Vous êtes sur la page 1sur 26

 

Revenir au sommaire
Institut de Stratégie Comparée, Commission Française d'Histoire Militaire, Institut d'Histoire    général
des Conflits Contemporains

Portail Nouveauté s Etudes straté giques Publications ISC- CFHM- I H C C Liens Contacts - Adhé sion
    
Dossiers :
   
  . T hé orie de la straté g i e

  . Cultures straté giques   


  . Histoire militaire

  . Gé ostraté gie  CHAPITRE IV : L'ANTIQUITÉ ROMAINE.


  . P e n sé e maritime

  . P e n sé e aé rienne ( Du VIIIème siècle avant notre ère au Vème après J.C.)
  . Profils d'auteurs
 
  . Outils du chercheur

  . BISE
ROME ET LE CITOYEN ROMAIN. 
  . Bibliographie straté gique

   
Publications de référence
  A. Chronologie. 
Stratégique

Histoire Militaire et Stratégie L'histoire officielle de Rome s'étend sur plus d'un millénaire : de -753 ( "Ab urbe condita" ) à +476109, soit presque 1230 ans. Elle
Correspondance de Napoléon recouvre donc très largement les bornes du chapitre précédent. A ce titre nous aurions pu envisager de fondre ces deux
chapitres en un seul. Mais les différences entre le Monde gréc o-oriental et celui de Rome sont telles que cette fusion était
RIHM
impossible jusque peu avant notre ère : nous n'aurions pu éviter la séparation de chaque paragraphe en deux parties totalement
distinctes, avec l'inconvénient majeur de sauts continuels dans le temps, l'espace, les mentalités et, naturellement, ce qui a
trait "à la chose" militaire. Plus tard, certes, Rome s'hellénise, mais la Grèce n'est alors plus qu'une des petites colonie ; colonie
qui, toutefois, outre son art, sa pensée, exportera aussi une bonne part des germes mortels tirés de sa propre décadence.

A dire vrai, l'histoire de Rome passe par trois phases :

- la période de lutte, toujours farouche, parfois désespérée, pour la survie, puis l'extension à toute l'Italie;

- celle des conquêtes extérieures, commencées sous la République, continuées sous l'Empire, mais avec un élan décroissant;

- celle des revers et des reculs, jusqu'à la catastrophe finale., Séparer ces trois phases en trois chapitres distincts eut été 
excessif. La première phase, d'ailleurs, ne nous est connue de manière précise qu'à partir du -IVème ècle : la prise et le sac de
Rome par les Gaulois en -387 ont anéanti presque tous les documents écrits. Ce qui précède reste donc souvent flou, voire
légendaire.( Ce dont témoignent les âpres controverses entre spécialistes modernes).

Enfin, il ne faut pas perdre de vue le fait que les historiens romains ont toujours répugné à admettre que la Ville n'ait pas été 
indépendante et glorieuse dès sa légendaire fondation : d'où les multiples épisodes mettant en scène d'héroïques personnages,
très populaires mais dont l'existence pour "justificative" qu'elle soit, est quelque peu douteuse : Romulus, Lucrèce, Horatius
Coclès, Mucius Scaevola, Coriolan et sa mère, Appius et sa fille... En fait, donc, l'Histoire de Rome - au sens actuel - ne porte
donc "que" sur guère plus de 8 siècles. ( Il y a 800 ans Philippe-Auguste régnait en France.)

B. Le citoyen romain.

Il est inévitable que la mentalité d'un peuple évolue au cours des âges, notamment quand les contacts se multiplient avec des
populations étrangères. Nous parlons donc ici surtout du citoyen romain tel qu'il était lors de la première et du début de la
seconde des phases évoquées plus haut.

Pourtant, des traits profonds de caractère peuvent subsister longtemps chez certains individus, particulierement dans les
classes sociales dirigeantes qui répugnent à se "mésallier" avec des étrangers aux moeurs différents. Dans le cas de Rome,
certaines caractéristiques du citoyen des origines 110 se retrouveront encore, en partie au moins, jusque vers les débuts de
notre ère, dans certaines familles aristocratiques.

De maniere quelque peu paradoxale, si l'on considère la faible distance qui sépare les deux péninsules, la mentalité du Romain
est presque à l'opposé de celle du Grec. , Mais la Grèce, à travers la Mer Égée aux multiples îles, et l'Ionie, a toujours été 
tournée largement vers l'Orient. , Rome, née sur la côte occidentale italienne, est uniquement tournée vers l'Occident pendant
très longtemps, donc vers le néant, car ce peuple de paysans n' a pas de marine et ne s'intéresse guère à ce qui se passe au
loin. Le Romain, avant tout homme de devoir 111 envers l'État, la gens la famille, attache beaucoup plus d'importance à l'éthique
qu'à l'esthétique. Cultivateur à l'origine, il le restera longtemps d'instinct : la terre aura toujours pour lui une importance capitale
dans la vie politique et sociale, voire religieuse : elle représente pour lui la seule véritable source des richesses. Le reste, mises
à part les armes nécessaires pour la défense de cette terre et son extension, n'est qu'un vain luxe. C'est un homme empreint de
religion, mais ses dieux n'ont pas le caractère capricieux parfois fantaisiste, que leur attribuent les Grecs . Les dieux, avant
tout, assureront de bonnes récoltes. Sourcilleux et sévères, il faut les concilier le respect scrupuleux des cérémonies. ( Religio,
à l'origine, signifie sujétion). S'y ajoutent les dieux propres de chaque mission, ( pénates ) et le culte des ancêtres; lequel entre
dans le cadre de la totale autorité du pater familias y compris lorsque ses enfants sont devenus adultes et ont fondé leur foyer,
voire accédé à de hautes fonctions.( Mais si la loi lui confère tous les droit, y compris celui de vie et de mort, la coutume exige
qu'il ne soit pas un tyran, cruel sans motif grave. Son épouse n'a aucun droits officiels, mais une très grande influence qui doit
s'exercer discrètement). Cet ensemble explique le génie profond de la race : nature fruste; imagination pauvre, médiocre
sensibilité, indifférence à la forme, s'opposent aux dons de la précision d'esprit, d'une ténacité dans l'effort presque inhumaine
(a), du respect de l'autorité et de la discipline, du sens juridique, de la loyauté et de la fidélité à la communauté - ce qui
contraste avec l'absence totale de scrupules vis à vis de l'adversaire, encore qu'un prétexte soit toujours trouvé pour manquer
à la parole d'un traité - . Enfin, s'affirme dans le concret un tempérament réalisateur qui se soucie peu de bases et de
spéculations théoriques pourvu que les techniques utiles soient disponibles.(b)j Malheureusement pour l'Empire, ces traits de
caractère iront en s'affaiblissant jusqu'à presque disparaître. Ceci, pour des causes diverses - invasions, bureaucratie, etc. -
mais surtout parce qu'avec la perte de l'esprit civique, du sens moral, et la dénatalité, il n'y avait plus de Romains dans Rome.
 
1. L'ETAT DES SCIENCES ET DES TECHNIQUES.

Rome a eu de nombreux ingénieurs, dont certains d'une remarquable compétence tant au plan des ouvrages civils que militaires,
et qui ont édifié des ouvrages dont l'ampleur nous surprend encore. En revanche si des "savants" ont illustré certaines zones de
l'Empire - Alexandrie notamment - il est impossible de citer un seul nom de Romain "pur" qui puisse mériter le qualificatif de
chercheur. C'est là, d'ailleurs, un des points qui montrent bien le manque d'imagination, et le caractère concrète de la race: le
Romain ne répugne nullement au travail intellectuel, à la réflexion et l'étude, mais ne conçoit pas que cet effort soit gratuit ;
c'est à dire, qu'il n'ait pas un but utilitaire.

Au moment où la "Ville" 112 est devenue une grande puissance, maitresse de toute la partie continentale de l'Italie ( - 272 ),
elle reçoit à travers les villes grecques conquises ( Capoue, Tarente, Crotone, Sybaris, etc ), tout ce dont elle a besoin de la
science hellénique pour les emplois pratiques. A cette époque, pourtant, la science grecque est bien loin d'avoir dit son dernier
mot : Euclide n'est pas mort; Ératosthène et Archimède sont des enfants; Appolonius n'est pas encore né. Mais qu'importent
aux Romains la rigueur des raisonnements d'Euclide ? Que leur importera qu'Archimède ait évalue l'intégrale d'une portion de
courbe par un procédé qui préfigure l'analyse mathématique ? Mais savoir qu'il prouva que le nombre est très proche de 223/71
les intéressa pour calculer la longueur de la circonférence ou la surface d'un cercle113.

Rome, en somme, comme plus tard le Comité de Salut Public, n'avait pas besoin de savants mais de techniciens, sans non plus
réaliser qu'avant la phase d'application il faut une phase de recherche. ( Toutefois, si Archimède fut tué par les Romains, ce ne
le fut que par l'erreur d'un subalterne.)- - D'ailleurs l'ensemble des résultats pratiques répondit entièrement aux besoins des
Romains tout au long de leur histoire. Dès lors, pourquoi "perdre du temps" en spéculations théoriques ? On "importera" du
monde grec, ou hellénisé, les résultats de spéculations de ces bizarres dilettantes, et les "retombées" techniques en seront
avidement exploitées.(c)

Ce qui précède est, évidemment, simplifié, donc caricatural : ceci d'une part, parce que formulé selon des critères modernes - il
est aisé de critiquer quand on dispose de 20 siècles de recul - et d'autre part, parce que limité aux deux seuls points qui nous
concernent dans le cadre de cette étude. Si Rome avait radicalement dédaigné tout ce qui n'a pas un caractère strictement
utilitaire, elle n'aurait eu ni écrivains, ni poètes, ni sculpteurs. Et, pendant les premiers siècles de son existence, contrainte à 
des luttes continuelles, parfois désespérées, pour sa simple survie, comment lui reprocher d'avoir appliqué l'adage : Primum
vivere, deinde philosophari ? Il n'en reste pas moins qu'après l'accès au rang de puissance dominante elle resta totalement à 
l'écart des sciences exactes. ( Ce qui nous contraint, sautant pratiquement le paragraphe des sciences, à passer presque
directement à celui des techniques.)

11. LES SCIENCES.

Nous ne saurions mieux les décrire qu'en empruntant ces quelques lignes à Pierre Rousseau. ( Dans : "Histoire de la Science".
Fayard Ed). :

La science grecque, dans son laborieux enfantement, semble avoir eu pour but de créer un Archimède lequel ne fut pleinement
compris que deux mille ans plus tard) Celui-ci ayant joué son rôle et disparu, tout s'éteint, s'affaisse, retombe. Opinion sévère,
sans doute, mais il faut bien reconnaître que s'il n'y eut pas de science romaine, la grecque, à partir du IIème siècle avant notre
ère, montra - même à Alexandrie - une sorte d'essoufflement puis de décadence.

Mathématiques.

On ne peut guère citer que d'"honorables continuateurs" tels Nicomède et Dioclès, géomètres; Hypsyclès, Cléomède, Citium,
Zénodore... énumération de médiocrités montrant que l'école grecque de l'Égypte, nation pourtant indépendante presque jusqu'
au début de notre ère, avait subi le contrecoup de la décadence hellénique générale. Un dernier sursaut se manifesta,
toutefois, en la personne de Diophante d'Alexandrie vers 325 à 410 ), posant les premiers jalons de la théorie des nombres
branche encore bien vivante car semée de questions non résolues ( les conjonctures ) et dont on a dit qu'elle est d'une
difficulté " donner le frisson "

Physique.

Sauf mise au point de "gadgets" destinés à distraire un moment les souverains et leur entourage ( applications, par leviers,
poulies et engrenages, de la force de l'air comprimé ou échauffé, de la vapeur ) elle fut pratiquement au point mort.

Chimie.

Toujours à Alexandrie, elle commence le long dévoiement de l'alchimie; et, déjà, surtout dans le but de l'obtention de l'or à 
partir des métaux lourds.

Astronomie.

C'est celle des sciences qui "survécut" le mieux, malheureusement pour verser dans la très vieille ornière de l'astrologie. Nous
citerons, comme dernier astronome pur Hipparque qui, observant - sans le savoir - une "nova" en -134, décida de reprendre le
catalogue céleste établi un siècle et demi plus tôt par Aristylle et Timocharchis. C' est en constatant une différence de 1,5
degré sur toutes les longitudes qu'il découvrit le phénomène de précession des équinoxe : l'axe de rotation terrestre décrit un
cône en 25 775 ans.114, Claude Ptolémée ( IIème siècle de notre ère ) dont nous avons déja parlé au ch.III, fut un remarquable
observateur. Malheureusement sa Grande Syntaxe Mathématique réintroduite en Europe par la civilisation musulmane sous le
nom d'Almageste, figea pour 14 siècle l'idée d'une Terre immobile, centre de l'Univers. Par ailleurs il ne sut ( put ? ) échapper à 
la mode de l'astrologie, avec sa "Tétrabible" qui, sans jeu de mot, devint la bibles des astrologues. ( A la décharge de ces
astrologues il faut dire que depuis la Haute Antiquité jusqu'à la Renaissance, et de l'Europe jusqu'en Chine, ils furent de bons
observateurs. Nous leur devons la mémoire de multiples phénomènes célestes rares: éclipses, novae, etc.)

On peut encore remarquer que lorsque Jules César décida, en -45, l'abandon du vieux calendrier dit "de Numa" ( qui, avec son
année de 354 jours décalait les saisons un peu plus chaque année ) Rome, n'ayant aucun astronome digne de ce nom, dut faire
appel à un Alexandrin. Ce dernier, Sosigène, fut le créateur du calendrier Julien de 365 jours en année normale et 366 tous les 4
ans ( années bissextiles). Il faudra attendre la réforme grégorienne ( 1582 ) pour corriger l'avance - 10 jours -prise peu à peu
115
et décider des mesurer à prendre pour remédier aux défauts du calendrier de Sosigène.116
Géographie-Cartographie.

Les progrès furent très limités, et pour une raison simple : la carte d'Erathostène couvrait pratiquement toutes les régions qui
formèrent l'Empire romain. Il suffit d'y ajouter quelques rectifications relatives au Nord de la Gaule et de la Germanie, et à 
Grande) Bretagne. , La carte d'Agrippa ( sous le règne d'Auguste ) n'aurait été que le démarquage, avec ces améliorations, de
celle d'Erathosthène. On savait, néanmoins, que le monde s'étendait bien au delà vers l'Est des bouches du Gange, et vers le
Sud des côtes situées en Afrique après le détroit de Gibraltar. Nous devons citer au nombre des géographes romains, Strabon et
sa géographie de l'Empire ainsi que Mela, qui dressa la première carte où figura la Baltique.

Au IIème ( ou IIIème ) siécle de notre ère un cartographe dont l'histoire n'a pas retenu le nom ( ou une équipe ? ) dressa cette
carte dont la copie médiévale est connue sous le nom de "Table de Peutinger".

on tracé, tout en longueur ( comme celui de la ligne affichée dans chaque voiture du métropolitain ) est extrêmement déformé,
très allongé en longitudes, et comprimé en latitudes, mais le réseau routier entre les villes est exact et précis ( distance entre
lieux d'étape, etc.). Il témoigne soit d'une très mauvaise connaissance des coordonnées, soit plus probablement de la volonté 
délibérée de donner sous une forme commode à transporter - la carte comporte 12 feuillets d'Est en Ouest pour une simple
hauteur - les renseignements utiles aux voyageurs, ce qui correspondrait bien à l'esprit romain.

Ce paragraphe ne serait pas complet sans revenir, encore, à Claude Ptolémée. Les calculs d'Erathosthène avaient été repris par
un certain Marin, de Tyr, qui crut devoir ramener la circonférence terrestre à 28 350 km. C'est la valeur qu'adopta Ptolémée
dans sa Grande Syntaxe mathématique/Almageste et fut ensuite considérée comme la seule exacte pendant 14 siècles., Elle
assignait une différence de longitudes de 125 degrés seulement entre les "Iles Fortunées" ( Canaries ) et les Indes par l'Ouest.
L'erreur eut cette conséquence heureuse de pousser Christophe Colomb à tenter justement la route des Indes par celle de
l'Ouest, et lui fit découvrir les Amériques.

11. LES TECHNIQUES.

Dans l'ensemble, y compris la période impériale - donc près de 5 siècles après le début de notre ère - nous trouverons surtout
l'exploitation des techniques venues du monde greco-oriental, avec un certain retard aux débuts, mais - et il faut le souligner -
avec de nombreuses et ingénieuses améliorations.

Métallurgie.

Dès l'origine les artisans romains ( sans doute formés par, ou chez, leurs voisins étrusques ) fournirent des métaux dont la
qualité soutint la comparaison, avec un certain retard, avec celle de ceux des producteurs de nations scientifiquement plus
évolués. Ce retard disparaît évidemment quand Rome contrôle ces nations. Par exemple, le procédé de l'acier au creuset que
nous avons trouvé au point en Ionie dès le Vème siècle ( la herminette d'Al-mina ) paraît n'avoir été appliqué à Rome qu'à la fin
du IVème / début du IIIème siècle.

On peut noter le fait que, le cuivre et l'étain étant rares en italie, pendant longtemps le bronze fut réservé aux objets à la fois
indispensables et ne pouvant alors être obtenus que par coulée : les casques par exemple. Conscient de ces pénuries, dès le
IIème siècle av.J.C, le Sénat prescrivit le

recensement détaillé et réglementa l'exploitation des divers gisements métallifères de toute l'Italie : il fallait se garder la
possibilité - en utilisant des minerais très pauvres au besoin - de vivre en autarcie pendant le temps nécessaire à mater la
rébellion d'une province extérieure productrice, ou à vaincre une nation encore libre normalement exportatrice, entrerait en
conflit avec Rome.117

Pour mémoire, nous citerons le premier emploi courant de l'alliage cuivre-zinc - qui avait été découvert vers -1400 en Asie
Mineure - quand au milieu du ( Ième siècle il fut décidé de l'utiliser pour la frappe des pièces de monnaie de faible valeur en
raison de sa résistance à l'oxydation.)

Travail du bois.

L'outillage romain est successivement équivalent à celui des Étrusques, puis des Grecs et Orientaux. Celui, à main, du 4ème
siècle de notre ère ne changera pratiquement !plus jusque bien après 1900, à de rares exceptions près ( vilebrequin à 
engrenages, rabot à monture métallique, vis d'étaux d'établis, tours à bois... ) : les quelques outils pour lesquels l'acier avait
remplacé le bois au XIXème siècle. , En revanche, les conquêtes vont faire connaître en Italies des essences de bois qui n'y
existaient pas ( cèdre du Liban, sapin du Nord etc. ) mais qui pourront être travaillées avec l'outillage usuel du menuisier et du
charpentier.

Au plan militaire, une différence considérable avec les troupes greco-orientales se trouve dans le fait que si tout légionnaire
porte un outil de terrassement, il porte aussi en général un outil de charpentier ( plus rarement de travail du fer). : Par exemple,
besaiguë, scie à deux mains hache, herminette... qu'il sait utiliser. En d'autres termes, tout fantassin est aussi un soldat "du
Génie" ou "du Matériel". Un tel concept est radicalement étranger à l'hoplite grec qui se réserve la part "noble" du combat et se
fait suivre d'esclaves pour le cas - rare en Grèce - où la campagne militaire exigerait l'exécution de travaux manuels. La
différence s'explique facilement, si l'on veut bien se rappeler que l'hoplite appartient à une classe, aisée, de citadins; alors que
le légionnaire, au moins pendant longtemps, est un paysan qui : - travaille sa terre de ses mains, aux côtés de ses frères,
ouvriers agricoles ou/et esclaves s'il en a - par nécessité, sait réparer ses chariots, fabriquer son araire, ses échelle, râteaux,
houe, etc.

Cette pratique du transport et de l'emploi d'outils par chaque homme remonte à une période mal déterminée, mais ancienne. Elle
fut codifiée et réglementée au moment des réformes militaires de Marius : à la fin du IIème siècle avant notre ère.(d)

Travail de la pierre et chantiers.

Toujours poussés par leur sens pratique, les Romains saisirent vite l'intérêt de routes utilisables en toutes saisons pour
l'acheminement rapide des informations ou celui de troupes. ( Avec, en prime les facilités offertes au commerce). Le but de
l'établissement des fameuses voies romaines était donc, avant tout, militaire. Elles furent l'œuvre des légions - avec sans doute
l'appoint forcé, mais avéré, des populations locales - y compris les ponts. ( Sur ce dernier plan, si l'arche en briques avait été 
utilisée en Orient, Rome, avec son goût du grandiose et du durable utilisa la pierre taillée. Invention de l'arche et de la voûte
non pas romaines, comme on le dit souvent, mais étrusques. La solidité du matériau permit de porter l'ouverture des arches à 
plus de 20 m). ! La "via" partait du principe suivant : partout où il y avait risque de dégradation, à la fois par l'utilisation et les
intempéries, elle était construite de manière à résister à ce risque en toute saison : creusement de l'emprise jusque vers 60/80
cm de profondeur; dépôt d'un lit constitué d'un mélange ( étudié ) de sable, cailloux et pierres concassées, et pose d'une
couche de surface de dalles jointives de pierre non gélive. ( Ce sont "lou chamins ferrats" occitans, qui servirent de carrières de
pierres déjà taillées pendant près de deux millénaires. Mais là où les voies ont été respectées nous les retrouvons pratiquement
intactes). Malgré la faible largeur - 3 à 4 m seulement, sauf près des villes - la réalisation des voies romaines représente un
travail d'une ampleur colossale pour l'époque : sous Empire le réseau des voies principales ( convergeant vers Rome ) dépassait
80 000 km et celui des voies secondaires, de jonction, environ le triple.

C'est encore le travail de la pierre sur une échelle jamais vue auparavant, qui donna naissance aux monuments que nous
retrouvons presque intacts - sauf destructions du fait de l'homme - depuis l'Afrique du Nord jusqu'en Allemagne; de l'Espagne à 
l'Asie Mineure. Peu au fait de la théorie de la résistance des matériaux, les ingénieurs-architectes romains construisirent
toujours "trop" solide, pour être certains que leur oeuvre le soit assez.

Machines.

Aux instruments simples des origines - levier, coin, rouleaux - vinrent s'ajouter à partir du IVème siècle les inventions des
ingénieurs grecs : treuil, poulie, cabestan, roue dentée à cliquet; moufle au IIIème siècle, puis grue qui associe le treuil, moufle
et flèche porteuse; enfin, engrenage entraîné par vis sans fin.

( De manière assez bizarre, la si simple manivelle ne sera inventée qu'au Moyen Age.)

Dans ses "Mécaniques" ( IIème siècle ) Héron d'Alexandrie décrit de nombreuses machines, mais dont les principes scientifiques
sont dus à Archimède, qui en avait donné la théorie - moments de forces, etc. - posant ainsi les bases de la mécanique
rationnelle comme, d'ailleurs, celles de l'hydrostatique.(e) Nous ne nous étendrons pas ici sur les multiples applications
techniques mises au point à Alexandrie, ( Par exemple, par Ctebisios, l'"Edison" de son temps ) parce qu'elles n'eurent guère sur
place d'emplois autres que les "gagets" 118 évoqués plus haut. Mais Rome y trouva un certain nombre d'utilisations militaires et
de Génie Civil. Par exemple la pompe à soupape et celle à vis, vers la fin du IIIème siècle. La première sera utilisée sur les
navires de transport. ( Mais pas les galères, dont les nombreux personnels suffisaient pour écoper à la main.)

Emploi de la force animale.

Rome en resta pour les chevaux à la lanière de traction, qui asphyxie l'animal. ( Un décret limita la charge à tirer à 20 talents-
poids, environ 500 kg par animal). De même le joug des bœufs resta celui de la haute antiquité, qui ne permet pas non plus aux
bêtes de donner toute leur puissance puisque ce sont les cornes qui tirent et non le front qui pousse.

Emploi des forces naturelles.

Nous n'en faisons mention que pour mémoire, car elles ne reçurent aucune application ê aire directe ou indirecte ( par exemple.
fabrication des armes.)

Nous nous limiterons donc à citer: - le moulin à vent à axe vertical, de Héron ( plus tard oublié en Europe; revenu au moment
des croisade sous le nom de turquois ;) - la roue à eau sous déjà 3 formes : norois à axe vertical et aubes dans un plan
horizontal, de rendement médiocre, mais actionnant directement les meules; en dessous ou à aubes dans un plan vertical,
recevant le courant, comme l'indique le nom, par dessous; en dessus à augets dans un plan vertical, recevant le courant par
dessus. Les deux dernières, pour donner une rotation en plan horizontal, devaient être suivies d'un engrenage ( de bois ) "à 
cage". Il semble que ce soit aux débuts du IIème siècle de notre ère que ces roues commencèrent à être utilisées dans des
scieries de bois et de marbre; et naturellement aussi, des minoteries, ( comme celle retrouvée seulement - en fait, identifiée
comme telle - en 1940 à Barbegal, près d'Arles, qui comportait 2 séries de 8 moulins chacune.)

Médecine, chirurgie.

Elles ne marquent aucun progrès, voire une certaine régression, par rapport à celles de l'époque, déjà lointaine, d'Hippocrate.

2. LES FONCTIONS MILITAIRES DANS L'ANTIQUITE ROMAINE.

Il devrait être très difficile, voir impossible, de résumer en un chapitre toutes les novations survenues au cours d'un millénaire :
par comparaison, supposons que nous voulions grouper les modifications techniques militaires qui ont vu le jour depuis Robert le
Pieux à nos jours !, Fort heureusement la tache est facilitée par le rythme encore très lent des découvertes et aussi par le
conservatisme romain. Il se manifeste notamment par le fait que l'on ne peut relever que trois grandes réformes militaires de -
509 à +476, y compris concernant la "Grande Unité" standard, la légion. ( Depuis 1945 nous avons modifié en moyenne tous les
8 ans l'organisation de nos divisions !)

Nous ne savons pratiquement rien de l'Armée de l'époque dite "des rois étrusques". Aux débuts de la République, donc après 509
- si la date est bien 509 - le modèle grec était, peu ou prou, imité dans tout le Nord de la Méditerranée orientale et centrale.
L'armée "Servienne" devait donc ressembler à celle des Cités-Etats grecques, avec phalange cuirassée armée de la lance et de
l'épée ( hastaires ) et troupes légères analogues aux pelstates ( vélites ); ainsi que, sans doute, un embryon de cavalerie aux
ailes. On peut noter que si les textes parlent de lanceurs de javelot, parfois de frondeurs, ils ne font jamais allusion à des
archers. , ( De manière générale on peut déjà remarquer que si Rome utilisera des frondeurs et archers, ce ne sera jamais, tout
au long de son histoire, qu'au titre de troupes auxiliaires, fournies par des alliés ou régions soumises. La cavalerie sera aussi
surtout - mais pas exclusivement - fournie par des alliés). Les nombreux revers subis au cours du Vème siècle, où rares furent
les années sans état de guerre contre tel ou tel des peuples voisins119, conduisent à une évolution connue sous le nom de
réforme de Camille, au IVème siècle. Dans la réalité, elle paraît avoir été mise en vigueur de manière progressive, et au début du
IIIème siècle encore, les légionnaires de la première et de la troisième ligne semblent être munis de la lance et du glaive :
"Hastaires" et "Triaires"120. Certains historiens affirment qu'à Cannes ( -216 )les légions levées en hâte pour remplacer celles
écrasées à la Trébie et au lac Trasimène auraient reçu des lances conservées bonnes de guerre dans les arsenaux, ce qui
expliquerait le désastre. Mais le génie militaire d'Hannibal opposé à la stupide gloriole de Varron y suffit amplement. Toutefois,
après cette dure leçon, Rome va jusqu'au bout de la réforme. Ce sont d'excellentes troupes, bien armées, entraînées,
commandées, qui triompheront à Zama.

L'expérience acquise notamment au cours des guerres puniques et contre les nations de l'Est, ainsi que le fait inéluctable - en
raison de la durée des campagnes de plus en plus lointaines - d'en venir à l'armée de métier, conduisirent à la réforme de
Marius : -108; mais qui prit plusieurs années pour entrer vraiment en application.

Enfin les guerres du premier siècle avant notre ère vont provoquer de nouvelles modifications qui, déjà largement appliquées par
César pour faire face à certaines situations, seront peu à peu codifiées sous l'Empire. ( Notamment, l'appel croissant aux alliés
qui, de troupes auxiliaires, en viennent à fournir de véritables légions.)
- Si l'on va au fond des choses, ces trois réformes ont les caractéristiques essentielles suivantes :

- Camille : la légion remplace la phalange, avec effacement de la lance au profit de l'épée ( le glaive) dans le but d'accroître la
souplesse tactique; - Marius : les plébéiens volontaires sont admis dans l'armée; mais le légionnaire est soldé et équipé par
l'État; - Empire : "professionnalisation" du légionnaire, désormais lié par un contrat de 20 ans; affectation permanente,
réglementaire, aux légions d'une artillerie névrobalistique de campagne; recours grandissant ( Cf..ci-dessus ) à des troupes
auxiliaires, organisées dans les faits de plus en plus sur le modèle romain, et recrutées dans les provinces conquises considérées
comme sûres. 121La période impériale voit aussi se développer l'importance de la cavalerie, de manière très progressive.

Le provincial acquiert la citoyenneté par le fait même de son contrat de 20 ans.

A la fin du IIème siècle de notre ère fut supprimée l'interdiction faite au légionnaire de se marier avant la fin de son contrat.
Septime Sévère espère ainsi faciliter le recrutement dans les provinces ; et donnant à la troupe le sentiment qu'elle se bat pour
la défense de sa famille en même temps que celle de l'État, elle sera plus motivée. ( Par ailleurs, des pères de famille sont moins
portés à se lancer dans l'aventure d'un "pronunciamento" que des célibataires.)

Remarque :

Nous n'avons pas indiqué ici comme réforme - au sens de l'armement, du recrutement de l'organisation des unités - les décisions
de Constantin, prises en + 350 . Il s'agissait du remaniement ( stratégique ) de la répartition des forces entre la garde aux
frontières, "consommant" l'immense majorité des effectifs, et l'intervention !mobile vers une zone menacée. La "Force d'Action
Rapide" se limita à 5000 cavaliers, 7500 fantassins et 5000 auxiliaires, ce qui, dans l'immensité de l'Empire pouvait agir contre
une révolte locale, mais était trop faible pour arrêter un peuple en migration envahissante ayant forcé une frontière : le danger
n'était pas ignoré, mais la difficulté à recruter des troupes non sédentaires ne permit pas de mieux faire.

( Nous aurons à revenir sur ce problème de garde des "limes" et de réserves mobiles.)

21. PROTECTION.

A. Protection individuelle.

A.1. Infanterie.

Casque

Bien que le bronze soit rare, donc coûteux, c'est de ce métal que furent réalisés les casques jusque vers l'extrême fin du IIIème
siècle, par coulée de la calotte et soudure des garnitures et ornements : le forgeron ne savait pas encore réaliser des "surfaces
non développables" à partir de l'acier. ( En fait, le citoyen-paysan- soldat, devant s'équiper à ses frais, utilisait autant que
possible ce qui restait de l'équipement de ses ascendants, voire de leurs - de ses - prises de guerre. C'est dire que l'uniformité 
était loin d'être la règle). Le casque typique romain est alors l'étrusco-corinthien rappelant vaguement le modèle grec. Au IIème
siècle l'artisan sait enfin réaliser des surfaces non développables à partirfines plaques de bronze au lieu de la coulée. La solidité 
est égale, pour une épaisseur et un poids moindres, en raison du durcissement par le martelage. Dans un premier temps c'est
une copie du "Montefortino" de coulée, à calotte à garde-joues surmontée d'un long plumet, dérivé du casque celte., Mais la
réforme de Marius, avec équipement fourni par l'Etat, conduisit à la "grande " série" qui, paradoxalement, fournit de meilleures
protections. Le type "Coolus" ( vers -50 ) fut à à la fois simple et rationnel : ajout à la calotte, par soudure, du couvre-nuque,
de garde-joues et, nouveauté, d'une visière améliorant la protection du visage contre la "botte" favorite des Gaulois : le coup
de taille dirigé de haut vers visant à fendre le crâne. Le casque que l'on pourrait qualifier de classique parce que le seul que
semblent connaître les accessoiristes des films dits peplum date des débuts de notre ère. Le forgeron sait alors réaliser des
surfaces non développables simples, des calottes, à partir de feuilles de fer doux, légèrement carburées ensuite pour se
transformer de l'acier. Le nouveau casque, dit gaulois, est d'ailleurs peu différent du précédent, sauf ajout de "garde-oreilles" et
d'un anneau pour le porter accroché à la ceinture ou au barda pour les marches en zone non hostiles.122 Pour autant, le bronze
n'est pas abandonné car Rome peut alors importer cuivre et étain. Vers la fin du IIIème siècle de notre ère, le casque à "nasal"
fit son apparition. Il restera utilisé, au moins dans son principe, pendant plus d'un demi millénaire.

Bouclier.

Le passage de la phalange à la légion entraîna l'abandon du bouclier rond ( clipeus ) pour le scutum nom générique de modèles
divers, mais présentant tous la caractéristique d'être allongés et beaucoup mieux adaptés à la protection de l'homme maniant le
glaive. Polybe donne au bouclier une hauteur de 1,10 à 1,20 m, pour une largeur de 65 à 70 cm. Épaisseur variant du centre
vers les bords de 20 à 13 mm environ, en deux couches de planches collées - sans doute à "fils" perpendiculaires - et un
cerclage métallique qui protège le bouclier des coups de taille. L'ombo ( umbo ) central, de bois d'abord est ensuite couvert
d'une calotte métallique qui permet au légionnaire d'employer son bouclier pour "cogner".

De manière générale le bouclier romain, après avoir été oblong vers le IIIème siècle, devint presque toujours rectangulaire
( avec coins légèrement arrondis pour une meilleure tenue du cerclage). La "mode" revint parfois à des formes plus ou moins
elliptiques ou à pans coupés obliques, plus légères, mais rarement pour longtemps : seul le bouclier rectangulaire permettait soit
de constituer un "mur" sans fissures laissant passer des projectiles, et plus encore, de prendre la formation d'assaut dite "en
tortue" où la centurie est abritée de face, de flanc et par côtés jusqu'à l'arrivée au corps à corps. Le retour "stable" à la forme
ovale, après +150, est un des premiers signes de décadence de la légion : le recrutement médiocre et/ou l'entraînement ne
permettent plus de porter longtemps le lourd bouclier rectangulaire. En règle générale le bouclier est revêtu sur sa face avant
d'une fine feuille de cuir, peinte aux couleurs et motifs distinctifs de chaque légion.

Cuirasse.

Ici encore, jusqu'à la réforme de Marius, chaque soldat devait acheter sa cuirasse s'il ne s'en trouvait pas dans l'héritage de ses
ascendants. Les modèles étaient donc très divers : depuis la simple plaque de métal fixée par des courroies devant la !poitrine
jusqu'à la cote d'écailles arrivant jusqu'à mi-jambes. Après cette réforme, et malgré un coût de revient élevé, la cote de maille
"treslie" ( anneaux entrelacés) ou d'écailles devint la norme - en principe - jusqu'au premier siècle de notre ère ( vers +30/40 )
où apparut la cuirasse de lames de fer articulées, la Lorica ntata protégeant le torse et les épaules. Par un curieux retour des
choses on revenait donc ainsi à un principe voisin de celui de la Panoplie de Dendra 1500 ans après, mais sous une forme plus
légère, beaucoup plus souple, et plus résistante aux coups. ( C'est aussi cette cuirasse qui est choisie par les accessoiristes
des peplum même lorsque l'action se passe bien des siècles avant l'adoption de cet équipement.)

Jambières.
Pendant la période où les forces romaines furent du type phalange, il semble ( que les soldats portaient des cnémides; de
bronze pour les plus fortunés et de cuir pour les autres. Après la réforme de Camille, et radicalement après celle de Marius,
cette protection fut abandonnée : la liberté du jeu de jambe de l'escrimeur doit être totale.123

A2.Cavalerie.

Les différences principales portent sur les points suivants :

a/ Le casque à nasal, après invention de ce perfectionnement, diffusa beaucoup plus vite que pour l'infanterie. Il est vrai que
les effectifs à équiper étaient beaucoup moins nombreux.

b/ Le cavalier conserva le bouclier rond ou oblong le plus souvent, et de dimensions relativement faibles pour des raisons de
poids : la main droite manie l'arme; l'autre porte le bouclier et tient la bride.

/ De manière générale la cavalerie romaine conserva la cotte de mailles ou écailles; celle des alliés portant leur protection
propre, particulier ( parfois nulle ). Vers +300 le cheval, lui-même, reçut un caparaçon de mailles ou d'écailles, et une ébauche
de "casque" protégeant le front et le museau.

d/ Les troupes montées du Bas Empire recevaient une sorte de botte cuissarde, composée de bandes circulaires de fer,
jointives, pour la cuisse et le mollet, sur cuir doublé de fines mailles d'acier au niveau des articulations.

B. Protection collective. 

Nous ne parlerons pas ici des protections offertes à leurs "équipages" par les tours d'assaut, béliers roulants, etc., pour lesquels
Rome s'est toujours inspirée directement des réalisations greco-orientales. La protection "collectivo-individuelle" que représente
la formation en tortue invention purement romaine semble-t-il, a déjà été évoquée. Elle n'était, bien évidemment, efficace que
contre les flèches et autres projectiles légers.

Nous aurons à traiter ici de la fortification de campagne, de celle des frontières, et de celle de Rome elle-même

Fortification de campagne.

A la différence de toutes les autres armées de l'antiquité, dès que le "rayon d'"action" des armées dépassait les zones
considérées comme totalement pacifiées, donc sûres, les Romains prirent l'habitude d'élever un camp retranché léger pour
chaque halte, ne fût-ce que pour une nuit. Nous ne savons ni qui eut l'idée de ces dispositions, ni la date de leur entrée en
vigueur : sans doute après les réformes de Camille, mais bien avant celles de Marius qui se limitent à réglementer une habitude
déjà ancienne. (Milieu du IIIème siècle ?) A cette époque une légion comprenait, à pleins effectifs, un total de l'ordre de 4500
légionnaires ( non compris cadres de grade supérieur à celui de centurion, personnels administratifs, etc. ), plus un nombre
variable de cavaliers ( quelques centaines ) et de fantassins légers - frondeurs, archers - alliés ou mercenaires. _ Chaque
légionnaire était porteur, outre armes, outils, équipement et "barda" individuel, de deux piquets de section carrée, d'une dizaine
de cm de côté, appointés aux deux extrémités et d'une longueur de 1,70 m environ. Placés les uns contre les autres ils auraient
représenté une longueur de 4500 _ 2 _ 0 900 m. En fait ils ne pouvaient pas être plantés rigoureusement juxtaposés-jointifs en
raison des ligatures près du sol et du sommet et, compte tenu des entrées, une légion pouvait se retrancher à l'intérieur d'un
périmètre de 1000 m, généralement rectangulaire. Pour fixer les idées, un ordre de grandeur courant ( pour peu que le terrain
s'y prête ) était un rectangle de 300 sur 200 m, soit 6 hectares ou 60 000 m2 ., Les piquets étaient enfoncés d'une trentaine de
cm dans la terre provenant des déblais d'un fossé creusé en avant, déblais servant à établir un chemin de ronde pour les
sentinelles. Fossé triangulaire, de 4,5 m de large et 2,25 m de profondeur; remblai de coupe trapézoïdale, de 5, 25 m à la base,
2,75 m au sommet, pour une hauteur de 1,25 m. ( Terre de déblai tassée au point de non "foisonner".) 

Les éventuels assaillants devaient descendre dans le fossé, remonter une escarpe 124 de 3,50 m puis franchir le "mur" de
piquets pointus - 1,40 m - avant de se trouver devant les boucliers des défenseurs, lesquels pouvaient aligner 3 légionnaires au
mètre linéaire d'enceinte tout en conservant une réserve de 1500 hommes, à porter en un ou plusieurs points critiques de
concentration d'attaque, ( plus les éventuels cavaliers - agissant alors à pied - et les fantassins légers.)

Ce type de fortification de campagne peut paraître sommaire, car il le serait de nos jours par la concentration des cibles
soumises à des tirs de projectiles explosifs tels que des grenades à fusil. Il présentait alors de multiples avantages :

- impossibilité pratique d'une attaque par surprise : outre les sentinelles et les fréquentes rondes extérieures et les branchages
d'arrêt ( "cervi" ), le terrain extérieur a été débroussaillé au minimum sur 50 m. De nuit les 4 sorties sont barricadées et munies
chacune d'un poste de garde nombreux; - ouvrage capable de ralentir le premier élan d'une attaque subite "en force" : outre
l'ouvrage par lui-même, avec sentinelle tous les 10 à 15 m, plusieurs postes d'hommes dormant tout équipés sont répartis de 50
en 50 m le long des 4 côtés; - enfin, point important, plan général standard : chaque homme, en cas d'alerte, sait où il doit se
porter et ce qu'il doit y faire. De même, chaque fraction des réserves se porte au point où elle a à intervenir sur un ordre qui ne
nécessite aucune explication.

Le même plan est donné, à échelle diverse, aux camps permanents, mais avec muraille pierre. On a pu dire que le légionnaire
aurait pu se déplacer dans son camp, provisoire ou permanent, les yeux fermés.

Nous n'avons pu trouver dans toute l'histoire de Rome ( mais nous pouvons faire erreur ) un seul exemple de camp d'étape d'une
légion enlevé par une attaque-surprise diurne ou nocturne, la totalité de la légion étant présente dans ce camp.

Si la légion quitte son camp pour combattre à proximité - en y laissant des effectifs de garde, non négligeables semble-t-il - elle
y laisse les bagages, outils, !etc. Le légionnaire est alors "expeditus" : libre de ses mouvements pour combattre, par opposition
à sa situation en marche de déplacement où, surchargé, il est impeditus : embarrassé. Malgré la présence - souvent théorique -
d'un mulet par 10 hommes pour porter la tente de groupe et les gros bagages, le légionnaire se donnait malicieusement à lui-
même le surnom de "mule de Marius". C'est, de fait, en déplacement et malgré les éclaireurs, que la légion est la plus vulnérable;
plus particulièrement si elle doit escorter des épouses, enfants et autres personnes civiles : ce fut le cas en 9 ap.J.C. pour les 3
légions de Varrus, écrasées par les Germains dans la forêt de Teutoburg grâce à une remarquable et gigantesque action
d'embuscade.

établissement quotidien d'un camp provisoire peut sembler constituer un ouvrage considérable. Mais en y consacrant 3000
hommes, par équipe de 2 ( 1 piocheur et un pelleteur ) chaque équipe avait à traiter ( creusement du fossé, constitution et
tassement du chemin de ronde ) à peine plus de 3 m3, travail que ces soldats-paysans exécutaient en 2 heures sur terrain
convenable reconnu par des éclaireurs. 

Dans le même temps les quelques 1500 à plus de 2000 hommes, non pris par ce travail de terrassement, débroussaillent le
glacis, préparent les branchages cervi le dispositif de fermeture et défense des 4 sorties, et procèdent au piquetage interne :
voies principales et secondaires de circulation, emplacement des tentes, etc.

Les ouvrages de siège - Alésia, etc. - en allant au fond des choses, sont très semblables dans leurs principes à ceux d'un camp,
mais le rectangle s'allonge en une bande fermée, plus ou moins circulaire. Le côté tourné vers la ville assiégée, ( la
contrevallation ), comporte des tours de guet-combat ( "turris" ) en bois, ( avec -souvent machines lanceuses de traits ) tous
les 8O m environ de la palissade ( dite pluteus ), faite de tronc et madriers cette fois, au lieu de simples piquets. Le terrain en
avant ( vers la ville ) est coupé par des fossés remplis d'eau si possible; à défaut d'eau, de pieux appointés ( cippi ); les zones
planes sont semées de fosses coniques dont le fond reçoit des pointes de fer ( stimuli ) ou des tripodes de bois à pointe effilée
( tribules ). S'il y a possibilité - fréquente - de l'arrivée d'une armée de secours aux assiégés, une seconde ligne, de défense,
est tournée vers l'extérieur : la circonvallation, très analogue, mais lui tournant le dos, à la contrevallation. La bande de terrain
entre les deux lignes peut être machinée de manière à canaliser un ennemi ayant réussi à franchir soit l'une, soit l'autre des
deux lignes. Certaines zones sont aménagées en camps : même le robuste et l légionnaire a besoin de se nourrir et de dormir. ,
La différence principale réside dans la formidable ampleur des travaux. Pour Alésia, par exemple - qu'il s'agisse du site d'Alise-
Sainte-Reine comme on l'a longtemps pensé, ou de celui de Syam-Chaux de Crotenay ( qui correspond mieux aux descriptions
des Commentaires ) - le seul volume de terrassements a été évalué à 2 000 000 de m3.

Des fortifications de campagne peuvent être établies, à la hâte, pour améliorer une position juste avant la bataille ou
décourager l'ennemi. ( Ex : "mur" élevé par César contre les envahisseurs Helvètes. Guerre des Gaules Livre 1. VIII.) 

Fortification des frontières.

Dès qu'une nouvelle région était dominée par Rome, les toutes premières installations "coloniales" étaient des camps fortifiés
destinés au contrôle des voies de communication, à la surveillance des populations indigènes et à la défense contre des
tentatives d'invasions venues de l'extérieur., Dans l'ensemble ces camps permanents reproduisaient le plan des haltes de
campagnes, mais à échelle plus grande. La palissade de piquet faisait place à une muraille de pierre d'une hauteur de 4 m au
moins, précédée d'un large et profond fossé, avec au minimum une tour - de guet plus que de défense - à chaque angle, et des
ouvrages défensifs à chaque porte. Les tentes étaient remplacées par des baraquements, à leur tour remplacés par des
bâtiments "en dur" dès l'achèvement de l'enceinte. La surface fortifiée était suffisante pour recevoir un temple, des magasins de

stockage d'armes, équipements, munitions, vivres. D'autres recevaient les cuisines, les services administratifs, etc. L'ensemble
était assez largement standardisé pour que tout légionnaire nouvellement affecté se sente "chez lui" immédiatement, puisque
connaissant déjà la situation réciproque des différents édifices.

Aucun "civil indigène" n'était autorisé à pénétrer dans le fort, sauf sur ordre et escorté. Moins encore à y séjourner; comme
conséquence une certaine infrastructure commerciale se développait à l'extérieur. Dans bien des cas les boutiques et tavernes
formèrent le noyau d'une ville nouvelle : par exemple Strasbourg ( Argentorum ), comme de nombreuses villes bordant le Rhin, le
Neckar, le Danube. Quand les légionnaires furent autorisés à être mariés, les familles pouvaient se réfugier dans le fort en cas
de danger imminent, mais vivaient normalement à l'extérieur, dans une sorte de "camp" à protection et garde légère.

Le problèmes des limes :

Le camp-fortification dont nous venons de parler était surtout destiné, dans les premiers temps de la conquête d'une région, à 
la surveillance des populations nouvellement soumises. Au besoin, à servir de base pour une opération de répression contre un
début de révolte, et éventuellement pour une campagne destinée à repousser une incursion de "barbares" venant de l'extérieur
de cette région. Mais avec le temps la pacification faisait son oeuvre : il devenait " de la dignité et de la grandeur de Rome " -
pour employer l'expression de César - de montrer à ces populations que la "Pax Romana" les mettait définitivement à l'abri même
d'un simple raid de ces "barbares". En d'autres termes, si les points forts militaires devaient subsister - car il était prudent de
garder la population locale sous surveillance amicale 125 - la frontière de la région en cause devait devenir aussi imperméable
que possible à toute action de force venant de l'extérieur.- D'ailleurs, avec leur extension et pour une armée dont les effectifs
ne dépassèrent jamais 400 000 hommes, un choix s'imposait :- soit se limiter tout le long des frontières à un dispositif de
surveillance, capable de repousser seulement de très petites bandes de pillards, mais aussi de donner rapidement l'alerte à de
puissantes réserves stratégiques - soit réduire ces réserves à peu de chose, et utiliser les effectifs pour constituer une ceinture
infranchissable - en principe - tout le long des frontières.

La deuxième solution fut retenue; à la fois parce qu'au moment où elle fut choisie les périls ne semblaient pas considérables, et
aussi parce que, recrutées sur place de plus en plus, les troupes répugnaient à s'éloigner de leurs familles et amis.

Empire fut donc conduit à réaliser un dispositif méthodique de fortification linéaire. C'est le "limes" classique, qui évoque pour
nous des réalisations telles que le Mur d'Hadrien, séparant la Bretagne des farouches Calédoniens : fossé et muraille continue,
avec ouvrages fortifiés à intervalles réguliers. Ces ouvrages méritent une brève description :

- tour de surveillance tous les 500 m ( quelques sentinelles);

- fortin tous les 1500 m (environ ) avec garnison de 30 à 50 hommes; - camp fortifié - dont un mur constitue une fraction de la
muraille générale - tous les 7 à 9 km. Effectifs de la garnison de l'ordre 650 hommes, dont ceux en poste aux tours et fortins,
mais pouvant aller jusqu'à 1000 ( casernements prévus ), dont 150 cavaliers ou fantassins sachant monter à cheval. Mais un
sur trois ou quatre de ces camps recevait jusqu'à 500 cavaliers dont le rôle, grâce à la route parallèle à la muraille, était de
pouvoir aller très rapidement renforcer tel autre camp, ou/et tels fortins.

Plus en arrière, et naturellement en nombre plus faible, existaient des camps fortifiés plus importants, capables de porter des
réserves confortables là où le besoin s'en ferait sentir. (f)

En réalité, les 9000 km de frontières se présentaient sous des aspects assez variés. Le limes devait être organisé de manière
souple, notamment en s'appuyant sur les obstacles naturels ( fleuves, etc. ) afin d'économiser les effectifs, toujours
insuffisants. Il remplit parfaitement sa fonction de maintien de la Paix Romaine aussi longtemps que l'ennemi extérieur se limita à 
des bandes de pillards, mais il fut submergé lorsqu'il s'agit des grandes invasions, c'est à dire de véritables peuples en
déplacement. Et, à ce moment, les effectifs des réserves stratégiques de Empire étaient trop squelettiques ( et de trop
mauvaise qualité ) pour arrêter ces peuples par une bataille livrée en rase campagne.

Fortifications de Rome.

( Il convient de noter que, mises à part quelques villes portuaires qui conservèrent des restes de leurs fortifications datant
d'avant la conquête, seule Rome fit l'objet de travaux défensifs, de manière assez peu soutenue d'ailleurs.)

Le sillon légendaire, tracé par Romulus et qui devait marquer l'enceinte de la Ville, semble n'avoir correspondu à aucune réalité.
Toutefois, il est probable que chacun des villages primitifs possédaient "quelque chose" du genre d'une palissade surmontant un
fossé. Au début du Vème siècle, ou à la fin du VIème, apparaît la première ligne défensive d'ensemble, sous la forme d'un
rempart de terre reconnu par les fouilles archéologiques. Mais elles n'ont pu déterminer si ce rempart s'étendait tout autour de
la Rome initiale, le Septimonium ù s'il se limitait à relier entre elles les 7 collines formant des obstacles naturels. , Quelle que soit
la forme, la nature et l'évolution de cette défense, elle n'empêcha pas la prise de la ville par les Gaulois en -387. ( Prise
catastrophique pour les Romains, naturellement, mais également pour les archéologues actuels, et aussi les linguistes : là, peut-
être, fut détruite la "pierre de Rosette" qui nous permettrait de déchiffrer la langue étrusque). Rappelons que le Capitole, la
citadelle de Rome, ne fut pas prise d'assaut mais succomba par famine des défenseurs.

Une défense plus sérieuse se révélait indispensable.126

Le mur, dit "Servien"127, fut mis en chantier en -380 semble-t-il. C'était pour époque un ouvrage très important puisqu'il
couvrait une surface de 2 5 km de long km de large, soit une surface oblongue de l'ordre de 2 km2 . Muraille de blocs
volcaniques, d'une épaisseur de 3,5 à 4 m à la base, et d'une hauteur de 5 à 6 m. Elle était précédée d'un fossé de 30 m de
largeur sur 9 m de profondeur. Les seules tours étaient celles protégeant les portes. Pour imparfaite que soit cette enceinte,
elle dissuada Hannibal de chercher à prendre Rome d'assaut, malgré ses trois écrasantes victoires précédentes.

La raison de cette abstention tient sans doute au fait que le carthaginois ne disposait pas d'un corps de techniciens capables
de construire les engins de siège nécessaires dans ses propres troupes et moins encore chez ses frustes alliés gaulois. ( Ni de
l'outillage, pièces métalliques, câbles, etc., indispensables : l'armée d'Hannibal était conçue pour la bataille en rase campagne).
Ce fut sans doute là une erreur majeure, car la famine aurait vite suppléé la prise d'assaut après travaux de sape et de mine.

Par la suite, les menaces semblant écartées à tout jamais le mur Servien ( que la ville débordait largement ) ne reçut que
quelques réparations en -87. Sous l'Empire sa valeur défensive étant considérée comme nulle, il fut abandonné à la population
qui l'utilisa comme carrière pour bâtir ses habitations. 

Mais l'Empire continuant à s'étendre, donc ses frontières, alors que les effectifs militaires restaient stationnaires - par défaut de
volontaires, et de crédits - l'énorme majorité des légions reçut des missions de garde aux limes ( Cf. supra.), si bien que le cœur
de l'Empire fut de plus en plus vide de troupes.

Les esprits clairvoyants réalisèrent qu'un envahisseur, après avoir percé une frontière, ne rencontrerait plus de résistance
jusqu'à Rome où la garde prétorienne ne suffirait pas à assurer la défense par une bataille en avant de la capitale puisqu'il était
devenu parfaitement inutile de compter sur les habitants de Rome.

( Que l'on n'ose plus qualifier alors de Romains ). 

En +271 Aurélien fit donc entreprendre la construction d'une nouvelle enceinte. Ce Mur d'Aurélien d'une longueur de 18 km,
utilisa tous les avantages tactiques du terrain et la présence du Tibre. Pour ce dernier, la sécurité du pont principal - les autres
pouvant être coupés rapidement - fut assurée par un ouvrage placé sur la berge Ouest. le pont Elio, hors de l'enceinte, fut doté
d'un fort dont le site forma plus tard la base du château Saint Ange. Ce "mur" était composé d'un noyau de roches volcaniques,
liées entre elles par un béton, entre deux parements de schiste. Épaisseur à la base 4 m, au sommet 3 m, pour une hauteur de
6 m, plus parapet à merlons et créneaux, avec chemin de ronde. Cette muraille était renforcé par 381 tours, espacées en
moyenne de 46 m d'axe en axe. i Compte tenu du diamètre des tours, aucun point au sol n'était situé à plus d'une vingtaine de
m. de l'une de ces tours, de manière à ce que tous les points de la base du mur puisse être soumis à des tirs de flanquement.
Ces tours, hauteur 10,50 m, dépassaient le chemin de ronde de 4,50 m. ( Aurélien avait donc prévu la présence de nombreux
archers, ce qui constituait une innovation notable). Les 18 portes avaient été édifiées sur un modèle standard, avec leurs
propres défenses, renforcées.

L'enceinte d'Aurélien fut rehaussée par Maxence, puis améliorée par Constantin. Elle fut mise à l'épreuve par les Wisigoths
d'Alaric en 408, en vain pour cette première tentative, mais en 410 Rome fut prise et saccagée.128 ( Rappelons qu'à la fin du
Bas Empire d'Occident la capitale fut transférée à Milan puis, très rapidement, à Ravenne, car Milan n'était pas défendable.)

La capitale de l'Empire d'Orient, Constantinople, bâtie sur une péninsule, reçut à partir de 330 une première défense, le Mur de
Constantin barrant cette péninsule de la Mer de Marmara jusqu'à la baie de la Corde d'Or. La ville s'étendant rapidement, dès la
fin du IVème siècle, il fallut bâtir une !nouvelle ligne plus à l'Est, le "Mur de Théodose" : de l'extérieur vers l'intérieur, douves;
muraille des douves; seconde muraille avec petites tours de flanquement; muraille principale coupée de tours carrées de
défense et de tours hexagonales, plus hautes, de guet et défense. Plus tard la totalité des rivages de la ville reçut aussi une
muraille, moins élaborée sauf pour la défense des ports : Eleuthère, Kontoskalion, Boukoléon sur la Mer de Marmara; port du
Bosphore sur l'entrée de la Corne d'Or. De l'autre côté de la baie la petite ville de Pera fut aussi sérieusement fortifiée : elle
était en effet à l'extrémité de la chaine mobile, sur flotteurs, barrant cette baie.

22. MOBILITE ET CONTRE-MOBILITE.

A. Mobilité terrestre.

Elle comprend deux aspects :

- la capacité propre de déplacement des forces et de leur logistique

- les voies de communication.

1. Mobilité des forces.

Infanterie.

Pendant longtemps - c'est à dire, jusqu'au déclin de l'Empire, gagné par une sorte de torpeur dans tous les domaines -
l'entraînement des recrues 129 fut long, intense et minutieux : mise en condition physique générale par le sport - avant le mot -
y compris la natation chaque fois que possible, emploi de l'armement, ( où l'effort était porté sur l'escrime et le jet du pilum )
130
, exercices collectifs.

Végèce souligne avec une telle insistance l'importance de l'entraînement à la marche qu'une partie de son texte mérite d'être
citée : Aucun sujet ne mrite d'être autant surveillé; que ce soit au cours des déplacements ou au combat ( Il convient que les
recrues apprennent, par une pratique permanente, à marcher rapidement et en bon ordre. car si une armée est mal alignée (au
combat), ou dispersée ( en déplacement ) du fait de traînards, elle se trouve sérieusement en danger face à l'ennemi. ( Le
jeune soldat doit être entraîné de manière fréquente au transport d'une charge de ( environ 27 kg ) puis plus, à la cadence
militaire, car au cours des campagnes difficiles il aura à faire face à la nécessité de porter ses armes, son équipement, et ses
rations. Ne pensons pas que ce soit malaisé si l'habitude en a été acquise : il n'y a rien que l'habitude ne rende facile. ( Il crie
dans le confort de son cabinet de travail.)

Il existait en effet deux cadences de marche : la cadence militaire normale, et cadence rapide. La première correspondait 5 km
en 50 mn puis 10 mn de pause ( en unités arrondies ), et ainsi de suite. La seconde à 7,2 km par heure de marche avec pauses
limitées au minimum. Jusqu'aux troupiers de Bonaparte aucun soldat ne se déplacera à pied aussi vite et longtemps que le
légionnaire romain : avantages stratégique, opérationnel et tactique considérables.

Formation terminée, le légionnaire continue à être soumis à des marches d'entretien. Au moins trois fois par mois, anciens et
jeunes soldats, chargés de tout le "barda" réglementaire - une "bonne" quarantaine de kg - participaient à une journée
d'exercice de marche ( l'"ambulatura" ) consistant à aller à une vingtaine de km du camp et en revenir, en alternant cadence
militaire et rapide. Dans toute la mesure du possible ces exercices avaient lieu en terrains variés - végétation, pentes, cours
d'eau - pour que les hommes s'habituent à des paysages divers. Les traînards étaient d'abord réprimandés, puis sévèrement
punis en cas de récidive. Naturellement, l'ambulatura avait lieu au jour fixé; quelque pénible que soit la situation météorologique.

Dans ces conditions une étape journalière de 40 km ( à cadence normale : militaire ) représentait une norme pouvant être
soutenue à volonté. A marches forcées la Légion pouvait, jour après jour, couvrir des étapes de 60 km sous réserve de se
mettre en route encore plus tôt que normalement.

Remarques: a/ ces déplacements rapides ne pouvaient concerner que la troupe seule. En escorte de civils ou de convois, la
vitesse moyenne baissait du 1/3 environ, et la longueur d'étape quotidienne tombait à 25 km environ; b/ la "cadence rapide"
n'est jamais une marche de longs déplacements. Elle n'était prise qu'en cas d'urgence, et sur distance limitée, pour aller
renforcer une troupe déjà engagée dans un combat, ou sur le point de l'être.

Cavalerie.

Au chapitre précédent a été évoqué l'hyposandale permettant enfin au cheval de réaliser de longues étapes sur terrain
"agressif" pour le sabot. Mais cet équipement ne permettait que la marche au pas, et les unités de cavalerie, sauf pour la
bataille, ne se déplaçaient pas plus vite que celles d'infanterie. Le fer à cheval permanent, fixé par clous, fut inventé par les
Celtes restés en zone danubienne à la fin du ( Vème ou aux débuts du IIIème. Bien qu'à ce moment sa cavalerie soit encore peu
fournie, Rome - selon son habitude - adopta vite ( pour l'époque ) cette amélioration technique : vers le milieu du IIIème siècle
( mais généralisée seulement au début du IIème). Outre la protection du sabot ( indispensable sur la "via" dallée ), le fer
améliore la circulation sur terrain rocheux, gravillons, etc. Il semble bien que ce soient les romains qui aient mis au point les
clous spéciaux pour surfaces gelées : le ferrage "à glace". Le fer à cheval, sans autoriser les longs déplacements à très grande
vitesse131, a permis d'améliorer la vitesse moyenne, en alternant trot et marche au pas, mais avec longueur totale d'étape peu
supérieure à celle des fantassins.

Logistique.

En déplacement opérationnel, la Légion utilise presque exclusivement le mulet, bâté pour le transport des bagages ; attelé à des
charrettes pour la logistique ( la nourriture essentiellement, mais aussi une réserve d'armes, de pilums notamment ), et le
transport de balistes légères de campagne avec projectiles. ( Il ne faut pas oublier que le légionnaire, en urgence, porte lui-
même ses rations pour plusieurs jours). Les convois lourds, avec chariots tirés par bœufs, se déplaçaient évidemment à vitesse
plus faible, ( avec escorte en zone non sûre.)

Voies de communication.

Nous en avons parlé, au plan technique. Ce réseau de 80 000 km de voies principales et de 250 000 de voies secondaires ( dont 


celles parallèles aux limes ) utilisables en tout temps, a permis aux messagers et aux forces de se déplacer pratiquement à la
même vitesse quelle que soit la saison.

Ceci, bien entendu, sauf cas de chutes de neige abondantes. ( Encore qu'au début de l'année -52 César n'ait pas hésité à 
passer au plus court, à travers le Massif Central en s'ouvrant le passage à travers une épaisse couche de neige). Très souvent,
après la conquête, pour ces voies secondaires les Romains reprirent le tracé des routes "indigènes" - notamment en Gaule -
mais en les transformant par la technique de mise hors d'eau ( de boue, en fait ) et hors gel. De nombreux ponts de pierre
furent construits à la place de ceux de bois ou des gués. Les fleuves importants restèrent franchis par ponts de bois, mais
refaits en échantillons plus solides, peu sujets au pourrissement. Les piles intermédiaires, de pilots battus furent protégés par
des ducs d'Albe ouvrage de pilots établi un peu en amont de chaque pile pour écarter les troncs flottants à la dérive,
accidentellement ou lancés en grand nombre dans le courant par les populations en cas de révolte.

Un point particulier intéressant est celui de l'établissement de ponts "de circonstance" au cours des opérations. La rapidité de
construction montre que si Rome n'a pas donné de savants, du moins elle eut des ingénieurs-organisateurs de chantiers de très
grande valeur dans ses armées : cette rapidité d'exécution serait encore remarquable de nos jours malgré les moyens
mécaniques dont nous disposons. Un bon exemple est fourni par les franchissements du Rhin, par César, en -55 puis en -53. Les
passages ne furent pas de simples passerelles légères, mais de véritables ponts de 12 m de large, capables de supporter les
chariots les plus lourds en double courant de circulation. Celui de -55 fut achevé " en dix jours compter de celui où les
matériaux avaient été apportés.." ( la rive de départ ), et celui de -53 en 6 jours seulement, en raison de l'expérience acquise
deux ans plus tôt. ( Cf. G.d.G, IV. 17 et VI. 9). En effet, d'après César : " La traverse sur des bateaux lui semblait un moyen
peu sûr, et peu convenable à sa dignité et à celle du Peuple romain." En réalité, on peut se demander si la construction de ces
ponts - ne visait pas à frapper d'une stupeur admirative, donc craintive, les populations "barbares" vivant de part et d'autre du
fleuve - et si les délais indiqués par César ne sont pas, subtilement, trompeurs. Car le lecteur, à Rome, ne pense guère au
temps passé à la préparation : l'abattage des arbres; l'ébranchage; leur charroi; le dressage des faces planes en poutres, à la
herminette ; la construction des "sonnettes" et de leurs radeaux porteurs, etc. comme partout dans la Guerre des Gaules, César
doit apparaître aux Romains comme l'Homme au dessus du genre humain.

Quoi qu'il en soit, même si ces 10 et 6 jours ne sont relatifs qu'à la construction proprement dite, il s'agit là d'exploits
techniques, qui ne s'expliquent que par le fait que tout fantassin était en même temps un soldat du Génie ou/et Matériel, ( pour
parler en désignations actuelles ).

Nous ne pouvons nous empêcher de penser qu'il y a là une leçon, sur laquelle nos armées modernes pourraient réfléchir
utilement.

 2. Contre-mobilité.

Les Romains avaient fort bien compris que la sueur épargne le sang. En nombre le plus souvent bien inférieur à celui de leurs
adversaires, ils n'hésitèrent jamais à édifier des fortifications de campagne rapides mais précieuses pour la manœuvre tactique,
à brûler des ponts qu'il faudrait reconstruire plus tard, à semer le terrain d'obstacles pour canaliser l'adversaire sur la zone
choisie par eux pour le combat : là où leur supériorité technique dans l'emploi des armes, la parfaite discipline, la rapidité de
mouvements bien coordonnés, l'appui de machines de jet légères, leur donnerait la victoire.

B. Mobilité maritime.

Pendant longtemps - lutte pour la survie, puis conquête de l'Italie - Rome n'a pas eu de flotte digne de sa puissance
grandissante. C'est précisément une fois achevée cette conquête de l'Italie continentale qu'elle se trouve confrontée à la
grande puissance navale de l'époque, Carthage, qui occupait aussi la Corse, la Sardaigne, la plus grande partie de la Sicile -
véritable Péloponèse de l'Italie - et comptait de nombreux comptoirs sur les rivages de la Méditerranée. Les guerres puniques
offrent un paradoxe surprenant : Rome, pratiquement sans aucune tradition navale, va parvenir à dominer les mers, cependant
que Carthage, qui n'a pas d'armée nationale mais des mercenaires et des alliés barbares va remporter des succès éclatants
terrestres grâce à quelques hommes aux talents militaires supérieurs : le spartiate Xantipe, puis la famille des Barcides,
Hamilcar, Hasdrubal son gendre, et surtout son fils, Hannibal. Avec des périodes de répit, où les deux adversaires, mutuellement
épuisés, reprennent des forces, la lutte s'étendra sur près de 120 années : de -264 à -146. Rome n'a jamais été un modèle de
modération vis à vis de ses adversaires vaincus, mais Carthage Carthago delenda est - sera littéralement effacée de la surface
du monde.

Nous venons de dire que Rome n'avait pas de traditions navales. Cette affirmation n' est pas rigoureusement exacte, mais
presque : à la veille des guerres puniques elle possédait une vingtaine de galères - de faible tonnage - placées sous les ordres
de officiers les duoviri navales .

Pour affronter Carthage, il fallait passer à un tout autre ordre de grandeur; et par le nombre des navires, et par leur tonnage.
D'emblée la construction d'une série de 120 galères lourdes fut décidée par le Sénat et lancée en "crash program" avec l'aide
technique des peuples maritimes alliés ou soumis ( les "Socii navales" ), plus spécialement les grecs du Sud de l'Italie.

Mais construire des navires ne suffit pas : subsistent deux problèmes majeurs : le recrutement et la formation des marins; la
supériorité manœuvrière.

Le premier point, la formation, fut résolu - sans doute avec l'aide des Socii navales - par une méthode d'entraînement très
originale, car essentiellement à terre, décrite par Polybe.(g)

Le second n'était pas soluble, au moins à court et moyen terme : la manœuvre d'ensemble d'une flotte ne s'acquiert que peu à 
peu, avec l'âge et l'expérience. Dans ce domaine la supériorité des Carthaginois, descendants des Phéniciens et marins de
génération en génération, était écrasante. Rome résolut le problème en transférant le combat dans le domaine qui lui était
familier; celui du combat à terre. Ceci grâce à Dulius, qui systématisa un moyen déjà essayé dans le monde grec : le
"Corvus" ( corbeau ) de Dulius est une passerelle portée presque à la verticale par un mât autour duquel elle peut pivoter pour
pouvoir être abattue dans la direction souhaitée. L'extrémité de la passerelle est munie d'un long crampon d'acier qui, à la
chute, s'enfonce profondément dans le pont du bâtiment ennemi. Dès lors les deux navires sont solidarisés et les Romains
peuvent se lancer à l'abordage par deux de front. La bataille navale devient un combat d'infanterie où la victoire va à la
supériorité dans l'art de l'escrimeur : l'assaut romain l'emporte nécessairement.

Malgré de lourdes pertes en hommes et bâtiments, dues à des tempêtes ( et qui eussent été plus faibles pour des marins
expérimentés ) la nouvelle tactique permit de multiples victoires : Milae dès -260, Sulei en -258, Tyndaris en -257, etc. : très
vite la balance des forces navales s'inversa, au point que lors de la seconde guerre

Malgré la défaite de Drepanum ( -249 ), malgré les désastres dus aux tempètes, le Sénat, avec sa froide obstination, fit
reconstruire chaque fois la flotte, toujours plus puissante, jusqu'à obtenir la maîtrise absolue de la Méditerranée occidentale.

La galère typique des guerres puniques avait les caractéristiques suivantes : Longueur 37 m. Bau de coque, 4m, d'outrigger 5m.
Tirant d'eau 1,50 m. Quinquerème à 3 rangées de rames, 2 homme aux plus hautes, 1 à la rame basse. Équipage : 270 rameurs;
30 hommes de pont; 40 fantassins "de marine" en temps de paix, 120 en opérations.( Corvus : longueur 11 pm; largeur 1,40 m;
hauteur en position relevée 7 à 8 m; parapets latéraux 1,40 m de haut; crampon d'acier : 1,20 m. En cas de tempête le corvus
était descendu et couché sur le pont pour éviter du poids "dans les hauts".)

Après l'écrasement de Carthage, Rome laissa péricliter sa marine pendant un siècle. Mais vers -70 les exactions d'une piraterie
disposant de véritables flottes avaient atteint un degré tel que même les importations de blé devinrent risquées. Malgré les
réticences du Sénat, Pompée reçut les pleins pouvoirs et les crédits nécessaires pour reconstituer la flotte. 500 navires et
125 000 hommes participèrent, en mer et sur les rivages, à la campagne d'assainissement : la Méditerranée fut méthodiquement
nettoyée d'Ouest en Est en une campagne de 130 jours seulement. Désormais Rome aura es flottes dignes de sa puissance
terrestre. Le tonnage des galères alla croissant, jusqu'au deceres avec tours de combat et machines de jet. Le harpon
d'abordage ( harpago ) lancé par catapulte et relié par chaîne ou très fort câble, remplaça le corvus : malgré la présence de
l'éperon, les Romains préférèrent toujours aux finesses de la manœuvre navale la transposition du combat terrestre. D'ailleurs le
deceres reçut plus tard une sorte de blindage de plaques de bronze à la hauteur de la ligne de flottaison, à titre de précaution
contre l'éperon. ( Il faudra attendre 1857 pour revoir un navire blindé). Naturellement ce "croiseur de bataille" qu'était le
deceres, avec 572 rameurs, 250 fantassins, 30 artilleurs, n'était pas le seul type de navire. On revint aussi à de légères et
rapides liburnes chargées des liaisons, de l'éclairage de l'escadre des capital ships et du harcèlement de l'ennemi. C'est avec des
liburnes que César fera attaquer par Brutus les gros voiliers vénètes en baie de Rhuys ( encore que bien des historiens doutent
de l'ampleur de la bataille, voire de sa réalité, car le texte de la Guerre des Gaules - III, 13 à 15 - offre de bizarres
contradictions à ce sujet. En revanche, on notera que ce fut à l'occasion du débarquement en (Grande) Bretagne que César
inventa le soutien de la première vague d'assaut par le tir des machines de jet des navires.- IV 25. -

23. SOUTIEN

A chaque légion était attaché un questeur132, formé aux questions administratives et juridiques, disposant d'un secrétariat et
d'un adjoint par cohorte. Il était responsable de toutes les questions administratives, juridiques et de subsistance, ainsi que de
la gestion des fonds de l'unités, y compris des économies des légionnaires pour lesquels il jouait une sorte de rôle de "Caisse
d'Épargne" mobile.

A. Logistique.

L'esprit méticuleux romain présidant à l'élaboration de tout plan de campagne, sauf en cas d'extrême urgence les problèmes
logistiques étaient normalement préparés avec le plus grand soin par le général en chef, ses subordonnés commandant les
diverses légions, et les questeurs. , ( La Guerre des Gaules montre souvent chez César son souci du ravitaillement, et
notamment pour le blé, alimentation de base de la troupe.)

Trois cas, pour simplifier, pouvaient se présenter, ou se combiner successivement au cours des opérations :
- Déplacement en territoire ami. Si les délais avant mise en route étaient suffisants, l'administration des provinces traversées
était prévenue, et devait constituer des stocks de vivres sur l'itinéraire choisi. En cas d'urgence des messagers précédaient le
gros des troupes de manière à alerter les autorités locales pour des réquisitions faites à l'amiable dans toute la mesure du
possible, voire en ajoutant une prime aux prix normal.

- Déplacement hors du territoire romain ou allié. Selon le cas, c'est à dire selon le degré de ménagement à respecter vis à vis
des populations, les réquisitions se faisaient avec des formes ou de façon plus autoritaire et arbitraire. En terrain ennemi elles
devenaient le pur et simple pillage, mais organisé et sévèrement surveillé : la discipline romaine ne pouvait tolérer la mise à sac
par initiative individuelle, pratique de "barbares". ( Ce qui n'empêchait certainement pas quelques chapardages comme pour
toute armée en territoire ennemi.)

- En cas de traversée de zones désertiques ( au sens de l'absence totale, ou presque, de ressources locales ), en début de
déplacement chaque homme, outre ses armes et son équipement, pouvait avoir à porter jusqu'à 3 semaines de rations de base,
de blé surtout Ceci, avec le "barda" réglementaire, représentait une charge d'une cinquantaine de kg. Des chariots ou des
animaux bâtés portaient une réserve de nourriture, des tonnelets de vinaigre - pour parfumer /désinfecter l'eau - et, si
nécessaire, du fourrage. Sauf sous le Bas Empire ( où les campagnes de masse furent rares ) les armées romaines eurent
toujours pour principe de s'encombrer le moins possible : les charrois auraient retardé la vitesse de déplacement.

On ne peut que souligner la frugalité du légionnaire romain, auquel étaient pourtant demandés des efforts physiques
considérables, soutenus, parfois intenses.

B. Soutien matériel.

Composée de paysans, au moins initialement, c'est à dire d'hommes ayant par nécessité un certain niveau de connaissances de
création et réparation de leurs instruments de travail, la Légion n'en recherchait pas moins des artisans, au minimum des
apprentis d'artisans, spécialistes : charrons, forgerons, charpentiers, etc., ce qui lui permettait en principe de faire face à tous
ses besoins pour la remise en état des armes et des matériels courants. Bien que les textes ne fournissent guère d'indications
sur le cas des ingénieurs, il est évident que les troupes étaient accompagnées d'individus très compétents, et polytechniciens
pour la construction, avec matériaux trouvés en majorité sur place, de ponts, d'engins de siège, voire de galères.

En contraste avec le souci de réduire au minimum le bagage les légions, quand nécessaire ( prévision d'un siège par exemple )
se faisaient suivre d'un charrois des matériels et matériaux indispensables à ses spécialistes : forges de campagne, enclumes,
outillage spécialisé, cordages, pièces métalliques diverses...133

Sauf rares exceptions, le soutien des matériels ou leur construction sur place ne semblent pas avoir posé de réels problèmes
aux légions romaines.

C. Soutien santé.

Nous possédons peu de renseignements sur ce point.

En principe on trouvait un "spécialiste" ( médecin-chirurgien ou infirmier considéré comme très qualifié ? ) par cohorte - 450 à 
500 hommes - assisté de 4 aides. Ce spécialiste devait être capable de réaliser des opérations simples - par exemple, réduire x
e fracture, extraire une pointe de flèche - mais toute blessure grave était hors de sa compétence. ( En réalité, comme dans
tout corps de métier, les vieux troupiers devaient avoir une expérience de soins aux blessés valant très largement celle des
jeunes aides- infirmiers. Mais il n'était pas question de sortir des rangs pendant le combat pour porter assistance à un
camarade).134

Nous n'avons trouvé aucune allusion à des chariots-ambulances aménagés pour l'évacuation des blessés : il est vraisemblable
que la légion réquisitionnait sur place les moyens nécessaire pour ce transport jusqu'à une ville ou un camp fortifié

24. COMMANDEMENT.

 A. Grands commandements.

Pendant longtemps - jusqu'à l'Empire - les grands commandements des armées romaines ne furent pas exercés par des
professionnels, mais par les consuls : hommes politiques élus annuellement ( rééligibles ) et, puisqu'il n'y a que deux consuls, en
période normale la République ne peut aligner que deux armées constituées d'un nombre variable de légions, ( en principe 4). En
cas d'urgence, toutefois, deux autres armées pouvaient être levées sur les effectifs "réservistes" et alors confiées aux consuls
prédécesseurs de ceux en exercice. Enfin, au moins pendant les débuts si difficiles de la République, le Sénat pouvait décider de
donner ( pour un temps de 6 mois, renouvelable ) des pouvoirs illimités, civils et militaires, à l'un des consuls voire à un simple
citoyen, mais connu pour ses talents militaires exceptionnels ( et aussi pour son civisme - dont l'absence d'ambitions politiques).
C'était le dictateur mot qui n'a rien de commun avec le sens actuel du terme. Ainsi Cincinatus, pour faire face à une situation
désespérée contre les Eques. Mission remplie, il déposa la toge bordée de pourpre après l'avoir portée 16 jours seulement.

Avec l'extension des conquêtes lointaines, il était impossible aux deux consuls d'avoir le don d'ubiquité. On en vint donc à 
nommer des "proconsuls" qui, dans la zone dont ils avaient la responsabilité, cumulaient les pouvoirs civils et militaires.

Ce système de commandement par des non professionnels peut nous sembler bizarre. Il t pourtant fréquent dans l'antiquité: les
généraux grecs étaient aussi, et d'abord, !des hommes politiques. Mais à cette époque, comme le dit Platon ( Le Protagoras ) :
"...l'art politique, dont l'art de la guerre est une partie."

Il faut reconnaître que si certains consuls ont radicalement échoué dans leur mission militaire - par exemple. Varron, type du
miles gloriosus devant Hannibal - dans l'ensemble le Haut Commandement romain s'est montré efficace et - en partie grâce à 
une troupe d'une valeur jusqu'alors inconnue - certains de ces chefs venus des intrigues politiques, Sylla, Pompée, César . ont
montré des talents militaires exceptionnels. Il est vrai que les "Grands Capitaines" sont des hommes d'exception dans tous les
domaines, ou presque, ce qui explique pourquoi ils sont si rare dans l'histoire humaine : plus près de nous, lorsque Bonaparte fut
nommé commandant de l'Armée d'Italie, le moins que l'on puisse dire est que son expérience militaire était mince.

Sous l'Empire la situation se rapproche de celle que nous connaissons actuellement : les généraux sont des hommes qui ont
suivi la carrière militaire depuis leur jeunesse. Mais l'Empereur, chef suprème des Armées, vient parfois les "coiffer" pour
certaines campagnes. De manière générale, les grands empereurs ont aussi été de bons chefs de guerre. D'ailleurs, le temps
passant, les empereurs fondateurs d'une dynastie furent des chefs portés au pouvoir par leurs troupes, plus fidèles au général
proche d'elles qu'à un lointain Etat dont la troupe savait les mœurs corrompus, les institutions bafouées, le mépris des citoyens
pour le sort de ceux qui les défendaient : de plus en plus, Rome eut à craindre la colère des légions.135
Pour tenter de pallier ce risque, au Bas Empire les empereurs nommèrent trop souvent des personnalités médiocres à la tête des
armées : c'était échanger le danger intérieur contre le danger extérieur, autre cause de l'effondrement. Ils y ajoutèrent parfois
l'assassinat de ceux des généraux qui, se révélant compétants, pourraient nourrir des ambitions politiques. ( C'est ainsi
qu'Honorius "élimina" Stilico, puis que Valentin se débarassa d'Aétius.)

B. La légion.

Nous avons évoqué les réformes militaires dites "de Camille" et "de Marius".

Dans la légion de Camille, l'unité de combat est le "manipule" à deux centuries, ( à l'effectif de 60 homme par centurie pour les
deux premières lignes, hastaires et !princeps, à 30 homme par centurie pour la troisième ligne des triaires )136, mais l'unité 
administrative et de rang supérieur est la cohorte, regroupant un manipule de chaque ligne., Sur le terrain le commandement du
manipule - chacune des deux premières lignes combat alternativement, la troisième ( hommes âgés ) n'intervenant qu'en
situation très inquiétante - est assuré par un centurion élu à cet échelon. Ce "centurio prior" commande directement la centurie
de tête, et nomme le centurion de l'autre centurie du manipule. A l'intérieur de son unité élémentaire chacun de ces centurions
désigne le commandant en second optio le sous-officier adjoint tessarius et le chef de la ligne de 10 hommes : "decurio". En
définitive donc, l'élection du centurio prior entraîne la désignation de tous les cadres du manipule.

Nous n'avons guère de détails sur les modalités de cette élection. On peut penser que, à la différence des élections à des
fonctions civiles, la "politique-politicienne" y avait peu de part : le centurio prior était élu par des hommes qui, allant à la mort,
devaient être plus portés à élire celui qui avait la meilleure réputation militaire que le faiseur de belles phrases. ( D'ailleurs, étant
au premier rang - à droite, le tessarius à gauche, l'optio au dernier, surveillant le bon ordre - le centurio prior était exposé au
danger le plus important : une chose est de rechercher les honneurs politiques; une autre d'être volontaire pour le danger).
Directement, ou par le contexte, la lecture des auteurs romains montre qu'en pratique, bien que l'élection ouvrît théoriquement
le poste à tout citoyen, le centurion était toujours choisi parmi les hommes ayant l'expérience du combat, très robustes encore,
d'un courage exemplaire mais sachant vaincre en économisant le sang de ses hommes. Son autorité sur les légionnaire du
manipule était absolue. ( Il est vrai que le soldat romain de cette époque était, si l'on peut dire, "entraîné" à l'obéissance dès sa
petite enfance : celle due au pater familias.)

Comme conséquence des réformes de Marius - "professionnalisation" - les centurions ne furent plus élus, mais désignés par le
commandement parmi les soldats de carrière, montés par le rang pour s'être distingués par leur courage, leur expérience et leur
aptitude au commandement.137 De même, l'optio, le tessarius et le decurion furent désormais nommés.

On peut noter qu'à partir de César le centurion "prior" relève directement du commandant de légion : le manipule est bien l'unité 
élémentaire car ses deux centuries ne sont pratiquement jamais dissociées. Au combat, pourtant, la cohorte, de 3 manipules
( placée sous les ordres du centurion "prior" le plus ancien ) est en général la formation tactique fondamentale engagée là où le
besoin s'en fait sentir. , Le grade de centurion est donc quelque peu extensible : il correspond à peu près à celui de lieutenant
pour le commandement d'une centurie ( centurio ); de capitaine pour celui du manipule ( centurio prior ), et de commandant
pour la cohorte; ( le "prior" le plus ancien des trois de la cohorte ).138

Dans l'armée de Camille existait un échelon intermédiaire entre centurions et commandant de légion : le tribun militaire, chargé 
de commander sur le terrain une ou plusieurs cohortes. Après la réforme de Marius, et plus particulièrement à partir de l'époque
de César, le rôle des tribuns militaire dériva vers ce que l'on pourrait comparer à de celui de jeunes officiers d'état-major. L'un
d'eux, pourtant, le tribunus laticlavius plus âgé et expérimenté, est à la fois chef d'E-M et ( en pratique), le commandant en
second. Le cas échéant il remplace son supérieur, blessé ou malade. ( Il sera appelé, plus âgé, à commander une légion.)

Avec l'Empire, l'organisation de la Légion évolua, avec disparition du manipule. Les effectifs sont répartis en 64 centuries dont 5
doubles à la première cohorte, 6 simples aux cohortes II à X.139

Remarque. La Légion de Marius, celle des grandes conquêtes, est à 3 lignes de cohortes dont pour chacune la centurie arrière
du manipule ( à 2 centuries ) vient s'aligner à la gauche de celle de tête - En première ligne, les cohortes I à IV, plus profondes
- colonne de 8 - mais ne couvrant donc qu'un front de 4×60 = 240 hommes. ( Centuries 10×8 hommes) - En deuxième et
troisième lignes, identiques, les cohortes V à VII et VIII à X - en colonnes de 6 - alignant un front de 3×72 = 216 hommes.
( Centuries 12×6). 140Le front de bataille thorique est donc, pour une légion, de la largeur correspondant à 240 hommes sur une
profondeur de 8 + 6 + 6 = 20 hommes : pour une armée à 4 légions ce front serait donc de l'ordre de 1000 m, plus deux fois 200
m environ, pour la cavalerie répartie aux ailes. ( 1370 m, en mesures actuelles, d'après les auteurs de l'époque.), C'est une
masse puissante, mais facilement tournée si elle ne peut s'appuyer à droite et à gauche sur des obstacles naturels
infranchissables, ou des fortifications de campagne. Dans les faits - et César en donne souvent l'exemple - le plus souvent les
légions devaient étendre leur ligne au détriment de sa profondeur., Par exemple, au centre les cohortes I à IV flanquées des
cohortes V et VI d'un côté, VII et VIII de l'autre, les IX et X servant de réserve en arrière de cette ligne. La légion présente,
ainsi formée, un front de 4×60 + 4×72 = 528 hommes.

Croquis :

   

   

Manipules de la légion de Manipules de la légion de Marius :


Camille
10 cohortes à 3 manipules.
 
Man.de cohortes I à IV. Man de cohortes V à X
 
Cent. Arrière. Cent. Arrière.
à 2 Cent. Triarii.
 
 
 
€ € € € € € € €
€ € € € € € € € € € € € € € € €
€ € € € € € € €
€ € € € € € € € € € € € € € € €
€ € € € € € € €
€ € € € € € € € € € € € € € € €
 
€ € € € € € € € € € € € € € € €
€ € € € € € € €
€ € € € € € € € € € € € € € € €
€ € € € € € € €
€ € € € € € € € € € € € € € € €
€ € € € € € € €
€ € € € € € € €
 
€ € € € € € € €
à 2 Cent.Princeps.
 
 
 
€ € € € € € € €
€ € € € € € € € € € € € € € € €
€ € € € € € € €
€ € € € € € € € € € € € € € € €
€ € € € € € € €
€ € € € € € € € € € € € € € € €
€ € € € € € € €
€ € € € € € € € € € € € € € € €
€ € € € € € € €
€ € € € € € € € € € € € € € € €
€ € € € € € € €
€ € € € € € € € € € € € € € € €
 
€ € € € € € € €
€ € € € € € € €
€ € € € € € € €
€ € € € € € € €
 
€ € € € € € € €
La Légion, composée de 1O cohortes, à 3 manipules de 2
€ € € € € € € € centuries chacune, se forme sur 3 lignes de cohortes; la première
à 4 cohortes de type I à IV, la seconde et la troisième de 3 des
€ € € € € € € € types V à X.

€ € € € € € € € ( En fait, de plus en plus, formation selon la situation.)

  A effectifs complets, 4×3×160 + 6×3×122 = 4512 combattants,


plus signifers, corniciens, divers soit ordre de 4800.
à 2 Cent.Hastati.
__________________________________________________
 
 
€ € € € € € € €

€ € € € € € € €

€ € € € € € € €

€ € € € € € € €

€ € € € € € € €

€ € € € € € € €  

   

€ € € € € € € €

€ € € € € € € €

€ € € € € € € €

€ € € € € € € €

€ € € € € € € €

€ € € € € € € €

La Légion, à 10 manipules, se


forme sur les trois lignes des
Hastaires, Princes et Triaires

A effectifs complets : 3000


plus signifers, corniciens et
divers : ordre de 3200.

25. LIAISONS-TRANSMISSIONS.

A. Liaisons à grandes distances. 

Dès l'origine le Commandement romain avait pris l'habitude de se tenir en liaison avec le Sénat ( comptes-rendus et demandes
dans un sens, ordres et réponses dans !l'autre ) par plis portés par des individus choisis pour leurs qualités : mélange d'audace
et de prudence. ( Rappelons qu'à cette époque le coureur était aussi rapide et plus sûr que le cheval, non encore ferré). Avec
le ferrage se développa ( mais hors de tout règlement ) pour chaque armée ou chaque légion isolée, un embryon d'unité de
cavaliers-messagers. Le porteur de dépêches se déplace seulement avec un compagnon-remplaçant ( pour le cas d'accident )
en territoire pacifié; avec une escorte montée en territoire peu sûr.

Ce n'est qu'aux débuts de l'Empire que fut officiellement créé un escadron de 120 cavaliers par légion pour les missions
d'éclairage ( exploratoires ) et celles d'estafette ( nuntii ). Avec l'extension de l'empire romain, pour les liaisons avec la capitale
- où tout ce qui important se décide - il n'était plus question qu'un même homme puisse se rendre !dans les plus brefs délais
depuis les régions les plus éloignées jusqu'à la "Ville". Un système de relais fut donc mis en place, rappelant plus ou moins ce
que l'on retrouvera avec les "cavaliers-flèches" de Gengis Khan ou les "pony-rider" du XIXème siècle américain.

B. Champ de bataille.

Nous ne disposons guère d'informations sur la manière dont les ordres étaient transmis sur le champ de bataille dans la période
des débuts de la République. ( Sans doute aussi une des nombreuses conséquences de la "catastrophe archéologique" de la
prise et du sac de Rome par les Gaulois.)

Par la suite, y compris sous l'Empire le problème fut résolu d'une manière simple, si du moins on ne prend pas en compte le
nombre des subordonnés à toucher : tous les commandants de centuries, de manipules et cohortes ( voir groupe de cohortes).
En fait, au niveau du manipule - deux centuries, rappelons-le, dont la seconde vient s'aligner à côté de la première pour la
bataille - existaient deux spécialistes signaleurs : le cornicien, muni d'une trompette ou instrument équivalent, au son perçant,
dont le rôle était d'attirer l'attention sur le signifer, porte-enseigne 141 qui agitait son "signum" selon un code convenu pour
indiquer une manœuvre - simple - à exécuter. Naturellement ce signifer ne donnait pas ces ordres de sa propre initiative; le
système ne pouvait qu'être complété par l'existence d'agents de liaison, des niveaux légion-cohorte et cohorte-manipule. Par
ailleurs des cavaliers - ceux du corps des "exploratores" - faisaient parvenir les information et ordres vers et depuis l'échelon
supérieur : l'Armée consulaire.

Certaines questions, pourtant, restent assez mal éclaircies :

- La position du centurion - de centurie, de manipule, de cohorte - au premier rang des combattants n'était pas la meilleure
pour recevoir et répercuter des ordres à ses hommes. Et, s'il est tué ou blessé, son adjoint, l'optio doit passer du dernier rang à 
gauche au premier à droite pour le remplacer : mouvement à faire sur une distance courte - ordre de 12 à 15 m - mais difficile à 
exécuter à l'instant dans la bataille où les hommes sont au coude à coude sur 6 ou 8 rangs.

- La position du signifer pendant le combat : les textes paraissent indiquer qu'il est vers l'avant ( 2ème, 3ème rang ?) afin que
ses signaux soient visibles par la majorité des hommes; le premier ( ou le premier et le deuxième rang ) étant alerté(s) à la voix
par les camarades placés plus en arrière. Mais, si cette position en avant est préférable pour diffuser les ordres, elle ne l'est pas
pour les recevoir depuis l'arrière ?

Pourtant, le système paraît avoir donné satisfaction, sinon il eut été abandonné.

On peut noter le fait que les enseignes manipule et cohorte ( enseigne du manipule senior de la cohorte ) sont à la fois
"drapeau" de l'unité et moyen de signalisation, à la différence de l'enseigne de la Légion, confiée à la garde de la cohorte
"senior".142 La perte de son enseigne au combat déshonorait une légion.143 Peu à peu, et par extension, celle de l'enseigne de
cohorte et de manipule fut considérée aussi comme une honte pour l'unité détentrice.

3. LA FONCTION AGRESSION.

Nous n'aurons pas ici, contrairement au chapitre précédent, à subdiviser cette fonction entre matériels améliorés et matériels
nouveaux : là comme presque partout ailleurs, Rome s'est contentée d'adopter - non sans diverses modifications pour les rendre
plus pratiques, plus efficaces, ou plus faciles à produire - les armes qui existaient ailleurs; et très souvent celles de ses
adversaires successifs. Il faut chercher - nous le verrons plus loin - la grande nouveauté dans les tactiques utilisées. Une
différence, pourtant : les ressources en bronze étant ( nous l'avons dit ) faibles jusqu'à la période des grandes expansions hors
de l'Italie, le fer remplaça cet alliage plus tôt à Rome que dans le monde greco-oriental pour la plupart des armements et
équipements sauf quelques ornements, et le casque pour lequel le fer ne commencera à être employé que vers les débuts de
notre ère.144

Nous nous limiterons donc à un passage en revue des principaux moyens romains de ce domaine de la fonction "agression".

Lance.

Elle fut, avec l'épée, l'arme de la phalange des débuts de Rome. Nous ne possédons, malheureusement, que de très vagues
notions sur cette phalange ( composition, formation de combat ) donc sur la tactique d'emploi qui pourrait en être déduite. On
peut supposer qu'elle s'inspirait de la phalange grecque; ceci, à travers les Étrusques - dont nous ne connaissons pas mieux les
armées mais qui avaient des relations suivies ( commerciales notamment ) avec l'Hellade.

près la "réforme de Camille" la lance armera encore pendant un siècle, environ, la troisième ligne de la légion : celle des triaires;
les vétérans encore robustes mais n'ayant plus l'agilité de la jeunesse, chargés, en situation critique, de résister assez
longtemps pour les survivants de la première ( hastaires ) et de la seconde ligne ( princes ) puissent reprendre souffle et être
reformés en deux ou une ligne(s) selon les pertes ) cohérente(s) pour reprendre le combat.(h)145 Nous y reviendrons.

Vers la fin de l'Empire, toutefois, dans les forces dépendant de Rome - car on n'ose plus dire "les Romains" - la lance revint en
honneur dans la cavalerie, et aussi dans certaines unités d'infanterie de "limes" ayant précisément à affronter des envahisseurs
à cheval.

Epée.

épée romaine typique est le glaive - "gladius". C'est une arme robuste, à lame large et courte ( ordre de 60 cm ), permettant la
frappe de taille directe ou de revers, et le coup d'estoc. En fait le long entraînement des recrues à l'escrime est surtout axé sur
le coup d'estoc, porté du bas vers le haut à l'abdomen ou la poitrine de l'adversaire. , A partir du 1er siècle avant notre ère le
glaive s'affinera et s'allongera, jusqu'à atteindre près de 80 cm sous le Bas Empire.

Javelot.

L'arme principale - le "pilum" - est utilisée par le légionnaire et non par les auxiliaires, "tirailleurs" d'infanterie légère, à la
différence des habitudes greco-orientales. Le pilum est constitué d'une longue tige de fer ( un peu plus du 1/3 de l'arme ) fixée
sur un manche de bois. L'ensemble donne une longueur de l'ordre de 2,10 m pour le pilum lourd et 1,80 m pour le léger. Ce
dernier est lancé lorsque l'adversaire est à une trentaine de m de la ligne romaine, ce qui demande un sérieux entraînement, puis
le légionnaire redouble avec le pilum lourd à une vingtaine de m 146 et dégaine le glaive pour le corps à corps. ( Au fil des temps
le pilum lourd s'allègera, le léger s'allongera, si bien qu'au premier siècle de notre ère les deux pila seront identiques.)

Le pilum a existé successivement sous deux formes grâce aux progrès techniques de la métallurgie, mais ils visaient à obtenir les
mêmes résultats : dans un premier temps la tige d'acier est fixée sur le manche par un rivet de métal - avec léger jeu
longitudinal- et une cheville de bois qui casse au choc. Ultérieurement la tige porte une douille dans laquelle vient s'emboîter le
manche; mais si la pointe continue à être en acier, la suite de la tige est en fer doux pliant au choc ( carburation différente de
la pointe et de sa tige). Dans les deux cas la pointe est munie de deux "ardillons" qui s'opposent à son arrachement quand elle
est fichée.

Ces dispositions, très ingénieuses, visent les résultats suivants: - si le légionnaire a manqué sa cible et touché le sol, l'arme,
pliée ( cheville de bois rompue ) ou tordue ( tige de fer doux ) ne peut être renvoyée par l'adversaire : munition à sens unique ;
- si le pilum a atteint un bouclier - bois ou cuir sur bois - il y reste fixé par la pointe à ardillons. Mais, replié ou tordu il gêne
l'adversaire 147 qui se trouve dans le dilemme de se débarrasser de ce bouclier - d'après César, les "Celtes" font ce choix - et
être à découvert, ou de le conserver mais en étant très handicapé par le manche traînant sur le sol. Arrivé au corps à corps, le
légionnaire, longuement entraîné, donnait un violent coup de pied sur ce manche de façon à arracher le bouclier des mains de
son ennemi, ou au moins l'amener à se découvrir un instant tout en le déséquilibrant. Le coup d'estoc du glaive faisait le reste.

D'autres types de javelots existèrent pour les troupes légères ( "vélites" ) de la République - jusque vers -150- puis celles des
forces auxiliaires, chargées du harcèlement de l'ennemi avant la bataille proprement dite. Il s'agissait d'un javelot court - 1,20 m
environ - assez léger, le "verutum". Il était muni d'une lanière de lancement ( "amentum" ) jouant très exactement le rôle du
propulseur de la préhistoire pour augmenter la portée et qui, de plus, enroulé de 1 ou 1 et 1/2 tour sur l'arme, lui donnait une
rotation maintenant mieux l'axe du projectile sur sa trajectoire. Le verutum ( aux mains d'un homme exercé ) aurait eu une
portée d'une bonne cinquantaine de mètre. , Végèce, enfin ( Mil.I.17) fait mention du plumbatum qui semble être une flèche à 
main lestée, de plomb en principe comme son nom l'indique. ( Mais la "plumbatae" est une simple boule de plomb servant à 
l'entraînement des muscles au jet.)

Fronde.

C'est aussi une arme des troupes légères qui, avant la bataille, permet le harcèlement à "longue" portée. Ensuite les frondeurs
les plus habiles, s'étant portés aux ailes, pouvaient harceler des renforts ennemis ou commencer à semer le désordre dans une
charge de cavalerie ( plus en touchant les chevaux que les hommes).

Rappelons que mathématiquement la fronde ne permet que le tir sur zone.

Les Romains ne seront jamais des frondeurs réputés. Avec l'extension de l'empire, ( mais bien avant l'Empire ) ils recruteront des
spécialistes à Rhodes et aux Baléares.

Arc.

Cette arme - sauf peut-être aux origines - n'appartiendra pas à la panoplie romaine proprement dite. Toutefois elle sera utilisée
par certaines troupes auxiliaires. Nous n'avons pu trouver d'explication à cette sorte de répugnance.148 Pourtant, plusieurs
auteurs - Salluste, Tite-Live, etc. - ont fait remarquer que l'arc et la flèche avaient été la cause de lourdes pertes, parfois de
défaites, pour Rome.

Les archers, mercenaires, étaient surtout recrutés en Crète.

Artillerie névrobalistique.

Les balistes, catapultes, scorpions et autres machines lançant des boulets de pierre et/ou des traits mi lourds, ont été 
employés relativement tardivement par rapport au onde greco-oriental. Ce retard peut tenir diverses causes : la pluviosité 
annuelle est supérieure, à Rome et sa région, à celle de la Grèce et du Proche-orient149. Par ailleurs les pluies dans le Latium se
produisent au printemps et à l'automne surtout; en zone greco- orientale, seulement en hiver. Enfin, avec l'expansion, les
armées romaines furent amenées à combattre dans des régions à climat océanique, où même en l'absence de pluie l'air peut
avoir un taux d'humidité important. , Or les faisceaux élastiques des machines donnent des portées très irrégulières selon leur
humidité, et peuvent pourrir rapidement sauf à les détendre, démonter, sécher et conserver en emballage étanche, tel qu'une
urne.

Si l'on peut concevoir cette mise à l'abri pour des engins lourds, de siège, dont toute la partie de bois sera fabriquée sur place,
il n'est pas question de le faire pour les lanceurs légers, de campagne, dont l'intervention sera généralement urgente.

Peu à peu, pourtant, à partir de -100 environ, l'habitude se prit d'utiliser de tels engins légers, portés sur chariots mais
déplaçables à bras., Vers - 50 l'introduction de pièces métalliques dans le cadre de tension permit d'augmenter l'angle de
rotation des "bras" de l'arc de la machine, donc la vitesse initiale. Cette baliste améliorée reçut le nom de "scorpio". Puis, vers la
fin du premier siècle de notre ère, de nouvelles améliorations furent apportées : à la fois par une nouvelle augmentation de
l'angle de torsion et, surtout, par la disposition des faisceaux de "nerfs" ( ou cordes, crins, cheveux..). à l'abri des intempéries;
ils furent placés dans des cylindres métalliques fermés aux extrémités par des demi- sphères. Enfin, les systèmes de visée
furent améliorés, puisque devant servir pour des machines aux performances à peu près constantes, qu'il pleuve ou non. Ces
derniers engins furent les "cheirobalistes" ( ravageuses en grec ) ce qui laisse penser qu'une fois de plus les Romains s'étaient
inspirés de réalisations d'ingénieurs grecs, ou avaient "importé" ces ingénieurs.
Depuis Alexandre, César semble avoir été le seul "Grand capitaine" à avoir réalisé pleinement l'intérêt d'une artillerie de
campagne nombreuse, employée à bon escient dans la bataille ou s'ajoutant aux grosses pièces de siège. Par exemple, il note
pour le siège d'Avaricum que ses scorpions abattaient les uns après les autres les gaulois qui se succédaient sur un point très
exposé, mais vital pour essayer d'incendier une tour d'assaut romaine. De nuit, dès qu'un flèche incendiaire partait de ce point,
une batterie de scorpions déclenchait son tir, abattant à coup sûr le courageux archer gaulois.( G.des G. LVII, 25). Ces détails
montrent la remarquable précision des engins, agissant en "tir préparé" dans notre langage militaire actuel.150

Les succès de César - contraint de ménager le sang de ses hommes : moins du 1/20ème de la population male adulte de la
Gaule à l'apogée du nombre des légions - firent école Sous l'Empire l'artillerie réglementaire comprit une catapulte - à boulets -
par cohorte et un scorpion - lanceur de traits - par centurie, soit pour la légion "standard" de cette époque, 10 catapultes et
64 scorpions de campagne.(i) Pour un siège, jusqu'à 50 catapultes lourdes par légion, construites ou remontées sur place,
venaient s'ajouter aux machines de campagne.

Ces engins étaient servis par des spécialistes, "artilleurs" non prélevés sur les formations d'infanterie. ( En cas de siège, des
auxiliaires extérieurs à la légion aidaient au service des pièces.)

Végèce indique pour les engins de campagne ( traits ou boulets ? ) une portée maximale de l'ordre de 1000 m, en trajectoire
"courbe" : tir sous angle de l'ordre de 40°; et de 400 m environ en tir rasant, ce qui est manifestement exagéré puisqu'il faudra
attendre la deuxième partie du XIXème siècle pour obtenir la rasance des balles sur 400 m. ( Mais peut-être la notion de
rasance de Végèce ne coïncide pas avec la notre : les canons Gribeauval tiraient "rasant" à 400 m... grâce aux ricochets sur le
sol). La cadence de tir, d'après les engins reconstitués à l'échelle approximative de 1/2 par Erwin Schram, pouvait être de un
coup toutes les 20 s pour les scorpions; toutes les 30 s pour les catapultes légères à boulets. L'artillerie de campagne d'une
légion de l'Empire pouvait donc tirer 192 traits lourds ( environ ) et 20 boulets par minute. ( Boulets de 9 kg.)

Autres machines de siège.

Les béliers sous tortue tours et échelles d'assaut, travaux de mine et sape, etc., ne diffèrent pas sensiblement des réalisations
du monde greco-oriental.

Toutefois, soulignons-le encore, presque tous les fantassins étaient en mesure de participer à la construction sur place de ces
engins, ou de procéder aux travaux - parfois gigantesques - de terrassement : sauf pour quelques spécialités pointues comme
le travail de mine, le légionnaire tenait à la fois de l'Infanterie, du Génie et du Matériel.151

On notera qu'en matière de moyens de la fonction agression, comme ailleurs, Rome n'a innové qu'au plan de l'adaptation de
techniques empruntées à l'extérieur.

Mais ces améliorations toujours ingénieuses et pratiques, mises en oeuvre par par des forces dont les qualités - moral; état
physique; esprit civique; courage; discipline; entraînement - resteront longtemps sans rivales, ont permis l'établissement
durable d'un empire aux dimensions jusqu'alors inconnues.

Ce ne sont pas ses armes qui, pendant tant de siècles, ont assuré la supériorité de Rome puisque tous ses adversaires auraient
pu les imiter, ( et ce, d'autant plus facilement que le traditionnel conservatisme romain ne les a faites évoluer que très
lentement); c'est la valeur de ses armées; et aussi l'inflexible volonté du pouvoir politique permanent : le Sénat, cette
"assemblée de rois".

Le passage de l'armée romaine à l'armée de l'Empereur fut, malgré de brillantes relances , a cause principale de la fin de Rome.
Comme le note P. Chaunu ( Histoire et décadence ) cette armée est devenue un corps à part, radicalement séparé d'un pays
qui se désintéresse totalement du métier des armes. Or : " La sécurité ne s'achète pas. Elle s' acquiert quotidiennement."

4. MISE EN APPLICATION DES FONCTIONS MILITAIRES.

Ici encore, il est ambitieux de prétendre résumer en quelques pages ce qui a pris place tout au long d'un millénaire. Pourtant,
nous y serons aidés à la fois par le tempérament conservateur du Romain - aussi longtemps qu'il y aura des citoyens dignes de
ce nom - et par le fait qu'après avoir dominé l'Italie continentale, vaincu Carthage et la Macédoine, Rome va désormais se
heurter toujours, si l'on peut dire, au même adversaire : le Barbare ; c'est à dire à des forces numériquement supérieures le plus
souvent, courageuses voire téméraires, parfois bien armées, mais dont le défaut essentiel réside dans une sorte d'incapacité à 
la discipline qui, pourtant, et pour reprendre les termes - disparus, on se demande pourquoi - de notre ancien Règlement fait la
force principale des Armées.

Pour Rome, nous y revenons, le changement profond, celui qui entraînera la faiblesse puis l'effondrement, fut sans doute plus
interne qu'externe : c'est la disparition du Romain traditionnel : opiniâtre comme seul peut l'être le paysan; prolifique;
respectueux de l'autorité; dur aux autres, mais plus encore à lui-même; dévoué à la "chose publique" jusqu'au sacrifice suprême.
Peu à peu, et par le fait même des conquêtes, cette armature solide va disparaitre, car l'afflux des denrées importées à bas prix
ruine le petit paysan, qui en est réduit à vendre ( à prix dérisoire ) sa terre à de riches latifundiaires citadins qui les feront
exploiter par la main d'œuvre servile.

e paysan déraciné ira gonfler les effectifs de la plèbe urbaine. Le monde romain - en simplifiant - va se transformer en une
société à deux niveaux - celui d'une nomenklatura peu nombreuse, mais qui monopolise la richesse de la nation, sans vouloir
risquer sa vie pour défendre ses privilèges, - celui d'une foule de clients plus soucieux d'obtenir quelques miettes du festin que
de s'intéresser à la pérennité de Rome.152
Les derniers défenseurs seront en fait des mercenaires sédentaires, recrutés dans la zone des limes, encadrés par des hommes
dont le nom de "romain" n'est du qu'à une récente attribution de la citoyenneté, et dont bien des généraux deviendront
empereurs par un coup d'État militaire; ou par des peuples envahisseurs mais qui, sédentarisés à l'intérieur des frontières,
reçoivent le titre d'alliés... à la fidélité trop souvent douteuse. Quand il n'y a plus de Romains dans Rome, la fin n'est pas loin.

( Dans les pages qui suivent nous serons inévitablement amenés à quelques redites par rapport à celles qui précèdent :
prétendre séparer totalement les matériels de leur mise en oeuvre n'est guère possible en effet.)

- La paysannerie, "chair à canons" traditionnelle de tous les temps et tous les pays, avait disparu.

41. TACTIQUE.

Celle de la légion romaine repose sur l'idée suivante : une troupe disciplinée, solide et bien entraînée, doit pouvoir arrêter le
premier élan de l'adversaire, fût- il numériquement très supérieur; puis l'user grâce à son savoir-faire technique meilleur, jusqu'à 
le décourager; passer enfin de la posture défensive à l'offensive et mettre en déroute les forces ennemies. L'expérience montre
qu'un adversaire démoralisé n'oppose plus guère de résistance : c'est pendant la phase de poursuite que seront infligées le plus
de pertes et capturés de nombreux prisonniers. Par ailleurs, la Légion - ou l'Armée consulaire à l'échelon supérieur - doit pouvoir
combattre sur tous les types de terrain. Sa manœuvre se raccroche donc toujours à celle qui va être décrite, mais avec
beaucoup de souplesse.(j)

Pour durer tous les hommes ne doivent pas être engagés d'emblée. Il en résulte le système à 3 lignes qui fait passer sans
changements fondamentaux de la légion de Camille à celle de Marius. Dans le premier cas, ces trois lignes sont celles ( de
l'avant vers l'arrière ) des Hastaires, Princes et Triaires; dans le second, des cohortes I à IV, V à VII et VIII à X. Pour simplifier,
puisque les dispositions sont analogues, reposant sur le système de la centurie double, nous nous limiterons au croquis de la
légion du type Camille :

Ennemi

  &127; &127; &127; &127; &127; &127; &127; &127; &127; &127;
à à à à à à à à à à
Ligne des   â â â â â â â â â â
Triaires
&127; &127; &127; &127; &127; &127; &127; &127; &127; &127;

    &127; &127; &127; &127; &127; &127; &127; &127; &127; &127;
à à à à à à à à à à
Ligne des   â â â â â â â â â â
Princes
&127; &127; &127; &127; &127; &127; &127; &127; &127; &127;
                       
    &127; &127; &127; &127; &127; &127; &127; &127; &127; &127;
à à à à à à à à à à
Ligne des   â â â â â â â â â â
Hastaires
&127; &127; &127; &127; &127; &127; &127; &127; &127; &127;

La disposition initiale, entre centurie avant et arrière, permet aux "tirailleurs" légers de se replier153. Immédiatement - ce qui
demande un "drill" sévère - la centurie arrière vient remplir les intervalles. Les hommes jettent leurs deux pila, puis le corps à 
corps s'engage. Quand le commandant juge que la première ligne faiblit - par fatigue, non par manque de courage - il donne le
signal de repli dans les intervalles de la seconde ligne qui, à son tour, fait le mouvement donnant un front uniforme. La première
ligne peut se reformer et se reposer pendant le combat de la seconde.

Ce sont donc, normalement, alternativement la première et la seconde ligne qui supportent la charge du combat. Si toutefois la
lutte se prolonge trop longtemps ( et si les pertes ont été importantes ) première et deuxième ligne passent toutes deux
derrière les Triaires auxquels - moins nombreux puisque centuries à 30 et non à 60, et nettement plus âgés - on ne demande
que de tenir pendant un temps très limité, mais qui peut être mis à profit pour "laisser souffler" les combattants encore
indemnes de la première et de la deuxième ligne et, en cas de pertes ont très lourdes de les refondre en une seule, toujours à 
centuries doubles pour permettre le repli des Triaires. ( "Refonte" qui, elle aussi, demande à être soigneusement préparée au
cours de l'entraînement collectif, car elle doit être très rapide). La situation est ors très critique ( Inde rem ad triarios redisse. )
car tout repose sur la capacité des vétérans à donner encore quelques répits à cette seule ligne forte.

On peut donc dire que, mis à part quelques personnalités hors du commun, au cours des siècles les Romains n'ont guère innové 
en matière de tactique. Pourtant, à l'exception du Bas Empire ( et pour d'autres raisons alors ), leur supériorité a été 
incontestable. Il n'y a pas là contradiction. En effet Rome a du ses succès à deux facteurs:

- La valeur de la troupe, par son recrutement, son entraînement, sa discipline et sa haute idée de l'honneur; celle de
l'encadrement au contact les centurions, leurs !adjoints et les gradés; celle des commandants de légions? de la plupart des
consuls, encore que sur ce dernier point il y eut de fâcheuses exceptions : nous avons cité le tristement célèbre Varron, mais il
ne fut pas le seul incapable.

- Le fait qu'à une époque où l'information circulait avec une lenteur que nous avons du mal à imaginer, chaque nouvel
adversaire découvrait avec stupeur cette tactique si efficace : jamais Rome n'eut à affronter un adversaire connaissant ses
procédés, et moins encore ayant eu le temp de les assimiler et d'entraîner ses propres forces à les imiter... dans la mesure,
d'ailleurs, où les courageux mais indisciplinés "barbares" s'y seraient pliés.

Par ailleurs, nous noterons :

a/ Que les Romains - toujours Omnium utilitatul et virtutum rapacissimi - surent tirer les leçons des défaites subies : ils en
examinent froidement les causes, puis cherchent et découvrent la parade. Toutefois, il faut bien noter que si cette auto-
critique vaut pour les barbares elle est mise en échec par un génie militaire tel Hannibal qui modifie en virtuose ses dispositions
d'une bataille à la suivante. Rome aussi, sans vaine gloriole, copie sans hésitation les matériels de toute nature employés par
ses adversaires s'ils lui paraissent mieux convenir à ses besoins. (Par exemple le casque du premier siècle est dit Gaulois ou
Celte parce qu'il est une copie, simplifiée et rationalisée, de celui porté par certaines tribus du Nord de la Loire.)
b/ La Légion a d'emblée montré sa supériorité sur la Phalange greco-macédonniene : le légionnaire agit dans un cadre assez
souple pour pouvoir passer du combat collectif à l'individuel, ou par petits groupes, sur n'importe quel type de terrain et non pas
seulement plat et parfaitement dégagé; par ailleurs une brèche locale dans le front peut être colmatée, alors qu'elle se traduit
presque inéluctablement par la défaite pour la Phalange. ( Cf. note j.)

c/ L'opiniâtreté du soldat romain lui permet souvent de reprendre l'avantage malgré une surprise initiale défavorable,
( notamment devant un moyen technique qu'il n'a jamais vu : char de guerre, éléphant, etc. ). Tout d'abord, il a été au moins
prévenu de cette éventualité - car Rome a un bon service de renseignement - et a été formé aux parades qui ont été jugées
les plus efficaces. Mais, plus encore, il est tellement sûr de vaincre que son moral ne saurait être entamé par ce qu'il considère
comme un vain artifice des "barbares".

d/ La pelle et la pioche, les ouvrages de campagne simples, réalisés à la hâte, ont souvent compensé l'infériorité numérique. Par
ailleurs ils permettent souvent de tenir les ailes avec de faibles effectifs, en consacrant leur majorité à la ligne de bataille sans
risque d'enveloppement latéral. Les campagnes de César constituent le meilleur exemple de l'emploi de la troupe en "fantassins-
pionniers".

e/ Initialement très désavantagée sur la mer, face à Carthage, Rome a compris qu'elle n'aurait aucunes chances contre des
marins remarquablement exercés si elle voulait jouer le jeu manœuvrier. D'où la transposition du combat de type terrestre sur
l'eau, où l'abordage rend au soldat romain toutes ses capacités.

Notons encore l'emploi sur le champ de bataille, à partir de -100 environ, de l'artillerie névrobalistique qu'ignore le "barbare". Cet
emploi ira croissant : nous avons indiqué la dotation qui devint réglementaire pour chaque légion sous l'Empire. Les effets de nos
canons modernes nous poussent à considérer ces engins comme peu efficaces; mais c'est oublier qu'ils agissaient sur de fortes
concentrations de troupes sur le terrain. L'effet d'un boulet de 9 kg sur une file de soldats ennemis à 100/200 m, avec
ricochets, devait être comparable à celui du canon "de 12" du système Gribeauval à 200/400 m, et la cadence de tir était du
même ordre. Les traits des scorpions allaient semer le désordre et commençaient la démoralisation chez l'adversaire 154 à une
distance de 400 m au moins. En revanche, sauf César peut-être, nul ne saisit l'importance de la concentration des tirs sur un
point de la ligne adverse pour y créer l'"évènement" décisif. ( Il faudra attendre le Chevalier du Teil, théoricien, et Bonaparte,
praticien, pour cet emploi.)

Le seul défaut grave des armées romaines à leur grande période, défaut qui fut la cause de défaites catastrophiques155, fut,
répétons-le, le système de désignation des Commandants d'Armées, les consuls, par le suffrage populaire. Si l'élection a produit
parfois des chefs tout à fait remarquables, elle a aussi trop souvent promu des politiciens parfaitement incompétents au plan
militaire : le brillant orateur de tribune peut être un piètre chef, voire un couard comme l'avait été Démosthène en Grèce. Cette
imperfection ira toutefois en diminuant quand - à partir du premier siècle avant notre ère - le "cursus" politique comprit souvent
un passage de plusieurs années sous les armes.( Par exemple, comme jeune tribun de Légion.)

Nous avons déjà évoqué assez largement la décadence militaire du Bas Empire : le recrutement est médiocre ( plus au plan de la
motivation de la troupe que de ses aptitudes physiques); il est local, et dès lors que l'Armée monte une garde statique aux
frontières, le légionnaire marié répugne à s'éloigner tant soit peu de sa garnison. L'entraînement est conduit avec mollesse et le
service n'est plus assuré de la manière stricte de l'ancien temps : le centurion, lui-même, cheville ouvrière de cette armée, a
perdu les qualités de ses prédécesseurs. Certes, il y a encore une apparence mais si le légionnaire est encore un militaire -
puisque soldé, porteur de l'uniforme, soumis à des heures de faction ( considérées comme des corvées inutiles si aucun danger
immédiat n'est menaçant ) - il n'est plus le soldat-citoyen disponible pour tous les efforts et tous les dangers., A Rome, signe
universel et de tous les temps de la décadence d'une nation, l'"élite" se désintéresse totalement de la chose militaire : la
défense est l'affaire de !lointains mercenaires ouvertement méprisés, et qui devraient être trop heureux d'être payés même en
temps de paix.

La fin de l'Empire d'Occident se situe en 476 ( déposition de Romulus Augustule ), mais certains auteurs la placent en 410, avec
le sac de Rome par Alaric. Pour notre part, nous serions portés à remonter encore dans le temps, et à dire que l'agonie est
claire dès 378 quand la cavalerie gothe balaye l'armée de Valens. Désastre comparable à celui de Cannes près de 6 siècles plus
tôt ? Non, car, comme le dit D.Wenner: " A cette différence près que Rome était peuplée de Romains à l'époque de Cannes, et
les avait perdus depuis longtemps quand survint Andrinople...(car)...il existe un rapport intime entre la santé d'une nation et
celle de son armée. La réaction après Cannes traduit la vitalité, l'agressivité de la République. Les légions dégénérées
d'Andrinople reflètent la décomposition biologique et morale du Bas Empire."

42. OPERATIQUE.

C'est ce niveau que réside un point faible des Romains, en contraste très net avec leur supériorité tactique. Si, en effet, ils ont
généralement dominé sur le terrain grâce à la parfaite manœuvre tactique, à la discipline, au savoir-faire technique guerrier
( fruits de l'entraînement ), au courage, à l'expérience et à l'exemple des cadres, en revanche on ne trouve guère de
commandants en chef qui, comme Hannibal - Bonaparte 20 siècles plus tard - aient pensé, très à l'avance, à choisir leur terrain
et y attirer l'ennemi par de subtiles manœuvres opérationnelles. Sur ce plan, pourtant, les armées romaines auraient pu
bénéficier de l'avantage considérable que leur donnait l'habitude des déplacements rapides. Cette facilité fut largement mise à 
profit pour se porter rapidement au devant de l'ennemi avant qu'il ait progressé dans le cœur du territoire à défendre, ou pour le
surprendre avant réunion de tous ses éléments alliés. Mais, mis à part César et, dans une certaine ê ure, Sylla, presque tous les
chefs romains ignorèrent les manœuvres préalables qui amènent l'ennemi, soumis pour ainsi dire à la volonté de son adversaire,
à venir se placer de lui-même dans la situation qui lui sera la plus défavorable pour la bataille.156

Le cas de César tranche nettement. On a dit que la Gaule a été conquise par César plus que par les légions Toutefois il ne faut
pas oublier qu'il a vaincu successivement des peuplades le plus souvent désunies, voire jalouses les unes des autres au point de
se réjouir de la victoire romaine sur les voisins, sans réaliser que leur tour viendrait. D'autre part si les guerriers gaulois se sont
montrés très généralement courageux, ils furent encore plus indisciplinés que braves, si bien que dans les rares cas où un chef
unique arriva à s'imposer à ses alliés-rivaux, il aurait été bien en peine d'obtenir de ses troupes de subtiles manœuvres
tactiques, et, moins encore, opérationnelles.

43. STRATEGIE.

En allant au fond des choses, Rome n'a eu que trois projets politiques successifs, au cours d'un millénaire :

- assurer sa survie, en triomphant des adversaires, voisins immédiats puis peuples plus lointains, qui menaçaient - ou auraient
pu menacer - cette existence même; - conquérir un "empire colonial" qui lui assura la prééminence totale dans ce cœur du
monde occidental d'alors, qu'était la Méditerranée et ses abords;, - défendre cet empire - devenu l'Empire - contre le
déferlement des peuples barbares du Nord et de l'Est.

xx
A. Création et survie de la nation.

Pendant des siècles, et avec la glaciale détermination qui la caractérise, Rome a lutté pour sa survie; d'abord en soumettant les
cités et peuples qui jouxtaient son minuscule territoire, puis en étendant systématiquement cette domination jusqu'à la totalité 
de l'Italie continentale et en commençant à prendre pied sur d'autres rivages du "Mare nostrum". Cette phase s'achève avec la
destruction de Carthage en -146, devenue l'"ennemi héréditaire" après avoir été parfois l'allié. Ce furent des siècles de guerres
presque continuelles car, plus que de périodes de paix, on ne peut guère qualifier que de trêves les moments pendant lesquels
Rome a été contrainte de refaire ses forces. Le titre glorieux de citoyen romain157, avec le statut qu'il confère, ne fut consenti
aux peuples conquis puis soumis que de manière très progressive, et non sans mûres réflexions du Sénat, toujours prudent, pour
ne pas dire réticent, en cette matière. Par exemple, et malgré leur loyauté tout au long des guerres puniques ( -264 à -146 ) ce
n'est qu'en -87 que tous les italiens au Sud du Po recevront enfin les quatre droits civils et politiques : électorat ( "jus
suffragi" ); éligibilité ( "jus honorum" ); propriété et commerce ( "jus commercii" ); mariage avec un citoyen ou une citoyenne
( jus connubi ).

( Cette concession, faite immédiatement après la révolte de -89 - "Guerre Sociale" - dont le motif était précisément le grief de
non attribution de la citoyenneté, peut surprendre. En fait, Rome se trouvant en position de force après avoir maté cette
rebellion, enlevait là tout prétexte à un mouvement extrémiste cherchant à créer un autre état indépendant en Italie. Ce ne fut
pas un acte de générosité, encore moins de faiblesse, mais de calcul.)

Après avoir soumis ses voisins refoulé Pyrrus, anéanti Carthage et battu son allié macédonien, puis repoussé les premières
invasions germaniques des Cimbres, Teutons et Ambrons, Rome est prête pour la phase des conquêtes. Ce sera l'œuvre de
l'Armée de la réforme de Marius, constituée de professionnels, qui à l'époque représentait un outil militaire sans équivalent dans
le monde par son organisation, son entraînement, son expérience et sa discipline.

L'efficacité de cette armée se mesure au fait que moins de 30 légions - soit environ 150 000 hommes avec les Services et 


l'Administration centrale - et les unités d'auxiliaires alliés ( dont les effectifs sont alors nettement inférieurs )vont créer
l'immense empire qui deviendra l'Empire.

B. La phase des conquêtes.

Quoique n'ayant vécu que les débuts de cette phase ( puisque mort vers -120 ), l'historien Polybe "démonte" clairement le
mécanisme d'expansion de Rome. Nous renvoyons le lecteur à cet auteur, le résumé même de sa "démonstration" étant trop
long pour trouver place ici. , Nous en retiendrons pourtant le principe du volet militaire de cette stratégie ( ou projet
politique ) : dans toute la mesure du possible, ne mener qu'une guerre à la fois. (k)158

On peut noter que :

a/ Rome ne se lance pas dans une guerre de manière irréfléchie sur un coup de colère populaire : elle est précédée de débats
sur les facilités ou les risques militaires; le Sénat pèsera même longtemps les dangers de "contamination" des viriles vertus
romaines par le contact avec des civilisations brillantes mais corrompues et décadentes : cas de la Grèce, naturellement, mais
aussi de l'Égypte, de l'Asie Mineure. ( De ce point de vue, les frustes civilisations des "barbares" sont moins à redouter).
Renoncer à une guerre ne signifie nullement l'oubli d'une offense ou la perte de vue d'un péril : la renonciation n'est que
provisoire.

h b/ L'esprit juridique romain se manifeste jusque dans la justification nécessaire de la guerre; justification qui doit exister pour
le moral du peuple, mais à travers les textes on comprend que même le Sénat ressent ce besoin vis à vis de lui-même. On
trouvera donc toujours un prétexte pour engager Rome dans une "guerre juste" - ou justifiée. Très souvent le prétexte du casus
belli sera plus que mince, et si besoin est, on le créera sans aucun scrupule159.

ère des conquêtes vise à éliminer un ennemi, actuel ou potentiel ( guerre préemptive ) puis de plus en plus à soumettre des
régions dont les richesses seront exploitées au bénéfice de Rome. Mais cette exploitation exige la sécurité : il faut donc établir
un glacis protecteur au delà du territoire conquis et pacifié. A son tour ce glacis peut se révéler détenir des richesses
intéressantes : il faut le pacifier, puis le protéger à son tour par un glacis plus lointain; ainsi de suite...

La phase des conquêtes, déjà largement commencée à l'occasion des guerres puniques, va se poursuivre, irrésistible en
apparence, essentiellement jusqu'à l'Empire où sa vigueur ira en diminuant jusqu'à la stagnation et le passage à la défensive.
Pourtant Auguste en souverain prévoyant, ici comme pour la démographie et bien d'autres domaines, avait estimé laissé l'Empire
dans des limites naturelles, faciles à défendre; et dans ses suprêmes instructions il prescrivait à ses successeurs de ne pas les
dépasser.

C. La phase défensive.

Sous le régime impérial la puissance apparente de Rome semblait devoir continuer à augmenter presque indéfiniment. Mais de
manière insidieuse au début déjà les germes de la décadence apparaissaient. Ils iront sans cesse en se développant, jusqu'à 
l'effondrement final. Les effets de cette décadence sont, naturellement, internes; mais les causes nous semblent avoir été 
surtout externes, et liées précisément à la trop grande extension de l'Empire. Nous en citerons - non sans nous répéter pour
certaines - celles qui nous ont paru jouer le rôle principal :

- L'importation massive de blé ( nourriture de base du peuple ) à bas prix depuis l'Afrique du Nord ruine et fait disparaître la
petite paysannerie italienne : classe sociale qui depuis les origines avait donné les bases solides de l'Armée et avait fait preuve
d'un civisme sans défaut.160

- L'élévation du niveau de vie résultant de ces conquêtes pour l'Italie en général et Rome en particulier, se traduit par un
effritement croissant du civisme, des mœurs, de la fécondité. Plus grave est le fait que ce sont les classes sociales supérieures,
celles qui depuis toujours avaient fourni les cadres supérieurs de la Nation et de l'Armée - l'"État-major" de la romanisation - qui
furent les premières et les plus touchées.

- L'extension de l'Empire conduit à avoir de l'ordre de 9000 km de frontières, dont bon nombre ne sont pas les limites naturelles
à défendre avec une armée dont les effectifs n'ont pas suivi l'énorme croissance de la richesse de la Nation - ordre de 400 000 
hommes, auxiliaires compris, sous l'Empire - et dont la qualité, nous l'avons dit, ira en se dégradant.161

162
Les violents et multiples conflits sociaux avaient presque toujours opposé la classe dominante - c'est à dire le Sénat - à la
plèbe urbaine : à Rome, comme nous le voyons en France depuis 2 siècles, c'est la population de la capitale, voire une faible
fraction de cette population, qui impose aux provinciaux ses options politiques : inconvénient de placer la capitale politique dans
la ville la plus peuplée.
- Le soldat, auxiliaire ou citoyen de très fraîche date, recruté sur place, n'est guère motivé pour défendre la lointaine "Ville"
dont il sait, par des rumeurs parfois exagérées, la corruption, les turpitudes, et le mépris grandissant dans lequel sa propre
fonction est tenue. Trop souvent, ce soldat n'est désormais qu'un "laissé pour compte" de la société.163 Or le limes n'est pas
une barrière étanche à tout : un certain commerce, notamment, existe entre la zone frontière et les "barbares" extérieurs qui se
refusent à goûter aux bienfaits de la civilisation. C'est dire que ce barbare n'ignore pas le fléchissement de la valeur d'une armée
qui, de plus en plus, ne détient plus l'orgueilleuse certitude de vaincre; celle qui était la sienne quelques siècles plus tôt -
malgré les revers passagers - fût-ce au prix de durs efforts et de sacrifices.

En fait, faute de trouver des soldats dans les peuples latin ou "romanisés" de longue date ( donc gagnés par le mépris et le rejet
de la condition militaire ) l'Empire en arrivera à laisser des populations, "barbares" mais désireuses de goûter aux bienfaits de la
civilisation entrer à l'intérieur des limes. On les y fixera et l'on cherchera à recruter chez elles les soldats qu'il devient impossible
de trouver chez les citoyens.

En somme - résumé certes caricatural - les zones de limes redeviennent une sorte de glacis, mais glacis dont le défense est
confiée à des immigrés récents, généralement courageux, certes, mais tout à fait incapables se plier à l'entraînement sévère d'ni
à la stricte discipline de la vieille tradition.

C'est alors que naît chez les soldats oubliés la phrase impensable quelques siècles plus tôt : " Que Rome craigne la colre des
légions ! " et avec elle, l'ère des multiples pronunciamentos militaires.( Oeuvre, d'ailleurs, souvent de la "Garde" Prétorienne
malgré ses privilèges.)

Si l'on veut bien y réfléchir, 300 000 hommes 164 répartis de manière linéaire sur 9000 km de frontières représentes une
"densité" moyenne de l'ordre de 30 combattants au km linéaire. C'est assez pour repousser un petit raid de pillards, mais tout à 
fait insuffisant pour arrêter une invasion : de plus en plus Rome devra feindre d'accepter l'entrée des peuples en migration,
baptisés du vague titre d'alliés, à défaut de pouvoir les contenir.

Il y eut, certes, des sursauts, ( notamment avec l'aide des tribus déjà installées depuis quelques générations ), mais l'Empire
d'Occident était sur la voie de la submersion démographique par les invasions : c'est à dire de la disparition.

En définitive, la stratégie politico-militaire du Bas Empire consista à chercher à gagner du temps en utilisant une série d'artifices
qui, à terme, se retournèrent presque tous contre le but espéré.

Nous ne connaissons pas le détail des effectifs à tout moment, mais les historiens estiment qu'ils n'ont guère varié depuis le
milieu du IIème siècle de notre ère jusqu'aux débuts du Vème, bien que le population de l'Empire soit passée de 50 à 80 millions
d'âmes ( beaucoup plus par immigration que par "accroissement naturel").

-1" Nous disposons toutefois d'un renseignement précis sur les "effectifs budgétaires" du début du IIIème siècle, renseignement
qui constitue un ordre de grandeur acceptable pour la période IIème/Vème siècles :

- total : 385 000 hommes, y compris troupes auxiliaires.

- Répartition :, a/ aux limes, 31 légions; 340 000 hommes, y compris malades et absents temporaires, Services, Administration -


se répartissant en :

Armée du Rhin : 4 légions et 42 000 hommes

Armée du Danube : 12 légions et 135 000 hommes

Armée d'Orient : 10 légions et 110 000 hommes

Armée d'Égypte : 1 légion et 12 000 hommes

Armée d'Afrique : 1 légion et 10 000 hommes

Armée de Bretagne : 3 légions et 31 000 hommes. ( Nombres arrondis. Les troupes auxiliaires entrent dans le total pour 135 000 


hommes, soit sensiblement 2/5èmes.)

b/ forces "de l'intérieur" :

légion en Espagne

légion en Italie

Garde prétorienne

Divers : cohortes urbaines de Rome, gardes "frumentaires" et vigiles, etc. Au total, 45 000 hommes, mais seulement 20 000 de 
troupes combattantes réelles, qui comprennent elles-mêmes environ 8 000 auxiliaires.

( On notera le "désert militaire" que représentait la Gaule. En fait il y existait bases arrières bases-étapes etc., de certaines
armées et forces, avec quelques contingents détachés à ces bases : des Armées du Rhin et de Bretagne; des légions d'Espagne
et d'Italie.)

xx

En résumé, les stratégies militaires romaines successives ont été calquées sur les "projets politiques" du moment. Mais, si ce
projet politique était très nettement défini - et poursuivi avec constance - en revanche et sauf sous l'impulsion de quelques
personnalités exceptionnelles, son volet militaire s'est trop souvent limité à répondre aux évènements et non à les anticiper.
( Nous retrouvons peut-être là le défaut d'imagination romain dont nous avons parlé en début de chapitre). En d'autres termes,
la stratégie romaine comme son opératique ont rarement été au niveau atteint par la tactique de la grande époque, qui leur a
porté remède.

Pendant longtemps la ténacité de Rome, presque inhumaine, ( surhumaine ? ) a permis de reprendre l'avantage après des
revers, voire des désastres qui eussent fait disparaître toute autre nation. Quand cette ténacité se fut perdue, et malgré des
rémissions, l'Empire n'était plus qu'un décor de théâtre voué à disparaître.
 

5. LA PENSEE MILITAIRE THÉORIQUE.

L'exception constituée par Sun-Tzu mise à part, nous croyons devoir souligner que depuis l'antiquité jusqu'à une période très
récente, la pensée militaire a reposé essentiellement sur les enseignements de l'histoire : chercher dans le passé ce qui a réussi
et ce qui a été cause d'échecs, puis en tirer des propositions pour l'avenir. Ce n'est en effet que depuis quelques dizaines
d'années, et sous la pression d'un progrès technique de plus en plus rapide qui fait de la vérité d'hier l'erreur de demain, que
nous assistons à la dévalorisation de l'histoire comme outil de la pensée critique militaire. ( Encore faut-il se garder de rejeter
systématiquement le passé. Il existe certaines constantes - en particulier, l'Homme avec ses limites physiques, intellectuelles et
morales - qui ne changent pas. 

écrivain antique de la chose militaire, le Romain comme le Grec, est donc surtout !un historien; mais historien qui, ne se limitant
pas à la simple relation des faits, formule des jugements et de critiques, généralement très pertinentes d'ailleurs : il cherche le
"pourquoi" et le comment Presque tous les grands noms des historiens de Rome - latins en majorité, mais grecs !aussi - au moins
d'origine - et cas particulier de Flavius Josèphe, juif latinisé ont donc été simultanément, peu ou prou, des critiques militaires :
l'éventail va d'un Tite-live, presqu'un auteur d'une épopée en prose à base historique, jusqu'à un Polybe dont le constant souçi
d'analyse critique militaire est évident.

Nous n'avons pas l'intention d'exposer ici l'apport de ces nombreux écrivains : ce travail constituerait à lui seul matiere à un
ouvrage copieux. Remarquons pourtant que la lenteur du progrès technique était encore telle qu'elle permit de tirer
d'évènements vieux de dizaines et dizaines d'années, voire de siècles, des leçons utiles pour le présent.

Nous ferons, pourtant, une place à part pour deux auteurs : parce qu'ils s'écartent nettement de l'historien-type de Rome -
César, d'abord, dont la Guerre des Gaules constitue, ou devrait constituer, comme l'avait été l'Anabase, le témoignage d'une
expérience personnelle, tout à fait exceptionnelle, de commandement. Mais, "devrait" seulement, car les Commentaires ne sont
en rien un manuel illustré d'exemples pratiques pouvant servir à la formation des jeunes officiers.165 C'est avant tout, et sous la
forme d'un reportage-chronique un outil de propagande personnelle, destiné à rendre évident au public de Rome le génie
politico-militaire de l'auteur, toujours et partout maître des évènements. Même le style adopté - non pas Je mais César fit, vit,
décida... - contribue subtilement à cette auto- apologie : c'est la forme que prendrait un de nos "grands reporters" qui suivrait
le prestigieux conquérant dans ses campagnes; forme qui pour le lecteur passionné donne une apparence d'impartialité.

( Les "Comentarii" de Sylla ne nous sont pas parvenus. A travers Suétone et Plutarque, qui les ont utilisés, on peut penser que
cet autre génie ambitieux visait aussi plus sa propre apologie que le simple récit des faits.)

- Le second auteur qui nous semble devoir être classé à part est Végèce - Flavius Vegetus Renatus - qui, à la fin du IVème
siècle s'écarte nettement de la voie habituelle, avec son Traité d'art militaire C'est bien, en effet, un traité ( avec sans doute
quelques défauts à nos yeux modernes, si nous oublions qu'il fut la toute première tentative dans ce domaine ) où les faits
historiques n'interviennent qu'à titre explicatif ou démonstratif, inversant ainsi les priorités des autres auteurs de cette
période.166

6. CONCLUSIONS PARTIELLES.

Nous avons déjà lourdement ( trop ? ) insisté sur le fait que le Romain n'a pas été un scientifique, et que comme technicien il
fut beaucoup plus un imitateur - ou un "emprunteur" - qu'un inventeur. Rome eut donc de grands ingénieurs, le plus souvent
polyvalents, mais pas un seul homme de science. Si l'on y réfléchit la question est d'ailleurs troublante : non seulement il ne
s'est pas trouvé un seul citoyen romain qui ait fait avancer les sciences exactes - mathématiques, physique et astronomie -
mais la romanisation à où elle fut profonde, c'est à dire au sud de l'Italie et en Sicile, y a stérilisé le courant de pensée venu de
la Grèce : une fois Tarente, Regio, Syracuse, Agrigente occupées, la spéculation scientifique en disparaît comme si,
brusquement, la volonté utilitariste s'était imposée.

Nous n'aurons donc pas à parler de science, mais seulement de technique romaine.

A. Progrès techniques.

C'est donc dans les domaines de l'application ingénieuse, de l'imitation ( sur une toute autre échelle souvent ) et de la
production de série que Rome se distingue de la Grèce., ! Très souvent cet effort technique sera réalisé sous la pression,
précisément, de l'urgence militaire. Rappelons quelques exemples: - la construction standardisée des galères, pour faire face à 
la domination maritime de Carthage; - l'invention ( ou la reprise ) du corvus puis celle de l'"harpago" pour palier l'infériorité dans
la manœuvre navale; - le pilum pliant arme de jet "à sens unique" et neutralisant le bouclier de l'x saire; -la production de série,
par l'Etat, des équipements militaires après la réforme de Marius; - la production de série aussi, des engins de jet
nevrobalistiques de campagne quand, avec l'Empire, ils furent en dotation réglementaire; (1)- la fortification de campagne,
éventuellement très élaborée, pour économiser les effectifs trop souvent insuffisants, et diminuer les pertes...

Mais, sans doute, la principale réalisation des ingénieurs et conducteurs de travaux militaires romains fut la création du
formidable réseau routier, qui permit de donner aux légions une mobilité "tous temps" sans précédent... pour aussi longtemps,
toutefois, que les légions furent mobiles. ! Cette mobilité a, en quelque sorte, "démultiplié" la puissance des armées romaines, en
leur donnant la possibilité de l'intervention rapide pour écraser une révolte avant sa généralisation, ou pour se porter aux
devants d'un envahisseur. Pour la première fois, en effet, dans l'Europe Occidentale, avec ses printemps et automnes pluvieux,
ses hivers rigoureux, les armées ne sont plus contraintes à respecter la trêve des quartiers d'hiver : en cas d'urgence les
campagnes peuvent se poursuivre voire débuter dans les pires conditions météorologiques. S'y ajoute le constant entraînement
à la marche, qui permet à ces campagnes de se dérouler à un rythme que l'adversaire ne saurait soutenir, même lorsqu'il ne se
déplace pas avec les familles, agages et troupeaux.

On peut encore noter un fait caractéristique de l'ingénieur romain : n'ayant que de !très faibles connaissances en résistance
des matériaux - il ne lui vient pas l'idée, scientifique, de faire des essais de résistance à l'écrasement des différents types de
pierres; ou, à la traction, la torsion, des bois, des "nerfs" et cordages - il eut toujours tendance à faire "trop solide" pour être
certain de l'avoir fait assez. Ceci explique l'excellent état de conservation des réalisations de "génie civil" ( y compris celles à 
usage militaire ) après 2 millénaires, là où elles n'ont pas été dégradées par les populations locales au cours des siècles.
B. Progrès militaires.

L'ensemble du chapitre, et plus particulièrement les s/ch. 3 et 4 sont peut-être suffisants pour n'avoir point à s'étendre sur ce
point. Pourtant, nous croyons devoir souligner encore que, malgré quelques innovations techniques, ce n'est pas à la mise en
oeuvre d'armes nouvelles que les armées romaines ont si longtemps été redevables de leur suprématie : pour l'essentiel, les
armes et équipements qu'elles ont utilisés existaient aussi hors de Rome, ou auraient pu y être produits facilement., Nous ne
reviendrons pas sur la direction politique, ni sur la valeur propre du romain comme soldat. La véritable nouveauté militaire, celle
d'importance capitale, a résidé dans une nouvelle organisation des forces et dans le concept d'emploi tactique i en a découlé.
La Légion, jamais fondamentalement modifiée à travers les siècles et les réformes, a été l'outil militaire de la grandeur de Rome,
comme le système divisionnaire 2000 ans plus tard sera celui de la République et du 1er Empire. , Nous ne saurons jamais, sans
doute, qui en fut l'initiateur; Camille peut-être en partie, mais sa réforme ne s'est mise en place que progressivement : il est
certain que cette invention a un caractère collectif. Plus que la Phalange, la Légion nous semble constituer le premier exemple
du fait qu'une nouvelle organisation des forces, associée à la doctrine d'emploi qui l'a amenée, et à un entraînement adéquat, a
constitué pendant longtemps un facteur militaire au moins aussi important que celui d'armes réellement nouvelles. On notera,
d'ailleurs, que les "Grands capitaines" depuis Alexandre jusqu'à Guderian ont utilisé en gros les mêmes armes que leurs
adversaires, voire leurs prédécesseurs, mais d'une autre manière : ils ont refusé de "jouer le même jeu" que leurs adversaires, et
nous verrons plus loin les vieux généraux autrichiens et piémontais indignés par le fait que le jeune commandant de l'Armée
d'Italie s'écarte totalement des règles communes.

Mais encore faut-il disposer du "matériel humain" capable de mettre en oeuvre les nouveaux concepts dans le cadre de la
nouvelle organisation des forces.

Ce type de "surprise conceptuelle" est-il révolu, avec nos armes de destruction massive, et nos recherches axées sur la
"surprise technique" ? C'est ce que nous tenterons d'examiner au dernier chapitre.

XXX

NOTES-COMMENTAIRES DU CHAPITRE 4.

a/ Peu de nations, en effet, ont subi des désastres militaires aussi graves que Rome sans s'avouer vaincues, et souvent
disparaître. Mais chaque fois son obstination lui a permis de triompher finalement de l'ennemi du moment. On lui a comparé la
ténacité britannique. La comparaison n'est pas fausse, mais elle doit tenir compte du fait que la Grande Bretagne est une île,
couverte pendant des siècles par une flotte sans rivale : le civisme militaire anglais a été, pour une bonne part, de n'avoir
jamais hésité aux dépenses que représenta le maintien de cette flotte. Revenant à Rome, on retrouve le même sens d'un effort
obstiné dans la réalisation de gigantesques travaux militaires et civils. Ce n'est pas pour rien qu'une maxime favorite romaine
fut : Improbus labor omnia vincit.

b/ Omnium utilitatum et virtutum rapacissimi ( Les plus avides à s'approprier toutes les réalisations et tous les talents utiles )
écrit Pline l'Ancien à propos de ses concitoyens. ( Hist.Nat. XXV.2 ). Au plan militaire les Romains, loin de se lamenter sur leurs
défaites, ou de les enjoliver de la pompe d'un combat malheureux mais glorieux, les ont examinées minutieusement pour en tirer
des leçons afin de déterminer ce qu'il aurait "fallu faire" et ne pas faire pour n'être plus jamais victimes de la même surprise
tactique ou technique.

( Et pourtant, l'arc, cause de lourdes pertes, n'a jamais été admis qu'aux mains d'alliés ? )

Le cas des défaites successives devant Hannibal semble faire exception, mais c'est précisément parce que n esprit imaginatif lui
a permis d'employer des stratagèmes variés devant des troupes solides mais qui, jusqu'à Fabius puis Scipion, avaient été pour le
moins mal commandées.

c/ Les édifices romains, et plus généralement tous les travaux de génie civil, sont imposants mais n'ont pas l'élégance, la grâce
de ceux construits par les Grecs. Il est vrai que ces derniers ont bâti exclusivement dans une zone climatique douce et sèche,
alors que Rome a élevé ses réalisations jusque dans des régions à printemps et automne humides et hivers parfois très
rigoureux. Ceci a d'ailleurs influé sur le choix des matériaux ( pierre "gélive" ou non). Il est certain que si de gracieux monuments
grecs avaient été construits, par exemple, à la place de la "Porta Nigra" de Trèves, il n'en resterait pas grand chose. , Mais
Rome a aussi construit dans des zones de climat comparable à celui de la Grèce, et toujours dans le même style imposant. Il est
évident qu'outre le fait que l'ingénieur-architecte romain préférait faire trop solide de peur de ne pas faire assez ces monuments
visent à impressionner les citoyens et les peuples conquis : leur caractère imposant, majestueux, vise à affirmer la force et la
pérennité de Rome.

d/ Le légionnaire portait aussi ses armes et équipements de combat, ses effets - rustiques - de couchage, un ou deux des
instruments de cuisine du groupe ( d'un pratique surprenant : poêles et casseroles à manches repliables, etc. ), des vivres
éventuellement, etc. Bien que chaque escouade de 8 hommes disposât normalement d'un mulet pour le transport des
équipements collectifs - tente de groupe, meule à blé...- la charge individuelle était importante, et l'ensemble ne donnait ne
donnait qu'un confort plutôt rude.

e/ Archimède avait fourni une première fois, vers -265 une démonstration de l'utilité pratique des ses travaux : le jour où ayant
agencé ingénieusement leviers, moufles et treuils, il remit à l'eau, à lui seul et sans efforts, une galère tirée au sec, chargée de
son équipage et de sa cargaison lorsqu'en -214 Marcellus vint assiéger Syracuse, Archimède - âgé alors de 73 ans - proposa à 
son souverain et ami l'aide de ses machines, on peut penser que si la nouvelle filtra chez les romains, les rudes légionnaires
furent plongés dans une certaine hilarité à l'idée de se voir opposer un vieux mathématicien. ( dans la mesure où le troupier
moyen pouvait se représenter un vieux mathématicien.)

Mais Plutarque décrit l'intervention des machines d'Archimède : La consternation et le silence régnaient sur Syracuse ( Mais dès
qu'Archimède eut commencé à faire jouer ses engins, ils décochèrent contre les troupes une pluie de traits et de pierres
énormes ( renversant et écrasant ceux qu'elles rencontraient, et jetant dans les rangs un désordre terrible.( du côté de la mer,
on voyait sur les murailles de grandes machines qui saisissaient les galères, les soulevaient et, les lâchant tout d'un coup, les
coulaient. D'autres, après les avoir enlevées par la proue, les plongeaient verticalement dans la mer, ou encore les écrasaient
sur les rochers... ( L'épisode de l'incendie des galères par concentration du soleil reflété sur des boucliers de bronze semble tenir
de la légende : l'action est théoriquement possible, mais aurait demandé la production de très nombreux "miroirs" parfaitement
polis, et de distances focales diverses, les porteurs se trouvant nécessairement à diverses distances de la cible. Or cette arme
eut été inutile de nuit ou par temps couvert : Archimède n'aurait pas poussé Hièron II à employer le temps précieux des artisans
de Syracuse pour une arme "aléatoire". En revanche, il semble bien que c'est ce siège qui a fait comprendre à Rome l'intérêt des
machines de jet.)
f/ Un des camps de limes des mieux conservés ( parce qu'implanté dans une zone impropre à l'agriculture ) est celui de
Housestead, du mur d'Adrien. Lui aussi reproduit très exactement, mais en dur le plan général du camp de halte. Le mur
d'Hadrien comportait, du Solway Firth jusqu'à la Mer du Nord, 17 forts ( soit un pour 7 km en moyenne ). Six recevaient une
garnison à dominante de cavalerie, 11 à dominante d'infanterie. La route militaire parallèle au mur permettait les déplacements
rapides vers un point menacé par des Pictes ou Scots. , autres camps, plus en arrière, pouvaient envoyer des renforts. Au total
la garnison du mur, proprement dite, ne dépassait pas 15 000 hommes. Le reste des forces d'occupation, 16 000 hommes, était
réparti dans les garnisons situées à proximité immédiate des principales villes de la "Bretagnex" On a prétendu, après découverte
de tuyaux de poterie enterrés, que les postes de surveillance, les fortins et les camps du mur pouvaient communiquer
immédiatement par ce genre de tuyaux acoustiques...? Un des camps des réserves immédiates, à quelques km en arrière du
mur, Vindolanda - situé sur une seconde route militaire parallèle - a été particulièrement étudié, car bien conservé en zone
exclusive de pâture. Il présente la particularité, par rapport à ceux du mur, de posséder hors de l'enceinte le village des familles
- dont celles, sans doute, des hommes assurant par rotations la garde sur la frontière - et, à côté de ce village, mais sans son
ouvrage léger de protection, la zone de commerce. Les fouilles, exhumant un "mobilier" considérable, ont montré que la plus
grande partie avait été réalisée sur place, parfois avec matériaux ou minerais venus de très loin en arrière.

g/ Polybe. Hist. XXI, 1 à 3 : Pendant que les uns étaient occupés aux chantiers où se construisaient les navires, les autres
rassemblaient des équipages et, sur terre, apprenaient à leurs hommes le maniement des rames. Voici comment ils s'y
prenaient : ils installaient des bancs de nage sur le rivage, y rangeaient leurs hommes dans le même ordre qu'à bord, et
plaçaient un chef qui commandait la manœuvre. On les exerçait à se pencher, tous ensemble, en arrière les mains en avant, à 
se redresser et à se baisser en cadence, en lançant les bras derrière le corps ( à commencer et terminer chaque mouvement au
commandement. Quand ils furent suffisamment préparés et que la construction des vaisseaux fut achevée, on da au lancement
et à quelques expériences sur mer. Puis la flotte partit.

h/ les Hastaires étaient de jeunes gens. Les "Princes" étaient - d'après Polybe - des pères de famille dans toute la force de
l'âge . Rappelons qu'après la réforme de Camille les Hastaires abandonnent la lance et portent exactement le même équipement
que les Princes. Les Triaires étaient des vétérans, encore robustes, mais ne pouvant avoir l'agilité et le "souffle" de leurs
camarades. Le service des armes était du, normalement, par les citoyens de 17 à 46 ans. En cas de crise grave des hommes
valides de 590 ans, voire plus, pouvaient être rappelés. ( Le système suisse, avec selon l'âge, l'"Elite le "Landsturm" et le
"Landwher" rappelle, au moins dans son principe, les usages romains. Nous n'avons pu déterminer si, comme en Suisse, le
citoyen romain réformé ou exempté, versait un supplément d'impôt à la nation : 3 % par an, pendant 30 ans dans les
dispositions helvétiques actuelles.)

i/ La légion comporte alors 10 cohortes, mais de composition non uniforme : la première est à 5 centuries doubles; les II à X, à 
6 centuries simples ( mais le plus souvent utilisées en 3 × 2 centuries ). Au total

64 centuries 80 hommes chacune; 5120 légionnaires, plus les artilleurs, la cavalerie, les Services divers : une légion à effectifs
complets dépassait l'effectif de 6000. On peut noter que le rapport du nombre des pièces d'artillerie, 64 scorpions plus 10
balistes, à celui des combattants n'a jamais été dépassé depuis. ( Mais les effets des traits lourds et des boulets de pierre
seraient, évidemment très inférieurs à ceux de nos obus explosifs sur nos formations, dispersées sur le terrain.)

j/ Polybe( Hist. XVIII, 31 et 32 ) a analysé les raisons fondamentales de la supériorité de la Légion sur la Phalange ( d'où les
victoires de Cynoscéphales, des Thermopyles, de Magnésie et de Pydna ) :" ...c'est qu' la guerre les situations et les champs de
bataille varient à l'infini, alors que la phalange ne peut tenir son rôle que dans des conditions déterminées et sur un seul genre
de terrain. Si les ennemis acceptaient le combat à l'instant et à l'endroit qui convient à la phalange, elle aurait le dessus; mais
du moment qu'il leur est possible, et même facile, de s'y dérober, qu'ont-ils à redouter d'une telle formation ? ( Et si la phalange
quitte un terrain favorable pour livrer bataille, elle se livre à l'adversaire ( puisque dans la phalange les soldats ne peuvent
combattre par petites unités, ni individuellement."

/ C'est déjà, et très bien vu, le problème de mener la guerre sur plusieurs "théâtres d'opérations". La mener sur plusieurs fronts
est concevable si les distances sont assez brèves pour que la manœuvre "par lignes intérieures" permette de porter une armée
depuis l'endroit où elle vient d'écraser l'un de ses adversaires vers un autre des fronts. C'est ce que fera Frédéric II dans sa
petite Prusse; et ce sera encore possible pendant le dernier conflit mondial pour la plus grande puissance industrielle, les Etats-
Unis qui peuvent simultanément entretenir alors des forces formidables en Europe et au Pacifique. Mais la guerre sur deux fronts
est devenue de plus en plus difficile, malgré la vitesse des moyens de communication : transporter une armée motorisée,
mécanisée peut être rapidement réalisé s'il n'y a pas à franchir une mer ou un océan; à plus forte raison s'il s'agit de forces
aériennes ou navales. En revanche énorme logistique ne suit pas et une armée moderne privée de sa logistique ne constitue
qu'une collection de "tas de ferraille".

l/ Déjà, à la fin du deuxième siècle avant notre ère, Polybe déplore les causes de la décadence puis de la soumission de sa
Grèce natale : " Les gens sont tombés dans l'orgueil, la cupidité, la soif de jouissance..." et Pétrone, quelques 250 ans plus tard
constate pour la Rome de Néron ( "Le Satiricon" ) Nous, qui consacrons notre temps aux femmes et la boisson; nous qui n'avons
pas le courage de cultiver les vertus auxquelles d'autres avaient donné l'essor. Dénigreurs de l'antiquité, le vice est la seule
chose que nous apprenons et que nous enseignons. u vu de l'expérience millénaire, faut-il en conclure que la dépravation d'une
société, d'une nation, d'un régime, est un signe annonciateur certain de leur prochaine disparition ?

________

Notes:

109
La date et les circonstances de la fondation "officielle" de Rome - chronologie de Varron - sont manifestement légendaires,
comme l'insinuent très discrètement Tite-Live ou Cicéron : les fouilles modernes ont montré que certaines des "7 collines"
étaient habitées avant -1000. En revanche +476 marque bien la fin de l'agonie de l'Empire d'Occident, avec la déposition, par
Odoacre, du jeune empereur qui, par une ironie de l'Histoire, portait le nom du mythique fondateur : Romulus. ( Romulus
Augustule.)

110
Pendant longtemps le citoyen est l'homme qui possède et cultive une terre où il vit la plupart du temps, sa maison de ville,
s'il en a une, n'étant qu'une sorte de "pied-à-terre". Seul à avoir le droit de rter les armes, il est jugé et estimé par ses pairs
moins par sa richesse que par son dévouement au bien public. ( Cincinnatus, etc.)

111
Le Romain serait décontenancé par notre notion des "droits". Pour lui, droits et devoirs sont les deux inséparables, comme le
verso et le recto d'une médaille. P.ex, seul le citoyen a le droit de porter les armes; mais cet honneur signifie aussi,
implicitement, qu'il en a le devoir.
112
Rappelons que le Romain désigne souvent sa capitale par le mot "Urbs" ( avec une majuscule) : Rome est â Ville par
excellence. ( Le Pape, successeur de Pierre et évêque de Rome, donne encore à Noël la bénédiction "Urbi et Orbi" : à la Ville et
au Monde.)

113
L'antiquité sut assez rapidement que le nombre est un peu supérieur à 3. Archimède montra qu'il est intermédiaire entre 22/7
= 3 1428 et 223/71 = 3 1408, et plus près du second.( = 3 1415926535...)

114
Ce qu'ignorent, semble-t-il, nos modernes astrologues qui ne tiennent pas compte pour l'horoscope de leurs naïfs clients, du
décalage progressif des constellations. Ainsi, le "signe officiel" du Belier recouvre aujourd'hui les Poissons; celui des Poissons, le
Verseau, etc. : dans 23 600 ans nous serons dans la situation où les astrologues du IIème siècle avant notre ère faisaient leurs
prédictions !

115
Année de Numa : 354 jours ( 12 révolutions synodiques de la Lune, soit 12 × 29 5 j ) Année Julienne : 365,25 jours. Année
grégorienne : 365,2425 jours. Année tropique, ( ou vraie ) : 365,2422 jours. Il faudra corriger d'un jour l'année grégorienne tous
les 3300 ans seulement.

116
Les années séculaires ( se terminant par deux zéros ) ne sont pas bissextiles - ex. 1700; 1800; 1900 - sauf celles dont le
nombre de siècles et divisible par 4 - ex. 1600; 2000.

117
Concept très moderne de réserves "stratégiques" de matières premières. Malheureusement si l'Occident est obsédé par le
manque possible de pétrole - le 9-01-91, le baril est passé de 24 à 30 dollars en une heure - ses gouvernements semblent
ignorer que sans platine il n'y a plus de cracking catalytique; que sans quelques kg de métaux rares ( germanium, galium il n'y a
plus de "puces" informatiques : si les livraisons de l'U.R.S.S. et de l'Afrique du Sud, seuls producteurs de certains éléments très
rares, cessent nous sommes ramenés à 40 ans en arrière dans plusieurs domaines "de pointe".

118
Que nous écrivons sans D : Mr. Gaget, ingénieur français chargé d'assembler la statue de la Liberté à New York, avait eu
l'idée de faire fabriquer et emporter aux U.S.A. des milliers de modèles réduits de l'œuvre de Bartoldi, ce qui lui rapporta une
petite fortune. Américanisé en gadget - en raison de la prononciation - le mot désigna ensuite tous les objets curieux mais sans
emploi pratique.

119
Guerres qui semblent limitées à des campagnes assez brèves, de belle saison. Les pertes, limitées d'ailleurs, étaient alors
compensées à la fois par une très forte natalité et une certaine immigration

120
Par conservatisme/tradition, les hommes de la première ligne seront encore les "hastati" - ce qui, pris à la lettre, signifierait
porteurs de l'arme d'hast, la lance - alors que depuis des siècles ils auront reçu les mêmes armes que leurs camarades des 2ème
et 3ème ligne : pilum et glaive.

121
Au Bas Empire, l'Armée ne compte pratiquement plus d'italiens, y compris pour les postes de haute responsabilité : le Romain
estime alors que le métier des armes est trop mal payé pour compenser les affectations lointaines et, parfois, de réels dangers
pour employer l'expression du taciturne colonel Bramble... Comme l'avait fait le Grec 5 siècles plus tôt. Donc troupes de métier,
composée de non-latins, plus dévouées à leurs généraux, proches, qu'à Rome. D'où les multiples "pronunciamentos" amenant au
trône des Empereurs "étrangers" à l'Italie..

122
Les casques d'officiers reçoivent par soudure un appendice porteur d'une sorte de brosse-panache. Ce détail n'est pas
"gratuit" : il permet de les identifier facilement dans le désordre du combat.

123
Ce qui explique pourquoi, dans les régions où des terres furent attribuées à des vétérans - notamment en Occitanie
française, région d'Arles, Nîmes, etc - nous retrouvons sur des tuiles, qu'ils modelaient sur la jambe avant cuisson, la trace
fréquente de cicatrices des retraités.

124
Pente de l'escarpe, au moins, toujours munie de branches appointées, d'épineux, etc., de manière à :

125
Révoltes - locales - en Palestine, en ( Grande) Bretagne, etc.

126
Mais Rome n'est encore qu'une cité-état. L'ager romanicus ne couvre encore que 6400 km2 en -330, ( un de nos
départements ), 8300 km2 en -290, 27 000 km2 en -264 à la veille de la première guerre punique. Toutefois il faut prendre en
aussi en compte les zones déjà soumises : l'ager publicus, beaucoup plus vaste.

127
Car attribué longtemps à Servius Tullius, le roi d'origine étrusque du VIème siècle. Il semble, d'après des travaux récents,
qu'il y ait eu construction - précisément à l'époque servienne - d'une fortification primitive : fossé et remblais couronné très
probablement d'une palissade.

128
Il semble qu'Alaric prit Rome par surprise ou par trahison. La tradition parle de la complicité d'esclaves goths : aucun texte
des écrivains ultérieurs ne parle d'assaut de vive force.

129
Après la réforme de Marius, l'engagé subit un examen médical : taille minimale de 1 70 m longtemps exigée; robustesse
générale; vue et audition; aptitude à la marche : pas de "pieds plats".

130
Entraînement à l'escrime, une fois assimilées les "bottes" principales, avec glaive et bouclier plus lourds que l'équipement
réglementaire, ce qui les fera paraître légers et très maniables au combat. En revanche le pilum d'exercice, pour des questions
de précision de distance de lancement, doit être identique - sauf non-capacité de torsion, nous y reviendrons - à celui de
guerre.

131
Il n'y a que dans les films que les chevaux, sans relais, peuvent soutenir le grand galop pendant des journées entières :
l'animal aurait rapidement une crise cardiaque.

132
Personnage de l'Administration militaire totalement différent, malgré l'homonymie, des questeurs de Rome, ( fonction
politique de gestion des finances de l'État).
133
Dans les faits l'armée se déplaçait alors le plus souvent en plusieurs échelons : au plus vite des formations standard
chargées de de ramener - rudement - le calme dans les zones révoltées ou tendant à passer à la révolte. En deuxième échelon
et solidement escorté, le convoi amenant les outillages et les matériaux introuvables sur place pour construire les machines
spéciales pour le siège des points forts tenus par les rebelles.

134
L'auteur, affecté en Indochine dans un bataillon Génie-Légion, peut témoigner que s'il en est revenu vivant, c'est grâce à 
l'expérience d'un sous-officier qui ne détenait pourtant aucune formation médicale "officielle".

135
Ce type de coup d'état militaire était en germe dans la réforme de Marius, pourtant vieille de plusieurs siècles : quand le
soldat n'est plus le citoyen sous les armes pour défendre son pays, mais un exclusivement un professionnel, il devient plus un
"client" de son général qu'un serviteur de l'État.

136
Dans les temps historiques la centurie n'a jamais été à 100 hommes, comme on le croit souvent, mais à 60 et 30 pour
l'armée de Camille; à 80 et à 72 pour celle de Marius.

137
Sous l'Empire, l'importance attachée au poste de centurion était telle que les états de service de l'intéressé devaient être
examinés à Rome pour approbation ou refus de la proposition d'avancement. Une nomination provisoire pouvait être faite sous la
pression de l'urgence - cas d'un centurion tué ou gravement blessé - mais elle devait être ensuite confirmée par Rome.

138
Nous nous sommes trs étendus sur le cas du centurion. C'est en effet la "cheville ouvriere" de l'arme romaine, tant pour la
formation des recrues que pour mener le légionnaire au combat. Longtemps l'invincibilité de la Légion fut due pour une grande
part à la valeur de ses centurions. Mais cette alité baissa lorsque les troupes devinrent statiques aux "limes" : le centurion, au
lieu d'être au contact permanent de ses hommes, vécut en famille, en se limitant à aller "faire un tour" - de plus en plus réduit -
à la caserne.

139
Organisation théorique, à pleins effectifs, ce qui était rarement le cas.

140
C'était encore, sous une autre forme et désignation, la triple ligne des hastaires, principes et triaires : le romain, nous
l'avons dit, est très conservateur.

141
"Enseigne" à ne pas confondre avec celle, spécifique, de chaque légion, qui était l'équivalent de nos drapeaux régimentaires.

142
A l'origine l'enseigne d'une légion était à l'effigie d'un loup, d'un aigle, etc. Marius fit de aigle l'emblème unique de toutes les
légions, mais la "standardisation" ne fut jamais totale. Sous Empire, l'enseigne de légion portait aussi un médaillon représentant
l'empereur, voire un autre de l'impératrice, plus les décorations méritées par cette légion, et la touffe symbolique de gazon du
sol romain. ( Cet étendard, sacré, ne pouvait donc être exposé dans les premiers rangs, pour signalisation.)

143
Lors du débarquement en (Grande) Bretagne, César rapporte que les soldats hésitant à sauter dans une mer assez
profonde, le légionnaire portant l'aigle de la Xème légion s'élança dans l'eau, exhortant ses camarades à le suivre + ...si vous ne
voulez pas livrer votre aigle l'ennemi ! + Alors les nôtres, s'exhortant entre eux ne pas subir un tel déshonneur, sautèrent tous,
comme un seul homme. ( G.des.G. IV.25). ( Avec de tels détails, réel ou imaginés, César tient son lecteur de Rome en haleine,
comme le ferait un de nos "grands reporters". Mais c'est là un exemple du caractère sacré de l'enseigne de légion.)

144
L'emploi du fer entraîne, par rapport au bronze, l'inconvénient d'un entretien beaucoup plus fréquent et minutieux que le
bronze. Cet inconvénient alla croissant avec les conquêtes vers le Nord et le Nord- Ouest. Si les auteurs romains n'en font
guère mention, il est certain que le problème se posa pour les contrées particulièrement froides et humides, ce qui explique
pourquoi les fouilles pratiqués en Ecosse, mur d'Hadrien et camps permanents ) ont exhumé une proportion "anormale" d'objets
de bronze. Il est vrai que la (Grande) Bretagne était un fournisseur des minerais de l'alliage.

145
L'expression Inde rem ad triarios redisse - les triaires ( sont alors ) la dernière ressource - passa dans le langage courant
pour désigner une situation, quelle qu'elle soit, désespérée ou presque.

146
Le pilum est une arme, plus lourde que le javelot de compétition : ordre de 1300 g et 950 g pour, respectivement le lourd et
le léger. Par ailleurs il est lancé sans élan ( pour éviter le désordre). L'athlète moderne bénéficie d'un élan de 36 50 m pour
lancer son javelot de 800 g.

147
Qui, au combat, ne saurait prendre le temps de poser son bouclier, placer un pied dessus, et extraire la pointe du pilum.

148
L'iconographie et la sculpture romaines, elles mêmes, ne représentent jamais un archer identifiable comme romain.

149
Les précipitations annuelles en Toscane-Etrurie sont supérieures à celles relevées à Brest.

150
Lors d'essais pratiqués devant le Kaiser Guillaume II par une machine reconstituée sous la direction in Schram, il arriva à 
plusieurs reprises qu'un trait fende celui tiré précédemment sur la cible.( Tous axes de visée bloqués, naturellement, et pieds
solidement fixés au sol.)

151
Cette polyvalence existe encore beaucoup dans les régiments de notre actuelle Légion Étrangère, mais elle est devenue
exceptionnelle dans les armées modernes... On peut se demander pourquoi.

152
Il faut cumuler les facteurs démographiques, génétiques et sociaux :- Auguste, déjà, se préoccupe de la baisse de la
natalité chez les citoyens romains. Nous avons dit que les dispositions "natalistes" qu'il avait prises furent assez rapidement
tournées, puis ouvertement bafouées et abandonnées.- Rome a peut-être trop fait la guerre, et avec les éléments les plus
sains. Quand, génération après génération, ces éléments sains - physiquement et moralement - sont décimés, peu à peu la
population est engendrée - et est élevée/éduquée - par les faibles et les "planqués". On ne peut guère en attendre une
tendance apte à l'effort et aux sacrifices.

153
Il semble qu'en l'absence de cavalerie aux ailes, le rôle principal de l'infanterie légère soit de défendre ces ailes contre un
débordement, encore que la souplesse de manœuvre de l'Armée lui permette de se former en ou inversé, en U voire en carré.
Aucun texte ne permet de savoir si une partie des ces "tirailleurs" reste derrière la ligne au combat, en la soutenant par des
lancers de projectiles au dessus d'elle. ( Un tel emploi pouvait dépendre de la situation, et aussi des préférences du
Commandant.)

154
Pour le lecteur qui n'a pas connu la guerre, indiquons qu'il est très démoralisant d'être soumis au feu ennemi sans pouvoir y
riposter, même de manière presque symbolique. C'est pourtant le sort de certaines Armes, comme le Génie, qui travaille à 
l'établissement d'un pont, ou démine sous le feu sans pouvoir répondre faute des moyens nécessaires, ni le devoir, car sa
mission est autre.

155
Peu de nations, au cours de la phase d'extension de plusieurs siècles, ont essuyé des défaites aussi sanglantes que Rome.
Mais dans cette période de forte natalité et de farouche détermination du pouvoir politique, ces défaites furent toujours
considérées comme des revers passagers.

156
Ceci explique mieux - sans l'excuser - l'acharnement mis par Rome à poursuivre Hannibal de refuge en refuge, jusqu'à l'avoir
acculé à être pris ( et sans doute torturé avant d'être tué ) ou à se donner la mort, ce qui fut son choix : même le petit
royaume de Bithynie semblait dangereux si son Roi, (Prussias ) venait à confier l'embryon d'armée à son hôte. ( Hannibal,
prenant le poison, aurait dit : + Dlivrons le peuple romain d'inquiétude, puisqu'il n'a pas la patience d'attendre la mort d'un
vieillard.+ , De manière plus générale, les romains ne furent pas, et de loin, des modèles de modération vis à vis des vaincus, et
tout particulièrement de leurs chefs.

157
Ego sum civis romanus ! L'emploi du pronom personnel, inutile dans les phrases courantes, ajoute à l'emphase des mots :
Moi, je suis citoyen romain. On retrouve encore cette forme dans la langue occitane qui dérive du latin de manière beaucoup
plus proche que le français : L'ay fatch, je l'ai fait; mais Iou l'ay fatch ! c'est moi ( c'est bien moi ) qui l'ai fait !

158
Ainsi, Rome profite de la longue pause entre la seconde et la troisième des guerres puniques pour régler la question d'Orient
en battant Philippe V de Macédoine - pourtant allié prudent de Carthage - puis Antiochos parce qu'allié de Philippe, et à 
nouveau la Macédoine : les campagnes se déroulent de -197 168. Après avoir mis son ordre dans la péninsule greco-
macédonienne, Rome est prête à liquider définitivement le problème carthaginois.

159
P.ex, traités arrangés de telle sorte que l'autre partie soit amené à en violer la lettre quoique respectant l'esprit; incident de
frontière; reproche d'un ancien soutien à un ennemi de Rome; offenses intolérables à des citoyens romains. Au besoin le grief
est "mis en réserve" pendant des décennies. ( Puis, avec campagne de propagande interne, la guerre est présentée comme
inévitable, car ne pas la faire serait contraire à la sécurité et à la dignité du Peuple et du Sénat romains.

160
Déjà Marc Aurèle dans des moments d'urgence fut contraint à renforcer l'Armée par des expédients fournissant des effectifs,
mais de valeur plus que médiocre ; esclaves encadrés par des gladiateurs et même, pirates dalmates recrutés comme auxiliaires.
( On ne fait pas une armée avec la lie de la société : beaucoup plus près de nous les "joyeux" - unités actuellement disparues -
ce qui revient à saupoudrer de voyous le contingent - ne se sont jamais illustrés au combat.

161
De plus - nous en avons parlé - la mise en place statique de cette armée tout le long des limes, sans réserves stratégiques
centrales, fut une grave erreur . Comme le dira Frédéric II : + Celui qui veut tout garder ne garde rien.+

162
On notera la bizarre absence à Rome d'une Académie militaire, malgré les multiples conflits extérieurs. Il semble que l'on ait
jugé que le métier d'officier ne s'apprend que sur le terrain. , pourtant, on peut penser qu'une formation théorique, puis un
"recyclage" avant d'arriver aux échelons élevés - futur Commandant de Légion par exemple - auraient pu éviter bien des
déconvenues.

163
Polybe - grec présent à Rome comme otage pendant 16 ans - se veut historien. Mais son oeuvre est très axée sur les
problèmes militaires : il constitue pour nous, 200 ans avant, une source d'un intérêt très voisin de celui qu'offre Végèce.

164
Effectifs théorique 400 000, mais ne tenant pas compte des malades, des indisponibles pour raisons diverses, des Services
et de l'Administration, de la Garde Prétorienne, etc.

165
Et de leurs chariots de transport. A noter la possibilité d'emploi des engins légers sans les débarquer de leur moyen de
transport, ce qui en permet un déplacement rapide, à bras, en cours de bataille. Nous ne savons pas quelles furent les
dispositions prises pour que ces machines - portant alors le nom de "carobalistes" - ne soient pas dépointées à chaque coup par
le recul.

166
Il existe aussi des équivalents de nos règlements de Service en Campagne ( Caton, etc ). Mais ce ne sont pas des ouvrages
tactiques, comparables à nos Règlements d'emploi de... encore moins opératiques et stratégiques. ( "Règlements d'emploi"
d'ailleurs en voie de disparition sous la pression conjuguée des progrès techniques et - en France au moins - des si fréquentes
réformes de structure : même la Notice provisoire sur l'emploi de ( la brigade mécanisée, le régilment de chars, la division blindée
etc ) est généralement périmée à sa sortie de la ronéo.)

 
  Copyright www.stratisc.org - 2005 - Conception - Bertrand Degoy, Alain De Neve, Joseph Henrotin  
   

Vous aimerez peut-être aussi