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Mourgeon Jacques. Les pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme. In: Annuaire français de droit international,
volume 13, 1967. pp. 326-363;
doi : https://doi.org/10.3406/afdi.1967.1935
https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1967_num_13_1_1935
Sommaire
INTRODUCTION
I. Une œuvre indispensable
II. Une œuvre universaliste
III. Une œuvre de synthèse
PREMIERE PARTIE : LA RECONNAISSANCE INTERNATIONALE DES DROITS
I. Le contenu de la reconnaissance
II. La portée de la reconnaissance
DEUXIEME PARTIE : LA PROTECTION INTERNATIONALE DES DROITS
I. Les difficultés de la protection
II. Les modalités de la protection
CONCLUSION
INTRODUCTION
(9) Charte, préambule, al. 2; art. 1er : « Les buts des Nations Unies sont les suivants :
...réaliser la coopération internationale ...en encourageant le respect des droits de l'homme et
des libertés fondamentales » ; art. 55 : « ...les Nations Unies favoriseront ...le respect universel
et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».
(10) Les organes subordonnés sont nombreux. Il faut mentionner, principalement : la
Commission des droits de l'homme à laquelle sont liés la Sous-Commission de la lutte contre
les mesures discriminatoires et pour la protection des minorités, le Comité des rapports
permanents sur les droits de l'homme, le Comité pour l'année internationale des droits de
l'homme (1968), le Comité préparatoire de la Conférence internationale des droits de l'homme
(prévue pour 1968 à Téhéran) ; la Commission de la condition de la femme ; le Comité spécial
de l'apartheid ; le Comité spécial des vingt-quatre, ou Comité de la décolonisation.
Sur l'importance des garanties des droits autres que juridiques (rapports, études
programmes...), cf. J.P. Humphrey, The United Nations and human rights, Howard Law Journal,
vol. 11-2, 1965, p. 373 et suiv.
(11) Ainsi le Comité des rapports permanents sur les droits de l'homme est indirectement
subordonné, à travers la Commission des droits de l'homme, aux organes principaux et plus
particulièrement au Conseil économique et social.
(12) Le principe de la subordination des organes spécialisés est parfois, en pratique,
sérieusement mis en échec. C'est ainsi que le Comité des vingt-quatre a pris en fait une
grande importance et qu'il se comporte en réalité comme un organe indépendant.
(13) Ainsi des nombreuses résolutions de l'Assemblée générale condamnant la politique
d'apartheid en Union sud-africaine, ou encore ses prises de position lors de la révolution
hongroise de 1956 (cf. E. Schwelb, The United Nations and human rights, Howard Law Journal,
précité, p. 356 et suiv.).
LES PACTES RELATIFS AUX DROITS DE L'HOMME 329
(14) II n'entre pas dans notre propos de reprendre ici la vaste controverse relative à la
portée juridique, à l'égard des Etats membres, des résolutions émanant de l'O.N.U. Il suffit ici
de rappeler que la pratique des Etats et une importante partie de la doctrine s'orientent vers
la négation de leur force obligatoire.
(15) Outre la Déclaration universelle des droits de l'homme (10 déc. 1948) , il faut
mentionner : la déclaration sur les droits de l'enfant (7 nov. 1959), la déclaration sur l'octroi de
l'indépendance aux pays et peuples coloniaux (nov. 1960) , la déclaration sur l'élimination de
toutes les formes de discrimination raciale (déc. 1963). Un projet de déclaration sur
l'élimination de la discrimination à rencontre de la femme est actuellement en cours d'élaboration,
(cf. Chron. mensuelle de VO.N.U., 1967, n° 10, p. 42).
(16) Sur la Déclaration universelle, suffisamment connue et commentée pour que nous
puissions nous dispenser d'y insister, cf. B. Mirkine-Guezevitch, L'O.N.U. et la doctrine
moderne des droits de l'homme, R.G.D.I.P., 1954, p. 505 et suiv.; N. Robinson, The universal
declaration of human rights, 1958 ; R. Cassin, La Déclaration universelle et la mise en œuvre
des droits de l'homme, R.C.A.D.I., 1951 (II), p. 271 et suiv.
(17) Le plus souvent, la Déclaration universelle n'a pas été incorporée au droit interne,
mais seulement mentionnée en référence dans des préambules de constitutions, dont la portée
juridique est des plus incertaines ; ainsi dans le préambule de la constitution de la République
démocratique du Congo (Kinshasa) du 24 juin 1967 : « Nous, peuple congolais, proclamons
notre adhésion à la Déclaration universelle des Droits de l'Homme ». On sait qu'il fut jugé
en France que la Déclaration, bien que publiée au Journal Officiel, n'est pas assimilable à un
traité ayant force de loi en droit interne (Conseil d'Etat, 18-4-1951, Elections de Nolay, Recueil
Lebon, p. 189; Conseil d'Etat, 11-5-1960, Car, Journ. du droit internat., 1961, p. 404).
(18) L'appellation « pacte » n'affecte en rien la nature juridique du texte ainsi désigné.
(19) Les principales conventions émanant de l'O.N.U. sont : la conv. sur la prévention et
la répression du crime de génocide, 9-12-1948 (Annuaire des droits de l'homme, 1948, p. 555) ;
la conv. relative à la répression de la traite des femmes et des enfants, 2-12-1949 (eod. loc,
1949, p. 443) ; la conv. relative au statut des réfugiés, 27-5-1951 (eod. loc, 1951, p. 680) ; la
conv. sur les droits politiques de la femme, 20-12-1952 (eod. loc, 1952, p. 422) ; la conv.
relative au statut des apatrides, 23-9-1954 (eod. loc, 1954, p. 383) ; la conv. supplémentaire
relative à l'abolition de l'esclavage, 4-9-1956 (eod. loc, 1956, p. 301) ; la conv. sur l'élimination
330 ORGANISATION DES NATIONS UNIES
n° 1,toutes
de p. 117).
les formes
Une convention
de discrimination
sur l'élimination
raciale, de
21-12-1965
toutes les(Chron.
formesmensuelle
d'intolérance
de l'O.N.U.,
religieuse1966,
est
actuellement en cours d'élaboration (cf. Chron. mensuelle de l'OJi.U., 1967, n° 10, p. 45).
Certaines institutions spécialisées ont apporté une importante contribution à cette œuvre ;
ainsi l'U-N.E.S.C.O. : convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine
de l'enseignement, 14-12-1960 ; et surtout l'O.I.T. : conv. sur le droit d'association, 11-7-1947
(Annuaire, 1947, p. 489) ; conv. concernant la liberté syndicale et la protection du droit
syndical, 10-7-1948 (eod. loc, 1948, p. 491) ; conv. sur l'égalité de rémunération entre la main-
d'œuvre masculine et féminine pour un travail de valeur égale, 29-6-1951 (eod. loc, 1951,
p. 549) ; conv. relative à l'abolition du travail forcé, 25-6-1957 (eod. loc, 1957, p. 311) ; conv.
relative à la discrimination en matière d'emploi et de profession, 25-6-1958 (eod. loc, 1958,
p. 315).
(20) C'est le cas, par exemple, de la convention relative à la répression de la traite des
femmes et des enfants.
LES PACTES RELATIFS AUX DROITS DE L'HOMME 331
8. — Les Pactes et le Protocole peuvent être ainsi qualifiés car ils sont
et resteront l'œuvre de l'O.N.U. seule, et parce qu'ils ont vocation à régir la
quasi-totalité de la société internationale.
(22) Le passage identique dans les préambules des Pactes et dans celui de la Déclaration
universelle est le suivant : « ...la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres
de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la
liberté, de la justice et de la paix dans le monde ».
(23) II est à remarquer que les Pactes font état « des droits et des libertés de l'homme »
sans restriction, tandis que la Déclaration vise « des droits de l'homme et des libertés
fondamentales ».
(24) Une obligatoire brièveté nous contraint à renvoyer sur ce point le lecteur à,
notamment : Draft international covenants on human rights, document préparé par le Secrétariat
général (U.N./A/2929, 1955, p. 5 et suiv.) ; Revue des Nations Unies (de 1955 à 1964) ; Chron.
mensuelle de l'O.N.U. (depuis octobre 1964). L'important cours précité de R. Cassin contient
de nombreuses indications utiles relatives au travail de la Commission des droits de l'homme
dans ce domaine. Par ailleurs, il n'a rien perdu de son actualité en ce qui concerne les
problèmes et difficultés soulevés par les textes ici étudiés.
LES PACTES RELATIFS AUX DROITS DE L'HOMME 333
ne soit pas progressivement anéanti l'effort dont ils sont autant le résultat
que l'expression, et à éviter de mettre en échec la volonté d'universalisme
qu'ils traduisent. Il faut montrer à présent que celle-ci apparaît aussi dans
le fait qu'ils ont vocation à régir la quasi-totalité de la société internationale.
13. — C'est ce que révèle l'examen des conditions d'ouverture des Pactes
et du Protocole, et celui des conditions de leur entrée en vigueur.
14. — Les Pactes sont ouverts aux Etats membres de l'O.N.U. ou de l'une
de ses institutions spécialisées, aux Etats parties au statut de la C.I.J.,
ainsi qu'à tout autre Etat invité par l'Assemblée générale à y devenir
partie (40). Le Protocole complémentaire du P.i.d.c. est ouvert à tout Etat
partie à ce dernier. La formule ainsi retenue est la plus large de celles
pratiquement concevables (41) .
D'autre part, il est spécifié que les dispositions des trois textes «
s'appliquent sans limitation ni exception aucune, à toutes les unités constitutives
des Etats f édératif s » (42) . En revanche, rien n'est indiqué quant à leur
application à des territoires non étatiques administrés par des Etats (43) .
Mais il ne s'agit que d'une « ouverture », c'est-à-dire d'une possibilité
d'application. Or il est aussi important de savoir si un texte s'imposera ou
non, que de savoir quels Etats il est susceptible de régir. Les conditions
d'entrée en vigueur des Pactes et du Protocole répondent à cette question.
15. — Elles se sont modifiées au fil de l'élaboration des textes, en fonction
de l'accroissement des membres des Nations Unies, et des fluctuations de
l'opinion majoritaire sur ce point (44). Les textes définitifs disposent que
les Pactes entreront en vigueur trois mois après la date du dépôt, auprès
du Secrétaire général de l'O.N.U., du trente-cinquième instrument de ratifi-
16. — L'O.N.U. s'est efforcée de réaliser une œuvre qui recouvre tous
les aspects de la reconnaissance et de la protection internationales des
droits et des libertés. Il faut constater qu'elle y est parvenue dans une
large mesure malgré les difficultés qu'elle avait à surmonter. Toutefois, elle
n'a pu aller jusqu'à proposer aux Etats la loi internationale unique que
certains avaient espérée.
17. — Plusieurs conditions étaient à réunir pour que les Pactes
apparaissent comme une véritable œuvre d'ensemble.
23
338 ORGANISATION DES NATIONS UNIES
(52) Par exemple, le droit à la vie implique certainement que nul ne soit « arbitrairement
privé de la vie » (P.i.d.c, art. 6) mais aussi que les pouvoirs publics luttent contre la
mortalité et notamment contre la mortalité infantile (P.i.d.é.s., art. 12-2).
(53) Sont similaires dans les deux Pactes : les préambules (sous réserve de ce que nous
écrirons infra, note suivante), les dispositions relatives au droit des peuples à disposer d'eux-
mêmes, les dispositions générales sur la non-discrimination, pour une part les clauses de
sauvegarde (art. 5 des deux Pactes), et les clauses finales.
(54) Le préambule du P.i.d.é.s. vise les « conditions permettant à chacun de jouir de ses
droits économiques, sociaux et culturels, aussi bien que de ses droits civils et politiques ».
Le préambule du P.i.d.c. vise les « conditions permettant à chacun de jouir de ses droits civils
et politiques, aussi bien que de ses droits économiques, sociaux et culturels ». C'est nous qui
soulignons. La complémentarité des Pactes est ainsi bien mise en évidence.
(55) Cf. infra, § n° 35 et suiv.
(56) Aux termes du P.i.d.é.s. (art. 8-2) il peut être apporté des restrictions à l'exercice
du droit syndical « par les membres des forces armées, de la police, ou de la fonction
publique ». Or, aux termes du P.i.d.c. (art. 22-2), il peut être apporté des restrictions à l'exercice
340 ORGANISATION DES NATIONS UNIES
craindre qu'ils n'attirent pas tous deux les mêmes Etats, si bien que l'on
aboutirait à deux régimes internationaux des droits de l'homme qui ne
se compléteraient pas. L'œuvre de l'O.N.U. serait alors gravement compromise
et altérée dans l'un de ses aspects essentiels, car elle cesserait d'être globale.
C'est pourtant à l'inverse que l'on a tendu. Il est clair que, malgré la
dualités de textes, les rédacteurs ont voulu réaliser une œuvre d'ensemble
et non pas une pluralité d'œuvres partielles. Les Pactes sont intimement
liés, et l'un ne peut répondre sans l'autre à ce que l'on attend de lui. Cette
relation apparaît lorsqu'on les considère ensemble pour analyser l'essentiel
de leurs dispositions intéressant d'une part la reconnaissance internationale
des droits (première partie) et d'autre part la protection internationale des
droits (deuxième partie).
PREMIERE PARTIE
19. — Reconnaître des droits, c'est les énoncer, les proclamer. Par là,
c'est donner un contenu à la reconnaissance (I). Mais c'est aussi,
inévitablement, les accompagner de conditions et de restrictions, et ainsi conférer à la
reconnaissance des droits une certaine portée (II).
I. — Le contenu de la reconnaissance
20. — Une énonciation n'est significative que si l'on connaît ses aspects
tant positifs que négatifs. Il ne faut donc pas seulement dire quels sont les
droits reconnus par les Pactes et, ce faisant, décrire le domaine (A) de la
reconnaissance, mais aussi relever les imprécisions et les lacunes de la
reconnaissance, donc ses limites (B).
de ce droit « par les membres des forces armées et de la police » seulement. A supposer qu'un
Etat soit lié par les deux Pactes ratifiés en même temps, comment décider si le droit syndical
peut ou non être restreint au détriment des fonctionnaires ?
Le problème n'est d'ailleurs pas seulement celui de la compatibilité des Pactes
entre eux, mais aussi celui de la compatibilité des Pactes avec d'autres instruments
internationaux liant les Etats parties aux Pactes. Ceux-ci l'ont parfois résolu par des dispositions
expresses (P.i.d.c, art. 6, visant la convention pour la prévention et la répression du crime
de génocide ; P.i.d.é.s., art. 8-3 et P.i.d.c, art. 22-3, visant la convention de 1948 de l'O.I.T.
concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical). Mais les Pactes peuvent
être en concurrence avec plusieurs autres conventions (cf. supra, note 19), et soulever ainsi
des difficultés sérieuses de ...coexistence.
LES PACTES RELATIFS AUX DROITS DE L'HOMME 341
— A —
21. — Chacun des Pactes tend, nous l'avons vu, à englober une catégorie
de droits.
Le P.i.d.c. mentionne d'une part les droits inhérents à la personne (57) , et
d'autre part les droits permettant la participation de l'individu à la vie de la
Cité (58). Le P.i.d.é.s. recouvre, conformément à son appellation, un grand
nombre de droits intéressant la situation matérielle de l'individu (59).
L'énumération qu'ils contiennent s'accompagne de plusieurs précisions
quant au contenu même des droits. Souvent, les rédacteurs ont fait effort de
minutie afin que la reconnaissance des droits ne se réduise pas à une mention
vague car trop générale, mais qu'elle ait une signification réelle car précise.
Ceci apparaît à la lecture de plusieurs des articles des Pactes (60) . En outre, on
constate que l'O.N.U. s'est efforcée de tenir compte des différenciations qui
distinguent les destinataires des Pactes (61), de même qu'elle a insisté sur
l'aspect international de la reconnaissance à laquelle elle procéda (62) .
Si donc cette dernière recouvre un contenu riche et diversifié, elle n'est
cependant pas entière car elle connaît des limites.
Certains droits n'y figurent pas, alors qu'ils ont été mentionnés dans la
Déclaration universelle. Ainsi en est-il du droit de propriété, délibérément
passé sous silence pour ne pas heurter les Etats socialistes. Il en est de même
du droit d'asile. Ou bien, un droit reconnu dans l'un des Pactes a un contenu
moindre que celui décrit dans la Déclaration universelle (63) . Il est vrai
que les rédacteurs ont considéré que les Pactes opèrent reconnaissance d'un
minimum, si bien qu'ils ne peuvent pas être invoqués à l'encontre d'autres
règles (internes ou internationales) reconnaissant des droits que les Pactes
ignorent ou qu'ils énoncent avec moins d'insistance (64) .
Mais ce minimum n'est pas nettement délimité, pour la simple raison que
plusieurs articles des Pactes se prêtent à des interprétations aussi nombreuses
que les Etats parties. Il est certain que le droit à « l'enseignement primaire »
gratuit (65) n'a pas la même signification dans un pays en développement que
dans un Etat développé où la scolarité est plus longue ; de même que le droit,
pour l'individu, de recevoir notification « dans le plus court délai » de toute
accusation portée contre lui (66) est aussi variable que sont différentes les
législations des Etats parties. Or, ces exemples ne sont pas limitatifs (67).
Enfin, le contenu de la reconnaissance est indirectement limité par les
dispositions des Pactes relatives à la portée de la reconnaissance.
23. — Un droit n'est pleinement reconnu qu'à deux conditions : d'une part,
s'il est dévolu en jouissance, c'est-à-dire si l'on admet que l'individu en est le
bénéficiaire au moins virtuel ; d'autre part s'il est accordé dans des conditions
telles qu'il puisse être effectivement exercé.
Or, si les conditions de jouissance (A) des droits posées par les Pactes
n'affectent pas la portée de la reconnaissance des droits, il n'en est pas de
même des conditions auxquelles leur exercice est subordonné (B).
— A ——
24. — Dans l'esprit des auteurs des Pactes, la première des conditions à
réunir pour que l'homme jouisse véritablement de ses droits est que le peuple
(63) Tandis que la Déclaration envisage « un recours effectif devant les juridictions
nationales compétentes », le P.i.d.c. se borne à reconnaître un droit de « recours utile »
devant « l'autorité compétente ».
(64) P.i.d.é.s.. art. 5-2 ; P.i.d.c. art. 5-2.
(65) P.i.d.é.s., art. 13-2-a.
(66) P.i.d.c, art. 9-2.
(67) Mentionnons les dispositions relatives aux « conditions de travail justes et
favorables » (P.i.d.é.s., art. 7), celles relatives à l'objection de conscience (P.i.d.c, art. 8-3-c-ii), et
toutes celles interdisant d'agir « arbitrairement ».
LES PACTES RELATIFS AUX DROITS DE L'HOMME 343
(68) Le droit à la souveraineté sur les ressources naturelles fut proclamé par des
résolutions de l'Assemblée générale en 1952 et plus nettement en 1962 (cf. G. Fischer, La
souveraineté sur les ressources naturelles, A.F D.I., 1962, p. 516 et suiv.).
Les autres articles sont les art. 25 du P.i.d.é.s. et 47 du P.i.d.c, ainsi rédigés : < Aucune
disposition du présent Pacte ne sera interprétée comme portant atteinte au droit inhérent de
tous les peuples à profiter et à user pleinement et librement de leurs richesses et ressources
naturelles ».
(69) Les art. 1" des Pactes font bénéficier les territoires non autonomes du droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes, ce qui implique pour eux un droit à l'indépendance. Dans
son art. 73, relatif aux territoires non autonomes, la Charte n'évoque pas, même implicitement,
cette éventualité.
(70) Déclaration du 28-11-1960 (cf. Rev. des Nations Unies, janv. 1961, p. 98).
344 ORGANISATION DES NATIONS UNIES
de ses droits (71) . A l'inverse (et cette position est notamment celle des Etats
nouveaux) , on a soutenu qu'il n'y a pas de liberté pour l'homme dans un
peuple asservi, et que la libre détermination de chacun passe par la libre
détermination de tous. En d'autres termes, « il ne peut y avoir de jouissance des
droits de l'homme s'il n'y a pas jouissance du droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes... On a considéré que le droit des peuples à disposer d'eux-
mêmes est le premier de tous les droits de l'homme et qu'il est la condition de
la jouissance des autres droits de l'homme » (72) .
Quelle que soit l'opinion que l'on entretienne, il faut admettre qu'un texte
soulevant autant de passions et de difficultés d'interprétation n'est pas fait
pour favoriser l'entrée en vigueur et une large application des Pactes.
25. — La seconde condition de jouissance des droits est à la fois plus
traditionnelle et moins sujette à controverses, puisqu'elle consiste dans
l'obligation de non-discrimination. Connaissant le souci des Nations Unies d'éliminer
toutes les formes de discrimination, on ne sera pas surpris de constater qu'elles
énoncent cette obligation avec une insistance particulière ; d'une part de façon
très générale, tout en prévoyant curieusement son assouplissement en faveur
des pays en voie de développement (73) ; d'autre part en la rappelant à propos
de certains droits (74).
Bien que stipulée en ce qui concerne l'exercice des droits, l'obligation de
non-discrimination intéresse au premier chef la jouissance des droits,
puisqu'elle interdit de priver une catégorie d'êtres humains de la qualité de
bénéficiaires des droits. Il est certain, toutefois, qu'elle conditionne largement
l'exercice des droits,, puisqu'elle impose, tant à la puissance publique qu'aux
particuliers, de n'introduire aucune différenciation dans la mise en œuvre des
droits. Mais elle n'est alors qu'une condition d'exercice parmi d'autres, qui sont
assez sévères pour considérablement restreindre la portée de la reconnaissance
des droits et libertés.
— B —
Cependant, une obligation de cette nature implique, elle aussi, que soient
adoptées des lois, et, plus généralement, prises des mesures permettant une
protection et une garantie effectives de ces droits : lois de procédure, lois
réprimant les atteintes aux droits, lois relatives aux réunions, aux moyens
d'expression, etc. Par conséquent, l'exercice des droits mentionnés dans le
P.i.d.c. est très largement conditionné par les décisions de la puissance
publique qui, a priori du moins, peuvent lui être aussi bien favorables que funestes.
30. — De façon plus générale d'ailleurs, il apparaît que les trois catégories
de restrictions à l'exercice des droits que nous venons de décrire réservent une
place considérable au pouvoir discrétionnaire des Etats. Qu'il s'agisse de
l'interdiction faite aux groupements et aux individus d'accomplir des actes visant
à détruire les droits et libertés reconnus par les Pactes ; de l'exercice du droit
de limitation par l'édiction de lois internes, ou de l'exercice du droit de
dérogation; ou de prendre des mesures permettant le développement ou la
protection des droits, dans tous les cas les Pactes s'en remettent aux Etats
et abandonnent au Pouvoir le soin d'être seul juge des limites dans lesquelles
pourront être exercés les droits qu'ils reconnaissent.
Il est vrai que l'on ne peut aboutir à une solution inverse qu'après avoir
franchi les obstacles constitués par les souverainetés. Nul projet de traité
multilatéral relatif aux droits de l'homme, si grandiloquent soit-il et si
nombreux qu'en aient été les auteurs, ne peut, par lui-même, porter atteinte au
monopole que l'Etat possède sur les conditions de jouissance et d'exercice des
droits de l'homme, bref, sur leur régime. Il ne peut y être mis fin que dans
la mesure où les Etats acceptent de se soumettre à un contrôle international,
DEUXIEME PARTIE
31. — Le principal mérite des Pactes est de révéler une tentative sérieuse
effectuée en faveur de cette protection. Elle a pu aboutir à des résultats
appréciables, mais d'une complexité qui, de prime abord, peut déconcerter. Pour
l'expliquer et la comprendre, il faut avoir présentes à l'esprit les difficultés de
la protection internationale des droits de l'homme (I), avant d'analyser les
modalités de la protection (II) .
32. — Les principales d'entre elles sont d'ordre politique (A). D'autres
corrélatives de celles-ci, sont d'ordre technique (B).
(84) Cf. H. Lauterpacht, op. cit., p. 17 et suiv.; R. Cassin, op. cit., p. 251 et suiv.; S.
Glaser, Les droits de l'homme à la lumière du droit international positif, dans Mélanges Rolin,
1964, p. 112 et suiv. ; R. Brunet, La garantie internationale des droits de l'homme depuis la
Charte de San Francisco, Rev. égyptienne de droit international, 1950, p. 110 et suiv.
LES PACTES RELATIFS AUX DROITS DE l'hOMME 349
— B —
(85) Une autre distinction est celle faite entre les techniques politiques, juridictionnelles,
et parajuridictionnelles (cf. G. Guyomar, Nations Unies et organisations régionales dans la
protection internationale des droits de l'homme, R.G.D.I.P., 1964, p. 687 et suiv.).
350 ORGANISATION DES NATIONS UNIES
35. — Chacun des Pactes met en œuvre une technique de protection qui
lui est propre. Parce que les droits économiques, sociaux et culturels (A) sont,
pour la plupart, des droits à « développer » plutôt qu'à « respecter » (86) , leur
protection doit reposer sur le contrôle de ce développement plutôt que sur une
mise en accusation de l'Etat manquant, par défaillance ou par négligence, à la
tâche que le P.i.d.é.s. lui assigne. C'est d'autant plus nécessaire que la
majorité des Etats susceptibles d'être partie au Pacte sont des Etats en
développement, souvent incapables d'atteindre rapidement les objectifs désignés
dans le Pacte. C'est pourquoi le contrôle doit consister davantage à aider les
Etats à atteindre ces objectifs, qu'à les sanctionner au motif de leur incapacité
ou de leur indigence. En conséquence, la protection de ces droits repose
principalement sur l'investigation.
En revanche, le respect et la garantie des droits civils et politiques
n'impose pas aux Etats une action difficile et de longue haleine, mais une simple
tâche de préservation. De plus, la violation d'un droit de cette nature est
aisément déterminable puisqu'il est porté atteinte à une prérogative préexistant
à la violation, tandis qu'il est plus difficile de cerner la violation d'un droit
économique ou social, droit potentiel et à développer bien plutôt que droit
déjà existant. C'est pourquoi la protection des droits civils et politiques (B)
repose sur la mise en accusation de l'auteur de leur violation.
— B —
24
354 ORGANISATION DES NATIONS UNIES
(92) II n'est pas utile de donner des détails relatifs aux délais de la présentation par les
Etats, et aux délais de l'élection (cf. art. 30-1 et 2).
(93) Les règles relatives au remplacement des membres en cas de vacance sont
pratiquement identiques (cf. art. 33).
(94) Après la première élection, le mandat de neuf des membres du Comité, désignés par
tirage au sort, expire au bout de deux ans (art. 32).
LES PACTES RELATIFS AUX DROITS DE L'HOMME 355
44. — Trois moyens d'action sont prévus dans le Pacte. Le premier est
laissé à l'initiative du Comité, et il permet une information. Le second est à
l'initiative des Etats parties et il conduit à une accusation. Le troisième est à
l'initiative des individus placés sous la juridiction des Etats parties, et il aboutit
également à une mise en accusation.
45. — Dans le délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur du Pacte,
et, ensuite, chaque fois que le Comité le demandera, les Etats parties devront
lui présenter, par l'entremise du Secrétaire général, des « rapports sur les
mesures qu'ils auront arrêtées et qui donnent effet aux droits reconnus dans
le présent Pacte et sur les progrès réalisés dans la jouissance de ces droits »,
étant précisé que les rapports devront indiquer « les facteurs et les difficultés »
qui affectent la mise en œuvre des dispositions du Pacte (art. 40-1 et 2) .
La présentation des rapports au Comité aboutit seulement à des
informations et à des échanges d'observations. Le Comité peut transmettre les rapports
aux institutions spécialisées, dans la mesure où ils ont trait à leur domaine de
compétence. Il peut aussi les transmettre, accompagnés de ses observations
« générales » et « appropriées » au Conseil économique et social, mais il n'est
pas précisé si ces instances sont compétentes pour y donner une quelconque
suite, ou pour prendre position à leur sujet. Par ailleurs, le Comité « étudie »
les rapports pour en élaborer d'autres à son tour, qui seront adressés aux
parties, accompagnés de « toutes observations générales qu'il jugerait
appropriées », les Etats pouvant, en retour, présenter au Comité des « commentaires »
sur ces observations.
On constate que ces dispositions sont assez vagues. La plus grande latitude
est laissée au Comité pour décider un calendrier de présentation des rapports
et préciser quels devront être les principaux éléments de leur contenu. En
outre, il semble qu'ils n'auront d'autre résultat que celui de permettre au
Comité d'être informé afin de pouvoir émettre des suggestions, ou formuler
des remarques d'ensemble relatives, par exemple, au contenu de telle ou
telle législation, à ses imperfections ou à ses lacunes, mais non pas à une
violation des droits dans tel ou tel cas précis. Ce moyen d'action est donc
assez similaire à celui prévu dans le P.Ld.é.s. (98) . Mais il est moins énergique,
pour deux raisons. D'une part on n'indique pas que les rapports puissent
donner lieu à des « recommandations ». D'autre part ils sont plus confidentiels que
ceux imposés par le P.i.d.é.s. puisqu'ils ne sont pas obligatoirement soumis à
l'examen du Conseil économique et social, et qu'il n'est pas prévu que
l'Assemblée générale puisse être amenée à en connaître (99). Dans ces conditions, il
est permis de douter de la portée pratique de ce premier moyen d'action.
46. — Le second a l'avantage, sur le précédent, de permettre au Comité
de se prononcer sur des atteintes précises aux droits énoncés dans le Pacte, en
agissant sur le fondement d'une accusation portée par un Etat partie contre
un autre. La procédure consécutive à l'accusation comporte trois phases, dont
les deux dernières sont assorties de conditions très restrictives.
— La première est une phase de négociations directes entre Etats. Si un
Etat partie estime qu'un autre n'applique pas les dispositions du Pacte, « il
peut appeler, par communication écrite, l'attention de cet Etat sur la
question ■». Trois mois après réception de la communication, son destinataire fera
parvenir à son auteur toutes explications pouvant élucider la question, telles
que des indications sur ses règles de procédure, ou bien sur les moyens de
recours déjà utilisés, en instance, ou encore ouverts. Si la question n'est pas
réglée à la satisfaction des Etats en cause dans les six mois à compter de la
date de réception de la communication, chaque Etat peut unilatéralement
saisir le Comité. Mais la saisine est subordonnée à deux conditions. En effet, si le
Comité est compétent pour
« recevoir et examiner des communications dans lesquelles un Etat partie
prétend qu'un autre Etat partie ne s'acquitte pas de ses obligations au titre
du présent Pacte» (art. 41-1),
c'est à condition : d'une part que l'Etat dont la communication émane et
celui qu'elle vise aient fait, auprès du Secrétaire général qui en communique
copie aux autres parties, une déclaration reconnaissant la compétence du
Comité (déclaration pouvant être retirée à tout moment, sans que le retrait ait
une incidence sur les cas dont le Comité est déjà saisi) ; et d'autre part que
dix Etats aient déjà déposé une déclaration d'acceptation de compétence, faute
de quoi le Comité ne pourra jamais examiner une affaire, même si les Etats
intéressés ont accepté sa compétence (art. 41-1 et 2) (100).
— A supposer que ces conditions soient réunies, le Comité peut être
saisi, en sorte que se déroule la seconde phase : celle de la tentative de
conciliation par le Comité. Elle n'aura lieu, toutefois, que si le Comité a constaté
que tous les recours internes disponibles ont été utilisés et épuisés «
conformément aux principes du droit international généralement reconnus >, cette
exigence étant cependant écartée lorsque les procédures de recours excèdent
« les délais raisonnables ». Dans l'affirmative, le Comité
« met ses bons offices à la disposition des Etats parties intéressés afin de
parvenir à une solution amiable de la question, fondée sur le respect des droits
de l'homme et des libertés fondamentales, tels que les reconnaît le présent
Pacte» (art. 41-1-e).
A cet effet, il examine les communications à huis clos, demande aux
intéressés tous renseignements pertinents et prend connaissance des observations
orales ou écrites formulées par leurs représentants (101) . Dans les douze mois
(102) Le « rapport sur ses travaux » que le Comité adresse annuellement à l'Assemblée
générale par l'intermédiaire du Conseil économique et social (art. 45) peut mentionner que
des rapports ont été envoyés par des Etats parties en application de l'art. 40, et que des
affaires ont été examinées en vertu des art. 41 et 42. Mais nous ne croyons pas qu'il puisse
décrire le contenu des rapports fournis en application de l'art. 40, ou celui des rapports
émanant du Comité. De toute évidence, on a voulu écarter, pour des raisons politiques, les Etats
non « intéressés », c'est-à-dire, selon le cas, soit non parties au Pacte, soit étrangers à une
affaire.
(103) C'est, du moins, ce que nous pensons pouvoir déduire d'un texte obscur : « Le Comité
peut, avec l'assentiment préalable des Etats parties intéressés, désigner une commission
de conciliation ad hoc... » (art. 42-1-a) . L'assentiment préalable est-il nécessaire seulement
pour la désignation des membres de la commission, auquel cas la décision de recourir à elle
ne dépendrait que du Comité ; ou bien est-il nécessaire pour prendre cette décision ? Nous
inclinons en faveur de la seconde hypothèse, car elle est la plus conforme à l'esprit du Pacte,
qui laisse à l'Etat l'initiative de la procédure de conciliation.
(104) Ce deuxième degré de la conciliation différencie nettement le P.i.d.c. de la
Convention européenne des droits, qui organise deux instances postérieures à celle ayant lieu devant
la Commission européenne des droits, dont l'une est politique puisqu'elle se déroule devant
le Comité des ministres du Conseil de l'Europe, et l'autre juridictionnelle puisqu'ayant lieu
devant la Cour européenne des droits de l'homme. La seconde instance prévue par le Pacte
n'est assimilable à aucune de celles-ci.
(105) Cette clause peut s'avérer inapplicable. Il faut supposer le cas où, d'une part dix
Etats seulement (le nombre minimum) ont accepté que cette procédure fonctionne, et où,
d'autre part, les Etats intéressés ne sont d'accord sur aucun des cinq membres appelés à
composer la commission ad hoc. Dans cette hypothèse, les cinq membres de la Commission
LES PACTES RELATIFS AUX DROITS DE L'HOMME 359
doivent être élus par le Comité parmi huit des leurs (dix moins les deux Etats en cause).
Trouvera-t-on huit personnes qui à la fois siègent au Comité et sont ressortissants de huit
Etats ayant accepté la compétence du Comité, de façon à élire cinq d'entre elles à la
commission ? Ce n'est nullement certain. C'est pourquoi il eût été préférable de prévoir que les
membres de la commission seront des ressortissants d'Etats parties au Pacte, et pas seulement
des Etats ayant accepté la compétence du Comité.
(106) Cf. supra, note 102. On peut penser que cette discrétion est excessive.
360 ORGANISATION DES NATIONS UNIES
(107) La tendance dominante fut longtemps hostile aux requêtes individuelles (cf. Draft
international covenants..., op. cit., pp. 239-241 ; R. Cassin, op. cit., p. 343 et suiv.) .
(108) D'autres projets de conventions multilatérales élaborées sous l'égide de l'O.N.U.
sont accompagnés d'un protocole facultatif complémentaire ; par exemple les conventions de
1958 sur le droit de la mer, le protocole étant relatif au règlement obligatoire des différends;
sur l'utilisation et les avantages de cette technique, cf. Y. Daudet, op. cit., p. 452 et suiv.
(109) Ecarter le mot « requête » pour lui préférer celui de « communication > sous-entend
que le Comité n'est pas chargé d'une tâche juridictionnelle.
LES PACTES RELATIFS AUX DROITS DE L'HOMME 361
La première est que le Protocole soit en vigueur, ce qui suppose que dix
Etats parties au Pacte l'aient ratifié ou y aient adhéré (110) . Ensuite, la
communication doit intéresser un Etat partie au Protocole, et émaner de
particuliers relevant de sa juridiction (111). En troisième lieu, sa recevabilité est
subordonnée à plusieurs conditions. La communication doit être écrite,
désigner son auteur, ne pas constituer un abus de droit et n'être pas
incompatible avec les dispositions du Pacte. Enfin, il est nécessaire que les recours
internes disponibles aient été épuisés, sauf si les procédures de recours
« excèdent des délais raisonnables », et qu'aucun recours international parallèle
ne soit pendant (112) .
La procédure est écrite. La communication est transmise à l'Etat intéressé
pour que, dans les six mois qui suivent, il soumette par écrit au Comité « des
explications ou déclarations éclaircissant la question et indiquant, le cas
échéant, les mesures qu'il pourrait avoir prises pour remédier à la situation »
(art. 4-2). Au vu des informations éventuellement fournies par l'Etat et de
celles, également écrites, soumises par le particulier, le Comité examine à
huis clos les communications émanant de ce dernier. Ensuite, et sans être cette
fois tenu de respecter un délai, le Comité « fait part de ses constatations à
l'Etat partie intéressé et au particulier » (art. 5-4) . Rien de plus !
Ce n'est guère. Il n'est plus question des « bons offices » du Comité aux
fins de « conciliation ». Celui-ci se borne à une étude sur pièces conduisant à
émettre une opinion confidentielle qui ne s'extériorise même pas dans un
rapport relatif à l'affaire (113), et qui est dépourvue de portée juridique. A
supposer, en effet, que le Comité se livre à des « appréciations », bien que le
Protocole lui permette plus pudiquement des « constatations », elles n'ont en
principe d'autre portée que morale, puisque l'Etat intéressé n'est pas tenu d'y
donner suite d'une façon ou d'une autre, et qu'aucune instance, de quelque
nature que ce soit, n'intervient après l'examen de l'affaire par le Comité (114) .
En d'autres termes, non seulement le Comité ne tranche pas un différend entre
l'Etat et le particulier, mais il n'est pas même habilité à faciliter son règlement
en suggérant ou en recommandant une solution. Dans ces conditions, on voit
mal quel intérêt sa saisine présente pour le particulier, et l'on ne comprend
pas que cette éventualité ait pu inquiéter plusieurs Etats.
CONCLUSION
duelle est subordonné à l'acceptation expresse, par les Etats intéressés, de la compétence de
la Commission européenne pour en connaître.
(113) II est précisé (art. 6), que le Comité inclut dans son rapport annuel un résumé de
ses activités au titre du Protocole, ce qui nous semble signifier que le Comité peut mentionner
les affaires dont il eut à connaître, mais sans préciser quels en furent les éléments. Il est vrai
que rien n'empêche le particulier de donner toute publicité aux « constatations » du Comité.
(114) Par suite, le système organisé par le Pacte et son Protocole complémentaire est
très inférieur à celui régi par la Convention européenne des droits.
(115) II est à cet égard significatif que la C.I.J. n'intervienne nulle part, malgré des
propositions contraires faites lors des travaux préparatoires, et tendant à autoriser le Comité
à demander au Conseil économique et social de solliciter un avis de la Cour sur toute
question juridique se posant à lui (cf. Draft international covenants..., op. cit., p. 263 ; R. Cassin,
op. cit., p. 349) . Pourtant, cette possibilité a été reconnue à la Commission de conciliation
prévue dans le protocole de l'U.N.E.S.C.O. du 10 décembre 1962 (cf. supra, note 91).
(116) On a souvent souligné la supériorité de la Commission européenne des droits sur la
Cour européenne, dont le passé et l'avenir laissent assez sceptique (cf. H. Rolin, Has the
European Court of human rights a future ?, dans Howard Law Journal, op. cit., p. 463 et suiv.) .
(117) Cf. supra, § n° 15. Dans son rapport pour l'année 1967, le Secrétaire général a lancé
un pressant appel aux Etats afin qu'ils ratifient ces instruments (cf. Chron. mensuelle de
VO.N.U., 1967, n° 9, p. 131) .
LES PACTES RELATIFS AUX DROITS DE L'HOMME 363
(118) Par exemple, la convention de décembre 1966 sur l'élimination de toutes les formes
de discrimination raciale, qui subordonne son entrée en vigueur à vingt-sept ratifications ou
adhésions, n'en avait fait l'objet que de dix en avril 1967. La convention de Vienne de 1963 sur
les relations consulaires n'entra en vigueur qu'en mars 1967, quand furent obtenues les vingt-
deux ratifications ou adhésions nécessaires.
En revanche, l'absence d'interdiction de réserves peut attirer plusieurs Etats et être un
facteur d'extension des Pactes et du Protocole, mais au risque de porter atteinte à leur
intégrité et de les dénaturer si les réserves sont nombreuses ou importantes.
(119) Cf. supra, notes 19, et 88 à 91.
(120) P.i.dés., art. 24 ; P.i.d.c, art. 44. En d'autres termes, les Pactes constituent le droit
commun.