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Les instruments juridiques et les moyens d’action économiques de la région

A quel point les instruments juridiques et les moyens de l’action économiques de la


région peuvent-ils rendre l’intervention de la région plus efficace dans le
développement économique territorial?

I : Les instruments juridiques et les moyens de l’action économique régionale au


Maroc :

1. Les instruments juridiques de l’action économique régionale :

Au niveau constitutionnel : La constitution conçoit la région comme un pilier pour le


développement des territoires ainsi elle lui accorde une place centrale dans l’ancrage
des politiques publiques territoriales en participant à la mise en œuvre de la politique
générale de l’Etat et à l’élaboration des politiques territoriales. Par conséquent, le
conseil régional, aura la charge et la compétence de recueillir, coordonner, mettre en
cohérence régional et intégrer à la vision de développement régional les propositions
des autres collectivités.

Dans ce cadre, les régions ont reçu un rôle prééminent par rapport aux autres
collectivités territoriales surtout dans l’élaboration et le suivi des programmes de
développement régionaux et des schémas régionaux d’aménagement des territoires.

Le principe de la prééminence des régions en matière de développement socio-


économique est posé par l’article 143 de la constitution. Il s’explique par le caractère
large de son espace d’action qui l’incite à être un cadre adéquat à la planification et la
conduite de la politique d’aménagement du territoire. Il permet, par ailleurs, de
conduire efficacement la mission de coordination des politiques étatiques au niveau de
leur mise en œuvre.

En outre, la constitution instaure les fondements d’un développement solidaire entre


les régions afin d’atténuer les inégalités liées au développement des territoires et aux
disparités géographiques et démographiques entre les régions en prévoyant la
création du fonds de mise à niveau social et du fonds de solidarité interrégional. En
plus, La constitution dispose à ce sujet que les régions peuvent créer des groupements
entre elles ou conclure des conventions de partenariats avec les autres collectivités
territoriales lorsqu’il s’agit de la réalisation d’un projet commun .

L’article 141 de la constitution instaure le principe de l’équivalence des ressources et


des compétences afin de permettre une réelle autonomie des pouvoirs régionaux dans
la conduite de leurs projets de développement en toute indépendance par rapport à
l’Etat.
La constitution reconnait également au profit des régions « la libre administration »
pour la gestion de leurs affaires (article 136). Elle va même plus loin dans le
renforcement des compétences des régions en leur accordant un véritable « pouvoir
réglementaire »pour l’application des délibérations de leurs assemblées dans le
domaine des compétences qui leur sont accordées (Art140). En outre, l’autonomie
régionale est renforcée à travers le transfert du pouvoir exécutif des walis des régions
aux présidents des conseils régionaux(Art138)

Au niveau législatif : Conformément aux dispositions de l’article146: « la région est


chargée, à l’intérieur de son ressort territorial, des missions de promotion du
développement intégré et durable à travers son organisation, sa coordination et son
suivi, notamment, par :

- la bonne utilisation des ressources naturelles, leur valorisation et leur préservation ;

- la contribution à la réalisation du développement durable ;

- l’amélioration des capacités de gestion des ressources humaines et leur formation.

2 :les moyens d’action économique de la région

 Les moyens financiers : La répartition des dotations de l’État sur les douze
régions que compte le pays se fera sur la base de trois critères: 50% à parts
égales entre les régions, 37,50% compte tenu du nombre d’habitants de la
région et 12,50% compte tenu de la superficie de la région.

 les moyens institutionnels :

Le Conseil Régional : Actuellement, la région au Maroc vit un tournant historique dans


la voie de la décentralisation territoriale. En vertu de la loi organique 111-14 relative à
l’organisation régionale, les régions commencent à jouir d’une vraie autonomie
administrative et financière grâce au transfert du pouvoir d’ordonnancement du Wali
au Président et d’une personne morale lui permettant de gérer les affaires de la région
dans les limites autorisées par les textes législatifs et réglementaires connexes.

Agence Régionale d'Exécution des Projets :En application de la loi organique, le


Conseil Régional a mis en place l’Agence Régionale d'Exécution des Projets (AREP),
considérée comme personne morale de droit public qui bénéficie d'une autonomie
administrative et financière en vue d’exécuter les missions suivantes :

 Assistance juridique, ingénierie technique et financière, au profit du Conseil et à


la demande du Président, dans l'étude et la préparation des projets et
programmes de développement ;
 Exécution des projets et programmes de développement approuvés par le
Conseil.

 Arrêter le budget annuel, les états pluriannuel, les comptes et affectation des
résultats ;

 Ratification des états comptables et financiers relatifs aux finances de l’Agence ;

 Approbation du rapport annuel ;

 Demande d’opérations d’audit, de contrôle et d’évaluation.

Les Sociétés de Développement Régional : Les sociétés de développement régional


(SDR) sont créées par la loi organique 111-14 relative à la région. Cette loi impose que
les régions et les autres collectivités locales possèdent nécessairement au moins 34 %
du capital de la SDR, qui doit porter le statut de SA (Société anonyme). 50 % du capital
doit être détenu par des personnes morales de droit public.

Le Fonds d’équipement communal : Par ailleurs, le FEC a pour mission principale,


selon les dispositions de l’article 3 de la loi n°31.90, de concourir au développement
des collectivités territoriales. A ce titre, il peut :

 Accorder aux collectivités territoriales, à leurs groupements, ainsi qu'aux


établissements publics locaux tous concours techniques ou financiers,
notamment, sous forme de prêts ou avances pour le financement des études et
des travaux d’équipement ;

 Assister les collectivités territoriales pour l'identification, l'évaluation et le suivi


d'exécution de leurs projets ;

 Prêter son concours sous quelque forme que ce soit à l'Etat et à tout organisme
public pour l'étude et la réalisation de tous plans et programmes de
développement des collectivités territoriales.

Fonds d’investissement régionaux :Outre ces mécanismes de financement, les Régions


ont également la possibilité de recourir à la création de fonds d’investissement mixtes
et privés régionaux qui peuvent aussi contribuer au financement des projets
Régionaux, en soutenant le secteur privé pour la réalisation des zones industrielles et
des plateformes logistiques.

 Les moyens techniques et actionnels :


La coopération et le partenariat : La région dispose actuellement d’une panoplie de
formes de partenariats (de gestion et de réalisation) et de coopération (interne et
externe) dont l’intérêt réside essentiellement dans :

 La mutualisation des moyens et des ressources pour une meilleure réalisation de


projets communs ;

 Le fait de garantir une meilleure articulation entre les différentes actions et


méthodes d’intervention ;

 La diminution des risques de conflit et de blocage dans la mise en œuvre des


projets ;

 L’instauration de nouveaux mécanismes institutionnels et fonctionnels pour assurer


une coordination locale des projets de développement en impliquant tous les
intervenants dans le processus qu’il soit une association, le secteur privé ou autres ;

 L’évolution de la coopération décentralisée

La contractualisation : La contractualisation territoriale désigne les contrats associant


des acteurs, publics ou privés, d’échelles spatiales diverses, dans l’élaboration, la mise
en œuvre et le suivi d’un programme globalisant des actions thématiques et ayant des
répercussions sur le développement global d’un territoire. Le contenu du programme
dépend des caractéristiques, des volontés et des enjeux territoriaux. En plus, le contrat
permet de mobiliser des financements additionnels et de concevoir des politiques
moins éloignées de la réalité territoriale, tout en répondant au besoin d’une meilleure
coordination entre les diverses actions existantes.Ainsi, la relation contractuelle
Etat‐région devrait s’insérer dans un mécanisme permettant à la région de se placer
comme un vis‐à‐vis incontournable pour encadrer les actions structurantes auxquelles
les provinces et les communes sont appelées à s’associer.

1 :Analyse de l’intervention de la région dans le secteur économique :

A :Diagnostic des éléments de l’intervention régionale au domaine économique :Pour


prendre conscience de l’intervention des régions marocaines dans le développement
économique,vu la rareté des statistiques disponibles, on a fait recours aux rapports
établis par le Haut-Commissariat au Plan et ceux des cours des comptes régionaux. En
outre, les investissements régionales et les réalisations des diverses agences de
développement régionales seront mises en exergue comme un critère significatif de
l’évolution de la mise en œuvre des moyens d’intervention de la région dans le
contexte économique.
La contribution régionale à la croissance économique : Les comptes régionaux de
2015 font ressortir des disparités des taux de croissance du PIB en volume entre les
régions. Quatre régions ont enregistré des taux de croissance largement supérieurs à la
moyenne nationale (4,5%). Il s’agit des régions de Dakhla-Oued-Ed Dahab (16,5%), de
Laâyoune-Saguia al Hamra (10,2%), de Tanger-Tétouan-Al Hoceima (7,9%) et de
Casablanca-Settat (7%).

Deux régions ont marqué des taux de croissance proches de la moyenne nationale ; il
s’agit de Béni Mellal-Khénifra (4,3%) et de Guelmim-Oued Noun (4,1%).

Les autres régions présentent des taux de croissance entre 2,2% (région de Rabat-Salé-
Kénitra) et -0,1% (région de Fès- Meknès).

Par ailleurs, près de la moitié de la croissance nationale (48,1%) est à mettre à l’actif
de la région de Casablanca-Settat dont la contribution à la croissance du PIB est de
2,2 points.

Les régions de Tanger-Tétouan-Al Hoceima et de Rabat-Salé-Kénitra participent pour


25% à la croissance du PIB en volume, soit 1,2 point, avec 0,8 et 0,4 point
respectivement.

Les neuf régions restantes contribuent pour près d’un quart (26,9%) de la croissance
enregistrée en 2015

Le PIB régional par secteur d’activité : Les activités primaires (agriculture et pêche)
constituent 12,6% du PIB au niveau national en 2015. La contribution de ce secteur à
la création de la richesse dépasse, dans la majorité des régions, cette moyenne
nationale. Ces activités contribuent pour 26,8% au PIB de la région de Dakhla-Oued-Ed
Dahab, 19,9% au PIB de la région Fès-Meknès et 19,8% au PIB de la région Béni Mellal-
Khénifra. La région de Casablanca-Settat affiche, quant à elle, la part la plus faible avec
5,4%.

Les activités secondaires (Industrie, mines, distribution d’électricité et d’eau et


bâtiment et travaux publics) représentent 26,1% du PIB au niveau national en 2015.
Quatre régions affichent des parts supérieures à cette moyenne : la région de
Casablanca-Settat avec 36,2%, celle de Béni Mellal-Khénifra avec 33,7%, celle de
Laâyoune-Saguia al Hamra avec 32% et celle de Tanger-Tétouan-Al Hoceima avec
31,2%.

Les activités tertiaires (services marchands et non marchands) contribuent pour 49,7%
à la richesse nationale en 2015. Les régions de Guelmim-Oued Noun, de Dakhla-Oued-
Ed Dahab et de Rabat-Salé–Kénitra présentent des structures économiques dominées
par les activités des services, avec des parts largement supérieures à la moyenne
nationale, respectivement de 68,4%, 64,6% et 62,8%. Elles affichent, toutefois, les
parts les plus faibles relatives à la participation des activités secondaires à la création
de la richesse régionale.

Répartition régionale des investissements : Le rapport montre que la répartition


régionale des investissements au titre de 2018 enregistrera un rééquilibrage régional,
notamment avec l'augmentation de la part des régions de Casablanca-Settat (28%),
Rabat-Salé-Kénitra (23%), Marrakech-Safi (10%), Souss-Massa (5%) et Daraâ-Tafilalet
(3%), à l’exception de celles de l’Oriental et de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, dont les
parts reculeront respectivement de 2 et de 1 point. Source : PLF 2018

Partant des données précédentes, on peut constater que les régions sont des acteurs
économiques important dans la croissance économique nationale, toutefois, il existe
un déséquilibre flagrant entre les diverses régions au niveau de leur contribution dans
cette croissance. Un constat qui se reflète encore sur la contribution des régions dans
les activités économiques sectorielles ainsi certaines régions restent plus développées
économiquement par rapport à d’autre. Une réalité que la répartition des
investissements par régions la confirme. Une situation qui accentue les disparités et
les déséquilibre économique entre les régions et qui ne sert en rien l’objectif
d’atteindre un développement durable, équitable et intégré au niveau de toutes les
régions. En outre, cette situation traduit une sorte de discrimination économique entre
les régions (des régions développées et d’autres sous développées) ce qui entrainera
certainement des conséquences désastreuses sur le développement
régional escompté.

Le financement des régions par le FEC :L’analyse de la répartition des engagements


de prêts du FEC en 2016 révèle une montée en charge des Régions au niveau de
l’activité de prêts et dont les engagements de prêts ont atteint 2 590 MDH à fin 2016,
soit une forte augmentation de 110% par rapport à l’exercice 2015 .

Les engagements de prêts en 2016 ont concerné le financement de 9 projets par le


biais de 10 prêts s’inscrivant pour la plupart dans le cadre de programmes de
développement régionaux et bénéficiant à 4 Régions (Lâayoune - Sakia El Hamra,
Dakhla - Oued Ed-dahab, l’Oriental et Béni Mellal - Khénifra).

L’analyse de la répartition des prêts décaissés par Région montre que les
décaissements au titre de l’année 2016 ont concerné la totalité des Régions du
Royaume, avec une forte concentration sur 6 Régions qui totalisent 81% du volume
global des prêts décaissés, soit 1 634 MDH : Casablanca-Settat, Dakhla-Oued Eddahab,
l’Oriental, Rabat-Salé-Kénitra, Beni Mellal-Khénifra et Fès-Meknès.
Cependant, le rapport de la Cour des comptes 2015 sur Le Fonds d’équipement
communal montre que la contribution du FEC au financement des collectivités
territoriales ne dépasse guère les 5%. Ainsi, le recours des régions à l’emprunt auprès
du FEC restent restreint vu les conditions exigeantes pour l’octroi des prêts par le FEC.
B :Contraintes du développement économique régional: L’action économique de la région confronte
certaines difficultés réelles qui peuvent être résumées dans ce qui suit:

 La question de la formation des élus et par ricochet la qualification exigeante de cadres aptes à
monter et suivre des projets efficients dans ce sens ;

 La rareté de l’assiette foncière relevant du patrimoine régional susceptible de l’exploitation dans


la mise en place des projets économiques en plus du cout élevé d’acquisition des terrains
disponibles des particuliers;

 Le déséquilibre flagrant entre les régions des facteurs de production du point de vue de leur
disponibilité provoque la limitation d’émergence de projets de vocation économique dans
certains territoires appartenant à certaines régions,

 La Perte de vue d’une dimension économique et sociale dans les choix financiers des CT en
général et celle de la région en particulier peut contrecarrer tout effort escompté en vue de
créer les conditions de cohésion;

 L’absence d’une complémentarité réelle entre secteurs public et privé en matière de coopération
décentralisée et d’association des acteurs associatifs dans le montage de la coopération où les
régions sont chefs d’orchestre ;

 Les risques que comporte la multiplication des acteurs dans le domaine économique : Ministères,
régulateurs, agences, collectivités territoriales…. crée des problèmes de frontière et peut
fragiliser la cohérence de l’action économique des pouvoirs publics ;

 Les textes applicables à l’action économique des régions et des autres personnes publiques sont
très dispersés surtout ceux relatifs aux litiges en matière d’action économique ;

 Le Fonds d’équipement communal n’a pas pu développer une ingénierie financière capable de
faire de l’emprunt un vecteur de développement local et contribuer efficacement dans le
financement des projets de développement régionaux

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