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Chapitre 5

Transformée de Fourier

Au chapitre précédent, on a vu comment on pouvait représenter une fonction périodique


par une somme de sinusoı̈des. La transformée de Fourier permet de représenter des signaux
qui ne sont pas périodiques.

En fait, la transformée de Fourier est un cas spécial de la transformée de Laplace. Alors


pourquoi voudrait-on utiliser une autre transformée ? La raison est que la transformée de
Fourier est plus utile dans certains domaines comme les télécommunications et le traitement
de signaux.

5.1 Dérivation de la transformée de Fourier

On peut obtenir la transformée de Fourier à partir de la série de Fourier. Soit la série de


Fourier, sous forme exponentielle :

X
f (t) = Cn ejnω0 t (5.1)
n=−∞

où Z T /2
1
Cn = f (t)e−jnω0 t dt (5.2)
T −T /2

On cherche une série de Fourier pour un signal apériodique. Si on fait tendre la période
T vers l’infini (T → ∞), alors on passe d’un signal périodique à un signal apériodique. On
regarde alors les effets de ceci sur la série de Fourier.

Si T augmente, la séparation entre les harmoniques devient de plus en plus petite. On


passe donc d’un spectre qui est seulement définit à quelques points à un spectre qui est

1
CHAPITRE 5. TRANSFORMÉE DE FOURIER

continu (infinité d’harmoniques). La différence entre deux harmoniques de la série de Fourier


est :
∆ω = (n + 1)ω0 − nω0 = ω0 (5.3)
La différence entre deux harmoniques est tout simplement la fréquence fondamentale. Mais,

ω0 = (5.4)
T
Alors si T → ∞, la séparation entre les fréquences est devient une petite séparation dω.
On passe de quelque chose de discret (seulement des fréquences à certains points) à quelque
chose de continu. Au fur et à mesure que la période augmente,

nω0 → ω (5.5)

Quel est l’impact de ces changements sur l’équation 5.2 ? Les coefficients de la série de
Fourier deviendront de plus en plus faibles : Cn → 0 lorsque T → ∞, ce qui fait du sens,
puisque le signal est en train de devenir apériodique. Cependant, le produit Cn T ne devient
pas nul : Z ∞
Cn T → f (t)e−jωt dt (5.6)
−∞

Cette dernière équation représente la transformée de Fourier :


Z ∞
F (ω) = F{f (t)} = f (t)e−jωt dt (5.7)
−∞

La transformée inverse est donnée par :


Z ∞
1
f (t) = F (ω)ejωt dω (5.8)
2π −∞

Exemple 1

Faire la transformée de Fourier du pulse suivant :

v(t)
Vm

t
-τ/2 0 τ/2

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CHAPITRE 5. TRANSFORMÉE DE FOURIER

En appliquant directement l’équation 5.7, on obtient :


Z τ /2
V (ω) = Vm e−jωt dt
−τ /2
−jωt ¯τ /2
e ¯
= Vm ¯
−jω −τ /2
Vm ³ ωτ ´
= −2j sin
−jω 2

On peut écrire ceci sous une autre forme,


sin ωτ /2
V (ω) = Vm τ = Vm τ sinc(ωτ /2)
ωτ /2

5.2 Convergence de la transformée de Fourier

Pour que la transformée de Fourier existe, il faut que la fonction f (t) converge. Les pulses
et exponentiels qui sont très utilisés en génie électrique sont des intégrales qui converges.
Cependant, certains signaux intéressants, comme une constante ou les sinusoı̈des, n’ont pas
d’intégrale qui converge. On fait un peu de gymnastique mathématique pour obtenir la trans-
formée de Fourier de ces signaux.

On prend l’exemple d’une constante A. On peut approximer cette fonction par la fonction
suivante :
f (t) = Ae−²|t| (5.9)
Si ² → 0, f (t) → A.

La transformée de Fourier de f (t) est donc :


Z 0 Z ∞
²t −jωt
F (ω) = Ae e dt + Ae−²t e−jωt dt (5.10)
−∞ 0
En faisant l’intégration, on obtient :
A A 2²A
F (ω) = + = 2 (5.11)
² − jω ² + jω ² + ω2

Lorsqu’on fait tendre ² → 0, la transformée de Fourier devient un pulse δ. La surface sous


F (ω) représente la force du pulse et est :
Z ∞
2²A
2 2
dω = 2πA (5.12)
−∞ ² + ω

La transformée de Fourier d’une constante A est donc :


F{A} = 2πAδ(ω) (5.13)

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CHAPITRE 5. TRANSFORMÉE DE FOURIER

Transformée de Fourier d’un signum

D’autres fonction sont aussi intéressantes à calculer. On commence en premier par la


fonction signum. La fonction signum est -1 pour t < 0 et 1 pour t > 0. On peut exprimer
cette fonction en utilisant des échelons :

sgn(t) = u(t) − u(−t) (5.14)

Pour calculer la transformée de Fourier de cette fonction, il faut utiliser une approxima-
tion. On peut approximer la fonction sgn par l’expression suivante :

sgn(t) = lim[e−²t u(t) − e²t u(−t)], ²>0 (5.15)


²→0

À partir de l’équation 5.7, on calcule


Z ∞ Z 0
−²t −jωt
F (ω) = e e dt − e²t e−jωt dt
0 −∞
¯∞ ¯0
e−(²+jω)t ¯¯ e(²−jω)t ¯¯
= ¯ − ¯
−(² + jω) ¯ ² − jω ¯
0 −∞
1 1 −2jω
= − = 2
² + jω ² − jω ω + ²2

On prend maintenant la limite ² → 0,


−2jω 2
lim 2 2
= (5.16)
²→0 ω +² jω

Transformée de Fourier d’un échelon

On peut faire la transformée de Fourier d’un échelon si on s’aperçoit qu’un échelon peut
être décrit par :
u(t) = 0.5 + 0.5 sgn(t) (5.17)

Alors,
1
F{u(t)} = F{0.5} + F{0.5 sgn(t)} = πδ(ω) + (5.18)

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5.3 Utilisation de la transformée de Laplace

On peut utiliser la transformée de Laplace pour trouver la transformée de Fourier si on


suit quelques règles de base.
1. Les pôles de la transformée de Laplace doivent tous être négatifs (ou zéro) et réels.
2. Si f (t) est zéro pour t ≤ 0− , la transformée de Fourier est obtenue en remplaçant s par
jω.
3. Si f (t) est zéro pour t ≥ 0, la transformée de Fourier est obtenue en faisant une rotation
de la fonction autour de l’axe y (pour obtenir une fonction où f (t) est zéro pour t ≤ 0− ),
puis on calcule sa transformée de Laplace, puis on remplace s = −jω.
4. Si la fonction est non nulle pour toutes les valeurs de t, on calcule deux transformées
pour t < 0 et t > 0, puis on fait la somme.

Exemple 2

Calculer la transformée de Fourier de e−at cos(ω0 t) u(t).

La transformée de Laplace de cette fonction est :


s+a
(s + a)2 + ω02

Si on vérifie les conditions, on voit que les pôles sont négatifs et réels. Ensuite, on voit
que la fonction est nulle pour t < 0. On peut donc remplacer s = jω :
jω + a
F{f (t)} =
(jω + a)2 + ω02

Exemple 3

Calculer la transformée de Fourier de eat cos(ω0 t) u(−t).

On remarque en premier que cette fonction est nulle pour t > 0. Il faudra donc la trans-
former à une fonction nulle pour t < 0.
f (−t) = e−at cos(ω0 t) u(t)

La transformée de Laplace de cette fonction est donnée plus haut. Pour obtenir la trans-
formée de Fourier, il faut remplacer s = −jω :
−jω + a
F{f (t)} =
(−jω + a)2 + ω02

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CHAPITRE 5. TRANSFORMÉE DE FOURIER

Quelques transformées de Fourier importantes sont données dans le tableau 5.1.

Fonction f (t) F (ω)


impulsion δ(t) 1
constante A 2πAδ(t)
2
signum sgn(t)

1
échelon u(t) πδ(ω) +

1
exponentiel e−at u(t) ,a>0
a + jω
cosinus cos(ω0 t)u(t) π[δ(ω + ω0 ) + δ(ω − ω0 )]
sinus sin(ω0 t)u(t) jπ[δ(ω + ω0 ) + δ(ω − ω0 )]

Tab. 5.1 – Transformées de Fourier communes

5.4 Transformées opérationnelles

Tout comme la transformée de Laplace, la transformée de Fourier possède aussi des trans-
formées opérationnelles.

5.4.1 Multiplication par une constante

De la définition de la transformée de Fourier, si

F{f (t)} = F (ω) (5.19)

alors
F{Kf (t)} = KF (ω) (5.20)
La multiplication de f (t) par une constante correspond à la multiplication de F (ω) par la
même constante.

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5.4.2 Addition (Soustraction)

L’addition (soustraction) dans le domaine du temps correspond à une addition (soustrac-


tion) dans le domaine de fréquence. Donc, si
F{f1 (t)} = F1 (ω)
F{f2 (t)} = F2 (ω)
F{f3 (t)} = F3 (ω)
alors
F{f1 (t) + f2 (t) − f3 (t)} = F1 (ω) + F2 (ω) − F3 (ω) (5.21)

5.4.3 Dérivé

La transformée de Fourier de la dérivée de f (t) est :


½ ¾
df (t)
F = jωF (ω) (5.22)
dt

De façon générale, ½ ¾
dn f (t)
F n
= (jω)n F (ω) (5.23)
dt
Ces deux équations sont valides si f (t) = 0 à ±∞.

5.4.4 Intégration

L’intégration dans le domaine du temps correspond à diviser par jω dans le domaine de


Laplace. ½Z t ¾
F (ω)
F f (x)dx = (5.24)
−∞ jω
Cette relation est seulement valide si
Z ∞
f (x)dx = 0 (5.25)
−∞

5.4.5 Changement d’échelle

Le temps et la fréquence sont des domaines réciproques : si le temps est étiré, la fréquence
est compressée (et vice-versa).
1 ³ω ´
F {f (at)} = F , a>0 (5.26)
a a
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5.4.6 Translation dans le domaine du temps

La translation dans le domaine du temps représente un déphasage : l’amplitude du signal


ne change pas, mais sa phase change.

F {f (t − a)} = e−jωa F (ω) (5.27)

5.4.7 Translation dans le domaine de fréquence

La translation dans le domaine de fréquence correspond à une multiplication par un


exponentiel dans le domaine du temps.
© ª
F e−jω0 t f (t) = F (ω − ω0 ) (5.28)

5.4.8 Modulation

La modulation en amplitude est le processus de faire varier l’amplitude d’un sinusoı̈de.


Si le signal modulant est noté f (t), le signal modulé devient f (t) cos(ω0 t). Le spectre de ce
signal est la moitié de l’amplitude de f (t) centré à ±ω0 .

F{f (t) cos(ω0 t)} = 0.5F (ω − ω0 ) + 0.5F (ω + ω0 ) (5.29)

Cette dernière propriété est très importante en télécommunications.

5.4.9 Convolution

La convolution dans le domaine de temps représente une multiplication dans le domaine


de fréquence (et vice-versa).
½Z ∞ ¾
F x(λ)h(t − λ)dλ = X(ω)H(ω) (5.30)
−∞

5.5 Application à l’analyse de circuits

La transformée de Laplace est plus utilisée pour calculer la réponse d’un circuit que la
transformée de Fourier pour deux raisons : 1) l’intégrale de la transformée de Laplace converge

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CHAPITRE 5. TRANSFORMÉE DE FOURIER

pour plus de fonctions que l’intégrale de la transformée de Fourier, et 2), la transformée de


Laplace permet d’accommoder les conditions initiales.

Cependant, on fera ici quelques exemples de la transformée de Fourier appliquée à l’ana-


lyse de circuits.

Exemple 4

Utiliser la transformée de Fourier pour calculer le courant io (t) dans le circuit suivant. La
source de courant est ig (t) = 20 sgn(t).

3Ω

ig(t) 1Ω io(t)
1H

La transformée de Fourier de la source est :


40
Ig (ω) = F{20 sgn(t)} =

La fonction de transfert du circuit est Io /Ig . On peut l’obtenir directement (à l’aide du
diviseur de courant) :
Io 1
H(ω) = =
Ig 4 + jω

La transformée de Fourier de la sortie est donc :


40
Io (ω) = Ig (ω)H(ω) =
jω(4 + jω)

Pour solutionner et obtenir io (t), il faut faire l’expansion en fractions partielles,

K1 K2
Io (ω) = +
jω 4 + jω
qu’on solutionne pour obtenir
10 10
Io (ω) = −
jω 4 + jω

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La réponse en fonction du temps est obtenue à l’aide de la transformée inverse :

io (t) = 5 sgn(t) − 10e−4t u(t)

Le graphe du courant en fonction du temps est donné à la figure suivante.

5
Courant (A)

−5

−1 0 1
temps (s)

Est-ce que la réponse obtenue fait du sens ?

Pour t < 0, la source de courant fournit -20A. Si ce courant est fixe depuis longtemps, alors
l’inductance agit comme un court-circuit. Le courant est donc distribué dans les 2 branches :
1/4 dans la branche avec le 3Ω, et 3/4 dans la branche avec le 1Ω (obtenu par diviseur de
courant). Alors, io = 0.25(−20) = −5A, ce qui est le cas.

Pour t > 0, le courant est maintenant 20A. À la longue, l’inductance redeviendra un


court-circuit, et on aura la même distribution de courant dans les branches, soit io = 5A. La
réponse calculée est donc correcte.

5.6 Théorème de Parseval

Le théorème de Parseval permet de faire le lien entre l’énergie d’un signal en fonction du
temps et l’énergie en fonction de la fréquence. Puisque la fréquence et le temps sont deux
domaines qui permettent de décrire complètement un signal, il faut que l’énergie totale soit
la même dans les deux domaines. Le théorème de Parseval est :
Z ∞ Z ∞
2 1
f (t)dt = |F (ω)|2 dω (5.31)
−∞ 2π −∞

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Exemple 5

Le courant dans une résistance de 40Ω est i = 20e−2t u(t) A. Quel est le pourcentage de
l’énergie
√ totale dissipée dans la résistance qui provient de la bande de fréquence 0 < ω ≤
2 3rad/s ?

L’énergie totale dissipée dans la résistance est :


Z ∞ Z ∞
2
W =R i dt = 40 400e−4t dt
0 0
= 4000 J

On peut aussi vérifier l’énergie totale par le théorème de Parseval. La transformée de


Fourier du courant est :
20
F (ω) =
2 + jω
Donc,
20
|F (ω)| = √
4 + ω2

L’énergie totale est :


Z ∞
40 400
W = dω
π 0 4 + ω2
µ ¶ ¯¯∞
16000 1 ω ¯
= tan−1 ¯
π 2 2 ¯
0
= 4000 J


L’énergie dans la bande de 0 < ω ≤ 2 3rad/s est donnée par :
Z √
40 2 3 400
W1 = dω
π 0 4 + ω2

µ ¶ ¯¯2 3
16000 1 ω ¯
= tan−1 ¯
π 2 2 ¯
0
8000
= J
3

Le pourcentage de l’énergie dans cette bande est donc :


8000/3
= 66.67%
4000

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