morin continue de recevoir de la
documentation professionnelle, française et étrangère, qu’il donne à la BAG. Et s’il n’en
reçoit pas, il la réclame. Par exemple, il obtient d’Eyncourt Press, maison d’édition de
Chicago, l’envoi gratuit d’un ouvrage sur la typographie contemporaine26. Il fait de
même auprès de la Bibliothèque nationale, lui demandant des « exemplaires de
“ passe ” ». N’en disposant pas, la Bibliothèque nationale lui envoie cependant un
catalogue d’exposition27. La BAG a bénéficié également de dons importants, comme
celui de Kossuth en 193128. À la mort de Morin en 1937, la BAG compte 2 000 ouvrages.
23 Pour assurer la gestion quotidienne de la bibliothèque, pourtant publique, est fondée
en 1931 une Société des amis de la Bibliothèque des arts graphiques. Son conseil
d’administration est composé des représentants des principales associations
professionnelles et mutuelles et de syndicats professionnels parisiens29. Lors du décès
de Morin en 1937, la bibliothèque affiche toujours une liste de soutiens prestigieux : le
sous-secrétariat d’État à l’Enseignement technique, les ancien et actuel directeurs de
l’école Estienne (Georges Lecomte et Sylvain Sauvage), le directeur de l’Enseignement
technique Hyppolite Luc, ou Claude Liochon (FFTL). On notera que la BAG n’est
nullement soutenue par l’administration centrale des beaux-arts. Il est fort probable
que Morin lui a préféré celle de l’Enseignement technique : la BAG est d’abord au
service de la transmission des savoirs professionnels.
24 La BAG est-elle une institution apolitique ? Les relations compliquées de Morin avec
le milieu syndical depuis 1897 l’y contraignent sans doute. Par ailleurs, d’autres lieux
dans la Seine répondent aux attentes politiques et syndicales stricto sensu : les
bibliothèques des Bourses du travail, la Librairie du travail, la bibliothèque de la
Confédération générale du travail (CGT), de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), ou
les bibliothèques militantes communistes, poursuivent la tradition du XIXe siècle de la
bibliothèque politique populaire.
25 Un article de presse de 1932 décrit l’affluence d’un samedi après-midi : « une dizaine
de lecteurs, installés autour de la grande table qui en occupe le milieu30 ». Lors de son
assemblée générale en 1931, la Société des amis de la BAG affirme que « le nombre des
lecteurs augmente sans cesse et que l’on doit songer à un agrandissement éventuel des
locaux pour répondre à de nouvelles nécessités ». Selon un fichier papier qui a été
conservé31, il y avait 47 lecteurs inscrits. Les deux tiers sont des professionnels, répartis
pour moitié entre des typographes (13) et les autres spécialités (imprimeurs, graveurs,
lithographes, héliograveurs, relieurs, brocheurs, papetiers). Le dernier tiers est
composé des professions périphériques aux industries graphiques : dessinateurs,
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libraires, éditeurs, représentants commerciaux… Parmi ces lecteurs, une seule femme,
Louise Thérèse Trichard, dessinatrice. La BAG était destinée aux professionnels du
livre, « patrons, chefs, ouvriers32 ». Cet objectif est atteint.
26 En ce qui concerne le travail bibliothéconomique – le catalogage en particulier –, il
est logiquement inexistant, puisqu’aucun professionnel n’est apparemment attaché à
cette bibliothèque. En novembre 1938, Ernest Coyecque, alors à la retraite, critique très
rudement cet amateurisme et en appelle à la « réorganisation technique ». Avec son
tact habituel, il conclut : « J’ai trop d’expérience pour ne pas admettre que du vivant de
Morin il était difficile d’y procéder. Aujourd’hui, la voie est libre33 ».
27 En 1929, les relations entre la BAG et sa tutelle s’annonçaient pourtant bonnes. Léon
Riotor, dans un rapport sur l’amélioration des bibliothèques municipales parisiennes, la
présentait comme un modèle à suivre pour les bibliothèques d’arrondissements : une
bibliothèque de proximité conçue pour les besoins des ouvriers du livre et animée par
leurs propres confrères34. L’agressivité de Coyecque, qui avait pourtant expertisé la
collection en 1918, illustre le basculement qui est en train de s’opérer dans le monde des
bibliothèques en France, où les militants de la lecture publique condamnent, pour faire
avancer leur cause, les structures et organisations contemporaines, accusées d’être
obsolètes et inefficaces35. Pendant l’entre-deux-guerres, les deux chefs successifs du
bureau des bibliothèques de la préfecture de la Seine, Ernest Coyecque nommé en 1913
et Gabriel Henriot en 1924, sont des promoteurs de cette modernisation et de la
rationalisation des bibliothèques publiques parisiennes, au nom de la « lecture
publique », contre les bibliothèques populaires héritées du siècle passé. L’objectif est de
mettre à la disposition des Parisiens des collections gérées de manière professionnelle
et uniforme sur le territoire de la commune par du personnel qualifié. Or, la BAG,
assimilée aux bibliothèques populaires, en est le contre-modèle : elle n’a visiblement
aucune relation avec les autres bibliothèques de Paris et fonctionne finalement comme
une bibliothèque populaire, avec un personnel bénévole, et non comme une
bibliothèque publique telle que Coyecque et Henriot la conçoivent, ce qu’elle est
pourtant dans les textes.
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spécialisées sont exclues du projet : la priorité est donnée aux demandes de lecture des
Parisiens44. Contrairement à la Belle Époque, la formation professionnelle est devenue
secondaire dans la politique culturelle de la ville.
38 Néanmoins, Baudin ne les oublie pas définitivement. Le 28 juin 1975, il rend visite à
l’Amicale des cadres de l’imprimerie. Il reprend le dossier des subventions de la BAG et
propose de rénover la salle et le mobilier de la BAG45. Le 23 juillet, il est noté dans le
registre de la bibliothèque : « Changement de la table et des chaises par la Ville de
Paris. Merci ! Trois fois merci ! » Le 7 novembre, on célèbre la visite des « trois
charmantes dames de “l‘équipe du catalogue” déléguées par M. Baudin ». À partir de
1976, la BAG bénéficie d’un budget de 1 000 francs par an pour les acquisitions et de
500 francs pour les abonnements.
39 Pourtant, le nombre de visiteurs continue de baisser – moins d’une centaine de
consultations par an – pour terminer l’année 1982 avec 85 visites. Le vieillissement du
fonds a probablement réduit la consultation à un intérêt exclusivement patrimonial et
non plus technique. Mais par ailleurs, on devine à la lecture des commentaires dans le
registre que l’énergie des bénévoles est désormais consacrée au transfert de la gestion
aux professionnels. En 1980, les membres de l’Amicale célèbrent dans le registre
l’arrivée de la bibliothécaire chargée de la BAG. À partir de 1981, on prépare le
déménagement de la BAG pour la mairie du VIe arrondissement. Le local de la rue
Huyghens ferme ses portes le 23 juin 1983. La BAG ouvre pour la troisième fois ses
portes au public, cette fois dans la marie du VIe arrondissement. Ouverte 25 heures par
semaine, du mardi au samedi, elle accueille à l’époque 15 lecteurs par jour en
moyenne46. Ses collections se sont enrichies. Elle propose au public
5 000 monographies, 220 titres de périodiques, 500 catalogues de caractères,
350 affiches, 900 gravures et estampes47. Elle est animée par une équipe de trois agents
des bibliothèques. Désormais, la BAG est professionnalisée.
40 Entre 1986 et 1998, la BAG est dirigée successivement par Françoise Marceau et
Frédérique Contini. En 1998, la taille du fonds était relativement importante :
29 000 ouvrages, 845 titres de périodiques (dont 95 vivants), 500 manuscrits,
600 dossiers de presse. En 1998, elle est obligée de quitter son local de la mairie, mais
sans nouveau point de chute. La présence de cette bibliothèque dans le
VIe arrondissement n’avait effectivement plus de sens, à part le respect de la volonté du
donataire. Paris n’est plus le centre du livre et de la presse, puisque imprimeries, sièges
de journaux et même maisons d’édition, et leurs employés qui étaient de potentiels
lecteurs, se trouvent désormais en banlieue. En 2001, un projet de « conservatoire du
livre » – qui aurait rassemblé Estienne, l’Imprimerie nationale et la BAG – n’aboutit
pas. Finalement, la collection de la BAG est versée à la bibliothèque Forney en 200448.
41 Même si la BAG était dès 1929 une bibliothèque publique, elle avait été pensée selon
le modèle d’une bibliothèque ouvrière. L’administration parisienne, qui avait d’autres
priorités, notamment budgétaires, s’en est passivement accommodée. La profession
s’en est détachée après la mort de Morin : elle n’avait pas réclamé cette bibliothèque et
avait, en matière de formation, d’autres priorités (l’organisation de la formation initiale,
puis celle de la formation continue à partir de la fin des années 1960).
42 Le projet d’Edmond Morin est finalement celui d’un homme du XIXe siècle : avec les
cours du soir, la bibliothèque était avant 1914 reconnue comme utile pour acquérir et
mettre à jour des connaissances, garantes d’une identité professionnelle et donc sociale
et politique. L’absence de renouvellement des collections à partir de 1937 a transformé
la BAG en conservatoire des arts et industries graphiques. À partir des années 1980, ses
responsables tentèrent de contrebalancer avec vigueur et talent cette patrimonialisation
accidentelle. En vain. Enfin, la formation, initiale et continue, était devenue l’affaire de
professionnels et de structures publiques ou privées, dans un cadre contractuel et non
de militants isolés. Il en était de même pour le monde des bibliothèques, qui condamne
puis exclut les bibliothèques populaires et leur amateurisme supposé49. Dès les années
trente, les militants passionnés et érudits qui avaient participé aux progrès techniques
et sociaux pendant tout le XIXe siècle se trouvaient donc marginalisés.
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Notes
1 . Protos, n° 2, 1933, p. 15.
2 . Cette recherche repose sur les archives de la Bibliothèque des arts graphiques, conservées par
la bibliothèque Forney à Paris. Nous remercions très chaleureusement tout le personnel de la
bibliothèque Forney, et en particulier Marie-Pierre Vinas, pour leur professionnalisme et leur
amabilité. Les Archives de Paris ont très peu d’éléments sur cette institution. Nous savons que
des archives concernant la BAG sont encore conservées par l’administration parisienne, mais nos
demandes de consultation sont restées sans réponse.
3 . Marie-Cécile Bouju, « Les CAP des métiers du livre, de la Belle Époque aux années 1970 »,
dans Guy Brucy, Fabienne Maillard et Gilles Moreau (dir.), Le CAP : un diplôme du Peuple (1911-
2011), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 135-148.
4 . Philippe Marchand, « Pour une histoire de la formation professionnelle des adultes : le cas du
Nord de la France (du milieu du XIXe siècle à 1914) », Formation professionnelle et
apprentissage, XVIIIe–XXe siècle, Villeneuve-d’Ascq, Revue du Nord ; Paris, Institut national de
recherche pédagogique, 2003, p. 157-173.
5 . Monographie de l’École Estienne : école municipale professionnelle des arts et industries du
livre, Paris, Typographie de l’École Estienne, 1900, p. 164-165. Exemplaire annoté par E. Morin,
bib. Forney, Paris.
6 . <http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article204009>, notice MORIN Edmond
[MORIN François, Edmond] par Marie-Cécile Bouju, version mise en ligne le 31 mai 2018,
dernière modification le 1er juin 2018.
7 . La Bibliothèque de l’école Estienne était ouverte tous les après-midis, mais réservée au
personnel de l’école.
8 . Ville de Paris, Bibliothèque des arts graphiques, Catalogue, Paris, BAG, 1934, p. 3. Bulletin
municipal officiel de la Ville de Paris, 22 mars 1929, p. 1529 et suiv.
9 . « À la Bibliothèque des arts graphiques, une visite au fondateur », Bulletin de l’Amicale de
l’imprimerie, janvier 1932, p. 62-64.
10 . Laure Léveillé, Les Petites Bibliothèques de la République : aux origines de la lecture
publique parisienne, des années 1870 aux années 1930, thèse de doctorat d’histoire, Philippe
Levillain (dir.), Nanterre, Université Paris X, 1998, 892 p. ; Étienne Naddéo, Les Bibliothèques
populaires dans le département de la Seine (1861-1945), thèse pour le diplôme d’archiviste
paléographe, Paris, École nationale des Chartes, 2014, 449 p.
11 . Anne-Claude Lelieur, « Bibliothèque Forney », Patrimoine des bibliothèques de France, 1995,
p. 186-191.
12 . Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France, VIII,
Bibliothèques de la Ville de Paris : de l’Institut catholique, de la Faculté de théologie protestante,
de communautés religieuses et d’établissements ecclésiastiques parisiens, Paris, Aux Amateurs
de livres, 1993, p. 227-230.
13 . Françoise Marceau, « La Bibliothèque des arts graphiques », Art & Métiers du livre, n° 154,
février-mars 1989, p. 50-52.
14 . André Lesort, « Ernest Coyecque (1864-1954) », Bibliothèque de l’école des Chartes, 1955,
tome 113. p. 361-366.
15 . Ernest Coyecque, « La bibliothèque des arts graphiques de la Ville de Paris (collection
Morin) », Archives et Bibliothèques, n° 1, 1937-1938, p. 115-118.
16 . Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, n° 217, 13 août 1918, p. 2425 (Supplément).
17 . La collection a été inventoriée au préalable par André Jaulme (1897-1940), bibliothécaire à la
Bibliothèque nationale, Ernest Coyecque, op. cit.
18 . Bibliothèque des arts graphiques, Catalogue, Paris, BAG, 1934, 99 p. [en ligne sur Gallica].
19 . La bibliothèque Forney a conservé les trois classeurs.
20 . La collection d’Edmond Morin comportait aussi plusieurs dizaines d’imprimés, des
incunables jusqu’au XVIIe siècle.
21 . En revanche, ses objets existent toujours : un inventaire est en cours à la bibliothèque Forney.
22 . Ernest Coyecque, op. cit., p. 115-118.
23 . « À la Bibliothèque des arts graphiques, une visite au fondateur », Bulletin de l’Amicale de
l’imprimerie, janvier 1932, p. 62-64.
24 . Protos, n° 2, avril 1934, p. 43.
25 . Ibid.
26 . Lettre de Eyncourt Press à Edmond Morin, 17 décembre 1929, Bib. Forney (Paris) ; Douglas
C. McMurtrie, Modern Typography and Layout, Chicago, Eyncourt Press, 1929.
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27 . Lettre de la Bibliothèque nationale à Edmond Morin, 11 décembre 1929, Bib. Forney, Paris.
Le livre envoyé est probablement : Les plus belles reliures de la Réunion des bibliothèques
nationales, Paris, Éditions des Bibliothèques nationales de France, 1929.
28 . Lettre du Conseil municipal de Paris à Edmond Morin, 8 juin 1931, Bib. Forney, Paris.
29 . Société amicale des protes et correcteurs d’imprimerie de France, Société fraternelle des
protes, Amicale de l’imprimerie, Chambre syndicale typographique parisienne, Société des
correcteurs, Association des anciens élèves d’Estienne, Association des anciens élèves de Chaix,
Union parisienne des syndicats de l’imprimerie et des industries connexes, Chambre syndicale
patronale des imprimeurs lithographes de Paris, Chambre syndicale patronale des maîtres
imprimeurs en taille-douce.
30 . « À la Bibliothèque des arts graphiques, une visite au fondateur », Bulletin de l’Amicale de
l’imprimerie, janvier 1932, p. 62-64.
31 . Bib. Forney, Paris.
32 . Société des amis de la bibliothèque des arts graphiques, [tract], [1937], Bib. Forney, Paris.
33 . Ernest Coyecque, op. cit.
34 . Laure Léveillé, op. cit., p. 580.
35 . Hind Bouchareb, « De la bibliothèque populaire à la bibliothèque publique : continuités et
ruptures », dans Agnès Sandras (dir.), Des bibliothèques populaires à la lecture publique,
Villeurbanne, Presses de l’ENSSIB, 2014, p. 409-434.
36 . La Bibliothèque des arts graphiques, brochure, [1975], 8 p., Bib. Forney, Paris.
37 . Bibliothèque des arts graphiques, 31 mars 1962–12 novembre 1986, manuscrit, registre in-4°,
Bib. Forney, Paris.
38 . Marie-Cécile Bouju, « L’Institut national des arts et industries graphiques, 1937-1983 »,
Cahiers du CNAM, à paraître.
39 . Ernest Coyecque, op. cit.
40 . Anne-Marie Bertrand, Les villes et leurs bibliothèques : légitimer et décider (1945-1985),
Paris, Cercle de la Librairie, 1999.
41 . Lettre du ministère de l’Éducation nationale, 30 décembre 1968, 1643 W 7, Arch. Paris.
42 . Les bibliothèques de la Ville de Paris, [1990], 10 f. 2247 W 27, Arch. Paris.
43 . Ibid.
44 Louis Jaubertie, « Le réseau des bibliothèques de la Ville de Paris, 1967-2001 ». Mémoires
d’études pour le DCB, Yves Alix (dir.), Villeurbanne, ENSSIB, 2010 [en ligne].
45 . La Bibliothèque des arts graphiques, [1975], 8 p., Bib. Forney, Paris.
46 . Sophie Ellec, « Mémoire de stage : la Bibliothèque des arts graphiques », tuteurs
H. Prévoteau et F. Contini », Nanterre, Université Paris X (IUT), 1997-1998, 50 f., Bib. Forney,
Paris.
47 . Françoise Marceau, op. cit.
48 . Marie Gamonet, « La Bibliothèque Forney », dans HistoLivre, bulletin de l’Institut CGT
d’histoire sociale du livre parisien, n° 3, mai 2010, p. 3-5.
49 . Hind Bouchareb. op. cit.
Référence électronique
Marie-Cécile Bouju, « La Bibliothèque des arts graphiques : être utile (1929-1983) », Cahiers
d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 138 | 2018, mis en ligne le 01 juin 2018, consulté le
29 septembre 2019. URL : http://journals.openedition.org/chrhc/7087
Auteur
Marie-Cécile Bouju
Université Paris-8 Vincennes-Saint-Denis
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