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Les journées qui ont secoué le Brésil à partir de juin 2013 furent marquées par une
mutation subjective de grande intensité, conséquence des transformations
matérielles des gens, notamment des plus pauvres. Une telle mutation n’a pas été
accompagnée pourtant des discours et d’organisations politiques durables. Les
organisations traditionnelles (syndicats, partis et intellectuels) n’ont pas saisi
l’événement et n’ont pas tardé à critiquer (ou même à criminaliser) le refus
généralisé des formes classiques d’institutions politiques qu’a eu lieu.
Du point de vue de l’expression, l’événement a été très riche, ce qui a étourdi toute
personne ayant l’habitude de penser à partir des catégories usuelles de la
politique. Il y a eu donc une véritable dispute au niveau de l’énonciation. Rappelons
d’emblée un cri qui a rassemblé des manifestants de toutes tendances : Não vai ter
Copa ! (La Coupe du Monde n’aura pas lieu !). Dans le pays du football, tout d’un
coup, les gens se mettent à hurler contre la Coupe du Monde. Est-ce que les
brésiliens n’aiment plus le football, est-ce qu’ils sont en train de critiquer le marché
du foot devenu milieu d’affaires ? Tout cela et rien de tout cela. La plus grande
erreur de la gauche fut de demander sans arrêt « Qu’est-ce que ça veut dire ? ».
Dans les premières manifestations de juin, pendant que la question des transports
était au centre de la scène, autour de 100.000 personnes étaient dans les rues. Dès
les premières actions on notait la présence considérable des pratiquants de la
tactique black bloc et les grands media ne cessaient pas d'insister sur la violence
des manifestants. Mais la persistance des manifestations a provoqué un
changement de discours par la suite. Les medias ont tenté de transformer la
revendication de départ, contre l'augmentation du prix du transport, dans un
mouvement d’insatisfaction plus général contre la corruption. Le but était de
dissoudre la spécificité du problème de la mobilité urbaine et on a assisté ensuite
une dispute aguerrie sur les discours les plus adaptés pour interpréter les manifs :
est-ce que 20 centimes était vraiment une cause digne ou s’agissait-il seulement
d’un prétexte ? On entendait dire alors à plusieurs reprises « ce n’est pas pour 20
centimes ».
Les jours qui se sont suivis ont vu le nombre des manifestants augmenter de façon
très surprenante, jusqu’à un million des personnes dans la rue de Rio de Janeiro le
20 juin 2013. La variété des profils sautait aux yeux. Des jeunes étudiants d’écoles
publiques et privées en processus nette de politisation, mais toujours sans une
identité politique définie. Des organisations traditionnelles comme le Mouvement
des Sans Terre et plusieurs mouvements des sans toit (SDF). Différents
mouvements de minorités, des plus vieux et des très nouveaux : noirs, féministes,
LGBTs. Partis de gauche et d’extrême gauche, trotskistes et maoïstes, ou même
certains groupes du PT. Des militants syndicaux qui ont décidé de venir avec leurs
drapeaux et t-shirts rouges et qui se sont alors fait attaquer, protagonistes d’un des
épisodes les plus controversés par la suite, vue la variété d’interprétations
auxquelles il a donné lieu. Il y avait aussi des petits groupes proto-fascistes, comme
des skinheads, qui ont attaqué les militants des partis et des syndicats. Le fait est
que pas seulement ceux-ci étaient révoltés contre les organisations traditionnelles
de la politique. Et la surprise provoquée par le constat d’une rage diffuse contre ces
1Judensnaider, E., Lima, L., Ortellado, P. e Pomar, M. Vinte centavos: a luta contra o aumento. São
Paulo: Editora Veneta, 2013.
organisations a empêché plusieurs analystes de faire une bonne cartographie des
indignations. Il y avait énormément des gens, surtout cela, simplement des
personnes indignées contre les concessions fréquemment faites aux hommes
politiques. Les cris antipartis ne venaient pas seulement des fachos, mais aussi des
différents groupes anarchistes. Et la diversité était telle qu’il était impossible de
classifier ces manifs comme étant de tendance fasciste, comme certains
intellectuels de gauche ont voulu vite les classer. La plupart des personnes qui ont
passé à fréquenter les manifs n’appartenait à aucune organisation ou courant
politique, ces personnes demandaient notamment des meilleurs services
publiques, donnant accès à un welfare pas tout à fait existant au Brésil : santé et
écoles gratuites. Ces dernières années le pays a vécu sans doute une époque
d'incrément des droits – augmentation de la rente, diminution des inégalités
historiques – et il était donc évident que les gens se voyaient en mesure de
demander aussi des meilleurs services publiques (qui n’ont pas accompagné
l’amélioration de la rente). On demandait PLUS. À côté de cela, il y avait aussi la
mobilisation contre la corruption. Une partie d’anciens militants du PT a joint les
protestations, ayant ras le bol de voir le gouvernement auquel ils ont toujours rêvé
céder de façon honteuse à des députés physiologiques, à des grands propriétaires
de terres liés à l’agro-industrie contre les droits des indiens, à des églises
évangéliques, enfin, de voir leur gouvernement trahir les causes historiques du PT.
Des activistes gay et trans ont eu aussi un rôle important dans cet affaire, vue la
place donnée par le gouvernement à des politiciens évangéliques très
conservateurs, qui arrivaient jusqu’à proposer des lois pour la cure des
homosexuels. Un slogan très important, qui a traversé toutes les manifs, s'élevait
contre la superpuissante chaîne de télé Globo. En fait, seulement deux types de
slogans arrivaient à rassembler toute la diversité présente aux manifs : contre la
Globo et PLUS (c'est-à-dire, ceux qui exprimaient d’une façon ou d’une autre « nous
voulons plus de services de qualité accessible à tous »). À Rio il y a eu aussi le
rassemblement autour du cri contre le gouverneur de l’état à l’époque, Sergio
Cabral : « Ei Cabral, vai tomar no cú! ». Il s’agissait du slogan plus fort et plus
symbolique de l'indignation généralisée.
Après juin, du côté du gouvernement et des intellectuels on ne savait pas qui était
le plus perdu. L’aspect « anti partis politiques » des manifestations a sidéré la
gauche. Plusieurs intellectuels ont classifié le mouvement comme étant de
tendance fasciste ou de droite, ce qui n’était absolument pas vrai. Même les
revendications initiales contre l'augmentation du billet de transport ont été mal
comprises par la gauche, le meilleur exemple étant de maire de São Paulo,
Fernando Haddad qui a dit se traiter d’une demande rebaissée. Il n’a jamais
compris que la lutte contre l’augmentation du prix des transports mobilise aussi
toute une série de demandes associées au travail dans les villes, la mobilité étant
une condition indispensable à la démocratisation des conditions de production. Ce
type de revendication renvoie à un programme politique de type nouveau, très mal
compris par la gauche. Tout de même, la force des manifs a fait que les
gouvernements de plusieurs villes du Brésil finissent par céder en reversant
l’augmentation des tarifs. Cela ne veut pourtant pas dire que la gauche au
gouvernement ait saisi l'importance d’un agenda comme était celle du Passe Livre.
Cette brève description ouvre une multiplicité des couches d'interprétations. C’est
au sein de ce mouvement déjà complexe que surgit le cri « Não vai ter Copa ! », un
slogan de nature diagrammatique, et non programmatique. Notre approche ici
souligne la dimension diagrammatique de l'événement, essentielle pour
comprendre ce qui s'est passé ensuite.
Toujours en 2013, en octobre, éclose une grève d'enseignants des écoles publiques.
L'événement fait revivre l'esprit des manifestations de juin, mais cette fois-ci avec
une face plus identifiée à la gauche, ce qui résignifie la composition du mouvement.
Les manifestations syndicales des enseignants, donc symboliques de la cause de
l'éducation publique, furent enrichies et transformées par la présence des
nouveaux militants inventés depuis juin, qui ont immédiatement embrassé la cause
des enseignants. Les tactiques répressives de la police, à ce moment déjà devenues
automatiques, ont rencontré une résistance efficace de la par des black blocs, qui
se sont mis devant les manifs pour protéger les professeurs (et même des groupes
mixtes surgissent, comme les Black Profs). Des discussions intenses se suivent
alors au sujet de la tactique et de sa pertinence stratégique dans les manifs. Des
expérimentations variées s'étendent jusqu'au début 2014, lorsqu’une grève des
fonctionnaires de la propreté de la ville (qu'on appelle « garis ») se mélange au
Carnaval et gagne une nouvelle force, plus autonome, permettant à ces employés
d'aller contre leurs syndicats, qui tentaient déjà de faire des accords avec le maire.
À continuer dans ce rythme, tout pourrait se passer à Rio pendant la Coupe du
Monde à venir, en juin 2014.
Au Brésil, le fait même d'avoir depuis douze ans un gouvernement du Parti des
Travailleurs a amené à une démobilisation des mouvements sociaux importants,
notamment ceux qui étaient lié au PT auparavant. Le Parti des Travailleurs était
une vraie force de gauche, non pas dans le sens vide de la social-démocratie, mais
dans le sens d'un parti constitué à partir des luttes vivantes des mouvements
sociaux de types variés2. Démobiliser cette expérience a contribué à une
désactivation de l’imaginaire de gauche. Nous avons assisté par la suite à un
recherche hystérique d’une identité « vraiment de gauche » ou « révolutionnaire » :
des partis formés par dissidences du PT, des petits partis d’extrême gauche, des
anarchistes, des organisations révolutionnaires d’inspiration trotskistes etc. Des
organisations de ces types se sont multipliées et ont mis en place des stratégies de
« dispute de conscience » à fin de capturer l’énergie politique des jeunes.
Il est à remarquer que, après juin 2013, les événements les plus puissants sont
apparus lorsque des mouvements nouveau et des types différents se sont
connectés: black blocs et enseignants; media-activistes et garis; le mouvement
jeune – mais très organisé – pour la gratuité des transports et l'indignation diffuse
demandant plus et meilleurs services publiques.
Les positions polarisées réalisent un blocage aussi bien de la pensée que du désir.
Seule l’indignation identificatrice peut avoir lieu et il faut choisir de quel « côté » se
placer. La droite et la gauche, qu’on ne savait plus vraiment comment définir, se
trouvent à nouveau en mesure de revendiquer des appartenances. Les groupes
minoritaires se renferment aussi et se bagarrent entre eux. Partis et organisations
d’extrême gauche s’investissent dans la dispute de conscience des jeunes et tentent
de ressusciter les discours et de symboles bureaucratiquement révolutionnaires,
des slogans qu’on croyait morts.
Nous sommes entrés dans un processus de blocage des flux de désir, une retombée
de la dimension diagrammatique de l’événement sur des programmes. Et pire : des
programmes anciens et apparemment archaïques. Puisque la subjectivation n’est
pas prise en compte comme terrain de lutte, il faut choisir entre des alternatives
bien connues et l'absence d'alternative.
Nous passons donc à des réflexions plus générales sur le pas suivant : à quoi
amène, ou peut amener, la rupture subjective ?
4Guattari, F. Lignes de fuite. Pour un autre monde de possibles. Éditions de l’Aube, 2011, p.231.
met de travers aux « tendances » attendues et prévisibles. La coupure subjective se
produit en contre point de tendances et de leur évolution, elle fait exploser le
temps linéaire du « progrès » et ouvre une autre temporalité, crée d’autres
possibles. Dans un univers qui paraissait clos, d’autres possibles s’ouvrent. Les
possibles sont créés par la coupure subjective, ils ne lui préexistent pas. Ils sont
inimaginables avant qu’ils se produisent.
Les possibles nouvellement créés sont différents de ceux contenus dans les luttes
qui portent sur des intérêts et des buts (lutte sur les salaires, revenus, services,
droits etc.), même si ces luttes sont indispensables et préparent l’événement. La
coupure subjective crée de nouveaux univers de référence, c’est-à-dire un autre
monde pour la subjectivité. Il y a ici une discontinuité, un « saut » qui garde un
rapport particulier à la continuité de l’histoire, puisque si la rupture vient de
l’histoire, et retombe nécessairement dans l’histoire, dans son avènement elle
constitue un moment « a-historique », qui se détache et se détourne de la causalité,
en créant des nouveaux possibles et des nouveaux univers de référence.
Il y a ceux qui s’opposent à cette « trahison » au nom des nouveaux buts et des
nouveaux principes d’un socius dont on entrevoit la construction possible à partir
des tendances « macro » économiques et politiques déjà données. Ces tendances
servent de base à la proposition des nouveaux programmes pour la construction
d’un nouveaux socius.
5Deleuze, G. et Guattari, F, L’Anti-Œdipe. Paris : Minuit, 1972. Ils s’agissent ici de concepts trouvés
entre les pages 452 et 455.
Mais pour qu’il y ait rupture révolutionnaire, il ne suffit pas d’agir pour construire
un nouveau socius. Il est indispensable de passer de l’autre côté du social (c’est-à-
dire, de la subjectivité sociale molaire), d’aller là où s’exercent et s’inscrivent les
formations moléculaires de désir. Ce troisième investissement est porté par une
multiplicité de sujets à l’intérieur et à l’extérieure de la classe ouvrière et de ses
organisations.
C’est à ce propos que Guattari peut affirmer que l’histoire nous propose de
« véritables guerres de subjectivité (…), par exemple, Lénine s’est posé
explicitement la question de l’invention d’un nouveau mode de subjectivité
militante se démarquant de la subjectivité sociale-démocrate intégrée au
capitalisme »6. On ne peut pas comprendre l’histoire du mouvement ouvrier si on
ne voit pas qu’il a produit « de nouveaux types de subjectivité » et il se risque
jusqu’à dire « de races humaines différentes ».
6 Guattari, F. Qu’est-ce que l’Écosophie ? Paris : Lignes, 2013,p. 206 (il cite la Commune de Paris).
7L’Anti-OEdipe, p.304.
ce qui était la tâche du mouvement socialiste révolutionnaire. La rupture des
léninistes avec les sociaux-démocrates s'est faite ainsi par la proposition d’un parti
qui puisse créer un clivage entre l'avant-garde prolétarienne et les masses, à fin de
transformer l’attitude de passivité et le spontanéisme de cette dernière.
À l’heure actuelle, l’emploi de tout modèle basé sur une division de ce type serait
évidemment anachronique. Lorsque nous disons qu’il faut « dépasser l’hypothèse
gauchiste » c’est qu’il faut reconnaître les limites des divisions qui n’incluent pas la
problématique du désir. Deleuze et Guattari rappellent aussi que l’intérêt de classe
demeurerait purement virtuel s'il ne pouvait pas s’actualiser dans une conscience,
dans un parti organisé visant la conquête de l’appareil d’État : il est donc, par
définition, de l’ordre des ensembles molaires. L’intérêt de classe implique une pré-
conscience collective bien distincte de l’inconscient qui, lui, se place dans le désir
de groupe et fait marcher l’ensemble moléculaire des machines désirantes8. La
classe se définit par l’intérêt tandis que le désir passe par le groupe.
Les nouveaux mouvements organisés à partir des années soixante – pédés, fous,
écolos, féministes, radios libres – ont introduit une première différence par
rapport à la gauche traditionnelle, qui a eu toujours du mal à comprendre des
investissements de désir :
Cela dit, il n’est pas suffisant de faire appel à la notion de désir comme si dire
« désir » pouvait vouloir dire « libération ». Le désir peut amener aussi à un ordre
molaire de type spécifique, différent de la classe et du parti. Les investissements
subjectifs qui partent des programmes pour la construction d’un nouveau socius
amènent à la formation des groupes, des territorialisation et des identités qui
peuvent aussi bien dégager une charge révolutionnaire qu’alimenter un fascisme
8Idem p.305.
9Guattari, F. « Le Capitalisme Mondial Intégré et la révolution moléculair ». Le lien social, 181, pp.1-
9, 1992. Citation à la page 7. Article disponible ici :
http://www.revue-chimeres.fr/drupal_chimeres/files/cmi.pdf
moderne, en donnant lieu à des nouveaux archaïsmes. Le socius n’agit pas de
manière à déterminer, pour nous, une certaine position dans la société (comme
une compréhension sociologique pourrait nous faire croire). Cette position, on la
désire.
Mais des désirs progressistes coexistent avec des désirs qui bloquent
l’investissement révolutionnaire. Reich montre que la faute de la gauche
révolutionnaire à son époque fut de mépriser la nécessité d’une compréhension de
la psychologie des masses et de la dynamique du désir, en réduisant la conscience
de classe à être déterminée par des intérêts. Dès lors, cette gauche n’a jamais
considéré que le désir peut aller dans le sens contraire de l’intérêts10. Il y a des
investissements de désir qui sont profondément réactionnaires, d’où les limites
des investissements subjectifs qui visent seulement la construction des nouveaux
socius. Il ne suffit pas de créer des groupes pour se forger une position dans la
société. Cela peut faire partie du processus, mais ne dégage pas – par soi-même –
une charge révolutionnaire. L’ambigüité qui peut avoir dans des mouvements
identitaires (ethniques par exemple) est un indice des limites de ce type.
L’enjeu serait alors de comprendre pourquoi est-ce qu’on désire ce qui bloque le
désir ? Comment procéder à l’interruption du rabattement du désir sur une
position sociale ? L’action révolutionnaire passe ainsi par un refus, peut-on dire
même un refus de la place du militant ou du révolutionnaire. Le capitalisme
installe l’axiomatique à l’intérieur des mouvements à fin de les intégrer à sa
dynamique : il capitalise les mouvements. Dès lors, une action anticapitaliste a
besoin de prendre les axiomes du capitalisme comme terrain de lutte.
Les investissements diagrammatiques, dont nous avons parlé plus haut, se placent
de l’autre côté socius et ne se tiennent pas à des programmes, revendications ou
agendas. Il y a des revendications des droits sociaux qui sont initialement en conflit
avec les programmes de l’État, mais peuvent finir par se faire entendre, donnant
lieu à des nouveaux axiomes. Au moment où il a été proposé, le welfare state fut un
nouveaux axiome.
Est-ce qu’il serait possible de construire des organisations d’un type nouveau
capables de produire une telle transformation de la carte inconsciente des
mouvements ? Un espace des pratiques aptes à s’exercer comme une machine de
guerre pour ébranler l’axiomatique capitaliste ? Mouvements sociaux et partis
politiques traditionnels peuvent encore y avoir un rôle mais sont loin de suffire.
Une programmatique nouvelle est nécessaire mais sans une diagrammatique elle
amènerait aux mêmes dilemmes des organisations traditionnelles de la gauche. Le
fait que nous ne savons pas comment mettre en place une dynamique de type
nouveau ne doit pas nous paralyser. L’affirmation de ce « je ne sais pas » peut être
en soi-même un point de départ12.
30/07/2014: “Es necesario mantener un debate constante y respetuoso y que a la vez no suprima
las diferencias y las contradicciones. Pienso que una base del diálogo podría ser la siguiente: nadie
tiene la solución”. Disponible ici:
http://www.eldiario.es/interferencias/John_Holloway_Podemos_Syriza_capitalismo_6_287031315.
html
Suspendre la question du « quoi faire ? » - encore trop léniniste - et la remplacer
par le « comment faire ? » : avec qui, en mobilisant quelles forces, pour mettre en
place quels nouveaux modes d’être ensemble ? Quels nouveaux modes d’inclure la
planète ? Comment mettre en place une nouvelle puissance de connexion, une
capacité de conjuguer des lignes encore instables, d’instaurer une diagrammatique
qui s’affirme en tant que telle et ne se laisse pas séduire par l’urgence des
programmes ? Construire un plan instituant qui se dessine de façon transversale à
ceux des organisations molaires. Un plan où se placer pour garder vivante la
dimension diagrammatique de la rupture subjective et, à partir de là, refuser,
ébranler ou détourner la capitalisation de la subjectivité. Cette capitalisation qui
est produite par les équipements collectifs, les médias, les réseaux sociaux, la
production informatique, bref par autant des dispositifs qui quadrille au lieu
d’asservir ou de circonscrire dans des cadres territoriaux bien codifiés. Comment
réagencer alors, dans ce contexte, une subjectivité désaliénée, non quadrillée, que
Guattari appelle « processuelle »13 parce qu’elle s’engendre comme territoire
existentielle en même temps qu’elle empêche de se cristalliser dans une
subjectivité capitalistique ? Il faut des nouveaux champs de sens, des possibilités
d’expression et d’énonciation, sans quoi on restera pris dans cette subjectivité
capitalistique.