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ANDRÉ CHASTAGNOL

LA GAULE ROMAINE
ET

LE DROIT LATIN

Ouvrage publié avec le concours du Centre National du Livre»


des Universités de Paris IV-Sorbonne et Jean-Moulin-Lyon III

Lyon» 1995
SOMMAIRE
AVANT-PROPOS

BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE 1990-1994.

I- CITÉS ET PAGI
I Les cités de la Gaule romaine. Sept siècles de civilisation gallo-romaine
vus d'Autun, Autun, 1985 13-28

II L'organisation du culte impérial dans la cité des Riedones à la lumière p


». 29-35
des inscriptions de Rennes, dans Anne-Marie Rouanet-Liesenfelt,
La civilisation des Riedones , Brest, 1980

III La fr o n tiè r e provinciale entre Belgique et Lyonnaise à l'époque gallo- p. 37-47


romaine dans sa partie occidentale, Acta ad editionem novam
Inscriptionum Latinarum Galliae Belgicae pertinentia, Paris, 1995.

2- ONOM ASTIQUE ET DROIT LATIN

IV L'onomastique de type pérégrin dans les cités de la Gaule p. 51-71


Narbonnaise, MEFRA, 102,1990

V Considérations sur les municipes latins du premier siècle apr. J.-C., p. 73-87
L'Afrique dans l'Occident romain, Rome, 1990

VI A propos du droit latin provincial, IVRA, 38,1987 p. 89-112

VII Les cités de la Gaule Narbonnaise : les statuts, Actes du p. 113-12


Xe Congrès International d'Épigraphie Grecque et Latine, 1992, Nîmes,
1994

VŒ Coloni et incolae. Note sur les différenciations sociales à l'intérieur des p. 131-14
colonies romaines de peuplement dans les provinces de l'Occident (1er siècle
av. J.-C. - 1er siècle ap. J.-C.), Mélanges François Jacques, 1994

IX Société et droit latin dans les provinces des Alpes Occidentales, Actes p. 143-1
du 116e Congrès des Sociétés Savantes : Savoie et région alpine, 1994

X Considérations sur les gentilices des pérégrins naturalisés romains p. 155-1


dans les Gaules et les provinces des Alpes, BSNAF, 1993

XI Les changements de gentilice dans les familles romanisées en milieu de 1167-1


tradition celtique

XII Le problème de la diffusion du droit latin dans les Trois Gaules et les p. 181-
Germanies

3- TROUVAILLES LOCALES ET HISTOIRE

Le site gallo-romain de Levroux, Revue de l'Académie du Centre, 1955 p. 193


2- ONOMASTIQUE
ET DROIT LATIN
COLONI E T INCOLAE.

N O T E S U R L E S D IF F É R E N C IA T IO N S S O C IA L E S A
L ’I N T É R I E U R D E S C O L O N I E S R O M A I N E S D E
P E U P L E M E N T D A N S L E S P R O V I N C E S D E L ’O C C I D E N T
(1 e r s. a v . J .- C .- 1 e r s. a p . J .- C )

La fondation de colonies rom aines dans lesquelles étaient installés des vétérans
légionnaires s'opérait généralem ent sur d es territo ires occupés ju sq u e -là p ar des
communautés pérégrines. Celles-ci, dans certains cas, étaient éliminées com plètem ent ou
chassées au dehors, la déduction des colons avait lieu alors sur un espace vide, confisqué
par Rome. M ais, com m e le regretté François Jacques - à la m ém oire duquel la présente
étude est dédiée - l'a noté dans un manuel de peu antérieur à sa disparition, il n'en était
pas ainsi le plus so u v en t S'il est arrivé, exceptionnellem ent, que certaines colonies aient
intégré com m e citoyens rom ains tous les indigènes ou presque, cela n'a p u se produire
que dans des zones où la population s'était ralliée à R o m e sans o ffrir d e résistance.
Ailleurs, pour reprendre une phrase écrite p ar celui qui reste si vivant dans le souvenir de
ses amis, "les conditions faites aux habitants antérieurs paraissen t av o ir été d es plus
variables, en fonction de leur niveau culturel e t de la situation politico-m ilitaire ;... seule
l'élite locale recevait alors la citoyenneté de plein droit " 1 e t se trouvait ainsi assim ilée aux
colons, voire faisait partie avec eux de la classe supérieure désignée par le term e global de
coloni. Les autres, ne jo u issan t p as des dro its p o litiq u es dans la cité, d em euraient
juridiquement des pérégrins : ces pérégrins d'origine locale, de la sorte exclus du corps
civique, étaient volontiers considérés à l'instar d'étrangers e t qualifiés d 'incolae au m êm e
titre que les résidents venus d'autres cités, m ais, à leur différence, ils apparaissaient sur
place comme des étrangers de l'intérieur e t ne disposaient p as des droits politiques dans
leur propre territoire. C 'est à cette dualité qui s'observe d an s la société libre de diverses
colonies qu'est consacré ce m odeste essai, d'après le tém oignage que nous offrent un petit
nombre d'inscriptions dispersées à travers les provinces d e l'O ccident rom ain. Il suit de
notre raisonnement q ue les incolae indigènes n e disposaient pas du droit de cité rom aine,
mais que ceux relevant d'autres cités pouvaient être soit d es citoyens rom ains, soit des
péiégnns.

Cette distinction entre coloni et incolae est à prem ière vue paradoxale sur le plan de
l'étymologie, puisque les d eux term es incluent le m êm e verbe, colere, colo, dont le sens
naturel est celui d ' "habiter". L'incola est d'abord celui q u i "habite dans" le territoire
considéré. Les coloni sont aussi les habitants du m êm e territoire, m ais les deux m ots ont
évolué et ont pris des couleurs sociologiques différentes dans le cours du développem ent
historique, en partie sous l'effet du phénom ène de la colonisation, en relation avec la
conquête rom aine en Italie, puis dans les provinces. L es "colons" sont d e nouveaux
habitants établis dans un secteur géographique, mais venus du dehors et, en principe,
cultivateurs du sol qui leur a été attribué p ar décision autoritaire; le verbe colo signifie
aussi : cultiver (la terre). Les coloni sont dès lors les habitant privilégiés d u terroir de la
colonie, ceux qui exercent seuls les droits politiques lo rs de la fo n d atio n e t les
transmettent à leurs descendants, en obtenant le renfort de ceux des indigènes de l'endroit

A paraître dans Mélanges à la mémoire de François Jacques, Paris.

!p. JACQUES, dans F. JACQUES et J. SCHEID, Rome et l’intégration de l’Empire, l: Les structures de
l’Empire romain (Nouvelle Clio), Paris, 1990, p. 239.
VIII

C O L O N I ET I N C O L A E .

NOTE SUR LES DIFFÉRENCIATIONS SOCIALES A


L'INTÉRIEUR DES COLONIES ROMAINES DE
PEUPLEMENT DANS LES PROVINCES DE L’OCCIDENT
(1er s. av. J.-C.- 1er s. ap. J.-C)

La fondation de colonies romaines dans lesquelles étaient installés des vétérans


légionnaires s'opérait généralem ent sur des territoires occupés jusque-là par des
communautés pérégrines. Celles-ci, dans certains cas, étaient éliminées complètement ou
chassées au dehors, la déduction des colons avait lieu alors sur un espace vide, confisqué
par Rome. M ais, com m e le regretté François Jacques - à la mémoire duquel la présente
étude est dédiée - l'a noté dans un manuel de peu antérieur à sa disparition, il n'en était
pas ainsi le plus so u v en t S'il est arrivé, exceptionnellement, que certaines colonies aient
intégré com m e citoyens rom ains tous les indigènes ou presque, cela n'a pu se produire
que dans des zones où la population s'était ralliée à R om e sans offrir de résistance.
Ailleurs, pour reprendre une phrase écrite par celui qui reste si vivant dans le souvenir de
ses amis, "les conditions faites aux habitants anterieurs paraissent avoir été des plus
variables, en fonction de leur niveau culturel e t de la situation politico-militaire ;... seule
l'élite locale recevait alors la citoyenneté de plein droit "1 et se trouvait ainsi assimilée aux
colons, voire faisait partie avec eux de la classe supérieure désignée par le terme global de
coloni. L es autres, ne jo u issan t pas des droits politiques dans la cité, dem euraient
juridiquement des pérégrins : ces pérégrins d'origine locale, de la sorte exclus du corps
civique, étaient volontiers considérés à l'instar d'étrangers e t qualifiés d'incolae au même
titre que les résidents venus d'autres cités, m ais, à leur différence, ils apparaissaient sur
place com me des étrangers de l'intérieur et ne disposaient pas des droits politiques dans
leur propre territoire. C'est à cette dualité qui s'observe dans la société libre de diverses
colonies qu'est consacré ce m odeste essai, d'après le témoignage que nous offrent un petit
nombre d'inscriptions dispersées à travers les provinces de l'Occident romain. Il suit de
notre raisonnem ent que les incolae indigènes ne disposaient pas du droit de cité romaine,
mais que ceux relevant d'autres cités pouvaient être soit des citoyens romains, soit des
pérégnns.

Cette distinction entre coloni et incolae est à première vue paradoxale sur le plan de
l'étymologie, puisque les deux termes incluent le même verbe, colere, colo, dont le sens
naturel est celui d ' "habiter". V ineola est d'abord celui qui "habite dans" le territoire
considéré. Les coloni sont aussi les habitants du même territoire, mais les deux mots ont
évolué et ont pris des couleurs sociologiques différentes dans le cours du développement
historique, en partie sous l'effet du phénom ène de la colonisation, en relation avec la
conquête rom aine en Italie, puis dans les provinces. Les "colons" sont de nouveaux
habitants établis dans un secteur géographique, mais venus du dehors et, en principe,
cultivateurs du sol qui leur a été attribué par décision autoritaire; le verbe colo signifie
aussi : cultiver (la terre). Les coloni sont dès lors les habitant privilégiés du terroir de la
colonie, ceux qui exercent seuls les droits politiques lors de la fondation et les
transmettent à leurs descendants, en obtenant le renfort de ceux des indigènes de l'endroit

A paraître dans Mélanges à la mémoire de François Jacques, Paris.

JACQUES, dans F. JACQUES et J. SCHEID. Rome et l'Intégration de l'Empire, I: Les structures de


l'Empire romain (Nouvelle Clio), Paris, 1990, p. 239.
w
qui obtiennent peu à peu cette citoyenneté rom aine que les colons détenaient eu*
au m oins depuis l'acte de déduction. Les incolae sont donc les autres habitants lîk ^
territoire colonial, en prem ier lieu les indigènes qui dem eurent pérégrins et ne pan?^
pas à la vie politique de la cité dont ils sont originaires, ce qui ne veut p a s S %
entretiennent forcém ent d e m auvaises relatio n s avec la catégorie privilégié ^
population du lieu. C 'est en ce sens qu'on p eu t se rallier à la définition fournie H
E m out et A. M eillet : le colonus est un "habitant d'une colonie (en grec, cbtoïKo!?^
vient s'établir à la place des incolae"23, m ais on ajoutera : sans que, pour autant, ^
disparaissent
UiO|/a&CUOOVUV toujours.
kVUJVIUO* AA* OsaU façon, vcev ustatut d'incola wà l'intérieur
»**»*** u des
A juikviAVUJ. U colonies tornat1
V O VVIV/UiCJ

est aussi une étape dans la voie de la rom anisation des provinciaux, ni plus ni moin6*
celui des cives Latini dans les cités jou issan t du d ro it latin, m êm e si celui-ci pai^f ^
gratifiant au départ et celui-là à prem ière vue plus h u m ilian t 311 Nu*

A ttachons-nous d'abord à l'exem ple de N arbonne, colonie romaine fondée en


av. J.-C . p ar l'établissem ent d e plébéien s civils, p u is renforcée par César en 45 JJ
l'établissem ent d e vétérans issus de la X e légion. L orsque, en 1 1 ap. J.-C , l'inscrb?
de l'autel élevé au Numen A u g u s ti 3 évoque, parm i les dédicants, les coloni, onnenï
que se rallier à leur sujet à l'opinion d e M ichel G ayraud, qui com mente ainsi : "Le w
... ne p eu t viser les colons proprem ent dits", c'est-à-dire les vétérans qui ont été in2
dans les centuries inscrites au cadastre ; il p ouvait s'agir certes de leurs descendant^
héritiers, m ais égalem ent des indigènes p o urvus d e la citoyenneté romaine ; le ^
désigne, "de façon p lus générale, les citoyens de N arbonne"4. A leur côté, une autre
inscription d e m onum ent p u b lic m en tio n n e d es p érég rin s, dans l'expression, seule
conservée du texte: coloni e t peregrin i5. N ul doute q u e nous ayons là, dans le second
term e, un tém oignage relatif aux habitants de la ville e t d e son territoire ne possédant p®
le d ro it de cité rom aine. L 'autel, pour sa p art, em ploie à sept reprises (six sur la face
principale, une sur la face latérale) les m ots coloni incolaeque, qui, par le mot incolat,
englobent non seulem ent les p e re g rin i locaux, m ais aussi les étrangers domiciliés à
N arbonne, ces derniers relevant, pour leur origo, d'autres cités ; c’est bien le sens que
retien t M . G ayraud : "quant aux incolae, il ne fau t p as y v o ir les seuls indigènes non
rom anisés, m ais p lutôt l'ensem ble des habitants dom iciliés qui ne sont pas citoyens deh
colonie m ais qu i s'y sont fixés intentionnellem ent"6. T els sont les coloni et les incolût
"qui se sont engagés à honorer la puissance divine d'A uguste p ar un culte perpétuel"7.

L es incolae indigènes doivent habiter ou se trouver surtout, en tant que cultivateurs


ou non, dans les parties non-centuriées du territoire de la colonie, mais aussi dans les
centuries non occupées p ar des vétérans et leurs descendants ainsi que dans la ville même
servant de chef-lieu. Ils se distinguent des colons p ar leur onomastique : alors que ces
derniers portent p a r définition les tria nomina du citoyen rom ain, ils conservent quanti
eux une nom enclature d e type pérégrin : nom unique suivi du nom unique du père8. On

^A. ERNOUT et A. MEILLET, Dictionnaire étymologique de la langue latine: histoire des mots, 4e&
Paris, 1959, p.132.

3C .Ï.L „ XII, 4333 - I.L.S., 112. Texte et traduction dans M. GAYRAUD, Narbonne antique des ôris¥
à la fin du Ille siècle , Paris, 1981, p. 358-361, photo p. 357.

4M. GAYRAUD, op. cit., p. 352.

5C.IJL., XH, 4321.


6M. GAYRAUD, op. cit., p. 353.

7 m . GAYRAUD, op. cit., p. 352. La définition fourni» — -


ne s'éto n n era p a s si, c o m p a ra tiv e m e n t au x c ito y e n s ro m ain s, ils a p p a ra iss e n t e n trè s p e tit
nombre d a n s le s in s c rip tio n s lo c a le s ; d e fa it n o u s n 'av o n s c o n n a issa n c e d 'a u c u n d 'e n tre
eux m a lg ré la q u a n tité é le v é e d e p ie rre s é c rite s d e N arb o n n e, c e q u i e n d it lo n g su r le u r
infériorité é c o n o m iq u e e t cu ltu re lle *9.

U n s e c o n d a s p e c t d u m ê m e p h é n o m è n e so c ia l n o u s e s t o ffe rt p a r l'e x e m p le d e la
colonie d 'A o s te (.A u g u s ta P r a e t o r ia ), f o n d é e p a r T e re n tiu s V a rro n à la s u ite d e la
cam pagne m ilita ire q u 'il m e n a e n 2 5 av. J.-C . c o n tre le p e u p le d e s S a la sse s , m a ître d e la
vallée d e la D o ire B a lté e d e p u is le s c o ls d u P e tit e t d u G ra n d -S a in t-B e m a rd ju s q u 'a u x
abords d e la c o lo n ie p ré e x is ta n te d T v ré e (E po red ia ). L e v a in q u e u r d é te n a it, sa n s c o m p te r
les m orts, 3 6 0 0 0 p r is o n n ie rs , d o n t 8 0 0 0 c o m b a tta n ts, q u i fu re n t to u s v e n d u s c o m m e
esclaves. L a p lu p a rt d e le u rs te rre s fu re n t co n fisq u é e s ; le ch e f-lieu d e la n o u v e lle c o lo n ie
fut établi à l'e m p la c e m e n t d u c a m p d e l'a rm é e ro m a in e , e t l'o n in s ta lla b ie n tô t 3 0 0 0
vétérans su r le te rrito ire c a d a s tré 10. Il d e m e u ra it c e p e n d a n t d e s S a la sse s h o m m e s lib re s à
côté de ce s c o lo n i, c e u x p r o b a b le m e n t q u i a v a ie n t fa it a c te d e so u m issio n a v a n t la fin d u
conflit e t a v a ie n t c o n s e r v é le u r lib e r té to u t e n d e m e u ra n t s u r p la c e , p r é c is é m e n t a v e c le
statut o ffic ie l d 'in co la e a n a lo g u e p lu s o u m o in s à ce lu i q u e l'o n a o b s e rv é à N a rb o n n e .
C'est ce q u e n o u s e n s e ig n e u n e in s c rip tio n d 'A o s te d é d ié e à A u g u ste e n tre 2 3 e t 2 0 av . J.-
C par les S a la s s i in c o la e q u i in itio s e in co l(o n ia m ) co n [t(u leru n t)J , c e u x d e s S a la s s e s
qui, "dès le d é b u t" , s e s o n t r a llié s à la n o u v e lle s itu a tio n p o litiq u e 1112. L a tra c e d e c e s
incolae in d ig è n e s a p p a r a ît s a n s d o u te , à u n e é p o q u e lé g è re m e n t p lu s ta rd iv e , s u r u n e
inscription d 'A o s te m ê m e q u i n o u s f a it c o n n a ître u n e fe m m e p o u rv u e d 'u n e n o m e n c la tu re
pérégrine, M a ric c a N a m ic if il( ia ), fla n q u é e d e s a fille , d o n t le n o m u n iq u e e s t S a tu r n in a P

L e c a s d 'A o s te p e u t ê tr e ra p p ro c h é , d a n s u n e c e rta in e m e su re , d e c e lu i d e la c o lo n ie
d'Orange, f o n d é e p e u t- ê tr e e n 3 5 a v . J .-C ., d o n t le te rrito ire e n g lo b a it n o n s e u le m e n t le
pays d es C a v a re s , e n t iè r e m e n t c o n f is q u é à so n p ro fit, m a is é g a le m e n t, au N o rd , le
T ricastin a c tu e l q u i c o n s titu a it a u p a r a v a n t l a p a r tie la p lu s o c c id e n ta le d u s e c te u r
géographique h a b ité p a r le p e u p le d e s T ric a s tin s , si b ie n q u e , so u s l'E m p ire , la c ité
autonome d e s T ric a s tin s s e d é v e lo p p a it à l'E st, e n d e h o rs d e c e q u 'o n a p p e lle a u jo u rd 'h u i
le T ricastin, e t a v a it p o u r c h e f-lie u , se lo n P to lé m é e , N o v io m a g u s, N y o n s 13. L e s c o lo n i

M E F JtA ., 1 0 2 ,1 9 9 0 , p. 5 7 3 -5 9 3 = repris dans l'étude n°TV.

9M. G AYR AUD , op. cit., p. 4 6 8 et 4 7 0 envisage le cas éventuel de Betutia Secundae fil(ia ) qu'il croit,
sans raison d écisiv e, être une in cola originaire de Cavaillon. En fait, il s'agit plutôt d'une citoyen n e
romaine : l'inscription C .I.L ., XII, 4 5 3 7 , dont il manque la première lign e, est dédiée par un père,
Betutius — à sa fille Betutia Secunda et à deux autres individus. D faudrait alors la retirer de la liste que j'ai
donnée dans M E .F Jt.A ., 102, 1990, p. 5 9 2 . Betutia ne pourrait, à la rigueur, être fille de Secunda que
dans le cas où sa mère serait célibataire : c f. I.L.G.N., 371 = G. WALS ER, Rômische Inschriften in der
Schweiz, I, Berne, 1979, n°38 : Seuva Verecundae fil(iae), à Genève.

10Dion Cass., 5 3 , 2 5 , 3 - 5 ; Strabon, IV , 6 , 7.

n I.L.S., 6753 * Inscr. It., X I, 1, 6 = A .M . C AV ALLERO et G. W ALSER, Iscrizioni di Augusta


Praetorta, 1988, n° 1. C f. U . LAFFI, Adtributio e contributio : problemi d el sistem a po litico -
administrativo dello S ta to rom ano, P ise, 1966, p. 202-203 ; G. W A L SE R , "Der G ang der
Romanisierung in einigen T âlem der Zentralalpen", Historia, 3 9 ,1 9 6 9 , p. 68-69 ; D . V A N BERCHEM ,
Les routes et l'histoire, G en ève, 1982, p. 136 ; J. CELS-SAINT-HDLAIRE, dans Les grandes figu res
religieuses : fonctionnement pratique et symbole dans l'Antiquité, Besançon, 1986, p. 461. Du sort des
Salasses d'Aoste on peut rapprocher celui des Ubiens de la colonie romaine de C ologne selon Tacite,
Htst., IV, 63-65.

12C.IL., V , 685 0 ■ A.M . C A V ALLERO et G. WALSER, op. cit., n°24

13Ptolémée, II, 1 0 ,7 . Cf. A . PIGANIOL, Les documents cadastraux de la colonie romaine d'Orange (16e
Suppl, à Gallia), 1962, p. 30 ; A. CHASTAGNOL, "Note sur le territoire des Tricastins", M élanges de
littérature et d'épigraphie latines, d'histoire ancienne et d'archéologie : hommage à la mémoire de Pierre
Wuilleumier, Paris, 1980, p. 69-76.
d'Orange, appartenant à la Hé légion Gallica au moment de la déduction,
dans les centuries tracées à travers le territoire, mais le cadastre B de la ^ ty*
apprend que des terrains relevant des centuries de cette zone septentrional0^ ? ^
confisqués au départ avec le reste, ont été bientôt "restitués" à des T ricastin i
admettre, d'une part, que ces agri - d'ailleurs tenus pour être de mauvai»®/ Q J Ï
nnA Mc si n r i - d'aillanrc tAnnc n n n r âfi-a At% » ...

n'avaient pas été occupés par des colons et que, d'autre part la possessif
propriété en a été rendue aux indigènes qui les possédaient et cultivaient jusque îl
document cadastral appelle de leur nom ancien de Tricastins : (iugera) Trica - ^ ^ 1
(agri) Tricastinis redditi. Puisque nous sommes bien avec eux dans le te ^ .
colonie, comme le montrent les portions voisines des mêmes centuries, les une ^ 0
de reddita coloniae, les autres de ex tributario solo (c'est-à-dire distribuées aux
il est évident que ces Tricastini ne sont pas citoyens romains ; ils sont censés r e l ^ V
cité voisine des Tricastins, mais sont en fait originaires du territoire de ]
J 'A m n n a
d'Orange. On lleur
a n r l o i c c o ^An/> l o i l f n A IT I A t h n i m i A • I a u T C rtrt A C t o lr t r c
laisse donc leur nom ethnique ; leur sort est alors comparai **» Oftl lî
C°W
C n l n n o a r n V i n f ^ r i û n i * AC* l f l / I I
des Salasses à l'intérieur de la colonie d'Aoste, et c'est pourquoi nous sommes 5 ? ^^ »
I
a a k a a u i O /1* A A r f o û f l\ A l1 fV 1 1 1 A 1 H A 1 1 0 -----

|”
supposer que, comme ces derniers, ils jouissent du statut d 'incolae au s e n s ^ ^ 1'
avons défini à Narbonne et à Aoste. Au reste, à O range même, on com?^
personnages portant une nomenclature de type pérégrin et qu'on peut compter ai?!!
| 1

des incolae cavares de la colonie : Paternus Certullifiilius) et Pupa Cilae NiJ

Immédiatement au Nord de la colonie romaine d'Orange se situe celle de v


mentionnée comme telle par Pline l'Ancien, mais sans que cet auteur sache le nom^’
légion qui en a fourni les colons14*1617; c'est un indice qui incline à faire penser quvii ^
figurait pas dans la source augustéenne du naturaliste, ce qui oblige à placer
fondation postérieurement à l'année 22 av. J.-C .18, probablem ent sous le règne n ?
d'Auguste. Or une inscription provenant de la ville de V alence est dédiée, c o i S
Narbonne, par les coloni et incolae ; elle honore un sénateur : [. Nonjio Lit
[Asp]renati, pro p[r(aetore)J cjoloni et incolae/ patrono19. Il ne saurait s'agir, commêon
l'a cru généralement, du L. Nonius Asprenas qui fut proconsul en 46 ou 45, dans l'armée
de César, puis consul suffect en 36, mais d'un de ses descendants, éventuellement l'on
des deux L. Nonius Asprenas qui furent ensuite consuls en 6 et en 29 ap. J.-C, voire P.
Nonius Asprenas, consul en 3820. L'épigraphie de Valence est trop pauvre pour nous
informer en quoi que ce soit sur les incolae du lieu.

Celle de Salone, colonie romaine de la côte dalmate, fondée ou refondée en 33tv.


J.-C., est plus explicite à ce sujet, mais à nouveau l'information est fournie par une seule
inscription, la dédicace d'un autel à Jupiter, qui mentionne côte à côte les coloni et les

14A. PIGANIOL, op. cit., p. 54-55 et 169-201 (n°* 119 à 169).

^Sur la présence des Tricastins et des coloni dans une même centurie, voir les fragments n°* 101*IË
111,113,117-118,121-122 et 128. Cf. A. CHASTAGNOL, "Us cités de la Gaule Narbonnai^f
statuts", Actes du Xe Congrès d'Epigraphie grecque et latine (Nîmes octobre 1992), repris dans H j
n®VH, supra p. 119.

16C.LL, XH, 1225 ; 665 ; 1234.

17Pline,N.H.,m, 4,36.
|2 1
18Cette source est postérieure à la création, avec son nom, de la province de Narbonnaise, fait qui
à l'année 22 selon Dion Cassius, 54,24,3.

19CJL., XH, 1748 - I.L.S., 884.


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20p.I.R.2 , V, 3, n° 118 (5 ap. J.-C.); 119 (29); 121 (38); Eplgrafla e ordine senatorio, Il ( 2 |j |
239-240. Stemma: PIR2, p.367.
f T9B 1

incolae en leu r ajoutant, a u -d essu s d 'eux, le s m agistrats e t le s d é c u r io n s, q u i, par


définition, so n t e u x a u s si d e s c o lo n i 21. Il s'agit bien, ic i e n c o re , d 'u ne e x p r e ssio n
"désignant tous le s résid en ts h om m es lib res dans la colonie"22.

Si nous n ou s tournon s vers l'E sp agn e, c'est à nou veau d an s d e s c o lo n ie s rom ain es
seules que l ’on rencontre la m en tion con join te d e s coloni e t d e s incolae, e t c ette fo is d an s
trois sites différen ts. A C o rd o u e, c o lo n ie antérieure à C ésar, c e so n t d e u x d é d ic a c e s e n
l'honneur d e n o ta b le s lo c a u x : [ . ] Iu n io B a sso / M ilo n ia n o , /I lu ir io ) ,/ p r a e f(e c to )
fabr(um),/ colon i e t in c o la e ; T. M ercello n i P ersin o / M ario, a ed il(i), I lv ir(o ),/ co lo n i e t
incolae23 . A C arth agèn e (Ç a rth a g o N o v a ), c o lo n ie p eu t-être d e C ésar, o n retrou ve la
même expression dans u n e in scrip tion au reste m u tilée24. E nfin , e lle figu re à trois rep rises
dans la loi m un icip ale d e la c o lo n ie césarien n e A'Urso, sou s la form e colon i incolaeque ou
coloni incolaeu e25. D e to u s c e s té m o ig n a g e s il e s t p e r m is d e c o n c lu r e q u e , d a n s c e s
colonies d e p eu p lem en t, à c ô té d 'év en tu els étrangers d e l'extérieu r p artageant a v e c e u x le
titre d'incolae 2 6 , le s in d ig è n e s n o n -c ito y e n s ro m a in s "constituaient", s e lo n la d é fin itio n
de F. de M artino "un g r o u p e su b o rd o n n é, a v e c d roits in férieu rs, sa n s jo u ir p o u r autant
d'une organ isation c o m m u n a le propre"27 , c e tte d ern ière p r é c isio n p o u r b ie n m arquer
qu'il ne s'a g it p a s là d 'u n e d o u b le structure p o litic o -ju r id iq u e , d 'u n e " c o m m u n a u té
double", c o m m e o n avait é té tenté p arfois d e le conjecturer.

Qr, dans l'un des p a ssa g e s (au §103), la lo i dTJrso q u alifie la p a rtie indigène,
apparemment non-citoyenne rom aine, p a r l'expression incolae contributi 28. C e dernier
ternie, m êm e si sa d éfinition exacte p e u t faire problèm e, étab lit u n lien d'association en
même temps que d e dépendance entre le groupe ainsi désigné e t les coloni. Il sem ble en
effet, si la lectu re re te n u e e s t exacte, q u e ces in d ig èn es o n t fo rm é d 'a b o rd un co ip s
autonome tributaire aux c ô té s des prem iers colons, p u is qu'ils o n t été fu sio n n és avec eux
pour constituer le territoire colonial en gardant un statut inférieur : c ’est ce nouv eau stade
qu'on appellerait con tributio. L e sens d e la form ule est explicité p a r C ésar q u an d il ren d

2lCJX., IU, 1933 = IX .S ., 490 7 en 137 ap. J.-C.: hanc tibi aram, Iuppiter Optime Maxime, do, dico
dedicoque uti sis volens propitius mihi collegisque meis decurionibus, colonis, incolis coloniae Martiae
luliae Salonae coniugibus liberisque nostris.

22jJ. WILKES, Dalmatia, Londres, 1969, p. 391 ; G. ALFOLDY, Bevolkerung und Gesellschqft der
nnischen Provinz Dalmatien, Budapest, 1965, p. 108.

23CJX., D, 2222 ; 2226.

^CXL., H, 3419.

25ç .i x „ l2 t 594 — n , 5439 = I.L.S., 6087, § 95 : Testibusque in eam rem publice dumtaxat
hfominibus) XX, qui colon(i) incolaeve erunt ...; § 103 : Quicumque in col(onia) Genet(iva) I/vir
praef(ectus)ve i(ure) d(icundo) praeiit, is colonfos) incolasque contributos ... § 126 : colonos Genetivos
incolasque hospitesque adventoresque. Cf. A. D'ORS, Epigrafia juridica de la Espana, Madrid, 1953, p.
167 et suiv. Le texte conservé a été gravé à l'époque fiavienne : cf. p. 171.

26on note que le § 126 ajoute aux incolae les hôtes ( hospites) et les voyageurs de passage (aduentores).

27p. d e MARTINO, Storia delta costituzione romana, IV, 2, N aples, 1975, p. 751. C f. F.
VITT1NGHOFF, Zeitschrift der Savigny-Stiftung fur Rechtsgeschichte, 1951, p. 443.

^J'adopte ici la correction proposée par Ph. E. HUSCHKE : incolasque contributos au lieu de : incolas
contributosque. Cf. MOMMSEN, Gesammelte Schriften. I, p. 213-214 ; A d'ORS, op.cit. , p. 234.
Pline n i, 3, 18 signale que, dans la province d'Espagne Citérieure, 293 cités étaient "contribuées" à
d'autres.
compte que les gens de Calagurris o n t été "contribués" avec ceux d'Osca, ij||
autres étant alors des pérégrins29*; d e m êm e, P lin e atteste q u e les localités péré^^j*
Castra Servilia et Castra C aecilia ont été "contribuées" avec la colonie de
restera cependant prudent sur l'interprétation d e ce t article de la loi d 'Urso. aîO

Tout se passe donc com m e si, dans to u s les textes q u e j'a i évoqués jusqt,*-
incolae restaient des pérégrins vivant aux côtés d es coloni citoyens romains et fomlî?’ k
catégorie sociale inférieure certes, m ais qui é ta it reco n n u e e t participait d'un c > >
manière à la vie de la cité bien q u e ne d isp o san t p as d e s d ro its politiques. Ou
même se dem ander si nous n'avons pas affaire à la p rése n ce d es deux éléments
trace de leurs rapports réciproques dans l'in scrip tio n su iv a n te de Cordoue, dédfof ^
citoyen rom ain p ar un p erso n n ag e à n o m e n cla tu re p é ré g rin e : Q. Herennii
Montanus Rufi fifilius)/ contrib(utus ?) d(edit) 31. D est v ra i q u e la suggestion d u v f0/
qui voyait dans le d éd ican t un C o n trib fu te n sis), c 'e st-à -d ire un habitant de u t .
pérégrine de Contributum (municipium C ontributum Ip scen se), distante de queW ^
km, ne peu t être éc arté e d 'e m b lé e ; le d o u te d e m e u re n éan m o in s, car les ^
"contribuées" étaient nom breuses dans la pén in su le, e t rien n ’em pêche que Cordoue ait1
elle-même ses propres contributi. Ici égalem ent, la p ru d en ce sera recommandée. ^

Q uoi qu'il en soit, tous le s te x tes e x a m in é s ju s q u 'à m aintenant, dans lesqu


interviennent côte à côte les c o lo n i e t les in c o la e , p ro v ie n n e n t de colonies roiuL/
fondées en faveur d e v étéran s p o u rv u s du d r o it d e c ité ro m ain e. Cette distinctif
l'intérieur des habitants libres d'origine lo cale e n tre cito y en s ro m ain s et incolae de statm
inférieur m érite réflex io n , c a r l'a ss im ila tio n im p lic ite d e s seco n d s à des étrange*
s'accom pagne d'une certaine co n n o tatio n p é jo ra tiv e q u 'o n n e rencontre pas dans ta
autres types de cités provinciales e t p articu liè rem e n t d an s ce lle s disposant du droit htiu
En effet, dans ces d ernières, q u 'elles aie n t o b te n u o u n o n le titre de colonies ou de
municipes, les indigènes non-citoyens ro m ain s so n t c ito y e n s d e la ville et jouissent des
droits politiques : ils fo n t partie, au m êm e ra n g q u e les c ito y e n s rom ains, de l'assemblée
populaire, p articip en t à l'électio n d e s d é c u rio n s e t m ê m e p e u v e n t accéder comme
décurions à l'assem blée m unicipale ; ils so n t a u ssi p a rtie p re n a n te dans le corps qui élit
les magistrats. C 'est évidem m ent pourquoi les lo is m u n ic ip a les e t les documents officiels
leur donnent globalem ent le titre d e cives L a tin i p o u r le s d istin g u e r des cives Romani. H
me sem ble im pensable q u 'ils so ie n t d é sig n é s lo c a le m e n t p a r c e titre d'incolae, qui
m anifesterait un rang inférieur e t le s d istin g u erait tro p b ru talem e n t de l'autre élément
social partageant avec eux le titre d e cives32. A u reste , le s co lo n ies latines de l'époque
im périale (dans les G aules) so n t ra re m e n t - e t p e u t-ê tre ja m a is (c'est une question
discutée) - des cités dans lesquelles d es v étérans o n t été d éd u its, et, dès lors, la distinction
entre co/om et incolae serait inopérante. A u trem e n t d it, si j ’ai raiso n sur ce point, cette
discrim ination ne d o it s'observer q u e dans u n e co lo n ie ro m a in e de peuplement, dans
laquelle, éventuellement, ici ou là, les seconds o n t pu être "contribués" avec les premiers.

L a conséquence d'un tel raisonnem ent - s'il e s t v raim en t valable - est qu'il nous tint
être attentifs aux deux autres cités d ans lesq u elles on ren c o n tre la double expression et

29César, Bell. Civ., 1 ,60 : Oscenses et Calagurritani qui erant cum Oscensibus contributi... Pline de
plus tard Calagurris et Osca comme deux municipes indépendants de citoyens romains (HT, 3,24).

30pline, IV, 22,117 : contributa sunt in eam (la colonie de Norba) Castra Servilia, Castra Caecilia.

31C.LL., n , 2250.
32Dans les lois ibériques de Malaca (I.L.S., 6089, LXIX) et d 'im i (AJE., 1986, 333, XIX ; LX#:
LXXI ; LXXXin ; LXXXIV ; LXXXXIV), qui concernent des municipes de droit latin sous le règne^
Domitien, les incolae sont distingués des municipes, citoyens du municipe regroupant citoyens romainsd
dues latini : ces incolae sont seulement les domiciliés venus du dehors.
137

dont p ré c isé m e n t le s ta tu t ju r id iq u e f a it p lu s o u m o in s l'o b je t d e d is c u s s io n s p a r m i le s


spécialistes.

C 'est d 'a b o rd la c ité d e s H e lv è te s , à la q u e lle C é s a r a v a it a c c o rd é e n 5 8 a v . J .-C . le


statut d e c ité p é r é g r in e f é d é r é e 33, m a is q u i f u t e n s u ite r é tr o g r a d é e a u r a n g d e c ité
stipendiaire q u e n o u s f a it c o n n a îtr e d e p u is le rè g n e d 'A u g u s te la lis te d e P lin e l'A n c ie n 34 35.
A la suite d e s g u e rre s c iv ile s d e 6 8 -6 9 p e n d a n t le s q u e lle s le s H e lv è te s p r ir e n t le p a r ti d e
Galba et ré s is tè re n t à V ite lliu s , V e s p a s ie n é rig e a l a c ité a u ra n g d e c o lo n ie s o u s le s n o m s
de colonia P ia F la v ia C o n sta n s E m e rita H e lve tio ru m 3 5 . L e s u n s o n t p e n s é q u 'il s 'a g is s a it
d'une co lo n ie ro m a in e , à c a u s e d e l'é p ith e te E m e rita , q u i a tte s te l'in s ta lla tio n d e c o lo n s
recrutés p a rm i d e s v é té r a n s , à l'im a g e d e s a u tre s c o lo n ie s p o rta n t le m ê m e s u r n o m d e p u is
Auguste, c o m m e M é r id a e n L u s ita n ie , e t A m m a e d a ra (H a ïd ra ) e n A friq u e . D ’a u tre s o n t
supposé q u e c 'é ta it p lu tô t u n e c o lo n ie la tin e , p a r c e q u e l ’é p ith è te F o e d e r a ta é t a it a jo u té e
sur une in sc rip tio n à la s u ite d 'H e lv e tio ru m e t q u 'a p rio ri se u le u n e c ité la tin e p o u v a it ê tre
qualifiée d e " fé d é ré e " , à l'in s ta r d e la c ité d e s V o c o n c e s 36. O r, p ré c isé m e n t, c e q u i r e n d la
question p lu s c o m p le x e , c ’e s t q u e d e u x a u tre s p ie rr e s m e n tio n n e n t à la f o is le s c o lo n i e t
les incolae : le s p r e m ie r s s ig n a lé s u n iq u e m e n t à A v e n c h e s , le c h e f-lie u ( m a is c 'e s t p e u t-
être un h a s a r d ) , le s s e c o n d s à A v e n c h e s e t à M o u d o n s o u s le n o m d ' i n c o l a e
Aventicenses37. I l n e f a u t s a n s d o u te p a s tir e r tro p d e c o n s é q u e n c e s , d 'u n e p a r t, d u f a it
que la colonie e s t a p p e lé e p a r f o is , c o m m e a u p a ra v a n t, c iv ita s a u ssi b ie n q u e c o lo n ia e t, d e
même, A v e n tic e n s iu m a u s s i b ie n q u 'H e lv e tio r u m , d 'a u tr e p a r t, q u e d e s c u r a t o r e s
colfonorum ?) h o n o r e n t l e G e n iu s in c o la r u m ; c e la p r o u v e q u e d e b o n n e s r e la tio n s
pouvaient se m a n if e s te r e n t r e le s d e u x é lé m e n ts s o c ia u x : il r e s te n é a n m o in s q u e c e u x - c i
disposaient d e d ro its in é g a u x , q u e le s in d ig è n e s n o n -c ito y e n s r o m a in s n ’e x e r c a ie n t p a s le s
droits politiques, c e u x -c i é t a n t ré s e rv é s a u x se u ls c o lo n i, q u i re g ro u p a ie n t to u t à l a fo is le s
vétérans o u le u rs d e s c e n d a n ts e t le s H e lv è te s n a tu ra lis é s ro m a in s. P a r c o n s é q u e n t, m ê m e
si la d o c u m e n ta tio n f a i t é t a t d e d o n n é e s in s titu tio n n e lle s q u 'o n n 'a p a s l'h a b itu d e d e
rencontrer aille u rs, c e tte d is tin c tio n d e s co lo n i e t d e s in c o la e d o n t la p lu p a rt s e m b le n t b ie n
être des H e lv è te s n o u s r a p p e lle l a s itu a tio n q u 'o n a o b s e rv é e à N a rb o n n e , A o s te , V a le n c e
et autres lo c alités q u i s o n t to u te s d e s c o lo n ie s ro m a in e s.

Je n 'h é s ite ra i d o n c p a s à v o ir d a n s la c o lo n ie f la v ie n n e u n e c o lo n ie r o m a in e . O n
remarquera d 'a b o rd q u e l a c o lo n ie d e V e sp a sie n , si e lle p o rte le s u rn o m E m e rita , n 'e s t p a s
appelée F o e d era ta d a n s l e p r e m ie r te m p s e t q u e c e tte se c o n d e é p ith è te e s t c o n n u e p a r u n e
seule in sc rip tio n , q u i a é t é g r a v é e s o u s le r è g n e d e T ra ja n e n tre 10 2 e t 1 1 4 , e t a é té
rajoutée p o u r p r e n d r e p l a c e in f in e a p r è s le n o m d e s H e lv è te s : c o lo n ia P i a F l a v ia
Constans E m e rita H e lv e tio r u m F o e d e r a ta 38, à u n m o m e n t o ù il é ta it a n a c h r o n iq u e d e
négocier u n f o e d u s a v e c u n e c i té p o r ta n t d é jà le titr e d e c o lo n ie . C e tr a i té v is a it

33Cicéron, Pro B albo , 32. C f. D . V A N BERC H EM , Les routes et l'histoire, p. 50-52 ; 123-124 et 132.

34Pline, IV, 106.

35C.I.L., X m , 5094 = G . W A L S E R , R ôm ische Inschriften in der Schweiz. I, n° 86.

36Cf. R. FREI, Bulletin de l'Association Pro Aventico. 20, 1969 p. 5-22, pour la colon ie rom aine (voir
A.E., 1969-1970, 4 1 7 ) ; D . V A N BERCHEM , op. cit., p. 141-150, qui opte finalement pour la c olon ie
latine. Sur la bibliographie de la question, R. FREI-STOLBA, AJVJR.W. H, 5, 1 (1976), p. 391 -3 9 2 .

37c ,i .l ., XIII, 5072-5073 * G . W ALSER, op. cit., I, n°s 74-75 pour les deux sortes d'habitants ; CJJL.,
Xm, 5042 et 5091 « G. W ALSER , I, n° 7 0 et 83 pour les incolae Aventicenses. Remarquer toutefois que
les coloni sont seulem ent attestés à la condition de compléter la formule qui semble les concerner sous la
forme curator colon(orum). m ais ce pourrait être curator colon(iae). c e qui ne changerait guère
l'interprétation.

38C.1.L„ Xm, 5089 » G. W A LSER , I, n° 82.


c e rta in e m e n t à p ré c ise r e t g a ra n tir le s d ro its d e s in c o la e d a n s le u rs relations »«,
c o lo n i39. O n n 'o u b lie ra su rto u t p a s q u e le s v é té r a n s e t le u rs d e s c e n d a n ts prennen K
a v e c le s H e lv è te s n a tu ra lisé s, to u s c e u x d o n c q u 'o n a p p e lle le s c o lo n i, dans ]
c o llé g ia l d e s c iv e s R o m a n i co n ven tu s H e lv e tic i, a tte s té a u m o in s ju sq u 'à la
siè cle* 0, c e q u i su ffit à d é m o n tre r q u 'ils a v a ie n t b e s o in d e s e d é m a rq u e r de nomvï^
c o m p a trio te s q u i n e d is p o s a ie n t p a s d u d r o it d e c i té r o m a in e e t d a n s lesquels i ] ^
re c o n n a ître le s in c o la e h e lv è te s ; c ’e s t p a rm i c e s d e r n ie rs s e u ls q u 'é ta ie n t recrutésIn
m o in s à l'o rig in e - le s so ld a ts au x ilia ire s d e la c o h o r s I H e lve tio ru m *41. ' tu

O r n o u s p o u v o n s a p p r é h e n d e r q u e l q u e s - u n s d e c e s in d ig è n e s portant
n o m e n c la tu re d e ty p e p é ré g rin à c e tte é p o q u e d e la c o lo n ie . J o y c e Reynolds a
l'a tte n tio n s u r le ric h e p é ré g rin h e lv è te M a c e r, q u i a v a it é p o u s é l'arrière-petite-fiiS r
c ito y e n ro m a in A fra n iu s P ro fe ss u s, c e lu i q u i a v a it f in a n c é la c o n stru c tio n de la ^
d 'A v e n c h e s d a n s le s p re m ie rs te m p s d e la c o l o n ie ; le s d e u x fa m ille s étaient
lo c ale s : le m a ri é ta it u n in c o la , l'é p o u se la f ille d 'u n co lo n u s. M a c e r, d an s le cours du
s iè c le , d e v in t c ito y e n ro m a in e t p r it le n o m d e Q . C l u v iu s M a c e r, emprunta
p ro b a b le m e n t son g e n tilic e au p erso n n a g e q u i a v a it re c o m m a n d é so n élévation. Ses deT
m s , n és a v a n t la p ro m o tio n , fu re n t n a tu ra lis é s e n m ê m e te m p s q u e lui, comme il
lé g a l, m a is se fo rg è re n t u n a u tre g e n tilic e d 'a p r è s le n o m p é r é g rin d e leur père e u
n o m m è re n t d é s o rm a is l'u n Q . M a c riu s N iv a lis , l'a u tre [.] M a c r iu s M a ce r42. Un pérég^
d 'Y v e m o n s 'a p p e lle p o u r sa p a rt T o g irix M e tia e f f il iu s J43. O n re n c o n tre de même»
S o le u re u n P a rd u lia n u s R ip a ri f(iliu s ), av e c sa m è r e Q u ê ta e t so n frè re Principalis, tous
d o té s d 'u n n o m u n iq u e , à V id y le s q u a tre e n f a n ts d 'Ic a r u s , n o m m é s B anira, Doninda.
D ae d alu s e t T ato 44. N o u s co n n a isso n s en fin u n e s é rie d e p é r é g rin s h elv ètes à nom unique
q u i o n t é té en g a g és c o m m e au x ilia ire s e n d iv e rse s a ile s o u c o h o rte s , certains ayant obtenu
la c ité ro m a in e p e n d a n t o u après le u r te m p s d e se rv ic e 45.

Il n o u s re ste , p o u r fin ir, à fra n c h ir l'o b s ta c le le p lu s e m b a rra s s a n t qui, au moins en


a p p a re n c e , c o n tre d it l'e n se m b le d u r a is o n n e m e n t s u r le q u e l e s t fo n d é e la présente étude.
E n e f f e t, l'e x p r e s s io n d u a lis te su r la q u e lle s 'a p p u ie l a th é o r ie q u e j'a i énoncée en
d é m e n tie p a r u n e in sc rip tio n q u i a é té d é c o u v e rte d a n s le te rrito ire d 'u n e cité qui n'est pas
u n e co lo n ie ro m ain e, m a is u n e c o lo n ie latine, c e lle d e N îm e s. L e d o cu m en t a été trouvé au
X V IIe s iè c le d a n s le so l d e l'a n tiq u e S e x ta n tio , a u jo u rd 'h u i C asteln au -le-L ez, près de
M o n tp e llier, p u is sc ellé d a n s u n m u r d e la sa c ris tie d e l'é g lis e lo c a le 46. Il se présente sous

39 d . V A N BERCHEM , op. d u , p. 138 e t 148.

4 0 C .I J -, X m , 502 6 « LL.S., 7011 = G. W ALSER, I, n° 5 1 . Cf. D . V A N BERCHEM, op. cti., p. 129-


130 et 145.

4 1 Cohorte attestée par CJUL., X m , 6472 ; 6475 ; 6 5 4 2 ; 6 5 4 3 et 12442.

4 2 C .Ï .L .. X i n , 5098-5100 = G . W ALSER, I, n°* 9 0 , 91 et 85. C f. J. REYNOLDS, Revue Suisse


<THistoire. 14, 1964, p. 388-389 ; D . V A N BERCHEM , op. d u . p. 148 et 156.

43CJJL., x m . 5055 = LL.S.» 4635 = G. W ALSER. I, n° 62.


4 4 C.IJL., x m , 5 1 7 7 = G . W ALSER, H , 1980, n° 132 ; C TI- x m , 5 0 2 7 = H .S ., 4774 * G.
W A LSER . I. n° 5 5 .

4 5 p o u r nous en tenir à ceux q u i ont servi après 70 : lutins Ingenm s Lassae f. cives Etveüus, dans lakl
F lavia (C U L . X lU , 7024 à Mayence) ; Licinus Clos si f ., Helvetius dans Vola I Hispanorum (CIL.
XHI. 6 2 3 4 , à W orms) ; R ufus Contusvati f.. natione Etveüus , dans la même un ité (C LL., Xm, 70261
M ayence).

4 6 c .I J —, XII, 4189. La publicatio n en a été assurée par P. Gaxiel, Series praesultem Magalonensium e
M onspeliensium .... Toulouse, l e éd., 1652. p. 7 ; 2e éd., p. 21 ; Peiresc, ms. L atin Paris 1858,11$.
C f. p . MÉRIMÉE, Notes d'un voyage dans le Midi de la France , Paris, 1835, p . 363.
la forme suivante : ü «. P laetoriu s M agnus/ colonis et incolis/ ex ea pequnia quae e i in/
statuas conlata est.
Cc texte ne p e u t d ater q u e d e la fin d e la R épublique ou du début d e l'E m pire.
Puisque le statut latin d e N em au su s, exposé p ar Strabon et Pline e t confirm é p ar les
études onom astiques qui co ncernent les habitants de la cité, ne saurait être contesté47, je
vois une seule explication qui p uisse résoudre l'énigm e qu'il pose: la pierre a été déplacée
depuis le territoire d'u n e colonie rom aine plus ou m oins proche et a servi de m oellon lors
de la construction d u m u r d a n s lequel elle a été retrouvée ; ce serait là un bloc erran t
comme on en con n aît beaucoup d'autres, solution de désespoir que, j'e n suis convaincu,
nous sommes contraints d'adopter. L e docum ent entre d e toute façon dans la série d o n t je
m'occupe ici. O n d o it songer a priori, pour la provenance, aux colonies rom aines les plus
proches de M ontpellier : B éziers, p u is N arbonne vers l'O uest (la lim ite de B éziers est à
une trentaine de k m d e C astelnau), A rles, puis O range vers l'Est. M alheureusem ent, le
gentilice Plaetorius e s t très rare : il est inconnu non seulem ent en N arbonnaise, m ais dans
l'ensemble de la G au le e t s'o b serv e surtout en Italie et, dans les provinces, à A léria en
Corse48, C arales en S ard aig n e49, D o cle a en D alm atie 50 ei Buthrotum en E pire51. Il est
donc impossible de p arv en ir sur ce po in t à une identification assurée.

Bien entendu, ce tte d istin ctio n en tre coloni et incolae se retrouvait aussi Hans bien
des colonies rom aines où l'o n n e renco n tre aucune attestation de l'expression q u i réu n it
les deux term es. Il e s t c e p en d a n t p o ssib le que certaines d'entre elles, com m e L yon - et,
curieusement, celles d e l'A friq u e du N o rd entière, qui a connu à ce sujet d'autres types
d'organisation52- n 'a ie n t p a s e u d 'incolae in d ig èn es to u t en reg o rg ean t d ’in colae d e
l'extérieur. D ans les autres, on rep è re d es individus à nom enclature d e type pérégrin d ont
certains d o iv e n t ê tre d e s lo c a u x : ain si, p arm i les d eu x co n n u s à B éziers53, cin q à
Fréjus54, h u it à A rle s55, tre iz e à C olo g n e56. Il est sû r q u e le seul nom m é à A ugst,
Cossus, était un in cola d u c ru puisq u e, une fois devenu citoyen rom ain sous le n om d e L.

47A. CHASTAGNOL, Jura, 38, 1987, p. 5-6 (= étude n°VI, p. 93-94) ; ID. M.E.F.R.A., 102,1990, p.
586-588 (= étude n°IV, p. 64-66) ; M. CHRISTOL, "Le droit latin en Narbonnaise : l'apport de
l'épigraphie (en particulier dans la cité de Nîmes)", Ecole antique de Nîmes,1989, p. 87-100 ; Epigrafia
juridica romana : Actas del coloquio internacional AJEGL, Pampelune, 1989, p. 65-78.

48A E., 1 9 6 8 ,2 8 5 .

49A. E., 1981,475b.

5°A. E., 1986, 552.

51A. E., 1978,772.

52La question se pose seulement, actuellement et éventuellement, non pas pour une colonie, mais pour le
municipe claudien de citoyens romains de Volubilis, d'après l'inscription, assez énigmatique à ce point de
vue, ILAf., 634 » IA .M ., 2, 248. Cf. F. JACQUES et J. SCHEID, op. cit., p. 247.

53C.LL., XII, 4278 et 4289.

54LL.N., Fr., 44 ; 47 ; 121 ; 122 ; 154.

55C.I.L., XII, 646, 666 ; 734 ; 735 ; LL.GJST., 87; 95; 99.

et H. GALSTERER, Die rômischen tnschriften ans KOln, Cologne, 1975, n° 118 (= A.E., 1926,
!8) ; 123 ( - C.I.L., XIII, 8238) ; 126 (■ C.IJL, X ® , 8498) ; 160 ; 346 ( - C.IX., XIII, 8409); 371;
382 ( - C.I.L., X m , 8422).
C iltiu s C e ltillif. C ossus, il a e x e rcé la c h a rg e d e s e v ir A u g u sta lis51; on p eu t lui adjoi
le s o ld a t A m b iren u s Iu ven ci f . R a u ric u s, d e la c o h o r s III G a llo ru m , c a n t o n ^
A qu in cu m , en P an n o n ie In fé rieu re5758. ^ \

N o u s avo n s la certitude q u e la p lu p art d e ce s in d iv id u s ap p a rtien n e n t à l'extrêm.


d e la R é p u b liq u e, au p rem ier siècle de n o tre ère o u au d é b u t d u siècle suivant. S'ijy ^
eu e n c o re ju s q u e sous le rè g n e d e C a ra ca lla , o n a v ite o u b lié d e les appeler incoln611*
c ’e s t p o u rq u o i le s te x tes ju rid iq u e s, p lu s ta rd ifs, d o n t n o u s d isp o s o n s appellent inc)*
les se u ls d o m ic iliés d 'o rig in e étra n g ère à la cité, d é fin itio n d e v e n u e classique et fo? T
d éjà au H é siècle p a r P om ponius e t G aius : In co la est, q u i a liq u a regione domicilium
co n tu lit ; quem G ra ec i p a ro ik o n a p p e lla n t59- In co la e t h is m a g istra tib u s parere
a p u d q u os in cola e s t ,e t illis, a p u d quos c ivis est60

C e tte é v o lu tio n a a c c o m p a g n é la p r o m o tio n d e b e a u c o u p d ’entre eux


p ro g re ssiv e m e n t, d a n s la c ité ro m a in e . L e s u n s o n t p r o fité d u m o d e d'accès normal
a c c o rd é su r b ie n fa it d e l'e m p e re u r ; m a is la p ro m o tio n d u p lu s g ran d nom bre oblige à
p e n s e r q u e les in c o la e in d ig è n e s o n t re ç u p o u r e u x -m ê m e s le d ro it latin à un certain
m o m e n t e t q u 'ils o n t été n atu ra lisé s ro m a in s d e m a n iè re a u to m a tiq u e après avoir exercé
une prem ière m ag istratu re m unicipale. Il e s t certes d iffic ile d e d a te r les étapes législatives
des tran sfo rm atio n s intervenues à ce t ég ard d an s c h a q u e co lo n ie. O n partira cependant du
cas d e V ienne, q u i fu t u n e co lo n ie latine d ep u is le rè g n e d 'A u g u ste av an t d'être promue au
ra n g d e c o lo n ie ro m a in e , se m b le -t-il so u s le r è g n e d e C a lig u la 61. Si beaucoup des
c ito y e n s "latin s" d e la c ité d e v in re n t a lo rs c ito y e n s r o m a in s , le s au tres demeurèrent
ju rid iq u e m e n t d e s pérég rin s e t fu re n t en fa it d es in c o la e d e l'in té rie u r ; il est impensable
q u 'ils a ie n t alo rs p erd u , in d iv id u ellem e n t, le s a v a n ta g e s q u e le u r co n férait le droit latin
an té rie u r62. L 'e x em p le v ie n n o is fu t suivi p lu s ta rd iv e m e n t p a r d 'a u tre s cités. H en fut de
m ê m e , m e se m b le -t-il, p o u r le s H elv è te s. Je c ro ira is v o lo n tie rs , en effet, que Claude
a c c o rd a le d ro it la tin au x c ité s q u i a v o isin a ie n t la c o lo n ie d e L y o n , en particulier les
V e lla v e s, les S ég u sia v es, les S éq u an es, d 'a u tre s 63 e n c o re e t p o u rq u o i p as les Helvètes
p lus d e v in g t an s av an t q u e V espasien im p lan te c h e z c e s d ern ie rs u n e colonie de vétérans
c e tte fo is ro m ain e. E n c e cas, la curie b âtie à A v e n c h e s p a r le s so in s d e l'arrière-grand-
p è re A fra n iu s P ro fe s s u s 64 p o u rra it re m o n te r a u x e n v iro n s d e 5 0, e t les privilèges

57C X L ., X m , 5260 = G. WALSER, II, n° 205.

58C.IJL., XVI, 50 en 105 ap. J.-C.

59D ig ., L , 1 6 ,2 3 9 , 2.

à^ D ig., L , I , 29. Commentaire de A. ERNOUT et A. MEILLET, op. cit.. p. 132-133: "incola,*


habitant : dans la langue du droit, traduit le grec tcdpoiKoç ou ixétoucoç par opposition à civis". Cf. C.
Iust., X , 4 0 3 .

61Cf. J. G AS COU , dans Epigrafia : Actes du colloque en mémoire de Attilio Dégrossi (Coll, de IEcole
Ftanç. de Rome, 143), Rome, 1991, p. 556-558 ; A. CHASTAGNOL, Le Sénat romain à l'époqut
impériale, Paris 1992, p. 83 et 395, note 9.

62H n'est pas exclu que la distinction entre coloni et incolae ait joué aussi à Vienne ; malheureusement,
le seul document qui y mentionne des incolae (C.I.L., XII , 1864) est trop lacunaire pour être probant
D'autre part, celui où figurent des coloni (CJLL.. XII. 1882) qui sont seulement les citoyens de la colonie,
date de l'époque où, avant le règne de Caligula, la colonie était de droit latin puisque les dédicants sont
quattuorviri et non duoviri.
6 3 a . CHASTAGNOL, Le Sénat. . . , p. 396, n. 22.

6 4 c .L L ., x m , 5099 - G. WALSER, I, n° 91 (voir supra).


141

jçyrurîéc ainsi par C laude aux Helvète» n'auraient pas été abolis pour ceux qm d e v e n a ie n t
ûx-fjsm» lors d e l 'établissem ent d es c o lo n i. O n peut donc adm ettre q u e les in c o la e d e s
f r jf r é » rom aines antérieures o n t de la m êm e façon bénéficié dn d r o it latin an p in s tard
foas le règne de V espasien.

Si Ton tient pour acceptable une seDe évolution chez les H elvètes, on d o it re connaître
ooe, depuis 48, la prom otion d e s in c o la e s'accom plissait en denx tem ps d istin c ts, c e u x
qo’a envisagés D. V an B erchem p our la période su iva n te : une o d lc c tio le s e n tre r
tfrn* la curie, puis, p lu s tardivem ent, la prem ière m ag istratu re lo c ale le u r o u v ra it la
citoyenneté rom aine, e t c'est à c e m om en t q u 'ils ch an g eaien t d 'é ta t civ il65. M a is, p lu s
tard, au Ile s iè c le , a in s i q ue le m ontre l'inscription d e T , T ertius S ev eru s, Y o d le c tio e t
Faccès à la m agistrature constituent deux opérations q u i peu v en t in terv en ir d é so rm a is en
arm e tem ps et so n t accom pagnées d e l'insertion parm i le s c o lo n i e t d e l'ad o p tio n d e s tr ia
momina 66. On s’ex pliquera m ieux alors que la curatèle d es colons so it u n e m a g istratu re
de d â n t de carrière exercée, d an s les deux cas o ù elle nous e s t signalée67, p a r d e s c o lo m
de fraîche date à p e in e issus d e la ca té g o rie d e s in c o la e , m ie u x a p te s p a r là -m ê m e à
honorer le Genius incolarum e t à m a n ifeste r leurs b on s sen tim en ts à l'é g a rd d u c o rp s
social q n lls venaient d e quitter.

Dans ces co n d itio n s, on e s t co n d u it à a tté n u a ’ les e ff e ts d e la p e rte d e lib e rté q u e


g rattait im plique r la réd u c tio n d e s ind ig èn es le s m o in s rich e s o u l e s m o i n s é v o lu é s a n
s a c s di incola. Us p o u v a ie n t g a rd e r d a n s le u rs v i c i u n c e rta in d e g ré d 'a u to n o m ie e n
lésant dans leur c a d r e traditionnel d e la cité e t se trouvaient eng ag és, n o le n s v o le n s , d a n s
n e voie qui les c o n d u isa it in e x o ra b le m e n t, à p in s o n m o m s l o n g u e é c h é a n c e , v e r s
Har grarinn aux m odes d e v ie q u i caractérisa ien t l’appartenance an m o n d e ro m ain .

**0. D. VAN BERCHEM. op et» , p. 129,

« T r l XQL 5072 ■ G. WALSER. I. ■* 74 : curiounrf cokmtorwm ) iétm qm a llecta s). Je reviendrai


dàntm tm eM sur ce d o c i f t . qui. eu fût. pore le question de revoir û Ire mcotmm de la cokreie des
Hebftra e'cint pat obtenu d'Hadrien le bénéfice du Latium manu

^ K m CJJL. Xm . 5073 - O. WALSER. I . «T 75.

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