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2.
AFFAIRE DE L'INTERPRÉTATION
DU
PARAGRAPHE 4 DE L'ANNEXE A LA SECTION IV DE LA
PARTIE IX DU TRAITÉ DE PAIX DE NEUILLY
DU 27 NOVEMBRE 1919
COMPROMIS D'ARBITRAGE.
Article premier.
Article 2.
Article 3.
PREMIÈRE PARTIE
DEUXIÈME PARTIE
DIscessIOX JURIDIQUE.
1.
1
0
Les princiPes généraux du droit international.
II.
Cette solution n'est pas seulement imposée par les règles con-
sacrées en matière d'interprétation des traités internationaux. Elle
est confirmée par l'origine historique du texte, la doctrine, la pra-
tique et aussi par les engagements particuliers pris par la Bulgarie
vis-à-vis de la Grèce.
I
O
L'origine historique du texte.
L'idée première des Puissances alliées et associées, en élaborant
la Section IV de la Partie des conditions de paix avec l'Allemagne
relative aux clauses économiques, avait été de régler la question
des biens, droits et intérêts privés de leurs ressortissants en pays
ennemi et spécialement le sort et les conséquences des mesures prises
durant la guerre par l'Allemagne au sujet de ces biens, droits et
intérêts. Elles avaient en vue la conduite de l'Allemagne à leur
égard au cours de leur commune belligérance. C'était l'hypothèse
essentielle, celle qui intéressait la plupart des Principales Puissances
impliquées dans la guerre dès le début des hostilités. C'est elle
qu'ont continué à envisager, en principe, les textes définitifs
(art. 297 et 298) du Traité de Versailles et des autres traités de paix.
}lais à côté de cette hypothèse, il en était une autre, exception-
nelle, intéressant les Puissances qui ne sont devenues belligérantes
qu'au cours de la guerre, mais dont les sujets avaient, durant leur
neutralité, souffert des actes de guerre de l'Allemagne. Tel était
notamment le cas des Etats-Unis qui, jusqu'en I9I7, étaient restés
neutres, mais avaient eu, pendant leur neutralité, à souffrir de la
conduite de l'Allemagne, spécialement au cours de la guerre sous-
marine. Les Etats-Unis se souvenaient du cas de leur transatlantique
Lusitania coulé au large des côtes d'Irlande par un sous-marin
allemand. Ce torpillage avait causé, avec la perte du navire, celle
des marchandises dont il était chargé et d'un grand nombre de
personnes se trouvant à bord, dont la mort avait infligé un grave
préjudice à leurs familles. Les Etats-Unis estimèrent qu'ils avaient
de ce chef droit à indemnité pour leur ressortissants. Il obtinrent,
en conséquence, que, dans le Traité de paix, à coté de l'hypothèse
principale des dommages causés aux belligérants, on fît mention de
l'hypothèse spéciale, qui était la leur, des dommages causés aux
neutres devenus par la suite eux-mêmes belligérants.
Cette mention fut faite à la fin du premier alinéa du paragraphe 4
de l'annexe à la Section IV relative aux biens, droits et intérêts
privés. La rédaction du texte montre assez que sa dernière phrase
y a été ajoutée après coup.
L'addition était trop conforme à l'équité pour donner lieu à la
moindre difficulté. Aussi ne souleva-t-elle aucune critique de la part
de la délégation allemande, qui, dans les observations présentées
sur les conditions de paix, la passa absolument sous silence.
ARRÊT ~o 3 - MÉMOIRE DU GOUVER~EME:\T HELLÉKIQUE 19
Il en fut de même dans les autres traités de paix, et notamment
dans le Traité de Xeuilly, où elle fut littéralement copiée.
L'origine de la clause prouve à l'évidence qu'elle peut s'appliquer
à des actes passés hors du territoire ennemi et à des dommages
causés même aux personnes, car le torpillage du Lusitania, qui
l'a inspirée, s'est produit dans la haute mer et a occasionné, à
côté des pertes matérielles, des dommages personnels.
2° L'oPinion de la doctrine.
III.
Les explications qui précèdent justifient grandement la surprise
éprouvée par le Gouvernement hellénique de voir le Gouvernement
bulgare contester -- au mépris de ses engagements les plus formels
- la validité des réclamations dont il s'agit et - malgré l'évidence
des termes et de l'esprit du paragraphe 4 -- la compétence de
l'arbitre pour en connaître.
Le Gouvernement hellénique a été particulièrement peiné quand
il a appris que le Gouvernement bulgare refusait à l'arbitre le droit
d'apprécier, en interprétant les textes instituant sa juridiction,
l'exception d'incompétence soulevée devant lui et allait même
jusqu'à le menacer, pour le cas où il passerait outre à l'injonction
qui lui était faite de se dessaisir, de ne pas exécuter ses sentences.
Car pareille attitude constitue une ft.agrante violation des principes
fondamentaux de la justice internationale et des dispositions
formelles dv droit conventionnel. Il est depuis longtemps admis que
le juge de l'action est juge de l'exception. La Convention de La
Haye du 18 octobre 1907 a consacré définitivement cette règle dans
son article 73 qui proclame que « le tribunal est autorisé à détermi-
ner sa compétence en interprétant le compromis, ainsi que les
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22 ARRET N ° 3 � ME;\,IOIRE DU GOUVERNEMENT HELLE!\IQUE
clans leurs biens, droits et intercts, mais encore dans leur personne,
par suite de mauvais traitements, de deportations, d'internements
,m autres actes analogues.
L'agent du Gouvernement hellenique:
(Signe) E:YIM. KAPSAMBELIS,
Envoyc extraordinaire et ministre plenipotentiaire
de la Republique hellcnique aux Pays-Bas.
La Haye, JI juillet 1924.