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Biophysique sensorielle.

Acoustique physiologique

par Drystan LOTH


Directeur du Pôle d’activités médicales (PAM) neurosensoriel Hôpital Lariboisière
CHR Lariboisière-Saint-Louis, Université Paris-VII

1. Anatomie E 5 110 - 2
2. Physiologie — 2
2.1 Transmission. Oreille interne — 3
2.2 Transduction — 4
2.3 Micromécanique cochléaire — 5
Pour en savoir plus Doc. E 5 110

es données anatomiques macroscopiques concernant le système auditif


L périphérique sont actuellement bien précisées. Il n’en est pas de même si
l’on s’intéresse à la structure intime de la cochlée, bien que des découvertes
datant maintenant d’une quinzaine d’années, portant sur des structures de
dimensions proches du micromètre aient permis des avancées majeures dans la
compréhension de la physiologie cochléaire. C’est ainsi, par exemple, que le rôle
fondamental des cellules ciliées externes a pu être en partie dévoilé grâce à
l’étude des struc-tures anatomiques mais aussi par la découverte de
phénomènes totalement inconnus voici quelques années : les otoémissions.
Ces connaissances nouvelles (encore controversées pour certaines), pour
importantes qu’elles soient, sont encore insuffisantes pour permettre une con-
naissance satisfaisante du fonctionnement non seulement de l’appareil auditif
périphérique, mais aussi des voies nerveuses centrales.
Si les déficits relevant d’atteintes de l’oreille externe (tympan) ou de l’oreille
moyenne (osselets) sont le plus souvent accessibles aux techniques chirurgica-
les, il n’en est pas de même des surdités dites « nerveuses », cochléaires ou
rétro- cochléaires. Des efforts importants restent donc à effectuer qui pourront
permettre une meilleure approche thérapeutique des pathologies auditives mais
aussi, on peut l’espérer, une réhabilitation efficace de ces différentes formes de
surdité.

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1. Anatomie rent les cils des CCE, tandis que les pôles supérieurs des CC sont
unis entre eux par la lame réticulaire qui bloque les cils à leur base.

Trois secteurs sont à distinguer dans l’oreille : l’oreille externe


(pavillon et conduit auditif externe fermé par le tympan), l’oreille
moyenne (caisse du tympan) et l’oreille interne (cochlée) d’où part,
2. Physiologie
pour gagner le cerveau, le nerf auditif (figure 1).

Le marteau, premier osselet, s’insère dans le tympan. Il est suivi Les ondes sonores sphériques arrivant à l’entrée de l’oreille se
de l’enclume et de l’étrier qui s’insère par sa base (platine) dans la propagent dans le conduit auditif externe (CAE) sous forme d’ondes
fenêtre ovale. planes. Le pavillon de l’oreille et le CAE génèrent des phénomènes
de résonance autour de 3 000 Hz, l’amplification peut atteindre
La cochlée (ou limaçon) est un tube osseux de 30 mm de long qui 15 dB ou plus à 2 700 Hz. Tympan, osselets, fenêtre ovale vont
s’enroule autour d’un axe (columelle). Son diamètre varie de 10 mm ensuite entrer successivement en vibration.
à la base à 1 mm à l’extrémité (apex). Une lame osseuse (spirale) Celles-ci doivent passer d’un milieu gazeux (air) de faible résis-
sépare partiellement le tube en deux rampes. Deux membranes, tance acoustique intrinsèque à un milieu liquidien (oreille interne)
membrane basilaire et membrane de Reissner, achèvent de le divi- de résistance acoustique intrinsèque élevée d’où la nécessité d’une
ser en trois compartiments. Le tube osseux renferme des structures adaptation d’impédance entre les deux milieux. C’est la chaîne
cellulaires et membraneuses (labyrinthe membraneux). Sous la tympano-ossiculaire qui réalise cette adaptation à l’aide de deux
membrane basilaire se trouve un premier compartiment, la rampe mécanismes :
tympanique. La membrane de Reissner sépare le compartiment
supérieur en deux secteurs, la rampe vestibulaire et le canal — effet de surface : concentration des forces de la grande surface,
cochléaire (figure 2). Dans le sens longitudinal, le canal cochléaire environ 0,5 cm2, du tympan, vers la petite surface S2, de la fenêtre
est fermé à ses deux extrémités. Il contient un liquide, l’endolymphe ovale, environ 20 fois plus petite ;
et des électrolytes. Il est délimité en dehors par la strie vasculaire ou — effet de levier : la chaîne ossiculaire est un levier (efficacité 1,1
ligament spiral, très vascularisé. Les deux autres rampes, qui à 1,3).
contiennent la périlymphe, communiquent à l’apex de la cochlée par
un orifice, l’hélicotréma. À la base, la rampe vestibulaire se termine À l’équilibre, les moments des forces F1 et F2 par rapport à l’axe
par la fenêtre ovale, fermée par la platine de l’étrier. Un ligament sont égaux (figure 3) :
annulaire assure l’étanchéité et la souplesse de la jonction. La
rampe tympanique se termine par la fenêtre ronde, fermée par une
F1 d1 = F2 d2
membrane élastique qui la sépare de l’oreille moyenne. avec F 1 = P 1 S 1
L’organe de Corti, qui est l’organe sensoriel auditif, repose sur la et F2 = P2 S2
membrane basilaire et contient, outre des cellules de soutien, des
cellules sensorielles ciliées (CC) de deux types, soit de dedans en d’où :
dehors : les cellules ciliées internes (CCI), disposées en une rangée
longitudinale, les cellules ciliées externes (CCE), alignées en 3 ou 4 P2 ⁄ P1 = d1 S1 ⁄ d2 S2
rangées longitudinales. Le pôle supérieur de ces cellules présente
des évaginations qui forment des touffes de « cils ». L’organe de Au total, 20 à 40 % à peu près de l’énergie acoustique incidente
Corti est recouvert par la membrane tectoriale dans laquelle s’insè- serait transmise vers la cochlée.

Enclume
Marteau Étrier Fenêtre ovale Cellules ciliées
Hélicotrema

Rampe vestibulaire (périlymphe) Membrane


Conduit de Reissner
Son auditif
Canal cochléaire (endolymphe) Membrane
externe tectoriale

Tympan Lame
Caisse réticulaire
du tympan
Pavillon
Rampe tympanique (périlymphe) Membrane
basilaire
Muscle
de l'étrier
Fenêtre
ronde Fibres du nerf cochléaire

Trompe
d'Eustache
Base (hautes fréquences) Apex
(basses fréquences)
Oreille externe Oreille Oreille interne
(air) moyenne (cochlée)
Figure 1 – Schéma de l’oreille : tube
(air) Liquides - membranes - cellules ciliées
cochléaire déroulé (coupe longitudinale)

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2.1 Transmission. Oreille interne


Strie
Membrane vasculaire
de Reissner
Rampe ■ Conduction aérienne (CA)
vestibulaire
Lame ● Pour des fréquences inférieures à 20 Hz, l’étrier mis en vibration
Membrane
Fibres du nerf réticulaire tectoriale par la chaîne tympano-ossiculaire agit comme un piston dans la
cochléaire afférentes fenêtre ovale, mobilisant les liquides des rampes tympanique et
vestibulaire, mobilisation rendue possible par l’existence de la
membrane souple qui obture la fenêtre ronde.

● Au-dessus de 20 Hz, une fermeture « fonctionnelle » de l’hélico-


Cellule tréma se produit et la pression différentielle P (RV )−P (RT ) se trouve
Cellule ciliée ciliée
interne Lame spirale membrane appliquée sur les deux faces de la membrane basilaire qui entre en
basilaire externe
(1 rangée) (3 rangées) vibration. La membrane de Reissner est « transparente » sur le plan
Rampe de la transmission des pressions. Cette membrane présente des
tympanique propriétés mécaniques graduées le long de la cochlée, épaisse et
étroite à la base (largeur ≈ 0,05 mm), elle devient plus fine et plus
large vers l’apex (≈ 0,5 mm). Sa rigidité décroît d’un facteur ≈ 100
entre la base et l’apex.
Figure 2 – Coupe transversale du tube cochléaire
À partir de la formule de l’impédance vue précédemment, on
déduit une résonance f0 telle que :

1
F2 f 0 = ------- k ⁄ m

Tympan Fenêtre
(S1) ovale
(S2) pour laquelle l’impédance est minimale. La membrane basilaire pré-
sentant un gradient de rigidité, chaque point possède une fréquence
de résonance graduée, variant de 20 000 à 20 Hz de la base à l’apex.
d1 d2
Il existe donc une véritable carte reliant la position à la fréquence de
F1 résonance (tonotopie cochléaire).

Figure 3 – Chaîne tympano-ossiculaire : moment des forces En fait, le mouvement de la membrane basilaire est complexe,
variable avec le temps.

■ Réflexe acoustique ou stapédien L’onde se propage de la base vers l’apex avec une amplitude qui
augmente jusqu’au point dont la fréquence caractéristique corres-
Le muscle de l’étrier unit l’étrier à la paroi postérieure de la caisse pond à la fréquence de stimulation (200 Hz sur la figure 4). Au-delà,
du tympan. Il peut se contracter sous l’influence d’un son intense, le mouvement s’arrête brutalement (100 Hz sur la figure 4). Cette
par l’intermédiaire d’une boucle nerveuse réflexe. Il en résulte une onde est appelée onde propagée.
augmentation de rigidité de la chaîne tympano-ossiculaire, donc
une augmentation d’impédance avec diminution de l’énergie acous- La phase des vibrations varie de manière complexe avec la posi-
tique transmise. L’oreille interne est ainsi protégée contre les sons tion.
forts. Cette protection n’est que partielle car il existe un temps de
latence (30 à 300 ms) entre l’arrivée du son à l’oreille et le déclenche-
ment du réflexe. De plus, l’impédance ne dépend de la rigidité que
pour des fréquences inférieures à 4 kHz. En effet, dans le cas d’un
300 Hz 200 Hz 100 Hz
système masse-ressort utilisable pour la cochlée, l’impédance Z est
donnée par la formule :

Z = R2 + ( M ω – k ⁄ ω )2
où k est la rigidité du ressort, M la masse qui lui est suspendue, R les
frottements, ω la pulsation de la force mécanique extérieure sinusoï-
dale qui est appliquée au système. Soit un système avec un frotte-
ment R faible, le terme qui « domine » Z est Mω. Lorsque la Onde propagée
pulsation est petite (fréquence inférieure à 4 kHz), c’est k/ω, donc la
rigidité, qui domine dans Z. Lorsque la pulsation est grande, au-des-
sus de 4 kHz, c’est la masse qui domine, le réflexe est inefficace alors t1 t2
que ce sont ces fréquences élevées qui sont les plus dangereuses
pour la cochlée.
■ Trompe d’Eustache
Elle unit l’oreille moyenne à l’arrière-gorge. Elle permet, lors de
son ouverture à la déglutition, d’égaliser les pressions entre l’oreille
moyenne et le milieu extérieur. Le tympan peut ainsi vibrer au 20 22 24 26 28 30
mieux, la pression étant égale sur ses deux faces. En cas d’impossi-
Distance à la fenêtre ovale (mm)
bilité d’ouverture de la trompe, la pression dans l’oreille moyenne
peut différer de la pression extérieure, la rigidité du tympan, donc
son impédance, augmente, provoquant une baisse d’audition. Figure 4 – Mobilisation de la membrane basilaire

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Il existe donc un premier (et important) codage périphérique de la


fréquence d’un son. Plus elle est élevée, plus la portion d’organe de Membrane tectoriale
Corti qui répond sera proche de la base.
Comment la vibration de l’organe de Corti ainsi déclenchée va- 1 7
t-elle aboutir à l’excitation des cellules sensorielles ? Lame
réticulaire
La membrane basilaire se mobilise autour de l’axe longitudinal
passant par le bord externe de la lame spirale osseuse tandis que Ions (K+)
l’axe de rotation de la membrane tectoriale est décalé vers la rampe Ions (K+)
2 8
vestibulaire. Cette mobilisation autour d’axes décalés aboutit à un
mouvement de cisaillement entre lame réticulaire et membrane
basilaire entraînant les cils des CCE dans un mouvement alternatif. 9
(Les cils des CCI, non reliés à la membrane tectoriale, sont entraînés 3
par ses mouvements du fait de la viscosité de la lame liquidienne
très fine qui les sépare) : lors du déplacement de la membrane basi- 4
laire vers la rampe vestibulaire, les cils sont défléchis vers l’extérieur
provoquant l’excitation des CCE. Le déplacement inverse de la 5
membrane, vers la rampe tympanique, incline les cils vers l’intérieur
induisant une inhibition des CCE. L’amplitude des mouvements des 6
cils est de l’ordre de 1 µm pour un niveau acoustique de 120 dB.
■ Conduction osseuse (CO) (utilisée en audiométrie clini-
que)
Un diapason appliqué sur la boîte crânienne met en mouvement
les structures cochléaires sans l’intervention de la chaîne tympano-
ossiculaire. Le tube osseux cochléaire vibre et, malgré l’absence de Les cils s'inclinent (1), les ions pénètrent par les cils dans la cellule (2), le
mouvement de l’étrier, et au prix d’une moindre sensibilité, la pro- médiateur est libéré dans la fente synaptique (3), provoquant l'apparition
d'un potentiel générateur (4) qui, s'il est d'amplitude suffisante, entraîne
pagation des vibrations le long de la membrane basilaire est iden- la naissance d'un potentiel d'action unitaire (5) dans la fibre du nerf
tique à celle existant en conduction aérienne. (Le seuil d’audition est cochléaire (6).
plus élevé d’environ 35 dB en CO qu’en CA). Les cils s'inclinent du côté opposé (7), les ions quittent la cellule (8), le
médiateur, scindé et inactivé, entre dans la cellule (9) et le cycle
recommence.
La réunion des fibres cochléaires avec les fibres d'origine vestibulaire
2.2 Transduction (équilibre) va constituer le nerf auditif.

Figure 5 – Phénomènes mécanobiochimiques


Le signal mécanique vibratoire des cils, de nature analogique, va
être codé, à la suite de phénomènes biochimiques (figure 5), en un
signal électrique, de type numérique (potentiels d’action) au niveau
des fibres du nerf auditif.
■ Milieux biochimiques cochléaires
Les contenus ioniques (Na+ et surtout K+) des divers comparti- Tableau 1 – Caractéristiques des milieux biochimiques
ments cochléaires, diffèrent entre eux ainsi que les potentiels de cochléaires
repos (tableau 1). Ces derniers sont enregistrés au moyen d’une
électrode de mesure placée dans le compartiment à étudier et reliée Compartiment Liquide Ions Potentiel
à un voltmètre (l’électrode de référence étant placée dans un tissu Concentrations de repos
mou au voisinage de l’oreille). L’endolymphe se caractérise par un en mEq/l mV
potentiel de repos positif (situation exceptionnelle en physiologie),
Rampes V et T Périlymphe [ Na + ] : 150 0
qui ne relève pas de sa composition ionique (concentration très
basse en Na+), mais du métabolisme de la strie vasculaire qui [ K+ ] : 5
sécrète l’endolymphe. [ Cl − ] : 100
Les cils des CC baignent dans l’endolymphe de potentiel très posi- Canal cochléaire Endolymphe [ Na + ] : 1 + 70 à + 90
tif, tandis que leur base, intracellulaire, est à un potentiel très négatif
(ddp totale : 80− (−70) = 150 mV). Il existe donc à ce niveau une éner- [ K + ] : 150
gie potentielle électrique élevée qui permet de transformer une [ Cl − ] : 100
énergie vibratoire faible en une énergie électrique plus élevée. CCI et CCE Endocellulaire [ Na + ] : 15 − 40 à − 70
■ Potentiels de récepteur
[ K + ] : 150
Lors d’une stimulation, les cils des CC sont mobilisés provoquant [ Cl − ] : 10
l’apparition de potentiels, dits de récepteur, dont il existe deux
types, alternatif et continu. Tunnel de Corti Cortilymphe ≡ périlymphe 0
● Potentiel de récepteur alternatif : il existe une différence de
potentiel de 150 mV entre la base et le sommet des cils des CC. Ils
peuvent être assimilés à des résistances électriques variables selon
leur angle de déflexion. Leur inclinaison vers la strie vasculaire pro- ● Potentiel de récepteur continu : il reproduit l’enveloppe de la
voque l’ouverture à leur niveau de canaux ioniques permettant stimulation auditive et varie proportionnellement à l’intensité de sti-
l’entrée des ions K+ suivant le gradient de potentiel électrique, mulation acoustique jusqu’à atteindre un plateau de saturation.
modulant ainsi le potentiel endocellulaire. L’amplitude du potentiel L’origine de la composante continue provient sans doute d’une dis-
de récepteur alternatif augmente proportionnellement au niveau symétrie de fonctionnement des canaux et pompes ioniques qui
acoustique de stimulation jusqu’à des niveaux de l’ordre de 80 dB laissent entrer plus de K+ à chaque cycle qu’il n’en ressort de la cel-
puis tend vers un plateau. lule.

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■ Phénomènes synaptiques téristiques de la seule membrane basilaire. Il existe donc des struc-
tures autres que le seul organe de Corti.
Ils provoquent, par des mécanismes mal connus, la libération de
neurotransmetteurs (dont probablement le glutamate) au pôle basal ■ Rôle des cellules ciliées externes
de la cellule ciliée, dans la fente synaptique. La suite correspond aux
Les CCE, contenant de l’actine et de la myosine, présentent la par-
événements post-synaptiques habituels dans l’organisme, avec
ticularité d’être contractiles sous l’influence de divers stimuli, chimi-
apparition d’un potentiel post-synaptique excitateur (PPSE) puis de
ques (augmentation de concentration d’ions K+), électriques ou
potentiels d’action (PA unitaires) à partir du segment initial des
acoustiques. Elles n’émettent que peu de fibres afférentes et reçoi-
fibres afférentes du nerf, ici le nerf auditif. Ces potentiels d’action
vent surtout des fibres efférentes des centres nerveux. La destruc-
vont gagner les structures nerveuses centrales leur apportant les
tion sélective des CCE diminue modérément la sensibilité (≈ 40 dB)
informations nécessaires à la formation de la sensation auditive.
mais entraîne surtout une importante perte de sélectivité fréquen-
Le codage de ces informations est complexe, relevant à la fois de tielle.
la localisation anatomique d’origine des fibres (tonotopie) et du Elles effectuent, comme les CCI, une transduction mécano-
rythme d’émission des PA (volley theory de Wever). Les réponses du électrique, mais, de plus, grâce à leurs propriétés contractiles, une
nerf auditif sont finalement la traduction « passive » des réponses transduction électromécanique (transduction bidirectionnelle). Par
mécano-électriques des seules CCI. (Le rôle des CCE sera examiné leur touffe de cils rigides, elles assurent un couplage membrane
plus loin). Ce sont les propriétés mécaniques de la cochlée qui basilaire-membrane tectoriale, couplage qui serait modulé par les
commandent toute l’analyse et le codage des sons en périphérie. mouvements des CCE commandés par les fibres efférentes du sys-
■ Potentiels globaux tème nerveux central. L’origine, aux faibles niveaux acoustiques, de
la sélectivité fréquentielle cochléaire élevée malgré l’amortissement
En utilisant une électrode placée à distance de l’organe de Corti, important lié aux structures de l’organe de Corti a été évoquée dès
dans une rampe, on enregistre, en réponse à une stimulation acous- 1948 : Gold a démontré qu’il devait exister un « amplificateur » intra-
tique, un signal électrique global à 3 composantes : cochléaire capable de délivrer à chaque cycle une énergie méca-
— le potentiel microphonique cochléaire (PMC) correspond à la nique cadencée par le stimulus, à la bonne phase, de façon à
moyenne spatiale des potentiels alternatifs des différentes cellules compenser presque totalement l’énergie dissipée par amortisse-
ciliées proches de l’électrode. Ce potentiel reproduit les variations ment. La découverte (1985) des propriétés des CCE a montré la vali-
de pression sonore (fréquence et enveloppe), comme le potentiel dité de l’hypothèse de Gold.
obtenu à la sortie d’un microphone, d’où son nom. Il provient essen- Au total, le couplage entre CCE contractiles et membrane tecto-
tiellement des CCE ; riale est essentiel. C’est par son intermédiaire que l’énergie produite
— le potentiel de sommation (PS), composante continue qui par les CCE pour compenser l’amortissement et affiner la résonance
reproduit l’enveloppe du son stimulant. Il en existe plusieurs sour- est injectée au système. Les cils des CCI répondent parce qu’ils sont
ces parmi lesquelles la composante continue des réponses cellu- entraînés par le mouvement d’ensemble. Lorsque les CCE sont
laires unitaires. Son origine et ses variations sont discutées. Il pro- détruites, le système est amorti d’où perte de sensibilité et de sélec-
vient cependant essentiellement des CCI ; tivité par élargissement de la courbe de résonance du système en
— le potentiel d’action global du nerf auditif, constitué de plu- fonction de la fréquence.
sieurs ondes (N1, N2), succède aux précédents et résulte de la ■ Otoémissions acoustiques
somme des potentiels unitaires de chaque fibre nerveuse qui
répond. Les réponses électromécaniques des CCE se traduisent par des
mouvements des corps cellulaires et des cils entraînant, nous
l’avons vu, un changement d’impédance acoustique de l’organe de
Au total, à partir d’une stimulation acoustique et à la suite Corti. Ces mouvements, qui se produisent à divers endroits de la
d’une conversion analogique-numérique, ce sont les potentiels membrane basilaire en réponse à une stimulation acoustique, cor-
d’action qui vont transmettre le message sonore codé aux struc- respondent à des vibrations sonores qui se propagent le long de la
tures nerveuses supérieures. chaîne de transmission, y compris par voie rétrograde, vers la fenê-
tre ovale, l’oreille moyenne et le conduit auditif externe. Il est pos-
sible d’enregistrer cette activité des CCE dans le conduit auditif
externe en y plaçant un microphone et en traitant de façon appro-
2.3 Micromécanique cochléaire priée le signal enregistré. Ce phénomène dit des otoémissions
acoustiques a été découvert par Kemp en 1978. L’analyse fréquen-
tielle des otoémissions acoustiques provoquées par un son très bref
(clic) permet d’identifier un grand nombre de composantes entre
La mécanique cochléaire est en fait plus complexe que la simple
700 et 6 000 Hz. Ces composantes, caractéristiques de l’oreille enre-
mise en vibration d’une membrane élastique, suivie d’une transduc-
gistrée, indiquent que les CCE sont fonctionnelles au moins dans
tion passive des cellules ciliées.
cette gamme de fréquences. L’absence d’otoémissions fait suspec-
Aux faibles niveaux acoustiques, la sélectivité fréquentielle de la ter une atteinte des CCE que d’autres examens permettront de quan-
cochlée est très élevée, bien plus que ne le permettraient les carac- tifier.

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Bibliographie V
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