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Incendies en Australie :

des Normands racontent

Témoignages. Alors que des incendies


ravagent le pays depuis plusieurs mois, tuant
plusieurs personnes et des millions d’animaux,
des Normands installés en Australie nous
racontent leur quotidien chamboulé.
Entre tristesse, impuissance et espoir.

L
es images sont impressionnantes. tion (gymnases, librairies...) avec des rési- depuis quatre mois pour apprendre l’an- pour cela. « On ne sait pas ce qu’on respire »,
Depuis des mois, l’Australie est rava- dents australiens. « Franchement, si l’Aus- glais. Grâce aux applications en temps regrette-t-elle.
gée par de violents incendies, cau- tralien, si relax panique, nous, réel comme Fire Near Me « La couleur du ciel change en même pas quinze
sant une catastrophe écologique sans pré- on ne pèse pas bien lourd ! », Romane Baudoin. Australia, ils précisent pou- minutes et des cendres tombent du ciel. On a
cédent. Des Normands installés sur place sourit le Normand, qui a dû voir suivre les mouvements passé trois jours sans voir le ciel », complète
n’ont pu que constater l’étendue des dé- abandonner l’idée d’une et avancées des feux. Martin Vidal, Barentinois de 34 ans
gâts de leurs propres yeux... sans pouvoir randonnée dans les Blue Alors qu’ils auraient aimé installé à Merimbula depuis deux ans. En-
réellement agir. Si certains, comme Les- Mountains, ravagées par les travailler dans des fermes cerclé par les feux au Sud et au Nord, il
lie Caron, installée à Manly, sur les pla- incendies. pour le reste de leur aven- trouve la météo « un peu apocalyptique ».
ges du nord de Sydney depuis neuf ans, Les amoureux, qui n’ont eu ture, les plans de Jeanne et
« aucune crainte » pour leur
n’ont pas vu de feux, les conséquences
les ont rapidement touchés. « Les fumées vie, mais ont été impression-
Benjamin sont quelque peu
contrariés : ils n’ont pas pu
« Des feux
qu’on respire ne sont clairement pas agréables,nés par la taille des feux, se rendre dans les parcs na- de «taré» »
on a l’impression de sentir le barbecue en perma-
les vagues de chaleur et tionaux, tous fermés. « On
nence et on a mal au cœur », explique-t-elle. l’étonnante obscurité – « par- est partis de Brisbane, en pas- « 24 h/24, on peut savoir ce qu’il se passe » ex-
fois, il se met à faire nuit en pleine journée à sant par Sydney et Canberra... avec de la fumée plique Stéphane Pois, originaire de
cause des fumées » –, ont cherché à aider et des odeurs de brûlé tout le long. Conduire Dieppe et installé à Newcastle depuis
« La nuit comme ils le pouvaient. D’abord en épau- dans un brouillard épais comme ça, c’était dur. plus de vingt-six ans. Gérant d’une épice-
en pleine journée » lant les pompiers, peine perdue quand on On toussait beaucoup, c’était l’enfer ». rie fine aux recettes françaises, il travaille
n’a aucune formation, puis en donnant Des odeurs « désagréables » et des fumées avec de nombreux fermiers du coin, dont
Cette maman de deux petits garçons est un coup de main dans les refuges pour « imposantes » qui ont aussi incommodé certains ont tout perdu. « L’un d’eux a été
inquiète des conséquences à long terme animaux. Là encore, l’idée n’a pas pu aller Romane Baudoin, 24 ans, fille au pair obligé de tuer toutes ses bêtes, la situation est ter-
sur leur santé. « Le hasard a en plus fait que jusqu’au bout : entre une liste d’attente à côté de Melbourne, alors que les feux rible. De plus, les prix vont forcément flam-
nous soyons rentrés en France, dans ma famille de plusieurs mois et un anglais qui leur fait sont à plus de soixante kilomètres de chez ber » juge l’homme d’entreprise de 52 ans.
à Rouen, pour les vacances en septembre... ac- encore un peu défaut, ils ont dû renoncer. elle. « Ça dure depuis un petit moment. Même De son côté, pas plus de peur que ça :
cueillis par l’incendie de Lubrizol ! » Jeanne Hardier, 22 ans, et son ami si je quitte l’Australie dans dix jours, mes pa- « Je suis assez loin. Mais ce ne sont pas des pe-
Même son de cloche chez Hugo Stalin Benjamin, 29 ans, actuellement établis à rents m’ont demandé si je voulais rentrer plus tits feux, c’est vraiment des feux de « taré » ! En
et sa compagne Jessica, Swan Hill mais qui viennent tôt. Les gens ont peur pour plein après-midi, le ciel est
respectivement 27 et 31 ans, de Rouen, souhaiteraient nous », raconte la jeune noir... Depuis le temps que je
originaires de Cany-Bar- aussi aider sans trop savoir femme. Selon la native de suis ici, je n’avais jamais vu
ville et Maromme. Le comment s’y prendre. « On Veules-les-Roses, peu ça. Le gros problème c’est la sé-
couple, basé à Sydney et aurait voulu se joindre aux d’informations sur les feux cheresse, le fait qu’il n’y ait pas
qui remonte vers Brisbane, pompiers, mais il fallait être sont données par le gouver- d’eau. Surtout que l’été n’est
a été bloqué plusieurs jours citoyen australien pour pouvoir nement australien. Un man- pas fini, je pense que les feux
à deux endroits différents. le faire », expliquent-ils. « On que de communication éga- peuvent durer jusqu’à fin
Alors en road-trip depuis se sent impuissants de voir ces lement déploré par Leslie, mars... ».
près d’un an dans le pays, gens dans la détresse et ces fo- la Rouennaise, qui expli-
ils se sont retrouvés coincés Leslie Caron. rêts noires brûlées », poursuit que que le gouvernement Stéphane Pois. LISON LAGROY
dans des centres d’évacua- la jeune fille, en Australie a été vivement critiqué l.lagroy@presse-normande.com

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