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Agriculteurs et techniciens face aux aménagements hydro‑agricoles : con... https://journals.openedition.

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14 | 1997 :
La décentralisation au Mali : état des lieux
Thèses

Agriculteurs et techniciens face


aux aménagements
hydro‑agricoles : contribution à
l'étude socio‑anthropologique
d'un conflit de rationalités. Les
groupements d'attributaires de la
réforme agraire et l'office du
Gharb‑Maroc (1960‑1995), par
Mohamed Dardour, Thèse de
Doctorat en Sociologie de
l'Université de Tours, Centre
d'Études et de Recherches sur
les Dynamiques Interculturelles,
1997.
L'irrigation agricole artificielle au Maroc est un des aspects majeurs du projet de
modernisation des structures agraires léguées par l'histoire et donc, de l'objectif de

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transformation des paysanneries. Elle constitue de ce fait, l'élément fondamental de


l'intervention massive et systématique de la puissance publique, à travers les
organismes de développement dans la formation sociale rurale.
Loin de constituer une opération technique ordinaire et neutre, les aménagements
hydro‑agricoles se classent en fait parmi ces entreprises potentiellement
transformatrices de l'ordre matériel, social et symbolique à la fois.
Parce qu'elles sont porteuses de valeurs cristallisant une conception du monde, celle
en l'occurrence de l'ingénierie technique hydraulique et agronomique, ces opérations
que sont les aménagements hydro‑agricoles, programmées, rationnellement orientées et
finalisées, sont de véritables "acculturations planifiées". Les changements qu'elles
induisent prennent en effet un caractère délibéré. Aussi celles‑ci s'apparentent‑elles à ce
que l'anthropologue Roger Bastide qualifie d"'actions manipulatrices" (1971 : 230) et ce
que le sociologue Paul Pascon identifie à ce "mouvement universel de nivellement par le
bas (de la société paysanne rurale) par la société industrielle" (1986 : 64). C'est‑à‑dire
une entreprise dynamique de transformation intentionnelle des statuts des hommes, de
leurs conditions matérielles, de leurs pratiques et de leurs attitudes ainsi que de leurs
systèmes de valeurs. Cette "manipulation" de l'ordre social et culturel a pour
aboutissement la substitution à la rationalité paysanne de la rationalité technicienne et
économiste de cette ingénierie.
Or, cette action de transformation délibérée suscite une réaction de la part de la
société paysanne, fut‑elle "bénéficiaire". Elle débouche, par conséquent, sur un
ensemble de situations et problèmes qui demandent explication et compréhension.
Parmi ces problèmes, il y a notamment :

les rapports sociaux entre les paysans d'une part et d'autre part, les autres
groupes et entités (Etat, sociétés de développement, groupes socioprofessionnels,
groupes de pression, notables...) ;
les conflits de rationalités entre les Sociétés de, développement et les groupes et
communautés paysannes auxquelles le projet est destiné ;
l'opposition entre "tradition" et "modernité" ;
le dysfonctionnement des aménagements hydro‑agricoles.

Aussi, cette étude se donne‑t‑elle pour objectifs :

d'étudier ces différentes situations provoquées de l'extérieur et, donc, d'analyser


l'action planificatrice des Sociétés intervenantes et comprendre ses mécanismes
propres, à la lumière des réactions qu'elle suscite chez les agriculteurs ;
saisir les logiques en présence de ces deux groupes humains distincts à la fois
socialement et culturellement, dans leur degré de correspondance et
d'éloignement, de compatibilité ou de non‑compatibilité : en bref, appréhender la
pluralité des situations et des pratiques prises dans la dynamique sociale et leur
signification ;
d'analyser l'impact des interventions exogènes, multiples et systématiques de
l'ingénierie hydraulique et agronomique dans les sociétés paysannes, à travers
ses modalités et mécanismes divers à la fois d'ordre organisationnel,
agronomique, économique et social.

À cet égard, les concepts d'acculturation, d'interprétation/ré‑interprétation, de


résistance forgés par l'anthropologie (Augé, Balandier, Lévi‑Strauss... et notamment
Bastide) paraissent particulièrement féconds pour l'analyse des situations de contact et
des réactions des sociétés paysannes vis‑à‑vis de l'action délibérée et systématique des
Sociétés de développement. Comme le dont de même les concepts sociologiques de

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différenciation/stratification de conflit/opposition et de transition/reproduction


(Bourdieu, Marx, Pascon...). Pareille recherche s'inscrit naturellement dans la
perspective du changement social et culturel.
Le Gharb, région du Nord‑Ouest marocain, à travers l'aménagement du Bassin du
fleuve Sebou (BIRD, FAO : 1970), le plus grand bassin hydraulique du Maroc, est tout à
fait représentatif de l'ensemble de ces situations. Il illustre l'importance de ces
problèmes au plan local (Maroc) et régional (Maghreb et Machrek) comme d'ailleurs au
plan mondial, et donc de l'état des rapports entre l'Office d'irrigation et de mise en
valeur d'une part, les communautés rurales d'autre part.
Cette région constitue aussi un laboratoire du changement social et culturel grandeur
nature, propice à leur analyse et donc, un observatoire idéal des changements en cours
dans la société rurale. Cela tient à trois raisons principales :

l'ancienneté des opérations de modernisation et donc, des interventions, leur


systématisation et leur concentration,
l'application de ce modèle technologique et économique, ensuite, en œuvre dans
les autres régions du pays (8 grands périmètres d'irrigation modernes étatiques,
soit près d'un million d'hectares), le Gharb est à cet égard, une zone pilote (Projet
Sebou, Bird, FAO : 1970),
l'accumulation historique des interventions et donc, des transformations à la fois
écologiques, techniques, économiques et sociales considérables, et des chocs
culturels enfin.

L'étude de ces situations et ces changements s'effectue au moyen de l'examen de deux


unités d'analyse pertinentes : l'une technique avec les aménagements hydrauliques,
l'autre sociologique incarnée par les attributaires constitués en coopératives agricoles
initiées par la puissance publique. Celles‑ci sont d'autant plus intéressantes pour
l'analyse qu'elles se trouvent réunies dans une même zone et opèrent simultanément
dans un espace social identique.
Aussi, ces deux modalités inédites constituent‑elles à l'évidence, deux éléments parmi
les plus acculturateurs que la paysannerie de la Région du Gharb, et celle du Maroc en
général, ait jamais connu jusqu'ici.
Au plan méthodologique, cette recherche associe simultanément deux approches :
sociologique et anthropologique. Elle s'appuie d'autre part, sur un dispositif
d'investigation associant trois outils (triangulation) : la documentation, les entretiens et
récits de vie, et l'observation empirique, le tout dans une immersion sociale à plein
temps et renouvelée dans les groupes et communautés étudiés (paysans et techniciens).
L'apport des sciences sociales voisines : Economie, Droit, Science politique et
principalement la Géographie et l'Histoire a démontré leur opportunité et leur
importance dans ce genre d'étude dont le souci méthodologique est évident : rendre
compte de la réalité sociale, dans sa complexité et sa globalité.
Les principaux résultats auxquels cette recherche a abouti :

le décalage persistant dans la programmation technique et agricole (superficies


projetées, équipées, irriguées) et ses incidences sur l'autosuffisance alimentaire ;
une rentabilité incertaine, voire en deçà des investissements engagés dans les
équipements hydrauliques (du fait de la conception de l'aménagement et d'une
manipulation inadéquate de celui‑ci) ;
l'introduction des pratiques et d'une organisation du travail agricole et des
systèmes de cultures inédits rendant désuet ceux propres aux paysanneries ;
le caractère normatif et autoritaire de l'action de l'ingénierie hydraulique et
agronomique et donc du projet de modernisation, tant dans sa composante

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technique et économique que sociale ;


l'opérationnalité de la logique paysanne et donc, relativité de la logique
technicienne et économiste ;
l'absence chez les techniciens de méthode d'approche des agriculteurs ;
malgré l'ancienneté de leurs interventions et expériences, les décideurs,
développeurs et techniciens des organismes agricoles ignorent les groupes et les
sociétés sur lesquels ils interviennent, leur fonctionnement et leur rationalité
qu'ils ont décrété de changer totalement et rapidement ;
l'existence d'une distance culturelle entre les techniciens et les paysanneries ;
l'absence chez les agriculteurs d'une volonté réelle d'appropriation sociale de cet
outil de production complexe et coûteux qu'est l'infrastructure hydraulique d'une
part, d'identification sociale à leurs groupements d'autre part, dont les signes les
plus manifestes sont : l'usure prématurée des réseaux et la détérioration avancée
de l'ensemble des équipements due à une manipulation inadéquate par les
usagers et l'absence d'organisation sociale autour de leur gestion rationnelle,
celle de l'irrigation et leur non participation à la marche des coopératives ;
l'absence initialement dans le projet agricole et rurale et, de façon générale, dans
tous les programmes d'action associant les paysanneries, suscitant l'organisation
des usagers de l'eau agricole ;
une participation formelle des agriculteurs et absence de "gestion en commun"
de leurs organisations dans une perspective de transfert des responsabilités ;
l'opacité de l'environnement technico‑administratif, économique et financier et
absence totale de transparence ;
l'inexistence de relations de travail entre ces deux partenaires obligés,
techniciens et agriculteurs ;
l'existence d'un climat social et moral difficile sur les aménagements et
autour/dans les coopératives aussi bien entre agriculteurs d'un même
groupement et ceux d'un groupement à l'autre, qu'entre ces derniers et les
techniciens et leurs Organismes respectifs (encadrement local chargé de la police
des eaux et de la conduite administrative des groupements notamment) ;
le problème du Crédit institutionnel et solidaire, son caractère normatif et
inadapté et son interprétation par les agriculteurs : absence d'autofinancement
par les groupements ;
le caractère autoritaire et descendant de l'action du technicien à travers la mise
en œuvre du projet de modernisation agricole.

Outre qu'il débouche sur une organisation nouvelle dans les domaines de la mise en
valeur et de la gestion de l'infrastructure hydraulique, l'aménagement suscite une entité
sociologique inédite et induit, parallèlement, un nouveau rapport au foncier par une
action directe sur les modes d'accès et de gestion de la terre, antérieurs à lui.
La faible superposition des structures techniques de l'aménagement (réseaux,
mailleurs hydrauliques) et des structures sociologiques (groupements d'attributaires)
suscitées par le projet rend par ailleurs difficile, voire problématique leur identification
par les paysanneries bénéficiaires.
L'hétérogénéité sociologique des paysanneries bénéficiaires induites par des
nouveaux critères élaborés par le technicien de l'agriculture, l'absence de cohésion
sociale apparaissent comme parmi les déterminants à l'origine de l'absence de cette
identification sociale et donc, de la difficulté de son appropriation totale ; dont l'état
physique de l'infrastructure d'irrigation, l'absence de gestion rationnelle et la faible
solidarité entre les membres notamment constituent les signes patents.
Loin de disparaître ou s'atténuer les différenciations économiques entre agriculteurs

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ont tendance plutôt à se maintenir et même, dans certains groupements et situations à


se renforcer et se consolider au sein de ces derniers (inégalités économiques
cumulatives).
L'égalité économique initiale et l'homogénéité sociologique décrétées par la raison
technique et économique au moyen d'accès égal de la terre et à l'irrigation notamment,
semblent se réduire, paradoxalement et progressivement, sous l'effet conjugué de la
programmation technique et agronomique à la fois rigide et normative, et à sa logique.
Celles‑ci débouchant dans les faits, sur une stratification sociale d'un autre type.
Enfin, l'absence de transparence en matière de gestion comptable des groupements
d'agriculteurs est un des traits constitutifs majeurs de l'action du technicien et de son
programme de modernisation et de transformation économique et sociale.
Le caractère doublement étranger de cette comptabilité moderne (du fait d'une
langue inaccessible et d'un langage ésotérique) et l'absence, initialement, d'une
formation des agriculteurs dans ce domaine rendent tout à fait illusoire la participation
des intéressés aux groupements et leur maîtrise totalement impossible.
L'absence d'identification des agriculteurs à leurs organisations et leur appropriation
s'avèrent de ce fait, d'autant moins accessible et probable que ni le programme des
concepteurs (les intentions), ni l'action des Organismes de développement (la pratique)
n'impliquent d'emblée la participation des bénéficiaires, ni s'inscrivent, encore dans la
perspective d'une association/gestion commune dans un premier temps, de transfert de
responsabilité dans un deuxième temps, et donc de leur autonomisation. Cette
configuration sociale traduit, en fait, un rapport de pouvoir/domination (réel,
symbolique) s'instaurant entre techniciens et agriculteurs, mais aussi entre ces derniers
et autres groupes sociaux (notables, latifundiaires, gros locataires de terre et
capitalistes, Makhzen aussi).
Par conséquent, l'aménagement introduit une dynamique nouvelle, celle‑ci débouche
sur une rupture de quatre ordres :

spatiale, en oblitérant les complémentarités écologiques initiales des terroirs,


antérieurs à l'aménagement ;
économique, en imposant à la logique paysanne la logique de marché, au moyen
de prescription des règles et pratiques et des mécanismes appelant une
organisation de travail inconnue jusqu'alors des groupes et communautés ;
sociale, en agissant sur le système social préexistant (éclatement des cadres
sociaux intégrateurs antérieurs), en le rendant non opérationnel, désuet par la
substitution d'une modalité sociale exogène et inédite : une coopération
économique et sociale obligatoire : on passe d'une solidarité "socio‑ethnique" de
fait à une solidarité économique de droit ;
culturelle, en modifiant la perception sociale de la paysannerie de l'écologie et
son système de représentations, puisqu'avec l'aménagement, l'hydraulique
agricole, passant "de l'eau du ciel à l'eau de l'État", on change totalement
d'échelle.

Ainsi les entreprises de modernisation, au moyen notamment de l'introduction de


l'hydraulique agricole artificielle et l'imposition d'une organisation sociale exogène,
opèrent‑elles une transformation totale du système social et culturel paysan en vigueur
et de son rapport à l'environnement.
Or, une telle situation ne manque pas de provoquer des réactions chez la paysannerie.
L'étude a en effet, révélé la capacité de réaction de cette dernière, non seulement
vis‑à‑vis des entreprises exogènes ; mais a mis à jour aussi sa capacité d'acceptation du
changement induit par celles‑ci en l'interprétant selon sa logique propre, en l'intégrant
comme valeur également. Cette étude a révélé aussi, que la société paysanne rurale, loin

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d'être congénitalement réfractaire au changement en est plutôt demandeur et quelque


fois dans de nombreux domaines et situations, elle le réclame même, voire l'anticipe, au
point de surprendre ses initiateurs et promoteurs.
Dès lors, cette dichotomie simpliste "traditionnel/moderne" apparaît‑elle artificielle.
Mais la recherche a mis à jour, par ailleurs, que la réaction des paysanneries face à ces
interventions et les innovations et changements qu'elles induisent sont loin d'être
uniformes. Selon les modalités d'application de ces actions et les conditions de leur mise
en œuvre et les objectifs explicités ou latents, les réponses sociales sont multiples et
différenciées ; celles‑ci prenant les aspects ou configurations suivants :

une adoption intéressée,


une acceptation résignée,
une assimilation passive,
un refus actif.

L'intérêt de cette recherche est à cet égard, double.

sur le plan thématique, par l'apport des données et informations actuelles sur
cette technologie que sont les aménagements hydro‑agricoles, venant compléter
celles existantes et par la participation à la réflexion, au débat général engagé par
les sociologues et anthropologues et, de façon générale, par les sciences sociales
ces dix dernières années en particulier aux plans local et mondial, autour de la
problématique de l'intervention exogène et des questions et problèmes sociaux et
culturels soulevés par l'introduction massive et accélérée de cet instrument et
leur analyse. Cette étude s'inscrit en l'occurrence, dans le cadre d'une sociologie
comparée des aménagements hydrauliques et, donc, de ce modèle de
développement en œuvre dans différents pays du monde, en particulier dans les
pays dits en développement ayant fait de leur agriculture, la base de leur
développement et de l'irrigation à grande échelle, l'instrument au service de
celui‑ci (révolution verte).
Sur le plan méthodologique, par la fécondité que représentent les approches
sociologique (qualitative) et anthropologique et la pertinence de leurs modalités
d'investigation, d'appréhension et d'analyse pour ce genre de recherche et pour
cette problématique.

Mais cette recherche trouve son intérêt, parallèlement, dans une triple contribution à
une sociologie comparée des aménagements hydro‑agricoles et, de façon générale, à une
anthropologie du changement social et culturel des sociétés paysannes rurales.
C'est tout d'abord une contribution à l'élaboration /consolidation de la sociologie
marocaine, maghrébine aussi, à travers l'analyse de nouvelles configurations ou
modalités sociales en cours d'affirmation dans la société locale face aux transformations
généralisées induites par la société industrielle technicienne.
L'appréhension du fonctionnement de la société paysanne, rurale marocaine, sa
connaissance, la mise au jour des règles et mécanismes ainsi que la rationalité présidant
à son organisation propre, dans sa permanence et dans son changement, permettront
de rendre compte, comparativement, de l'état de la société locale, du degré de sa
spécificité ou de parenté avec les sociétés paysannes appartenant à d'autres aires
géographiques et culturelles, dans le cadre général de l'anthropologie fondamentale.
C'est une contribution à une anthropologie appliquée "théorique" ensuite, par le souci
de mise à jour des régularités des changements sociaux et culturels exogènes provoqués
délibérément, au moyen d'étude systématique et comparative des actions réciproques
des groupes sociaux impliqués dans ce genre d'entreprises : les Organismes agricoles et

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leurs agents, d'une part, les communautés paysannes, d'autre part. La mise à jour de ces
régularités permettrait d'anticiper des rejets sociaux probables, des situations
conflictuelles potentielles comme ceux observés précédemment chez des groupes et
sociétés situés sur d'autres périmètres ou dans d'autres zones agricoles, locales et
mondiales, faisant l'objet d'entreprises similaires de la part des sociétés spécialisées.
C'est une contribution à une anthropologie appliquée "pratique", enfin, attentive aux
conditions dans lesquelles ces entreprises externes et ces changements provoqués sont
opérés et, donc, soucieuse des implications sociales et culturelles dont ces dernières
sont porteuses, s'inscrivant dans une démarche de la recherche‑action s'appuyant sur
l'apport des deux anthropologies précédentes.
Cette anthropologie appliquée "praticienne" (Bastide) débouche sur la constitution
d'un savoir en mesure d'analyser et de comprendre les situations acculturatrices et
d'envisager, à la lumière des expériences, des acquis, des résultats et des savoirs
fondamentaux, des améliorations sociales des groupes et sociétés concernés, mais aussi
des actions et de la pratique des Sociétés intervenantes et leurs agents.
Aussi, une anthropologie du changement social et culturel aurait‑elle toute sa chance,
toute sa place ici dans l'analyse des sociétés des pays en développement dans le domaine
agricole et rural des sociétés du Tiers‑Monde en général aux prises avec l'action totale
de la société industrielle technicienne et avec sa rationalité. Cela pourrait‑il s'ouvrir,
parallèlement et plus largement, sur une perspective prometteuse intéressant aussi
d'autres domaines et d'autres sociétés dans le monde confrontées, en cette fin de siècle,
à des bouleversements technologiques accélérés sans précédent, entrepris sur une
grande échelle ; dont les implications sociales et culturelles en cours sont déjà
considérables et les réactions des groupes plus marquées. Ces mutations généralisées,
dénommées mondialisation et tout récemment globalisation, qui sont en fait cette
entreprise et ce mouvement d'uniformisation culturelle dont la techno‑économie
constitue, à l'évidence, le champ, le domaine de prédilection que connaissent en
l'occurrence les pays industrialisés, viennent démontrer l'intérêt de les étudier, les
analyser et les expliquer, les comprendre aussi dans une perspective anthropologique.

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