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Difficile de s’imposer dans le parti mais une fois arrivé en haut, Mao applique des
méthodes éprouvées : la violence d’État et la terreur des masses. Au cours des deux
années qui suivent la proclamation de la République, dix mille Pékinois sont exécutés.
Entre 1950 et 1951, l’armée du peuple envahit le Tibet. Les espoirs et l'enthousiasme du
peuple chinois laissent place au désenchantement, puis aux purges et autres campagnes
contre-révolutionnaires.
Après la famine de la fin des années 1950 (30 à 50 millions de morts), les excès
meurtriers du maoïsme se perdent dans les méandres d’une phraséologie romantico-
sportive qui arrive à séduire de nombreux intellectuels français. C’est le temps du
« Grand bond en avant » et de la « Révolution culturelle », faisant des millions de morts
à chaque fois. Ces dérives expriment la folie et la paranoïa d’un homme à la tête d’une
machine de guerre institutionnelle et politique.
À sa mort, le 9 septembre 1976, Mao Zedong est vénéré comme un empereur. Il devient
l’icône officielle du PCC et de la République confondus que ses successeurs célèbreront
à jamais sans oser affronter le passé.
Soixante ans après la naissance de la République populaire, la Chine s’offre Mao sur
grand écran. Le gouvernement a en effet produit un film de 2h30 afin de célébrer la
prise de pouvoir du Grand Timonier. Fondation de la République est une fiction de
propagande dans laquelle les Chinois peuvent d’ores et déjà admirer 172 stars locales de
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cinéma, avec, en vedette, les acteurs Jet Li et Jackie Chan. Ce film à la gloire de Mao et
du communisme est à l’affiche dans 4 100 salles à travers tout le pays.
Cet homme qui pendant vingt sept ans a détenu un pouvoir absolu sur un quart de la
population de la planète échappe à toute critique en Chine. Un grand silence sur les années
troubles du Grand bond en avant ou de la Révolution culturelle a été imposé au pays après
sa mort et le pouvoir communiste ne permet pas que son œuvre soit mise en question, au
moins pour l’instant. Mais en Occident, son image est de plus en plus écornée. Dans le
passé, des intellectuels comme Simon Leys n’ont pas hésité à dénoncer ses crimes. En 1994,
les mémoires de son médecin Li Zhisui ont révélé au monde la face cachée de l’homme
accusé d’être à l’origine de la mort, en temps de paix, de plus de 70 millions de personnes,
soit davantage qu’aucun autre dirigeant du 20e siècle. Comme le dieu grec Janus, Mao avait
deux visages : un monstre pour ses détracteurs, un génie, un chef incontestable qui a su
rendre la fierté au peuple chinois pour ses admirateurs.
Certains l’ont décrit comme « le suprême despote totalitaire ». D’autres l’ont élevé au rang
de « champion des atrocités ».C’est le cas notamment de Jon Halliday et Jung Chang, les
auteurs d’une monumentale biographie intitulée Mao, l’histoire inconnue. Le Grand
Timonier y est décrit comme un monstre dont le mépris pour la vie humaine n’a pas d’égal
dans l’histoire des dictatures. Leur thèse centrale est simple : le seul objectif de Mao a été
de se ménager un pouvoir sans partage, au niveau du parti puis à celui de la Chine toute
entière. Pour cela, il aurait employé mieux que n’importe quel despote toute son énergie, sa
brutalité, son cynisme et son goût de la destruction.
Certains sinologues jugent que le bilan du Grand Timonier ne se réduit pas à ses crimes.
Pour l’historien Jean-Louis Margolin, « Mao a réunifié la Chine, a jeté les bases
indispensables à son développement ultérieur et a su quand même réfréner ce penchant
autodestructeur qui a emporté le régime de son admirateur Pol Pot ». En dépit de la
controverse, Mao Tsé-toung reste une image forte aussi bien pour le peuple chinois, dont
une grande partie continue de le vénérer, que pour le reste du monde. Quoi qu’il en soit, il
faut sans doute attendre une évolution démocratique en Chine pour pouvoir cerner au plus
près la complexité de cette grande figure du 20e siècle.
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De la révolution culturelle à la révolution
économique
Le 1er octobre 1949, Mao Zedong proclame la naissance de la République populaire
de Chine, après treize années de Longue marche et de luttes contre les nationalistes de
Tchang Kaï-Chek. Un géant communiste voit le jour, qui longtemps fascinera et se
présentera comme un modèle alternatif – concurrent même – à l’URSS.
Par MFI -
Première publication le 30/09/2009
La naissance de la Chine de Mao est, pour les populations, synonyme de progrès sociaux :
la scolarisation se généralise, les soins deviennent accessibles à tous, les paysans ne ploient
plus sous le joug et les abus des propriétaires terriens, les infrastructures s’améliorent. Mais
elle est aussi synonyme de régime totalitaire où les opposants au Parti communiste, le seul
autorisé, sont emprisonnés voire exécutés.
La politique défendue par Mao aura parfois des conséquences dramatiques. Ainsi en 1958,
le Grand Bond en avant prône la collectivisation des terres et une industrialisation à marche
forcée qui vide les campagnes des paysans. C’est un échec total et la famine qui en découle
fera près de 50 millions de morts en 1962. À partir de 1966, la Révolution culturelle entend
revenir aux sources idéologiques du maoïsme.
Des purges sans précédents sont réalisées dans le Parti et au cœur du pouvoir. Des milliers
de jeunes, le Petit livre rouge à la main, parcourent le pays pour rééduquer la population et
punir les « contre-révolutionnaires ». En dix ans, la Révolution culturelle – qui porte le culte
de la personnalité autour de Mao à son paroxysme – fera elle aussi des millions de morts.
Mao décède le 9 septembre 1976. Deux ans plus tard, le nouveau chef de l’Etat, Deng
Xiaoping, adepte d’une ligne plus pragmatique qu’idéologique, annonce la libéralisation de
l’économie. Se présentant comme « l’atelier du monde », s’appuyant sur une main d’œuvre
docile, bien formée, peu payée et travailleuse, s’orientant vers les exportations, la Chine
connaît une croissance vertigineuse : 11 % par an en moyenne de 1998 à 2008. L’économie
socialiste de marché fait du géant asiatique la seconde puissance économique mondiale. Les
villes se modernisent, le niveau de vie s’améliore, mais les inégalités se creusent. En 2008,
Pékin organise les Jeux olympiques, qui offrent au monde l’image d’un pays riche,
moderne, ambitieux, dynamique.
Ouverture économique et fermeté politique : tel semble être le credo des dirigeants chinois.
Car la démocratie n’est pas à l’ordre du jour. En juin 1989, les manifestations pro-
démocratie de la place Tian-An-Men sont durement réprimées. Aujourd’hui encore, Internet
est censuré en Chine, les militants des droits humains emprisonnés, la répression féroce au
Tibet et au Xinjiang ; 80 % des condamnations à mort du monde sont prononcées en Chine.
Les pays occidentaux détournent pudiquement la tête car l’Empire du milieu représente un
marché exceptionnel et s’est imposé comme un acteur incontournable des relations
internationales. Les libertés gagnent cependant du terrain, même si c’est lentement. Ainsi,
les Chinois n’hésitent plus à défendre leurs droits en manifestant. Qu’il s’agisse de paysans
spoliés, d’ouvriers impayés ou de parents qui n’arrivent pas à scolariser leurs enfants. À
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chaque fois il s’agit de la défense d’intérêts particuliers et non de principes généraux
comme les droits de l’homme, mais c’est un premier pas.
C’est une évidence incontestable : dans les décisions qui engagent la communauté
internationale, il n’est plus envisageable de se passer de l’avis de la Chine. Ce pays est
désormais en mesure de peser d’un poids considérable sur tout dossier de politique
étrangère. Dans l’examen des problèmes dont la communauté internationale est saisie, la
position de Pékin, voire sa susceptibilité, est toujours l’objet d’une considération attentive.
La Chine n’a certes pas le profil d’une hyper-puissance de nature impérialiste, mais
aujourd’hui ses positions influencent toute prise de décisions internationale.
C’est le résultat de trente ans de réformes, sous la conduite des présidents Deng Xiaoping,
Jiang Zemin et Hu Jintao, notamment. C’est également la conséquence d’une évolution en
forme d’ouvertures, économique et vers l’extérieur, dont les racines plongent au cœur
même de la révolution chinoise, mais dont la mise en œuvre s’est nécessairement heurtée au
processus révolutionnaire qui a caractérisé l’histoire moderne de la Chine depuis la prise du
pouvoir par les communistes, en 1949.
Les communistes chinois arrivent au pouvoir dans un contexte dominé par une redéfinition
des statuts et une redistribution des rôles au sein d’une communauté internationale
profondément affectée par les conséquences de la Deuxième Guerre mondiale. Les
puissances anciennement dominantes sont déclinantes et les guerres de libération
anticoloniales nourrissent largement le débat de politique étrangère.
Le poste de la Chine à l’ONU est occupé par Formose (Taiwan) où Tchang Kai-chek s’est
réfugié après sa défaite face à l’armée populaire conduite par Mao Zedong. Privée de
légitimité internationale, c’est naturellement avec les peuples engagés sur la voie des
indépendances que la Chine communiste établit ses premières relations internationales. Le
ministre des Affaires étrangères (également Premier ministre) s’appelle Zhou Enlai.
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domination, d’interférence, d’hégémonie de la part des grandes puissances ou des blocs
politiques.
Cette profession de foi dresse les contours d’un programme diplomatique initial marqué à la
fois par la radicalité révolutionnaire et la place accordée aux pays nouvellement
indépendants, dont on ignore encore qu’ils seront bientôt des puissances émergentes, voire
des hyper-puissances en devenir.
Pourtant, de Zhou Enlaï, ce n’est pas l’œuvre diplomatique révolutionnaire que retiennent
ses biographes mais, au contraire, sa volonté de tisser des liens avec les Occidentaux.
Enfant, il a étudié au Japon, jeune homme, il a vécu en France, en Grande-Bretagne et en
Allemagne. Sa loyauté à l’égard des idéaux du communisme sont indiscutables, mais il ne
soutient pas le principe d’une Chine isolée et autarcique. Zhou Enlai est l’artisan du
désenclavement et des premières réformes économiques. La confiance que lui témoigne
Mao Zedong le protège de la brutalité des grandes impostures révolutionnaires du « Grand
bond en avant » des années 50 et autre « Révolution culturelle » des années 60.
La diplomatie du ping-pong
Patiemment, discrètement, Zhou Enlaï envoie des émissaires à l’Ouest et noue des contacts
avec des diplomates occidentaux, dont un certain Henry Kissinger, conseiller du président
des États-Unis, Richard Nixon. Sa volonté d’ouverture rencontre celle des Américains de
contenir la menace soviétique et, au-delà des divergences et du profond antagonisme entre
les deux régimes, Pékin et Washington trouvent un tapis vert autour duquel se rencontrer :
ce sera une table de ping-pong. Nous sommes en 1971, l’équipe américaine de tennis de
table se rend à Pékin en marge des 31e championnats du monde. C’est le premier acte
diplomatique officiel entre les deux pays depuis 1949.
Six mois plus tard, le 26 octobre 1971, l’Assemblée générale de l’ONU accède enfin à la
demande d’adhésion de la Chine qui devient membre de l’organisation internationale. En
février 1972, le président Nixon fait le voyage de Pékin. En 1979, le président Jimmy Carter
termine le travail en établissant des relations diplomatiques formelles entre Washington et
Pékin, ultime étape de la normalisation des relations diplomatiques entre la Chine et
l’ensemble de la communauté internationale. Pour Taiwan, c’est une trahison.
Ces années 70 marquent un profond changement d’orientation. Décomplexé par ses succès
diplomatiques et son retour parmi les nations, Pékin est débarrassé de ses obsessions
sécuritaires. Le spectre de la menace d’une guerre imminente s’estompe et la Chine peut
enfin concentrer ses efforts sur le développement et la défense de ses intérêts nationaux :
combattre les forces centrifuges en sauvegardant la souveraineté nationale et l’intégrité
territoriale (Tibet, Xinjiang), réaliser la réunification des provinces séparatistes (Taiwan) ou
des territoires sous contrôle de l’étranger (Macao, Hong Kong) et se faire des amis, le plus
possible, sur tous les continents.
L’interdépendance et souveraineté
Outre les grandes instances internationales avec lesquelles elles travaillent (ONU) et
dialoguent (UE, OTAN), les autorités chinoises sont impliquées dans les travaux des
différentes instances régionales à l’égard desquelles elles sont soucieuses de maintenir un
partenariat privilégié : l’Organisation de la conférence de Shanghai sur leur frontière ouest,
l’ASEAN sur leur frontière sud, l’APEC et les « pourparlers à 6 » (sur la Corée du Nord)
sur leur frontière est.
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C’est la diplomatie dite « du périmètre » que Pékin protège comme une assurance-vie face à
une opinion publique internationale qui manifeste une sensibilité exacerbée à des affaires
intérieures qui, selon Pékin, relèvent de sa stricte souveraineté et des gouvernements
occidentaux toujours prompts à menacer Pékin de sanctions.
Les derniers soubresauts de l’économie mondiale ont montré que la croissance chinoise a
certainement permis d’éviter de creuser davantage les déficits américains. Et, dans ces
conditions, il est vraisemblable qu’en dépit de la persistance prévisible des différends de
nature idéologique, l’interdépendance toujours plus profonde entre les économies devrait
certainement peu à peu atténuer la vivacité des débats. C’est en tout cas un objectif
stratégique pour la Chine : des relations internationales marquées par la prospérité au
service de l’harmonie.
Salves de canons et envoi des couleurs sur la place Tiananmen ont marqué le début des
festivités de ce 60e anniversaire de la République populaire de Chine. Aussitôt après, une
grande parade militaire a été présentée - près de 10 000 hommes rassemblés sur la plus
grande avenue de Pékin. Le premier défilé depuis 10 ans de l’Armée de libération de la
Chine (APL) et le plus important jamais organisé, destiné très ouvertement à donner la
mesure de la nouvelle puissance de la Chine.
Après un aller et retour sur l’avenue Shangan pour saluer les 56 détachements militaires,
symbolisant les 56 ethnies qui peuplent la Chine, un message en faveur de l’unité et de la
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cohésion de la Chine repris quelques instants plus tard par le président chinois, dans un
discours prononcé à la tribune officielle, devant le portrait géant de Mao.
Un discours dans lequel le dirigeant chinois a largement fait référence à la lutte du peuple
chinois contre les occupants étrangers, la guerre de l’opium. « Aujourd’hui, la Chine
contribue à la paix dans le monde avec une contribution des forces militaires chinoises, et
la Chine est en mesure maintenant de maîtriser son propre destin pour un avenir
glorieux ». Hu Jintao a souligné l’importance de ce 60e anniversaire. Il a mis en avant les
acquis du socialisme : « Aujourd’hui, une Chine socialiste qui se tient fermement debout ».
Une Chine confiante dans son avenir également. Mais le numéro un chinois a tout de même
profité de cet événement pour appeler les Chinois justement à la cohésion et au
rassemblement de toutes les ethnies, c’est le véritable casse-tête du gouvernement confronté
à la fronde de plusieurs communautés parmi lesquelles les Tibétains et les Ouïghours.
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« Longue vie au Parti communiste ». C'est ainsi que Hu Jintao, le numéro un Chinois, a
conclu son discours ce matin, avant de lancer la parade militaire, suivie du défilé des
milliers d'enfants, tout à la gloire de la Chine et de ses dirigeants.
L'armée pour commencer a présenté, pour la première fois, les nouveaux attributs de sa
puissance : des missiles balistiques capables d'atteindre n'importe quel point du globe, une
aviation modernisée, présentée en vol pour la première fois et un long cortège de
quelques 20 000 militaires, hommes et femmes aux pas cadencés, le regard tourné vers le
portrait de Mao, accroché aux murs de la cité interdite.
Un défilé enfin sous le signe de la nouvelle puissance de la Chine, symbolisée par une
représentation de la conquête de l'espace, et de la capacité de la Chine à faire aujourd'hui
jeu égal avec les plus grandes nations.
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Ce film nous fait faire un bond dans le temps, dans la Chine de Mao Zedong, à la
fin des années 1950. Dans Les âmes mortes, le cinéaste Wang Bing nous fait vivre
la vie quotidienne dans un camp de rééducation, racontée par ceux qui y ont
survécu. Une œuvre magistrale de plus de huit heures, que certains comparent
déjà au Shoah de Claude Lanzmann.
Par Elisabeth Lequeret -
Première publication le 23/10/2018
Depuis 15 ans, Wang Bing documente inlassablement son pays : travailleurs migrants,
paysans, petites mains des ateliers de couture clandestins… En 2002, son premier
film, À l’ouest des rails, lui a valu une renommée mondiale. Cette fresque
monumentale, plus de neuf heures, décrivait la vie et la mort d’un immense complexe
industriel.
Dans Les âmes mortes, il revient sur l’une des pages les plus tragiques du « Grand Bond
en avant » : la déportation, ordonnée par le président Mao, de tous ceux qui avaient osé
critiquer la révolution. Emprisonnés dans des camps de rééducation, ces droitiers - c’est
ainsi qu’on les nommait - mourraient de faim et de maladie.
Bien peu sont revenus. Aujourd’hui, ces « miraculés » sont âgés de plus de 80 ans et ils
racontent au cinéaste l’enfer auquel ils ont survécu. Ce sont des voix, des soupirs,
parfois des sanglots qui nous parviennent, quasiment d’outre-tombe, qui nous racontent
des scènes d’une cruauté à couper le souffle, mais aussi des histoires de solidarité, des
gestes d’héroïsme minuscule.
Les âmes mortes est un film exceptionnel par son format, plus de huit heures, mais
surtout parce qu’il documente une page effacée des livres d’histoire, un sujet encore
largement tabou dans la Chine d’aujourd’hui.
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Devant le musée du parti communiste chinois - un bâtiment traditionnel en briques grises et
rouges -, Zhang Ruijuan se prend en photo. Elle vient de le visiter et a adoré, surtout la
partie consacrée à Mao Zedong.
« C'est un très grand homme ! J'admire Mao Zedong. Partout en Chine et dans le monde
entier les gens devraient faire comme moi ! » estime Zhang Ruijuan.
« Il y en a pour tous les goûts : je vends des t-shirts, des aimants, des cartes à jouer avec le
visage de Mao... Ça se vend assez bien ! »
Dans une boutique voisine sur les étals, c'est la figure d'un autre leader politique qu'on
aperçoit. Celle de Xi Jinping, le président chinois. Parmi les produits proposés, d'immenses
calendriers rouges illustrés avec des photos du couple présidentiel.
« En général, les gens les achètent par deux. Comme ça il y en a un pour le salon et un pour
la chambre ! C'est un couple qui présente bien, ils sont aimés du peuple. » Comme Mao, Xi
Jinping a fait du culte de la personnalité un outil pour régner.
Après l’élimination de Lin Biao, l’un des artisans de la Révolution culturelle, Deng
refait son apparition dans les cercles proches de Zhou Enlaï, Premier ministre et
l’homme des négociations avec l’Occident.
En août 1973, le Xe congrès du PCC rétablit Deng au Comité central. Malade d’un
cancer, Zhou Enlaï lui délègue progressivement ses pouvoirs. Sans les attributs ni les
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fonctions, le « Petit Timonier » s’impose au sommet de l’État. Pragmatique, Deng
Xiaoping initie le pays aux réformes économiques et lance au peuple : « Chinois
enrichissez-vous ! ». Les premières zones économiques spéciales sortent de terre. C’est
le début du véritable grand bond en avant de l’économie chinoise. Depuis, le nom de
Deng Xiaoping est intrinsèquement lié à l’esprit d’ouverture et au pragmatisme dont il a
fait preuve pendant toute sa carrière. C’est l’homme du retour de Hong Kong dans le
giron chinois et l’homme d’un concept : « Un pays, deux systèmes ». Mais c’est aussi
Deng Xiaoping qui a donné l’ordre de réprimer les manifestations de la place
Tiananmen, au mois de juin 1989. C’est Deng Xiaoping que l’ancien secrétaire général
du parti Zhao Ziyang a désigné comme le principal responsable des massacres, dans des
cassettes audio clandestines.
Deng Xiaoping n’a plus de fonction officielle, mais il fait de Jiang Zemin son dauphin en
lui confiant le poste de président de la Commission militaire, l’organe le plus important du
PCC. Jiang Zemin et ses célèbres lunettes rectangulaires en écaille incarnent la ligne dure
du parti. En 1993, il accède au poste de président de l’État et poursuit la politique
d’ouverture économique. C’est l’époque où les hommes de Shanghaï accèdent aux
responsabilités au sein des institutions civiles et militaires.
La France vend alors des Airbus à la Chine. Jacques Chirac est tout sourire. Mais un soir de
1999, le public français ne retiendra de Jiang Zemin que sa valse endiablée avec Bernadette,
épouse Chirac, au son d’un accordéon corrézien. Marque d’estime : le président chinois
rend visite au président français dans son château de Bity (Corrèze).
À cette époque, le chef de l’État chinois a déjà scellé son destin politique puisqu’il vient
d’interdire le renouvellement des mandats des responsables du parti.
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En 2003, il remet donc ses fonctions entre les mains de Hu Jintao, son successeur qui a été
élu par l’Assemblée nationale populaire. Comme son prédécesseur, Jiang Zemin choisit de
partir en douceur en gardant jusqu’en 2004 son poste de président de la Commission
militaire.
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Pour acheter la paix sociale, les hiérarques du PCC ont toujours misé sur l’ouverture
économique. Mais ce pacte tacite entre le peuple et le pouvoir risque de se fissurer sous
les coups de boutoir conjugués de la crise et des aspirations légitimes à plus de liberté.
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