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EXEMPLE DE LA MISE EN PLACE D’UN PLAN SOCIAL

D’après « La ruche et le sablier, Gérer l’emploi à l’écoute des hommes »


de messieurs : Frédéric Périn, Daniel Labbé et Emmanuel Froissart

! - INTRODUCTION
“ A se tenir en rangs serrés comme le font en hiver les abeilles et les
moutons, il y a certes des avantages : On se défend mieux du froid et des
agressions. Mais si l’on reste en marge ou à distance du groupe, on se réserve
d’autres profits : On peut s’en aller quand on veut et on voit mieux le
paysage.” PRIMO LEVI

Cet extrait de l’avant propos résume bien à lui seul le ton de l’ouvrage

En effet, nous vivons aujourd’hui dans une période où le plan social


semble être au cœur du débat, un retour sur les expériences antérieures,
encore lourdes de signification permettra peut être d’évoluer et d’éviter les
erreurs du passé.

C’est un moyen pratique pour s’adapter à la conjoncture en pleine


mouvance et arriver à un changement de l’organisation qui, dans bien des
cas, semble être la seule solution.

De plus, au sein de la société, le plan social apparaît comme étant le


point de départ du phénomène d’exclusion sociale. C’est pourquoi, au vu de la
gravité de ce phénomène, il est primordial, en ce qui concerne la gestion des
ressources humaines, de prendre avec la plus haute considération le sujet, de
faire preuve d’imagination et d’innovation, de chercher à trouver des solutions
avec tous les partenaires et acteurs, de manière à réussir le plan social.

Être crédible, reconnu, accepté par les salariés, être responsable et


pouvoir être en phase de dialogue constant, tel est le défi qu’a souhaité tenter
et réussir l’usine RENAULT de BILLANCOURT.

Cet exemple, vivant et vibrant montre qu’avec de l’imagination, la


gestion des ressources humaines peut être le pivot du changement.
Changer ou disparaître, tel est l’enjeu !

.La rapidité des changements, la modification des rapports sociaux, les


nouvelles règles juridiques, le paysage social en continuelle décomposition
constituent un contexte difficile pour les entreprises. Est il alors possible de
mener à bien une réelle politique sociale dans les entreprises ?

Ce livre montre qu’une nouvelle voie peut être empruntée en comptant


sur un rôle nouveau que peuvent jouer les représentants des salariés.
" - HISTORIQUE DE L’USINE RENAULT A BOULOGNE BILLANCOURT
1898 C’est la création des ateliers RENAULT situés à MEUDON
1930 La grande usine de montage des véhicules RENAULT s’installe
dans l’île Seguin
1945 Naissance de la RNUR ( Régie Nationale des Usines RENAULT )
1947 On produit et on commercialise la célèbre RENAULT 4 CV
fabriquée à l'île Seguin
1960 La RENAULT 4 est produite dans l’usine de l’île Seguin qui s’est
spécialisée dans la production de ce modèle.
1969 La RENAULT 6 voit le jour.
1972 L’usine de MAUBEUGE est crée
1979 L’usine de BILLANCOURT est crée . Elle compte 17500 salariés
qui produisent environ 1000 R4/jour. Cette usine est crée à
partir de l’usine de fabrication mécanique et de l’usine de
montage et de carrosserie.
1980 Premier plan social où les salariés de 56 ans et deux mois sont
mis en préretraite .
1981 L’usine de l’île Seguin est rénovée.
1983 Les pistoletteurs font des grèves répétées. Aussi, on installe des
robots à peindre à l’usine de BILLANCOURT qui devient alors
le site pilote.
1984 L’effondrement financier amène à procéder à un nouveau plan
social
Ce plan concerne les salariés de 55 ans
Il y a incitation au départ, sur la base du volontariat :
# Aide au retour pour les salariés immigrés
# Allocation de reconversion d’un montant de 50000 F pour
les salariés désireux de quitter la société.
1985 Départ du PDG, Monsieur Bernard HAMON (1981/1985 )
Le nouveau PDG est Monsieur Georges BESSE
L’EXPRESS est lancé
1986 Création de l’intersyndicale CFTC-CFDT-FO-CGC et adoption
d’une politique commune lors des licenciements de 1986.

1986 : vagues de licenciement successives


1987

06.1986 Licenciement de 600 salariés de BILLANCOURT (problème des


245 licenciés)

1° ) 09.1986 Première vague de licenciements établi sur la base du


premier plan mais couplé à un processus de “ sélection et
d’exclusion ” c’est à dire sur sur des critère qui ne sont
pas objectifs (expl : fidélité ...)
17.11.1986 : Assassinat de Monsieur Georges BESSE
17.12.1986 : Monsieur Raymond LEVY prend la présidence de la
régie RENAULT
2° ) 03.1987 Deuxième vague de licenciements où les critères
portent cette fois sur la compétence et le travail réalisé. Une
des deux chaînes de production est arrêtée.
3° ) 09.1987 Troisième vague de licenciements où le critère de
sélection est la suppression du poste de travail
Il y a modification des comportements dans l’entreprise. En effet, les
salariés prennent alors conscience de la fragilité de l’emploi et
s’interrogent sur la pérennité de l’entreprise

11.1988 Le FLASH USINE, bulletin d’information de l’entreprise permet


aux salariés de découvrir l’existence de la filiale de MAUBEUGE. Cette filiale
sera une tôlerie capacitaire c’est à dire qu’elle sera capable de s’adapter aux
contraintes de production de plusieurs modèles différents de véhicules.

Dès 1989, l’usine de MAUBEUGE produira 200 EXPRESS / jour pris sur
les quotas des usines d’ESPAGNE

Durant cette période, la CFDT établira des contacts avec les 245 salariés
licenciés en 1986/1987 afin d’intenter un procès sur les faits que l’allocation
donnée était un leurre.

L’association STARTER est crée pour aider les salariés licenciés à


retrouver une nouvelle identité et à redémarrer dans la vie.

11.1989 La fermeture de l’usine de BILLANCOURT est officiellement


annoncée par Monsieur Raymond LEVY, alors que cette usine
fabrique environ 500 EXPRESS et R5 / jour.

L’effectif est alors de 4000 salariés.


L’apparition de Kiosques vidéo situés aux points stratégiques de
l’entreprise, permet d’expliquer la situation aux salariés et d’assurer la paix
sociale; A noter qu’aucune manifestation de colère ne fait suite à l’annonce de
la fermeture de l’usine.

12.1989 : L’ACCORD A VIVRE est signé. Il introduit une ambitieuse


politique de formation des opérateurs liée à l’organisation du travail et à la
gestion prévisionnelle des emplois.

Première rencontre, afin de négocier la fermeture de l’usine, centrée sur


le reclassement du personnel. Ce dernier sera suivi par une équipe technique
de reclassement de l’ANPE et percevra une prime couplée au système de
convention / conversion

01.1990 : L’accord est signé, prévoyant le reclassement du personnel.


La CFDT est à l’origine d’une réflexion écrite servant de base à cet accord.

Une commission paritaire est crée avec comme thème de travail la


mobilité au sein du groupe RENAULT. Cette commission doit gérer les 1350
suppressions de poste pour 1990 dont 220 FNE, 550 emplois disponibles en
province et autant en région. Le problème de la mobilité est alors posé avec
pour aider, un plan de sensibilisation permettant de vendre le projet. Mise en
place d’entretiens individuels et collectifs.

01.1990 : Le comité mobilité est mis en place permettant de suivre


l’application du plan social. Il se réunira toutes les semaines avec la
participation des responsables de production qui devront prendre en compte
le social.
02.1990 : Une charte de mobilité est mise en place par la commission
paritaire qui servira d’outil de négociation.

03.1990 : Malgré la volonté de jouer la transparence, la tâche n’est pas


facile. En effet,il faut démarrent et l’animation est prise en charge par le chef
du département. Un problème de racisme va nécessiter la nomination d'un
Monsieur mobilité au MANS.

04.1990 : Diffusion de la charte mobilité à l’ensemble des directeurs des


sites et filiales. Les mots clés sont : Respect, solidarité et fondamental. Il faut
noter que la réussite des opérations de reclassement dépend de l’adhésion
des usines du groupe et de leur volonté de faire réellement vivre la mobilité.

Une grève éclate le 02 Avril dans l’atelier de cataphorèse. C’est la


première réaction depuis l’annonce de la fermeture du site. La direction
accepte après deux jours de négociation , la création d'un poste
supplémentaire dans chaque équipe de l’atelier. Malgré cela, la grève va
gagner les autres ateliers mais elle ne concerne que les conditions de travail
et notamment un redécoupage des tâches. Toutefois, cette grève aura le
mérite de clarifier la situation et, avec l’appui des syndicats la mobilité va
alors se développer.

06.1990 : Les Relais-Emploi-Mobilité sont mis en place.

07.1990 : Non seulement l’entreprise se devait de faire vivre le


volontariat mais elle devait veiller à maîtriser la perte des savoir faire. Pour
se faire, deux possibilités pouvaient être envisagées :

• Refuser momentanément la mobilité


• Avoir recours à la sous traitance, à l’intérim pour remédier à la
perte de savoir faire

Sur ce, la production baisse. Une seule équipe de travail est nécessaire
et le volontariat ne suffit plus à faire face au sureffectif. L’encadrement est
sensibilisé à la mobilité et des séminaires sont mis en place à NEMOURS.
Après ces séminaires, les demandes de mobilité vers certaines usines
comme FLINS et CHOISY seront telles qu’une véritable sélection va devoir
être opérée.

Parallèlement à cela, on voit apparaître une prise de conscience de


l’importance de la communication ; Organisation de forums, témoignages
d’ouvriers ayant été intégrés dans d’autres usines au niveau des kiosques
vidéo, ...

Les autres usines et filiales sont de réels partenaires à la mobilité :

• L’usine du MANS n’accepte les FNE que contre l’embauche des


salariés de BILLANCOURT
• L’usine de FLINS signe un accord pour la mise en place d’une
troisième équipe
• L’usine de CHOISY moins partie prenante se limitera aux salariés
ayant des difficultés d’ordre familial.
• Des réseaux relationnels sont créés afin de permettre le
reclassement à l’extérieur de l’entreprise.
08.1990 : Invasion du KOWEIT par Sadam HUSSEIN
09.1990 : Le démarrage de la troisième équipe de production est
retardé du fait de la chute du marché de l’automobile.

Toute personne acceptant de quitter l’entreprise recevra une prime


complémentaire.
A noter que la CGT fera campagne contre la mobilité.
A la fin de l’année 1990, 118 ouvriers seront licenciés après avoir refusé
toutes les mesures du plan social, 1150 ouvriers seront reclassés dont 760 en
reclassement interne, 227 en préretraites et 178 en reclassement externe

04.1991 : L’accord est renouvelé. De nouvelles filières de reconversion


sont mises en place dans des secteurs d'activités variés, tel que les transports
routiers, le gardiennage, l'entretien des espaces verts,... C'est une personne
de l'antenne mobilité qui anime les réunions

A noter qu'il existe parfois un manque de continuité et de suivi entre


l'antenne mobilité et l'équipe technique de reclassement de l'ANPE. Un suivi
rigoureux des dossiers et une coopération étroite sera demandée lors de
nouvelles négociations. De plus, certains ouvriers n'acceptent que très
difficilement la fermeture définitive de l'usine de BILLANCOURT et ont du mal
à se projeter dans l'avenir, quant à leur implication dans un nouveau travail.

08.1991 : La fabrication de l'EXPRESS est arrêtée au profit de la


production de RENAULT 5

09.1991 : Afin d'utiliser les savoir faire et dans le but de reclasser


quelques salariés, l'AVMC voit le jour. ( Aménagement de Véhicules,
Mécanique et Carrosserie

01.1992 : Challenge qualité

11.1992 : Création de l'atelier CLAMART CABLAGE afin de réemployer


des salariés handicapés qui se trouvaient dans l'atelier social de l'usine de
BILLANCOURT.

03.1992 : La dernière SUPER 5 sort des ateliers qui ne comptent plus


que 100 ouvriers.

% - METHODES UTILISEES ET OUTILS EMPLOYES


Le prix du social

Comme on vient de le voir au fur et à mesure de l'historique de l'usine


de BILLANCOURT, la démarche appliquée dans cette entreprise peut être
considérée comme exemplaire.

Cette démarche, qui est à l'initiative propre de la régie RENAULT, s'est


faite sur une longue période et avec des moyens mis en jeu considérables. Il
est évident que le prix à payer est incontournable mais dans le cas présent, il
s'agissait de la survie même de l'entreprise.
Il faut savoir que de toute façon, toute organisation a des obligations
légales financières non négociables en matière de licenciement.

Le déroulement et l'élaboration du plan social, montre qu'une


communication entre Direction, syndicats et salariés peut faire admettre une
réalité difficile à comprendre parfois.

En effet, bien que quelques conflits soient venus ternir la démarche, les
résultats sont probants.

La quasi totalité du personnel touché par les plans sociaux a retrouvé un


emploi. Fait non négligeable, l'image de marque de la société n'a pas été
ternie et bien au contraire. Cet engagement dans la construction et du
dispositif d'aide au reclassement aura eu un impact positif sur l'image de
marque.Ce travail d'accompagnement est toutefois délicat à chiffrer au
préalable.

Les mesures d'accompagnement du personnel ont permis de conserver


les savoir faire mais au delà de cet impact, chacun s'est pris en charge et
s'est mobilisé, assurant, dans les moments difficiles une production de qualité
et le respect des délais de livraison.

L'impact humain

Le succès de cette opération de reclassements ne s'est évidemment pas


fait sans aides financières (bien que l'incitation financière soit alléchante, elle
n'offre aucune perspective d'avenir ) ni aides au logement ou toutes autres
aides matérielles. Mais au delà de cette réussite, c'est tout un dialogue qui
s'est instauré, avec des finalités précises et des alliances précieuses. Les
attentes des salariés ont été réellement prises en compte. De ce fait, les
salariés ont été motivés et volontaires ce qui fut nécessaire à leur
reclassement.

De plus, les responsables des groupes d'orientation ont eu un rôle


capital dans le déroulement des opérations. Leur connaissance de l'histoire de
RENAULT, de la culture de cette entreprise, des caractéristiques de la
population, des relations sociales toutes particulières, où les rôles étaient bien
campés, où les affrontements rythmaient la vie de l'entreprise, où les
syndicats ne se préoccupaient pas de l'économique mais des avantages
sociaux accumulés et défendus pied à pied, jusqu'à ce que l'entreprise, en
1984, fût mise à genoux et tous les emplois menacés. Difficile sans eux de
faire jouer un rôle différent aux syndicat

Méthodologie appliquée

Ce projet de changement a impliqué non seulement l'acceptation de la


fermeture de l'usine de BILLANCOURT mais également l'instauration de
nouvelles instances de travail conjointement avec les divers partenaires.(
Commission paritaire, comité mobilité, groupes d'orientation,... )

Ce projet, cette démarche avait pour objectif principal de traiter


réellement les problèmes et non pas d'indemniser les salariés uniquement.

La communication fut omniprésente et la transparence totale.


Cette démarche de recherche de reclassement ne fut pas uniquement un
projet professionnel mais surtout un projet de survie et de pérennité de
l'entreprise.

& - EN RESUME
Un proverbe arabe dit que "Celui qui veut faire quelque chose trouve un
moyen, celui qui ne veut rien faire trouve une excuse "

Ce proverbe résume bien le ton de l'ouvrage.

On sait, qu'en FRANCE, la négociation est l'héritière d'une histoire qui


donnait aux entreprises, aux syndicats et à l'état, des rôles biens déterminés.
Une telle gestion parait simple en période de croissance car elle repose sur le
principe de l'argent, du monnayage des problèmes sociaux. C'est tout autre
chose en période de crise...où l'argent n'est plus le seul objet d'échange et où
l'indemnisation rentre dans une logique d'exclusion.

Le syndicalisme Français est une institution dont le rôle social a


longtemps été de marchander les dégâts du Taylorisme. C'est à présent un
tout autre rapport où le syndicat est un partenaire utile dans les négociations.

De plus, l'identité au travail est en révolution. On le voit bien dans


l'ouvrage où l'on voit surgir des projets personnels surprenants.

Au delà de ces points de vue, c'est l'anticipation de la gestion de l'emploi


qui est au cœur du débat : Les grands licenciements des années 80 ont laissé
un gâchis. Les entreprises perdent des compétences essentielles et se
trouvent handicapées dans leur développement. D'autre part, elles ne
parviennent plus à mobiliser des ressources humaines désabusées. Certes,
l'état s'en est mêlé en obligeant les chefs d'entreprise à informer les
partenaires sociaux sur les perspectives d'emploi pour les 12 mois à venir.
Cependant, nul n'est prêt à ce genre de dialogue ! Oser annoncer des
prévisions difficiles, rompre avec la langue de bois, sont des actes que l'on
rencontre rarement. Il faut donc essayer de négocier sans négociateur , tous
les jours, comme on le fait dans bien des PME !

Ces groupes informels permettront ils une nouvelle forme de dialogue,


la naissance d'une nouvelle forme de relais, et une nouvelle façon de passer
des compromis, adaptés à ces temps où les salariés refusent de laisser à
d'autres le soin de régler leur sort, tout en prenant en compte les contraintes
économiques ?

' - CONCLUSION
L'histoire de la mort d'une usine grandiose telle que RENAULT
BILLANCOURT décrit surtout une expérience qui montre effectivement une
autre façon de faire dont chacun peut tirer profit. En effet, les salariés sont
face aux enjeux réels. Une donnée essentielle est le désir des salariés, leurs
projets et leurs rythmes.

Les enjeux, la définition des responsabilités de chacun sont la base de


l'action. C'est pourquoi un projet de changement suppose une transformation
des structures qui le portent. Les entreprises d'aujourd'hui sont de plus en
plus des ensembles de groupes sociaux, aux cultures et aux intérêts
multiples, souvent mal relayés par les organisations syndicales. Les alliances
stratégiques sont délicates mais inévitables. L'action se doit d'être centrée sur
les hommes qui doivent être eux même préparés au changement. Toutefois,
les enjeux doivent être clairement énoncés et des règles précises doivent être
fixées.

Il faut laisser les craintes, les projets, les idées s'exprimer, même si le
salarié devient un partenaire exigeant et rebelle. Au delà de tout cela, il faut
avoir une grande notion du respect.

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