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Oumaima Himi

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Chapitre XXXIII

Une Reconnaissance Croissante du Groupe Professionnel

Depuis le stade embryonnaire dans lequel se trouve toujours le mouvement de l'organisation


des groupes, deux questions principales ont fait surface : (1) les groupes doivent-ils être
pluralistes ou unifiés ? (2) La représentation doit-elle être basée seulement sur le groupe
économique ? J’ai tenté de répondre à la première question, toutefois, la seconde présente
beaucoup plus de difficultés face à notre niveau d'expérience actuel. On discute souvent de la
question cruciale relative auquel des groupes professionnels ou celui du quartier est le plus
proche de l'Homme. ? Le plaidoyer de Benoist pour le groupe professionnel était que la
politique doit représenter la vie. Même si nous nous accordons sur cela, nous nous demandons
quand même si le groupe professionnel est l'incarnation la plus complète de la vie.

Toutefois, il n’est pas nécessaire de comparer les avantages du groupe de quartier et groupe
professionnel, vu que je ne propose pas que le groupe de quartier remplace le groupe
professionnel. Nous pourrions peut-être souhaiter une intégration du groupe de quartier et du
groupe industriel -ainsi que d'autres groupes, si leur importance et leur utilité l'exigent - lorsque
leur valeur "objective" apparaît. Dans notre groupe de quartier, nous constaterons que nous
pouvons corriger de nombreux points de vue partiels que nous obtenons de nos groupes plus
spécialisés. Un directeur d'une entreprise aura plus de valeur pour son État et même pour son
entreprise s’il est en même temps membre d’un groupe de quartier. Il se peut que nous
élaborions un mécanisme permettant au groupe de quartier d’inclure le groupe professionnel.
Toutes nos fonctions doivent être exprimées, mais de quelque part doit venir cette coordination
qui leur donnera leur réelle efficacité. Nous ne sommes pas encore prêts à dire quel sera ce
mécanisme, mais nous pouvons déterminer quelques principes à même de nous guider à
construire le mécanisme en question. La force d’un individu est sa capacité à vivre une
indispensable vie de groupe. Plus votre société est diversifiée dans sa vie du groupe, plus le
niveau de civilisation est élevé. Peut-être le destin du groupe de quartier est d'interpréter et de
corréler, de donner toute sa signification et toute sa valeur à toute l'association spontanée que
notre vie, de plus en plus pleine et variée, crée constamment. Il se peut que le groupe de quartier
ne soit pas assez pour inclure les autres, mais pour faire en sorte que chacun voie sa relation
avec les autres à travers les autres. La solution possible (1) mentionnée ci-dessus, relative à la
division entre la représentation professionnelle et celle des quartiers dans les deux chambres de
nos législatures et parlements, semble un peu rudimentaire à notre analyse plus approfondie, à
moins qu'une intégration pratique ne soit en cours de réalisation en même temps dans l'unité
locale. Mais tout cela doit être une question d’expérimentation et d’expérience, d’essai clinique
et d’observation ouverte d’esprit (2).

1. Voir pages 199-201.

2 Certains écrivains parlent de la représentation commerciale par opposition à l’organisation du parti


comme si vous étiez débarrassé du parti dans le groupe professionnel. Ont-ils étudié la politique du
syndicalisme ? Ni dans le groupe commercial ni dans le groupe de quartier, vous ne vous débarrassez
automatiquement de l'esprit du parti. Ce sera, en effet, une croissance lente.

Cependant, le fait saillant est que les groupes de quartier et professionnel, indépendamment ou
l'un à travers l'autre, doivent tous les deux être représentés dans l'État. Mais nous devons nous
rappeler que c'est l'industrie qui doit être incluse dans l'État, pas uniquement le travail, mais le
travail et le capital. Cette guerre nous montre bien l’importance des grandes organisations de
l’industrie. Laissons-les s'intégrer ouvertement à l'État via leur service public, plutôt que de leur
permettre se lier, en coulisse, à travers leur "intérêt". Et qu’elles soient intégrées de manière à
ce que le travail lui-même soit enfin inclus dans notre organisation politique. Ceci ne sera pas
facile , en fait, nous n’avons rien de plus difficile et plus important que le problème de la relation
entre deux corps organisés à l’intérieur de l'État, d'une part, et celui de la relation de ces corps
avec l'État, d'une autre part. L'américain moyen s'oppose à la croissance des groupes
d’entreprises. Mais ce préjugé doit disparaître : nous avons besoin de personnes morales fortes
non pas pour rivaliser avec l'État, mais pour le soutenir. L'individualisme et l'autorité concentrée
ont lutté avec nous pour la suprématie depuis le début de notre gouvernement. Depuis le début
de notre gouvernement, nous avons recherché la synthèse des deux. Cette synthèse se trouve
dans la reconnaissance des groupes organisés, mais d’après moi, pas en soustrayant le pouvoir
à l’État et le donner au groupe. Certains pluralistes, en réaction à la peur actuelle des groupes
puissants, préconisent de donner encore plus de pouvoir à ces derniers. Je suis d’accord avec
eux jusqu’à un certain point, mais leur insinuation est que nous devrions, ainsi, tondre les tresses
de Samson de l’État. Je ne crois pas que nous voulons faire cela.

Tout le monde voit dans la nécessité actuelle de l'augmentation du contrôle étatique une mesure
de guerre, mais certains nous disent que nous devrions nous prémunir de ses dangers en donnant
à certaines organisations au sein de l'État un pouvoir suffisant pour "équilibrer" ce dernier.
J'insiste sur le fait que l'équilibre ne peut jamais être l'objectif d'une méthode politique saine.
Nous devons d’abord changer notre conception de l’État - substituer l’État de service à l’État
souverain - puis mettre au point des méthodes permettant à cette nouvelle conception de
fonctionner. Nous devrions, en effet, donner de plus en plus de pouvoirs aux groupes, ou plutôt,
parce que nous ne pouvons jamais "donner" le pouvoir, nous devrions reconnaître tout ce
pouvoir qui jaillit spontanément au sein de l’État, et chercher simplement les méthodes par
lesquelles ce causa sui pouvoir tendra immédiatement à faire partie de la force de l'État.

Comme notre logique a été absurde ! Nous savions qu'il fallait des hommes forts pour créer un
État fort ; nous ne savions pas que les groupes représentant l’ensemble de l’industrie et des
entreprises du pays n’avaient pas besoin de rivaliser l’État, mais plutôt de contribuer à l’État,
c’était le moyen par lequel l’État deviendrait grand et puissant du moment qu'il utilise cette
force pour le bien-être et la croissance de tous. Notre timidité n'a été que le reflet de notre
ignorance. Une compréhension plus large est ce dont nous avons besoin aujourd'hui. Il n'y a pas
besoin de dénoncer l'État, comme le font les pluralistes. Il n'y a pas besoin de dénoncer nos
grandes sociétés, comme le font leurs adversaires. Mais, pleins de méfiance, nous prendrons
sûrement position, d’un côté ou de l’autre, jusqu’à ce que nous arrivions à vraiment comprendre
un État et à créer un État qui s’occupe continuellement de ses parties, tandis que ses parties,
d'heure en heure, ne servent que l’amélioration de sa vie, et, à travers celle-ci, l'amélioration de
la vie de son moindre membre.

La tendance à laquelle nous étions soumis depuis longtemps, d'éliminer tout ce qui séparait
l'Homme de l'État, doit disparaître, mais cela ne signifie pas que nous devions nous envoler
vers l'autre extrême et éliminer l'individu ou l'État. L'une des principales faiblesses du
pluralisme politique réside dans le fait qu'il réagit à tant de choses. La vérité, c'est que nous
avons affaire aux groupes, à l'Homme et à l'État.

Groupes de quartier, groupes économiques, groupes unificateurs, tels ont été mes thèmes, mais
le point sur lequel je souhaite insister n’est pas le type de groupe, mais le fait que le groupe,
quelle que soit sa nature, soit authentique, que nous ne pouvons pas avoir de véritable État qui
ne repose pas sur des groupes authentiques. Peu de syndicalistes, en revendiquant que leur
organisation soit à la base du nouvel État, examinent cette organisation pour voir de quel droit
elle se permet de formuler cette revendication. La plupart des syndicalistes sont satisfaits, dans
leurs propres organisations, d’un gouvernement centralisé ou d’un système de représentants
archaïque. La main-d'œuvre ne pourra jamais avoir sa part entière dans le contrôle de l'industrie
tant qu'elle n'a pas appris les secrets du processus de groupe. La négociation collective doit
d’abord être le résultat d’une véritable volonté collective avant de pouvoir être transmise avec
succès à la représentation de la direction, afin de parvenir à un contrôle conjoint (1).

1.Pourtant, le syndicat a peut-être été l'un des groupes les plus authentiques, l'un des enseignants les plus
efficaces des leçons du véritable groupe, que nous ayons vus jusqu'à présent. L'augmentation des
salaires, l'amélioration des conditions, sont toujours pour le groupe. Le syndicaliste a des désirs de
groupe ; il cherche à les satisfaire par une action de groupe. De plus, les conditions d'une négociation
collective ne peuvent être imposées sans une certaine solidarité du groupe. Dans les grèves, les ouvriers
sacrifient souvent leurs propres intérêts pour ce qui profitera au syndicat : l'individu peut préférer son
salaire actuel aux privations d'une grève ; le groupe veut augmenter les salaires de l'ensemble du
syndicat.

Il est important que les socialistes de guilde, pour déterminer la manière dont les conflits
acharnés entres les guildes doivent être évités, déclarent que "le travail et le cerveau de chaque
guilde évolueront naturellement vers une hiérarchie à laquelle pourraient être renvoyés, en toute
confiance, les grands problèmes de politique industrielle", et "derrière cette hiérarchie et
finalement à son sommet, se trouve la démocratie de guilde.... " Mais, alors, le socialisme de
guilde ne doit pas avoir de base psychologique différente de notre système actuel. C’est
exactement ce sur quoi nous comptons à présent, si patiemment, en vain -le commandement de
quelques-uns, l'obéissance de la foule, avec la fiction que, comme notre gouvernement est basé
sur des nombres, la foule peut toujours avoir ce qu’elle veut ; donc, à tout moment, ce que nous
avons est ce que nous avions choisi -- la domination de Tammany par exemple. Nous avons
besoin d'une nouvelle méthode : le processus de groupe doit être appliqué aux groupes
industriels ainsi qu'aux groupes de quartier, aux groupes d'entreprises, aux sociétés
professionnelles - à toutes les formes d'association humaine. Si la question du travail doit être
résolue par un système de contrôle économique fondé sur la représentation économique plutôt
que sur des modes d'association vitaux, la "démocratie industrielle" échouera exactement
comme la prétendue démocratie politique a échoué.

Cet avertissement peut-être particulièrement nécessaire à l'heure actuelle car le contrôle


"collectif" de l'industrie semble imminent. Sous la pression de la guerre, le socialisme de guilde
a fait des progrès pratiques et théoriques en Angleterre. Il y a deux mouvements qui vont côte
à côte, tous deux étant dus à l'urgence de la guerre, mais qui ne seront ni l'un ni l'autre
entièrement perdus à la fin de la guerre. Au contraire, beaucoup pensent que ces mouvements
sont destinés à former un nouvel État pour l’Angleterre. Premièrement, le gouvernement a
assumé un certain contrôle sur les usines de munitions, les chemins de fer, les mines, les
brasseries, les minoteries et les usines de toutes sortes, et a entrepris de réglementer les salaires
et les prix, de contrôler les marchés et la consommation alimentaire, de taxer les bénéfices
etc.(1).

1.Dans cette brève déclaration, je n'ai pas fait de distinction entre "propriété", "contrôle",
"réglementation", etc. du gouvernement. Voir "Contrôle de l'industrie en temps de guerre" par Howard
L. Gray.

Deuxièmement, alors que l’État assume un contrôle plus large de l’industrie, il invite les
ouvriers à prendre eux-mêmes part au contrôle de l’industrie. "Le rapport de Whitely, adopté
par le Comité de la reconstruction du Cabinet, propose non seulement un Conseil Permanent
Mixte industriel à chaque grande industrie nationale, chargé d'examiner régulièrement les
affaires affectant les progrès et le bien-être du commerce, mais également des conseils de
district et des comités d'entreprises au sein de chaque entreprise, et dans lesquels le capital et la
main d’œuvre doivent être équitablement représentés. " Ces organismes se chargerons "des
questions relatives aux salaires standards, aux heures de travail, aux heures supplémentaires, à
l'apprentissage, à la discipline des ateliers, ... à la formation technique, à la recherche
industrielle et l'invention, à l'adoption de machines et de processus améliorés, ainsi qu'à toutes
les questions relevant de la 'gestion scientifique'. " (1).

1. "Le Gouvernement Représentatif dans l'Industrie Britannique" de J. A. Hobson, paru dans New
Republic, le 1e septembre 1917.

C’est une étape qui dépasse de loin les commissions d’arbitrage et de conciliation. Cela donne
à la main d'œuvre une part positive dans le contrôle de l'industrie. "Bien qu’on ait pas, pour le
moment, proposé d'accorder une quelconque reconnaissance juridique à ce nouvel appareil de
gouvernement économique, ni aucune exécution légale de sa décision, ... on peut
raisonnablement s'attendre à ce que [ces conseils industriels nationaux] deviennent bientôt le
législateur effectif de l'industrie."

Le plus notable est l'acceptation générale de ce plan. "Toutes les classes semblent disposées,
voire même désireuses d'appliquer le principe de l'autonomie représentative, non seulement à
la conduite des grands métiers, mais à leurs entreprises constitutives." Sans aucun doute, le
travailleur anglais a de plus en plus peur de la bureaucratie, ce qui l'éloigne du socialisme d'État
: son expérience de la bureaucratie "tyrannique" dans les industries contrôlées par le
gouvernement a fait perdre de nombreux partisans au socialisme d'État.
L'établissement de conseils industriels permanents est un pas en avant vers le socialisme de
guilde, bien que (1) la détermination des lignes de production, les processus d'achat et de vente,
les questions financières. Tout, en fait, en dehors de la gestion des magasins, est laissés à présent
aux employeurs, et (2) le capitaliste reste en possession de son capital. Mais ce mouvement,
combiné avec celui mentionné ci-dessus, c’est-à-dire la tendance à la propriété de l’État ou à la
copropriété ou au contrôle partiel, revêt une grande importance: l’État à posséder les moyens
de production, les producteurs à contrôler les conditions de production semble être la prochaine
étape du développement industriel, sous forme gouvernementale, --le fait que ces deux éléments
coexistent, et que cette forme gouvernementale devra suivre le développement industriel, nous
donne un grand espoir pour l'avenir.

Le parti travailliste britannique a formulé en 1917 un plan minutieux de réorganisation dont le


but déclaré est la propriété commune des moyens de production et "une participation
régulièrement croissante des travailleurs organisés à la gestion" (1). Cette formulation est
importante.

En Amérique également, la pression de la guerre a conduit à la reconnaissance du travail dans


le contrôle de l'industrie. Presque tous les employeurs du secteur privé ayant signé des contrats
avec les départements de la guerre et de la marine (2) ont été tenus de créer des conseils
d’ajustement comprenant des représentants des travailleurs. La politique de l'administration est
de reconnaître les négociations collectives. Et la Commission de médiation du président, qui a
imposé des conventions collectives à l'industrie du cuivre de l'Arizona, a déclaré dans son
rapport officiel : "Les dirigeants de l'industrie doivent ... permettre à la main-d'œuvre de jouer
son rôle de coopérateur dans l'entreprise industrielle". D'ailleurs, l'ouvrier est de plus en plus
reconnu non seulement dans la gestion du secteur dans lequel il est engagé, mais également à
Washington. Dans la plupart des bureaux d'administration gouvernementaux importants
chargés des affaires relatives au travail, la main-d’œuvre est représentée. Les travaux du Bureau
de la Guerre et du Travail et du Bureau des Politiques de Guerre et de Travail marquent notre
avancée dans le traitement des questions relatives au travail.

1. Voir p.120.

2. À l’exemple de l'Angleterre qui prévoyait, en vertu de la loi sur les munitions de guerre et d'autres
lois, des mécanismes (commissions mixtes représentant les employeurs et les employés) pour la
prévention et le règlement des conflits de travail.
Le "Parti national", inauguré à Chicago en octobre 1917, et composé en grande partie de
socialistes, avait un principal fondement pour son programme : "Les principales industries
devraient être contrôlées par des conseils d’administration dans lesquels les travailleurs, les
dirigeants et le gouvernement devraient être représentés." Ainsi le vieux socialisme d'État est
en train de disparaître.

En France, bien avant la guerre, on assiste à un début de syndicalisme dans les démarches
entreprises pour donner au personnel enseignant effectif des universités une part dans
l'administration du département de l'éducation. En 1896-1897, des conseils d'université furent
créés, composés de doyens et de deux délégués élus par chaque faculté. Même si ces conseils
sont sous contrôle ministériel, cela est salué comme le début de la décentralisation fonctionnelle
en France. En 1910, a été organisée la représentation de tout le personnel du service postal,
téléphonique et télégraphique dans les conseils de discipline régionaux et centraux, ainsi qu’une
représentation consultative auprès des chefs de service.

La meilleure partie du syndicalisme est sa reconnaissance du fait que chaque département de


notre vie doit être contrôlé par ceux qui connaissent le mieux ce département, par ceux qui en
ont le plus à faire avec. Les enseignants devraient participer à la fois à la législation et
l'administration affectant l'éducation. Les lois sur les usines ne devraient pas être adoptées par
un parlement dans lequel les directeurs et les employés des usines ne sont pas ou ne sont que
partiellement représentés.

Nous constatons partout un mouvement vers le syndicalisme : la formation de groupes


professionnels - commerciaux, littéraires, scientifiques, artistiques - est aussi marquée que la
formation de groupes industriels. Toute analyse de la société actuelle doit fidèlement étudier
ses groupements. On nous dit aussi qu'en France, ces groupes professionnels commencent à
avoir un pouvoir politique, comme on l'a vu dans plusieurs grandes villes lors des élections
municipales d'avant la guerre. Des cas similaires ne manquent pas en Angleterre et en
Amérique.

En Allemagne, trois organisations "d’intérêt" puissantes exercent une grande influence sur la
politique : la "Ligue des Propriétaires" qui représente les conservateurs, les "Sociaux-
Démocrates" qui représentent les travailleurs et la "Ligue Hanséatique des Manufactures, du
Commerce et de l’Industrie" fondée en 1909 dans le but exprimé de présenter ses membres en
tant que candidats au Reichstag et Landtags [1].

1.Christensen, "Politique et Moralité de la Foule", p.238.


Aux États-Unis, nous avons un exemple intéressant d'organisation politique en matière des
groupes professionnels dont nous pouvons apprendre beaucoup - je me réfère à la Lige non
partisane du Dakota du Nord composée de fermiers qui, inaugurée en 1915, a organisé en

1916-7 les élections du Dakota du Nord, élisant un agriculteur pour gouverneur et plaçant leurs
candidats dans trois des centres de juges de la Cour suprême, et remportant 105 des 138 sièges
à la législature de l'État. Le premier objet de la ligue était la réparation de l'injustice économique
subie par l'agriculteur. Ils ont compris que cela devait se faire par un contrôle concerté de
l'appareil politique. Parmi les législations souhaitées, ils ont obtenu : 1) un nouveau bureau
d'État d'Inspecteur des céréales, poids et mesures, 2) une exonération partielle de l’amélioration
des exploitations agricoles, 3) une nouvelle loi sur les sociétés coopératives, et 4) une loi visant
à empêcher les chemins de fer de discriminer, dans la fourniture des wagons de fret, contre les
ascenseurs appartenant aux sociétés coopératives d'agriculteurs.

En 1917, une ligue non partisane de l'État de New York est organisée. En septembre 1917, la
Ligue du Dakota du Nord devint la "Ligue nationale non partisane", l'organisation s'étendant à
plusieurs des États voisins : le Minnesota, le Dakota du Sud, l'Idaho, le Montana, etc. Aux
primaires de l'État du Dakota du Nord tenues à l'été 1918, presque tous les candidats de la Ligue
ont été nommés, assurant ainsi le maintien de son contrôle sur le gouvernement de l'État.

Au Danemark, on nous dit que la bataille fait rage entre le parti agraire et le parti travailliste.
Dans les pays parlementaires, la lutte devient de plus en plus une lutte d’intérêts plutôt qu'entre
partis basés sur des principes abstraits. Ceci doit être pleinement pris en compte dans le nouvel
État.

La relation espérée entre l’industrie et l’État pourrait se résumer ainsi : nous voulons un État
qui inclue l’industrie sans, d’une part, abdiquer à l’industrie ou, de l’autre, contrôler l’industrie
de manière bureaucratique. Les projets actuels de socialisme de guilde ou de contrôle syndical,
tout en montrant un développement futur possible, et même s’ils ont pris peut-être un pas en
avant, comme un projet d’organisation politique ils comportent de nombreux points faibles. Des
expériences telles que les conseils industriels d’Angleterre sont intéressantes, mais jusqu’à ce
que la technique soit élaborée, nous verrons que l’égoïsme individuel cède simplement le
passage à l’égoïsme de groupe. De telles expériences nous apprendront beaucoup, mais le
nouveau navire d’État ne peut pas naviguer sur des eaux aussi turbulentes.

La part que la main d’œuvre occupera dans le nouvel État dépend largement de la main d’œuvre
elle-même maintenant. La main-d’œuvre doit comprendre qu'elle ne peut plus réitérer ses vieux
cris, qu'elle ne doit plus demander des "droits". Il s’agit d’une nouvelle conception de l’État et
de la main-d’œuvre qui y retrouve sa place. Parce qu'un nouvel état arrive - nous ne pouvons
pas être aveugles aux signes de tous côtés, nous ne pouvons pas être sourds aux voix à
l'intérieur. La main d’œuvre a besoin de leaders qui ne soient pas concernés par ses besoins,
mais par les besoins de l’ensemble de l’État : on verra alors comme corollaire comment la main
d’œuvre s’intègrera, ce dont l'État a besoin de la main-d’œuvre, le rôle que jouera la main-
d’œuvre dans l’État.
Chapitre XXXIV

État Moral et Citoyenneté Créative

Nous voyons maintenant que l’État, en tant que manifestation du principe fédéral, doit être plus
qu’un organisme de coordination. Il doit apparaître comme le grand leader moral. Sa fonction
suprême est l’ordre moral. Quelle est la moralité ? L'accomplissement de la relation de l'Homme
avec l’Homme, puisqu'il est impossible de concevoir un Homme isolé : le père et la mère
apparaissent dans notre esprit et avec les trois toute la série infinie. L'État est la mise en ordre
de cette série infinie dans ses bonnes relations afin que le plus grand bien-être possible du total
puisse être réalisé. Cet ordre des relations est la moralité dans son essence et sa complétude.
L’État doit rassembler en lui tout le pouvoir moral de son époque, et plus encore, nos relations
s’élargissant constamment, c’est l’explorateur qui découvre le type d’ordre, le type de
groupement qui exprime le mieux son intention.

Mais "les choses sont pourries au Danemark". Le monde est actuellement en faillite morale, car
les nations sont immorales et les hommes les vénèrent. Depuis des siècles, nous réfléchissons
à la morale des individus. La moralité de l'État doit maintenant avoir la même considération.
Nous nous en remettons à ce devoir aujourd'hui. Nous avons les dix commandements pour
l'individu ; nous voulons les dix commandements pour l'état.

Comment l'État doit-il acquérir une autorité morale et spirituelle ?

Seulement par ses citoyens dans leur compréhension croissante de la promesse grandissante de
la relation. Le groupe de quartier nourrit l'imagination car nous devons chaque jour prendre en
compte les besoins de tout le monde afin de faire une synthèse de ceux-ci ; nous devons
reconnaître les droits des autres et nous y adapter. Les Hommes doivent reconnaître et unifier
la différence, et c'est alors que la loi morale apparaît dans toute sa majesté sous une forme
concrète. C'est l'effort universel.

C'est la tendance de toute la nature - l'unification harmonieuse de tous. L'appel de la loi morale
est de constamment reconnaître ceci. Notre groupe de quartier nous donne avant tout une
opportunité de formation morale, les groupes associés le poursuivent, et le but ; le but infini :
l’émergence de l’État inclusif de tous, qui est la manifestation visible de la relativité totale de
l’Homme dans toutes les bonnes connexions et articulations.

L’État n’accumule le pouvoir moral que par l’activité spirituelle de ses citoyens. Il n'y a d’État
qu’à travers moi. L'antagonisme profond de James à l'égard des idéalistes est à cause de leur
assertion que l'absolu est, a toujours été et sera toujours existant. La contribution du
pragmatisme est que nous devons élaborer l'absolu. Vous vous droguez, s'écrie James, l'absolu
est réel dans la mesure où vous le concrétisez, dans la mesure où vous réalisez de manière
tangible et concrète toutes ses potentialités. De la même manière, nous n'avons pas d’État
jusqu'à ce que nous en fassions un. C'est l'enseignement de la nouvelle psychologie. Nous ne
devons pas "postuler" toutes sortes de choses comme le font les philosophes ("actualité
organique de l'ordre moral", etc.), nous devons le vivre ; si nous pouvons former un tout moral,
nous saurons s'il en existe ou pas. Nous ne pouvons pas devenir l’État imaginativement, mais
uniquement à travers nos relations de groupe. Estampillés à l’image de toute la potentialité de
l’État, nous devons créer à tout jamais l’État. Nous sommes des pragmatiques en politique,
comme la nouvelle école de philosophie l’est en religion : tout comme ils disent que nous
faisons un avec Dieu, pas seulement par la prière et la communion, mais en faisant l'acte de
Dieu à chaque instant, alors nous faisons un avec l’État, par l'actualisation de l'État latent à
chaque instant de nos vies. De même que Dieu n'apparaît qu'à travers nous, il en va de soi pour
l'État rendu visible par l'Homme politique. Nous devons ceindre nos reins, nous devons allumer
notre lampe et nous mettre en route, nous devons le faire.

L’État fédéral ne peut être l’État moral que par sa reconstruction d’heure en heure par l’activité
de tous ses membres. Nous avons eu dans notre mémoire trois idées sur le rapport de l'individu
à la société : l'individu en tant que détenteur de "droit" de la société, ensuite, ayant un devoir
envers la société, et maintenant l'idée de l'individu en tant qu'activité de la société. Notre relation
avec la société est si étroite qu'il ne peut y avoir de droits ni de devoirs. Cela signifie une
nouvelle éthique et une nouvelle politique. La citoyenneté n'est ni un droit ni un privilège ni un
devoir, mais une activité à exercer à tout moment. La démocratie n'existe que si chaque homme
fait pleinement sa part chaque minute, à moins que chacun ne prenne sa part dans l'édification
de l'État à venir. C'est l'appel des trompettes aux Hommes aujourd'hui. Une citoyenneté créative
doit devenir la force de la vie politique américaine, une citoyenneté formée, responsable et
toujours en contrôle, créant toujours sa propre vie. Dans la plupart des écrits sur la politique
américaine, nous trouvons que la demande d'un «sens politique créatif» est le besoin le plus
pressant de l'Amérique, aujourd'hui. Il est en effet vrai qu'avec un conservatisme si cristallisé
et un radicalisme chaotique, nous avons besoin d'un leadership, et d'un leadership constructif,
mais la doctrine de la véritable démocratie est que tout Homme est et doit être un citoyen créatif.

Nous nous éveillons maintenant à ce besoin. Dans le passé, la conception américaine du


gouvernement était une chose faite à la machine et non par l’Homme. Nous voulions une
machine parfaite qui pourrait être configurée comme une exposition internationale en appuyant
sur le bouton, mais qui va appuyer sur le bouton ? Nous avons parlé du public sans penser que
nous étions le public, de l'opinion publique comme si c'était quelque chose de tout à fait distincte
de notre propre opinion. C'est en partie parce que les Hommes n'ont pas voulu prendre la peine
de se gouverner qu'ils ont mis toute leur confiance dans les "bons" fonctionnaires et les "bonnes"
chartes. "Je déteste cette école, j'aimerais qu'elle brûle", a écrit un garçon à la maison, "il y a
trop de vieux gouvernements autonomes pour que vous ne puissiez pas vous amuser." Beaucoup
d'entre nous n'ont pas voulu ce genre de gouvernement.

L’idée que l’État est un ensemble d’unités nous a fatalement induit en erreur en ce qui concerne
notre devoir de citoyens. Un Homme pense souvent que sa part dans la responsabilité collective
de Boston équivaut à 1/500 000 de cette responsabilité. C’est une partie trop petite pour
l’intéresser et, par conséquent, il néglige souvent un devoir aussi infinitésimal. Bien sûr, nous
lui parlons de petites gouttes d’eau, de petits grains de sable, etc., mais jusqu’à présent, cette
éloquence n’a eu que peu d’effet. C'est parce que c'est faux. Nous devons en quelque sorte
préciser que la part de chaque Homme dans une grande ville n’est pas analogue au grain de
sable dans le désert, elle n’est pas de 1/500 000 du devoir. C'est une partie tellement liée à toutes
les autres qu'aucune fraction du tout ne peut la représenter. C'est comme la clé d'un piano, dont
la valeur n'est pas le fait qu'elle soit 1/56 de toutes les notes, mais dans ses relations infinies
avec toutes les autres notes. Si cette note manque, chaque autre note perd sa valeur.

Une autre tournure dans nos idées qui tend à réduire notre sentiment de responsabilité
personnelle est que nous avons souvent pensé à la démocratie comme une méthode heureuse
par laquelle toutes nos limitations particulières sont perdues de vue par la force générale.
Matthew Arnold a dit : "La démocratie est une force dans laquelle le concert d'un grand nombre
d'hommes compense la faiblesse de chaque homme pris par lui-même". Mais il n'y a pas de
valeur mystérieuse chez les personnes conçues ensemble. Beaucoup d'ignorants ou de méchants
n'acquièrent pas la sagesse et la vertu au moment où nous les concevons collectivement. Il n'y
a pas d'alchimie par laquelle les médiocrités et les faiblesses de l'individu se transmutent dans
le groupe ; il n'y a pas d’astuce par laquelle nous pouvons les perdre dans l'ensemble. La vérité
est que tout ce que l’individu a ou est, améliore la société, tout ce qui lui manque, nuit à la
société. L'État deviendra splendide lorsque chacun de nous deviendra un individu splendide. La
démocratie ne signifie pas être perdu dans la masse, mais la contribution de chaque force que
je possède à des usages sociaux. L'individu n'est pas perdu dans le tout, il fait le tout.
Une exception frappante à l’attitude de l’américain moyen en matière de responsabilité
personnelle a été la visite de M. John Jay Chapman à Coatesville, en Pennsylvanie, dans le but
de faire pénitence pour "cette tac l'histoire américaine" - le fait de brûler un nègre à mort dans
une place publique de Coatesville - parce qu'il a estimé que "ce n'était pas la malfaisance de
Coatesville mais la malfaisance de toute l'Amérique".

Mais il y a aujourd'hui des signes d'un nouvel esprit parmi nous. Nous avons commencé à nous
inquiéter sous nos formes politiques actuelles : nous demandons que la machine cède place à
l'Homme, nous voulons un monde d’Hommes gouverné par la volonté des hommes. Quels
signes avons-nous que nous sommes maintenant prêts pour une citoyenneté créative ?

Chacun revendique aujourd'hui sa part dans la vie, plus large, de la société. Chacun de nous
veut mettre à disposition de la communauté la vie qui surgit en nous : les associations de
citoyens, les clubs civiques et les forums se multiplient chaque jour dans toutes les régions du
pays. Les Hommes cherchent par le biais du gouvernement direct une part plus proche dans
l'élaboration des lois. Le mouvement des femmes pour le suffrage, le mouvement ouvrier, font
partie de ce courant vital et irrésistible. Ils ne sont pas issus de la surface, leurs sources sont
profondément ancrées dans les forces de la vie de notre époque. Il y a une cause plus
fondamentale de nos troubles actuels que les causes superficielles données au mouvement des
femmes, ou les causes égoïstes données à nos problèmes d'ouvriers : ce n'est pas la "demande
de la justice" des femmes ni la "cupidité économique" de la main-d’œuvre, mais le désir de
trouver sa place, de donner sa part à chacun, de contrôler sa propre vie, telle est la pensée sous-
jacente qui bouleverse si profondément l’homme et la femme aujourd’hui.

Mais un plus grand réveil a eu lieu depuis avril 1917. Il a fallu beaucoup d'efforts et une charrue
de feu pour nous révéler qui nous sommes réellement : cette guerre creuse des sillons dans le
cœur des Hommes et suscite des désirs dont ils étaient eux-mêmes inconscients à leur temps
d'aise. Les hommes affluent à Washington, sacrifiant leurs affaires et intérêts personnels, prêts
à tout mettre en jeu pour le grand enjeu de la démocratie; le moment est venu où la possession
d'un gouvernement autonome a été mise en péril et tout le monde a fait un bond en avant, prêts
à donner leurs vies pour la préserver. Cette guerre a révélé le moi profond de chaque Homme
avec ses désirs les plus profonds, et il s'est rendu compte qu'il prise, au-delà de sa vie, le pouvoir
de s'auto-diriger. Le moment est venu d'utiliser toute cette ruée vers le patriotisme, le
dévouement et l'amour de la liberté et la volonté de servir, et de ne pas la laisser retomber dans
ses souterraines cachées. Développons le type d’institutions qui fera appel à ces pouvoirs et
énergies et les utilisera pour la paix comme pour la guerre, car les œuvres de paix sont glorieuses
si les Hommes ne peuvent apercevoir que leur but. Faisons en sorte que les Hommes vivent à
leur grandeur innée. Construisons haut les murs de la démocratie et élargissons ses tribunaux
pour notre chez-nous quotidien.

Alors, les hommes doivent comprendre que dans la paix comme dans la guerre, notre vie doit
être une vie d’initiative, de travail, d’effort conscient à des fins consciente. L'Homme ordinaire
ne doit pas faire son travail et jouir un peu ensuite pour se rafraîchir, sachant que le monde de
l'industrie et le gouvernement de son pays seront gérés par des experts. Ils doivent être dirigés
par lui-même et il se doit de se préparer à faire face à son travail. Le problème du temps de
loisir n’est pas de savoir comment l’ouvrier peut avoir plus de temps libre pour s'amuser, mais
d'avoir plus de temps pour s’associer, prendre sa part dans la pensée, la volonté et la
responsabilité collectives qui permettrons de créer le nouveau monde. Le « bon citoyen » n'est
pas celui qui obéit aux lois, mais celui qui a le sentiment actif de faire partie intégrante de l'État.
C’est l’essence et la base d’une bonne citoyenneté efficace. Nous ne faisons pas partie d'une
nation parce que nous vivons à l’intérieur de ses frontières, mais parce que nous sommes en
sympathie avec elle et avons accepté ses idées, parce que nous sommes devenus naturalisés.
Nous ne faisons partie d’une nation que dans la mesure où nous contribuons à sa création.

Pour cela, nous devons fournir des méthodes permettant à chaque homme de prendre sa part.
Nous ne devons plus mettre le business et les affaires politiques entre les mains d'un groupe
d’Hommes, puis nommer un autre groupe comme gardiens, avec le peuple au mieux formant
une sorte de chœur à l'arrière-plan, au pire pratiquement inexistant. Mais nous devons tellement
démocratiser nos méthodes industrielles et politiques que tout le monde ait sa part à la politique
et à la responsabilité. L'exhortation à la bonne citoyenneté est inutile. Nous obtenons la bonne
citoyenneté en créant les formes dans lesquelles cette bonne citoyenneté peut fonctionner, en
permettant d'acquérir l'habitude de la bonne citoyenneté par la pratique de celle-ci.

Le groupe de quartier offre la meilleure opportunité pour la formation et la pratique de la


citoyenneté. Le leader d'un groupe de quartier devrait pouvoir aider chacun à découvrir sa plus
grande capacité, il devrait voir le stimulus à appliquer, la voie à suivre, et que les électeurs de
son quartier ne devraient pas simplement servir, mais devraient servir de la manière qui les
intégrera exactement aux besoins de la communauté. Le système d'enregistrement de la guerre,
où les hommes et les femmes notent ce qu'ils sont en mesure de faire le mieux, pourrait, par
l'intermédiaire du groupe de quartier, être appliqué à l'ensemble du pays. L’objectif principal
de l’organisation de quartier n’est pas de réparer les torts, comme on le suppose souvent, mais
de fonder plus fermement et de construire plus grandement le droit.
De plus, l'organisation de quartier nous donne un objectif défini à la responsabilité individuelle.
Nous ne pouvons pas comprendre notre devoir ou l’accomplir à moins que ce ne soit un devoir
envers quelque chose. C’est en raison de la notion erronée selon laquelle l'individu est lié à la
"société" plutôt qu’à un groupe ou plusieurs groupes que nous devons une grande partie de
notre manque de responsabilité. Un Homme croit vaguement qu'il fait son devoir envers la
"société", mais une telle imprécision ne le mène nulle part. Il n'y a pas de "société" et par
conséquent, il ne fait souvent aucun devoir. Mais s’il comprend un jour que son devoir incombe
à son groupe - à son groupe de quartier, à son groupe industriel - il commencera à le voir comme
une chose spécifique et concrète prenant forme pour lui.

Toutefois, mon évangile n'est pas pour un moment de citoyenneté en tant que simple devoir.
Nous devons apporter à la politique passion et joie. Ce n’est pas à travers les crampes et la
paralysie du désir que la vie est vécue avec noblesse, c’est à travers la vision de la vie dans sa
plénitude. Nous voulons utiliser tout l’Homme. Vous ne pouvez pas mettre une partie de ses
énergies d'un côté, et la partie restante de l'autre et dire que certaines sont bonnes ou mauvaises,
toutes sont bonnes et devraient être utilisées à bon escient. Les Hommes suivent leurs passions
et devraient le faire, mais ils doivent purifier leurs passions, les éduquer, les discipliner et les
diriger. Nous tournons nos impulsions vers de mauvais usages, mais nos impulsions ne sont pas
mauvaises. Les forces de la vie doivent être utilisées et non étouffées. Ce n'est pas la corruption,
la malhonnêteté, que nous devons combattre ; c'est l'ignorance, le manque de perspicacité, les
désirs non transmutés. Nous voulons un état qui transmue les instincts des Hommes en énergies
de la nation. Vous ne pouvez pas complètement barrer le ruisseau ; vous pouvez seulement voir
qu'il coule de manière à irriguer et à fructifier. Tout dépend de notre peur des Hommes. Si nous
pouvions croire aux Hommes, si nous pouvions voir ce cercle qui unit la passion humaine et la
réalisation divine comme un halo autour de la tête de chaque être humain, la réorganisation
sociale et politique ne serait plus un espoir mais un fait. Le vieil individualisme craignait les
Hommes ; la foi en les Hommes est la pierre angulaire du nouvel individualisme. Nous avons
besoin d’une foi constructive et d’une foi solide, d’une foi dans les Hommes, dans ce monde,
en ce jour, dans l’ici et le maintenant.

De la croyance des sauvages aux esprits qui ont gouverné leur destin au "pouvoir extérieur qui
rend justice", grâce à la confiance de l’Homme faible en la chance et à la confiance de l’Homme
fort en son individualité isolée, nous avons eu d'innombrables formes d'incompréhension de la
responsabilité. Mais tout cela est en train de changer. La marque distinctive de notre époque est
que nous en venons à un sens aigu de la responsabilité personnelle, que nous assumons la
responsabilité de tous nos maux, la responsabilité de tous nos progrès. Nous commençons à
nous rendre compte que le pouvoir de rédemption est dans le lien social, que nous n'avons une
évolution créatrice que par la responsabilité individuelle.

Les anciennes façons de penser se défont. La nouvelle vie est devant nous. Sommes-nous prêts
? Sommes-nous en train de nous préparer ? Un nouvel Homme est nécessaire pour la nouvelle
vie - un Homme qui comprend la discipline de soi, qui comprend la formation, qui est prêt à se
purger de ses désirs particularistes, qui est conscient des relations comme étant la substance de
son existence.

Pour résumer ce chapitre : l'état moral est la tâche de l’Homme. Cet objectif doit être atteint
grâce au pouvoir créateur de l'Homme, mis en évidence et actualisé par le biais de la vie de
groupe. La grande force cosmique dans le ventre de l'humanité est latente dans le groupe en
tant qu'énergie créatrice ; mais elle peut apparaitre, et l'individu doit faire son devoir à chaque
instant. Nous n'obtenons pas toute la force du groupe à moins que chaque individu se voit
attribuer sa pleine valeur et donne sa pleine valeur. C'est la spontanéité créatrice de chacun qui
fait que la vie marche irrésistiblement vers les buts de l'ensemble. Notre organisation sociale et
politique doit être telle que cette vie de groupe soit possible. Nous entendons beaucoup parler
des "forces gaspillées de notre nation". Le mouvement d'organisation de quartier est un
mouvement qui utilise certaines des forces gaspillées de ce pays - c'est le plus grand mouvement
jamais conçu pour la conservation. Avons-nous plus de "valeur" dans les forêts et l'énergie
hydraulique en Amérique que dans les êtres humains ? La nouvelle génération crie : "Non, cette
libération de l'énergie spirituelle des êtres humains doit être le salut de la nation, car la vie de
tous ces êtres humains est la nation". Le succès de la démocratie dépend (1) du degré de
responsabilité qu’on peut susciter chez chaque homme et chaque femme (2) des opportunités
qui leur sont données pour s'en acquitter. La nouvelle démocratie dépend de vous et de moi.
Cela dépend de vous et de moi car il n'y a personne d'autre au monde que vous et moi. Si je
m'engage envers la nouvelle démocratie et si vous vous engagez envers cette nouvelle
démocratie, une nouvelle force motrice naîtra dans le monde.

Nous avons besoin aujourd'hui de nouveaux principes. Nous pouvons nous réformer et réformer
mais tout cela est superficiel. Ce que nous devons faire, c'est changer certaines des idées
fondamentales de notre vie américaine. Ce n’est pas être déloyal envers notre passé, c’est
exactement le contraire. Soyons fidèles à notre héritage et à nos traditions, mais comprenons ce
que sont vraiment cet héritage et cette tradition. Ce n’est pas notre tradition de nous en tenir à
un passé révolu, à un idéal conventionnel, à une religion rigide. Nous sommes des enfants
d’Hommes qui ne craignaient ni les nouveaux continents ni les nouvelles idées. Nous possédons
dans notre sang l'impulsion de sauter au plus haut niveau que nous pouvons voir, comme la
volonté de nos pères s'était fixée sur les convictions de leurs cœurs. Faire un bond en avant puis
suivre résolument le chemin est pour toujours le devoir des Américains. Nous devons vivre la
démocratie.

Chapitre XXXV

L'État mondial

Nous avons vu le véritable État émerger à travers la mise en œuvre du principe du fédéralisme,
duale dans sa nature : (1) créé par la loi de l'interpénétration, l'unification de la différence et (2)
la représentation de l'Homme multiple dans sa nature essentielle. En poursuivant ce principe,
l’État-monde apparaît.

La leçon du groupe est impérative pour nos relations internationales. Aucune "alliance", aucun
rapport de force, aucun accord, aucun tribunal de La Haye ne nous satisfera à présent ; nous
savons que ce n’est que par la création d’une véritable communauté de nations que nous
pourrons avoir la stabilité et la croissance - la paix mondiale, le progrès mondial. Quelles sont
les contributions de la psychologie de groupe à la Société des Nations ?

Il n’existe pas de moyen pour se sortir de l’enfer de notre situation européenne actuelle tant que
nous n’aurons pas trouvé un moyen de combiner les différences. Les moralistes superficiels
essayent de nous faire aimer une autre nationalité en soulignant tout ce que nous avons en
commun, mais la guerre ne peut jamais cesser tant que nous ne voyons pas la valeur des
différences, le fait qu'elle doivent être maintenues et non effacé. Le fardeau de l’Homme blanc
n'est pas de rendre les autres comme lui. Quand nous voyons la valeur de l'individu, de chaque
individu, nous devons voir la valeur de chaque nation, que toutes sont nécessaires. Les pacifistes
ont voulu que nous tolérions nos ennemis et les plus extrêmes que nous tendions l'autre joue
quand frappés. Mais la tolérance est intolérable. Et nous ne pouvons pas vivre parmi des
ennemis. L'idéal de cette planète habitée par des ennemis chrétiens qui tournent tous la joue ne
me semble pas heureux. Comme le disent les militaristes extrémistes, nous devons
effectivement "éliminer" nos ennemis, mais nous ne les exterminons pas en les écrasant. Le
héros démodé sortait pour conquérir son ennemi ; le héros moderne désarme son ennemi en
créant une compréhension mutuelle.
L'échec de la société internationale dans le passé est un fait d’une grande portée : les différences
entre les nations ne doivent pas être surmontées par une classe de personnes d'un pays s'unissant
à la même classe dans un autre pays. Les classes supérieures de Pétrograd, Berlin, Paris et
Londres ont à peu près les mêmes mœurs et habitudes. Cela n'a pas apporté la paix. Les artistes
du monde entier ont un langage commun. Les ouvriers ont essayé de supprimer les barrières
internationales en supposant que leurs intérêts étaient si identiques qu’ils pourraient s’unir pour
les surmonter. Mais cela n'a pas réussi à ramener la paix comme les autres interpellations ont
échoué. Pourquoi ? Parce qu'ils sont tous sur la mauvaise voie. La paix internationale ne vient
jamais par un nombre croissant de similitudes (c'est la philosophie de la foule à l'ancienne) ; La
paix internationale est le fruit de la reconnaissance la plus franche et la plus complète de nos
différences. L'internationalisme et le cosmopolitisme ne doivent pas être confondus. Le but du
cosmopolitisme est que tous se ressemblent ; le but de l'internationalisme est un contenu riche
de caractéristiques et d'expériences très variées.

S'il était vrai que nous devions accroître le nombre de similitudes entre les nations, il serait alors
légitime que chaque nation tente d'imposer ses idéaux aux autres. Dans ce cas, l’Angleterre
essaierait de répandre sa civilisation particulière, et l’Allemagne la sienne, comme si une
civilisation devrait prévaloir, chacune voudra que ce soit le sienne. Il n’y a pas de place sur
cette planète pour beaucoup de pays similaires, mais seulement pour beaucoup de pays
différents. Un groupe de nations doit créer une culture de groupe qui sera plus large que la
culture d'une seule nation. Il doit y avoir un idéal mondial, une civilisation entière, dans laquelle
les idéaux et la civilisation de chaque nation peuvent trouver place. L'idéal d'une nation n'est
pas antagoniste avec l'idéal d'une autre, et ces idéaux n'existent pas l'un à côté de l'autre, mais
ces différents types de civilisation sont liés les unes aux autres. On me dit que c'est du
mysticisme. C'est l'idée la plus pratique que j'ai trouvée dans le monde.

On dit qu’une lutte acharnée nous attend au moment où l’Orient rencontrera l’Ouest, et que ce
choc déterminera laquelle de ces civilisations gouvernera le monde - que c’est là la grande
décision mondiale. Non, la grande décision mondiale est que chaque nation a besoin, de manière
égale, des autres, ainsi chacune cherchera non seulement à protéger, mais aussi à favoriser et
augmenter la stature des autres afin d’accroître ainsi sa stature.

L’une des leçons les plus utiles à tirer du processus de groupe est peut-être une nouvelle
définition du patriotisme. Le patriotisme ne doit pas être un instinct de troupeau. Le patriotisme
doit être à chaque instant la construction rationnelle et consciente de son pays par l'individu. La
loyauté signifie toujours créer votre groupe et non agiter un drapeau (1). Nous avons besoin
d’un patriotisme qui ne "suit pas le pas", mais qui participe à un processus auquel tout le monde
participe. Au lieu du patriotisme sentimental, nous voulons un but commun, un but développé
par la vie commune, à utiliser pour la vie commune. Certains de nos biologistes nous induisent
en erreur lorsqu'ils parlent de l'homogénéité du troupeau en tant que but des nations. La nation
peut être un troupeau à l'heure actuelle. Ce que nous devons faire, c'est en faire un vrai groupe.
L'internationalisme doit être fondé sur des unités de groupe, non pas sur des unités de troupeau
ou de foule, c'est-à-dire sur des personnes réunies non par instinct de troupeau, mais par
conviction. Si une nation est une foule, le patriotisme n'est qu'un hypnotisme ; Si une nation est
un véritable État fédéral constitué de groupes imbriqués et ascendants, le patriotisme évolue de
lui-même. Lorsque vous construisez une association ou une nation, vous devez prêcher la
loyauté ; plus tard, elle fera partie de la substance même qui a été construite.

Voir pp.58-59.

Alors, la loyauté authentique, une loyauté évolutive ouvrira toujours la voie aux unités
supérieures. Le nationalisme tient compte de l’extérieur aussi bien que de l’intérieur. Cela
signifie, en plus de ses autres significations, que chaque nation est responsable devant un
ensemble plus vaste. C'est cette nouvelle définition du patriotisme que l'Amérique est en train
d'apprendre. C’est ce nouveau patriotisme qui doit être enseigné à nos enfants et que nous
devons nous répéter entre nous lors de notre journée patriotique spéciale du 4 juillet et à chaque
occasion où nous nous rencontrons. Ce nouveau patriotisme s'intéresse à l’extérieur comme à
l’intérieur : nous devons apprendre que nous ne sommes pas tout à fait patriotes lorsque nous
travaillons de tout notre cœur pour l’Amérique ; nous ne sommes véritablement patriotes que
lorsque nous travaillons également pour que l’Amérique puisse prendre sa place dignement et
utilement dans le monde des nations. Le nationalisme n'est pas ma nation pour moi-même ou
ma nation contre d'autres ou ma nation qui domine les autres, mais simplement ma nation qui
prend sa part en tant qu’"égale entre égales".

Cette guerre hideuse doit-elle continuer simplement parce que les gens ne comprendront pas le
nationalisme ? Nationalisme et internationalisme ne sont pas opposés. Nous ne versons pas
assez de patriotisme à notre pays pour en faire un État mondial : celui qui est capable de la plus
grande loyauté envers son propre pays est le plus prêt pour une loyauté plus large. Il n’existe
pas de citoyenneté mondiale dont les rangs seront remplis par ceux qui se soucient peu de leur
pays. Nous avons traversé une période où le patriotisme chez les personnes cultivées semblait
souvent être négligé - l'idéal était d'être "des citoyens du monde". Mais nous voyons maintenant
que nous ne pourrons jamais être "citoyens du monde" tant que nous n’aurons pas appris à être
citoyens de l’Amérique, de l’Angleterre ou de la France. L'internationalisme ne va pas engloutir
le nationalisme. L'internationalisme va accentuer, donner un point, une signification, un sens,
une valeur, une réalité au nationalisme.

Si nous pouvons ou non avoir une paix durable dépend de si nous avons progressé suffisamment
pour pouvoir être fidèles à une unité supérieure, non pas en remplacement de notre ancien
patriotisme envers notre pays, mais en plus de celui-ci. La paix viendra par la conscience de
groupe qui monte de l'unité nationale à l'unité internationale. Cela ne peut être fait que par
l'imagination, mais nécessite des expériences réelles dans l'union mondiale, ou plutôt des
expériences d'abord dans l'union de deux nations ou plus. Les Hommes font le tour pour donner
une conférence à un public généreux et dire : "Ne pouvez-vous pas être loyal envers quelque
chose de plus grand qu'une nation ?" Et le public bienveillant répond : "Certainement, nous
allons maintenant, à votre suggestion très intéressante, être fidèles à une ligue de nations." Mais
ce n’est qu’un souhait de leur part, sa réalisation ne peut jamais venir par souhait, mais
seulement par désir, et si la volonté est un processus, vous devez vous placer dans un certain
endroit pour être en mesure de vouloir. En d’autres termes, nous devons essayer des expériences
avec une ligue de nations, et de cette réelle vie au sein de la ligue viendra la loyauté envers elle.
Nous ne sommes pas prêts pour la vie du groupe plus large car un professeur d'éthique nous a
appris à "respecter la loyauté des autres". Nous y sommes prêts lorsque notre expérience aura
incorporé dans chaque tissu de notre vie imaginaire le fait de savoir que nous avons besoin de
la loyauté des autres Hommes. La loyauté, ce ne sont donc pas les poulets qui retournent à la
coopérative, ce n’est pas non plus un sentiment que nous décidons d’adopter arbitrairement,
c’est le résultat d’un processus, le processus d’appartenance.

Bien entendu, il doit y avoir un motif à la grande union : nous allons probablement commencer
par placer les nations dans une ligue internationale par le biais de leurs intérêts économiques ;
puis, lorsque nous aurons une véritable union, le sens d'appartenance commencera. Lorsque les
Hommes ont senti le besoin d'unités plus grandes que les nations et ont formé des "alliances",
ils n'ont pas senti qu'ils appartenaient à ces alliances. Le sentiment d'appartenance a pris fin à
l'empire britannique ou à l'empire allemand. Mais la raison pour laquelle l’Allemagne est
devenue un empire et l’Italie, une nation, est parce qu’une union économique révélait tous les
jours au peuple qu’ils étaient Italiens, et non des Vénitiens, des Allemands et non des Bavarois.
Nous devons ressentir le lien international exactement comme nous ressentons le lien national.
Quelqu'un, parlant des difficultés de l'internationalisme, a déclaré : "Il est plus facile de faire
des sacrifices pour ceux que vous connaissez bien, vos propres compatriotes, que pour les
étrangers." Mais l'internationalisme n'est pas venu quand nous avons décidé de vouloir faire des
sacrifices pour les étrangers. Cette erreur a été la pierre d'achoppement de certains pacifistes.
Faire des sacrifices pour des "étrangers" ne réussira jamais. Nous faisons des sacrifices pour
notre propre nation à cause des sentiments de groupe. Nous ferons des sacrifices pour une ligue
de nations lorsque nous aurons le même sentiment de lien.

Nous pouvons peut-être espérer que l'Europe passera à peu près par le même processus qu'aux
États-Unis. Les colonies ont rejoint un gouvernement fédéral. L'union était formée de colonies
complètement différentes d'elles-mêmes. Les Hommes du Massachusetts étaient les premiers
et les derniers hommes du Massachusetts. Nous appartenions, pour de bonnes raisons, à une
unité plus importante, mais ce n’est que très lentement que nous avons acquis le sentiment réel
d’appartenir aux États-Unis, de l’aimer parce que nous en étions un élément constitutif, parce
que nous avons aidé à le faire ; ce n'est pas comme une autorité externe à laquelle nous avions
promis allégeance. Les colonies américaines ne se sont pas engagées à avoir l’air agréable et à
être gentilles les unes avec les autres, elles sont allées travailler et ont appris à vivre ensemble.
Et la jalousie des États a été réduite chaque année, non pas par quelqu'un qui nous prêche, mais
par le processus de la vie commune. C'est ce qui peut arriver dans une ligue de nations.

La grande leçon du processus de groupe, dans lequel d'autres sont impliqués, est que le
particularisme, même magnifié, n'est plus possible. Il n’existe pas de magie permettant à
l’égoïsme de devenir patriotisme dès lors que nous invoquons la nation. Le changement doit
être ceci : comme nous voyons maintenant qu'une nation ne peut être saine et virile si elle ne
fait que protéger les droits de ses membres, nous devons donc veiller à ne pas avoir de bonnes
conditions des affaires mondiales simplement par la protection de chaque nation individuelle -
c’est la vieille théorie des droits individuels. Chaque nation doit jouer son rôle dans un ensemble
plus vaste. Les nations se sont battues pour les droits nationaux. Celles-ci sont aussi obsolètes
que les droits individuels du siècle dernier. Ce qui élève cette guerre à un endroit jamais atteint
auparavant, c'est que les Alliés ne se battent pas pour les droits nationaux. Aussi longtemps que
l'histoire sera lue, la contribution des États-Unis à la Grande Guerre sera mise à jour lorsque les
États-Unis se prononceront de manière ferme et responsable en affirmant que le particularisme
national était mort en 1917.

Et comme nous ne devons plus parler des "droits" des nations, il ne faut plus que les nations
"indépendantes" soient la base de l'union. Dans notre droit international actuel, une nation
souveraine est une nation indépendante des autres nations - une fiction juridique complète. Et
lorsque l’on insiste sur l’indépendance dans les relations extérieures en tant que nature de la
souveraineté, c’est un pas en avant dans l’idée allemande que l’indépendance des autres peut
devenir une autorité sur d’autres. Cette tendance est évitée lorsque nous pensons à la
souveraineté : (1) en tant qu’individu, en tant qu’autorité sur ses propres membres, en tant
qu’indépendance résultant de l’interdépendance totale de ces membres ; et quand, en même
temps (2), nous considérons cette indépendance comme une recherche d'autres indépendances
pour former, par le biais d'une interdépendance plus large, la souveraineté plus large d'un
ensemble plus vaste. L'interdépendance est le point clé des relations entre les nations et des
relations des individus au sein d'une nation. Comme aucun homme ne peut être entièrement
libre sauf par le biais de sa relation perfectionnée avec son groupe, aucune nation ne peut être
véritablement indépendante tant qu'une véritable union n'a pas instauré une interdépendance ;
vu que nous ne pensons plus que chaque individu a une finalité indépendante de toute
communauté, nous ne pensons plus que chaque nation a de "destin" indépendant du "destin"
des autres nations.

L’erreur de notre ancienne philosophie politique était que l’État surveillait toujours : il a des
obligations envers ses membres, il n'en a pas envers les autres États ; il ne fait que passer des
accords avec eux pour un bénéfice mutuel ainsi obtenu. Le droit international de l'avenir ne doit
pas être fondé sur le principe de la « souveraineté » de nations traitant les unes avec les autres,
mais sur celui des nations en tant que membres d'une société, qui traitent les unes avec les
autres. La différence entre ces conceptions est énorme. On nous dit que les cessions de
souveraineté doivent être la base d'un gouvernement international. Nous ne pouvons pas avoir
une union internationale durable avant de réformer entièrement ces notions de souveraineté ;
que la puissance de la plus grande unité est produite mécaniquement en retirant des morceaux
de puissance de toutes les unités séparées. La souveraineté est obtenue en donnant à chaque
unité sa plus grande valeur et en donnant ainsi naissance à un nouveau pouvoir - le pouvoir d'un
tout plus grand. Nous devons abandonner les nations « souveraines » au sens ancien du terme,
mais avec notre définition actuelle de la souveraineté, nous pouvons conserver toute la
souveraineté réelle dont nous disposons et ensuite nous unir pour développer ensemble une
souveraineté plus large.

Cette idée doit être soigneusement élaborée : nous pouvons prendre chaque soi-disant "pouvoir
souverain" que nous pensons "déléguer" à une Société des Nations et nous pouvons voir que
cette délégation ne fait pas de nous des nations individuelles moins "souveraines", moins
"libres" mais encore plus - c'est le grand paradoxe de notre époque. L’objet de toute "cession"
de souveraineté est de nous rendre plus libres que jamais. Sera-t-il "souverain" et "libre" pour
les nations de se surveiller sans dormir, avec suspicion et crainte, pendant qu’elles construisent
navire pour navire, avion pour avion ? L'Angleterre et l'Allemagne ont-elles fièrement
conscience de leur "liberté" en pensant à l'Afrique centrale ? Lorsque les nations individuelles
renoncent à leur souveraineté distincte - en ce qui concerne leurs armements, en ce qui concerne
le contrôle des régions riches en matières premières, en ce qui concerne les grandes voies
navigables du monde, en ce qui concerne, en fait, tout ce qui affecte leur vie commune – La a
destruction des anciennes chaînes du véritable esclavage se répercutera à travers le monde.
Parce qu'une souveraineté sans rapports, avec les conditions du monde telles qu’elles le sont
aujourd'hui, c'est l'esclavage.

L’idée de « nations souveraines doit aller aussi loin que l’idée d’individus souverains doit
disparaître. L’isolement des nations souveraines est si complet qu’elles ne peuvent même pas
(et je veux dire cela au sens littéral) se voir. La Ligue internationale est la solution pour la
relation des nations. Quand nous disons que nous pouvons avoir une loi internationale "morale"
sur toute autre base, nous ne sommes que de purs sentimentalistes.

Il y a beaucoup de corollaires à ce projet. Nous n'avons pas besoin, par exemple, d'une
protection plus vigoureuse des neutres, mais de leur suppression. L'invasion des droits des
neutres dans cette guerre par les deux parties montre que nous ne pouvons plus avoir de neutres
dans notre système d'union ; tout doit être lié.

Encore plus, les relations diplomatiques seront entièrement modifiées. "Honneur parmi les
voleurs" signifie loyauté envers votre groupe : bien que mentir ou essayer de prendre le dessus
sur votre groupe soit une offense impardonnable, vous pouvez tromper un étranger. Nous
voyons maintenant la raison psychologique à cela. Les mensonges diplomatiques ne
disparaîtront pas tant que les diplomates, au lieu de traiter les uns avec les autres en tant que
membres d'un groupe extraterrestre, ne se considèrent tous comme membres d'un groupe plus
important - la Société des Nations.

De plus, une nation ne peut pas simplement nuire à une autre ; le préjudice sera causé à la
communauté, et la communauté des nations le considérera comme tel. Dans notre système
international actuel, l'attaque d'un pays par un autre est considérée comme l'attaque d’une
personne par un hors-la-loi. Mais dans un système international civilisé, l'attaque d'un individu
sur un autre est une attaque contre la société et toute la société doit le punir. La punition,
cependant, ne consistera pas à garder le contrevenant en dehors de l’alliance. Si les Alliés
l'emportent, l'Allemagne ne devrait pas être punie en la gardant en dehors de la ligue
européenne ; Il faut lui montrer comment y prendre sa place. Et il ne faut pas oublier que nous
ne nous associons pas à une ligue de nations uniquement pour établir nos relations les unes avec
les autres, mais pour apprendre à œuvrer pour le grand tout, pour les valeurs internationales.
Jusqu'à ce que cette leçon soit apprise, aucune ligue de nations ne peut réussir. Enfin, la Société
des Nations s'oppose à la théorie de l'équilibre des pouvoirs, mais cela a déjà été examiné dans
le chapitre sur l'État fédéral.

Pour résumer tous ces sophismes particularistes : vivre et laisser vivre ne peut jamais être notre
devise internationale. Le laisser-faire se situe aussi ignominieusement dans les relations
internationales qu'au sein d'une même nation. Notre nouvelle devise doit être : vivre de manière
à ce que la plénitude de la vie puisse venir à tout le monde. C'est "le rebord et le saut" pour la
pensée du vingtième siècle.

La coopération organisée sera, à l’avenir, la base des relations internationales. Nous sommes
internationaux dans nos intérêts. Nous ne voulons pas une éducation américaine, une éducation
anglaise, une éducation française. Les "mouvements" cherchent toujours une société
internationale. Nous avons des finances internationales. Notre niveau de vie s'internationalise.
Socialement, économiquement, dans le monde de la pensée, les barrières nationales sont en
train de s'effondrer. Ce n'est qu'en politique que nous sommes nationaux. Cela doit bientôt
changer : avec tout cela, nous ne pouvons plus parler des différences fondamentales entre nous,
qui ne peuvent être réglées qu’en s’entretuant...

Les gens pensaient que l'Italie ne pourrait pas être unie, que les duchés d'Allemagne ne se
joindraient jamais. Cavour et Bismarck n'avaient en effet pas de rôle facile. Mais si cent millions
de personnes en Europe centrale peuvent être amenées à voir les maux de la séparation,
pourquoi les autres ne les verront pas ? Avec nos plus grandes facilités de communication, nos
relations commerciales plus importantes et notre prise de conscience accrue de
l'interdépendance des nations (une nation manufacturière ne peut pas se passer des nations
productrices des denrées alimentaires, etc.), cela ne devrait pas être impossible maintenant. Ou
est-ce que l’État seul a épuisé nos capacités politiques ? Sommes-nous disposés à reconnaître
cela ? Nous n'avons encore que très peu d’idées d’une communauté de nations. La grande faute
de l’Allemagne n’est pas d’avoir surestimé sa propre force d’accomplissement, ce qui est certes
merveilleux, mais bien de n'avoir jamais imaginé une communauté de nations. Qu'elle applique
sa propre théorie de la subordination de l'individu à l'ensemble à la subordination de
l'Allemagne à une Europe alliée, et elle serait ainsi un membre précieux d'une ligue européenne.
Le processus de groupe nous montre, ainsi, qu’une véritable communauté de nations signifie la
corrélation des intérêts, le développement d’une éthique internationale, la création d’une
volonté internationale, l’auto-évolution d’une loyauté plus grande et, surtout, la responsabilité
complète de chaque nation envers le bien-être de toutes les autres.

Avec un tel objectif devant nous, les tribunaux d’arbitrage semblent une piètre improvisation.
On nous dit que comme les individus ne se combattent plus en duels et règlent leurs différends
devant les tribunaux, les nations doivent maintenant arbitrer, c'est-à-dire porter leurs différends
devant un tribunal. Mais ce qui a réellement évincé les duels n'a pas été les tribunaux mais une
conception différente de la relation entre les Hommes ; donc, ce qui fera disparaître la guerre
ne sera pas les tribunaux arbitraux, mais une conception différente des relations entre les
nations. Nous avons besoin de mécanismes, non seulement pour régler les différends, mais pour
empêcher leur apparition ; pas simplement pour interpréter les relations passées, mais pour
exprimer de nouvelles relations ; pas simplement pour appliquer le droit international, mais
pour faire du droit international - pas un tribunal de La Haye mais un corps législatif
international.

Une communauté de nations a besoin d'une constitution, pas de traités. Les traités sont de la
même nature que les contrats. Tout comme en droit interne, le contrat cède le pas à la théorie
de la communauté, le même changement doit se produire en droit international. Il est vrai que
la première étape doit consister en des traités plus progressistes avant que nous ne puissions
espérer avoir une union plus proche, mais gardons clairement devant nous le but que ces traités
doivent être faits de sorte à ouvrir la voie à une véritable fédération, à une loi internationale qui
n'est pas fondée sur des nations "souveraines".

Nous avons déjà vu que c’est la création d’une volonté collective dont nous avons le plus besoin
dans notre vie sociale et politique, et non son imposition. Il en va de même avec une ligue de
nations - nous devons créer une volonté internationale. Nous ne voulons ni concession ni
compromis. Et une vague "fraternité" ne suffit certainement pas. Comme nous avons vu le
groupe comme l’atelier de la volonté collective, nous constatons que nous ne pouvons pas avoir
une volonté internationale sans créer une communauté de nations. La psychologie de groupe va
révolutionner le droit international. Le groupe tire son autorité du pouvoir qu’il a en lui-même
en intégrant les idées et intérêts. Aucune prétendue volonté collective qui n’est pas une volonté
collective authentique, c’est-à-dire qui n’est pas développée par ce processus, n’aura d’autorité
réelle ; Par conséquent, aucune relation internationale stable n'est possible, hormis celles
fondées sur la création d'une véritable communauté de nations.
Ce qui nous intéresse le plus dans l’ensemble de la littérature de guerre, c'est toute méthode
d'union proposée. L'importance d'une ligue internationale en tant que plan de paix réside dans
le fait que vous ne pouvez jamais viser directement la paix. La paix est ce que vous obtenez par
d'autres choses. Une grande partie de la propagande de paix nous pousse à choisir la paix plutôt
que la guerre. Mais la décision entre "guerre" et "paix" n’est jamais en notre pouvoir. Ce ne
sont que des mots pour rassembler sous une forme commode d’expressions une quantité énorme
qui se trouve en dessous. Toutes sortes d’intérêts sont en compétition, toutes sortes d’idées se
font concurrence ou se rejoignent : s’ils peuvent s’associer, nous avons la paix; s'ils doivent
rivaliser, nous avons la guerre. Mais la guerre ou la paix ne sont que le résultat du processus ;
la paix ou la guerre sont arrivées, suite à d'autres décisions prise bien avant que la question de
la paix ou de la guerre ne se soit encore posée.

Tous nos espoirs dorénavant de futures relations internationales ne résident donc pas dans les
exhortations éthiques des pacifistes, ni dans les projets de guerre économique, mais dans la
reconnaissance de la possibilité d’une communauté des nations.

En plaidant pour une expérience de coopération internationale, je me souviens, avec


humiliation, que nous nous sommes battus parce que c’était la solution facile. Combattre ne
résout aucun problème. Les problèmes qui ont amené cette guerre seront tous résolus à la fin
de la guerre. Mais nous avons la guerre comme la solution la plus facile. Nous sommes en
guerre lorsque l'esprit renonce à son rôle de s'accorder, le considérant trop difficile (1). On dit
souvent que le conflit est une nécessité de l'âme humaine et que, si jamais le conflit disparaissait
parmi nous, les individus se détérioreraient et la société s'effondrerait. Mais l’effort de parvenir
à l'accord est tellement plus ardu que l’acharnement relativement facile du combat, que nous
pouvons endurcir nos muscles spirituels beaucoup plus efficacement sur le premier plan que
sur le second. Supposons que je ne sois pas d’accord avec vous au cours d’une discussion et
que nous ne fassions aucun effort pour joindre nos idées, mais que nous nous « battions ». Je
martèle mon idée, j'essaie de trouver toutes les parties les plus faibles de la vôtre, je refuse de
voir quoi que ce soit de bon dans ce que vous pensez. Ce n’est pas si difficile que d’essayer de
reconnaître toutes les subtilités possibles des entrelacements de la pensée, de voir comment une
partie de votre pensée, ou même un aspect de cette partie, puisse s'unir avec une partie ou un
aspect d'une partie de la mienne, etc. De même, la coopération et la concurrence dans les affaires
: la coopération va se révéler tellement plus difficile que la concurrence qu'il n'y a pas le
moindre danger de chercher à coopérer.
1. On a généralement supposé que les guerres étaient l'élément primordial dans la consolidation des
nations ; Je ne veux pas ignorer cet élément ; Je veux seulement mettre en garde contre son emphase.
En plus, si les guerres ont eu une influence réelle et permanente sur la consolidation des nations, ce
n'était que par la pression qu’elles ont exercée sur elles en leur montrant que l’efficacité est obtenue par
la coopération la plus étroite et la coordination de toutes nos activités, par un grand degré d'organisation
interne.

Le choix de la guerre ou de la paix n’est pas le choix entre l’effort et la stagnation. Nous avons
pensé à la paix comme des agneaux couchés ensemble après avoir feuilleté la conscience de
leurs heureux accords. Nous avons pensé à la paix comme à un abandon et à la guerre comme
à une résistance. Nous avons considéré la paix comme étant passive et à la guerre comme étant
mode de vie actif. C'est le contraire qui est vrai. La guerre n'est pas la vie la plus ardue. C'est
une sorte de repos médical comparé à la tâche de réconcilier nos différences. Je connaissais un
jeune homme d’affaires qui était allé à la guerre d’Espagne et qui avait dit à son retour que
c’était aussi bien que d’aller dans un sanatorium ; il avait simplement obéi aux ordres et n'avait
pris aucune décision ni réfléchi depuis son départ de chez lui. De la guerre à la paix ne veut pas
dire aller de la vie dure à la vie facile ; c'est de l'inutile à l'efficacité, du stagnant à l'actif, du
mode de vie destructif au mode de vie créatif.

Si, toutefois, la paix signifie simplement l'abstinence de l'effusion de sang, si elle signifie au
lieu de la lutte du champ de bataille, la lutte de l'employeur et de l'employé, la lutte de différents
intérêts dans la législature, la lutte des entreprises concurrentes, ce serait une autre affaire. Mais
si vous essayez de résoudre les problèmes du capital et de la main-d’œuvre, des intérêts
commerciaux opposés, des nations différentes, ce serait un travail plus difficile que de se tenir
debout sur le champ de bataille.

On nous a dit que lorsque les pêcheurs de la mer du Nord ont découvert qu’ils apportaient de la
morue molle au marché, ils ont mis au point le système qui consiste à introduire un poisson-
chat dans chaque grand réservoir de poissons. La lutte qui en a résulté a endurci la chair des
poissons et ils sont arrivé au marché la chaire ferme. La conclusion généralement tirée de toutes
ces histoires est que les Hommes ont besoin de se battre pour maintenir un forme morale. Mais
ce que je maintiens, c'est que si nous voulons former nos muscles moraux, nous leur concevrons
un travail beaucoup plus difficile si nous essayons d'être d'accord avec notre poisson-chat plutôt
que de le combattre.

La civilisation nous appelle à "convenir avec notre adversaire". Cela signifie un effort suprême
de notre part, et l’avenir du monde dépend de la possibilité de faire cet effort, de si nous serions
à la hauteur de l'appel de la civilisation à l’individu, à la nation. C'est un effort suprême, car ce
n'est pas, comme on le pense parfois, une question de sentiment, pour se sentir bien, désirer la
paix - non, nous devons faire appel à toutes les forces de notre nature, à nos esprits entraînés et
à nos personnages disciplinés, pour trouver les méthodes d’accord. Nous pouvons être en colère
et nous battre, nous pouvons nous sentir bien et vouloir la paix - c'est à peu près la même chose.
Le monde sera régénéré par les peuples qui s'élèvent au-dessus de ces deux manières passives
et qui recherchent héroïquement, quelles que soient les difficultés, les conditions de travail et
les méthodes par lesquelles les gens peuvent s'entendre.

Qu'est-ce que ce jeune vingtième siècle est allé combattre ? L’autocratie ? La doctrine du droit
de la force ? Oui, et où que ce soit, en Allemagne ou parmi nous. Et partout où ils se trouvent,
ils reposent sur la conscience de la séparation. C'est la conviction de la séparation qui doit être
vaincue avant que la civilisation puisse continuer. La communauté doit être la pierre angulaire
du nouvel État.

L’histoire des temps modernes, du point de vue de la science politique, est l’histoire du
développement de la démocratie; du point de vue de la psychologie sociale, c'est l'histoire du
développement de la conscience sociale. Ces deux ne font qu'un. Mais la simple prise de
conscience du lien social ne suffit pas. Frenssen a déclaré à propos de Jorn Uhl : "Il a pris
conscience de son âme, mais elle était vide et il devait maintenant la fournir." Nous avons pris
conscience d'une âme sociale, nous devons maintenant lui donner du contenu. Il y a un long
chemin de la maxime « La religion est une affaire entre l'Homme et son créateur », à l’appel de
Mazzini, « l'Italie est elle-même une religion », mais nous sommes sûrement conscients
aujourd'hui du lien social et de la Volonté Créatrice, une force irrésistible, une profondeur et
une force aussi grandes que celles de toutes les religions que nous ayons connues. Nous sommes
prêts pour une nouvelle révélation de Dieu. Cela ne passe pas à travers un seul homme, mais à
travers les Hommes ; des Hommes qui s'unissent dans un seul but, dans un service sacré, pour
un grand accomplissement. Beaucoup d’entre nous se sont sentis égarés dans un monde confus
et chaotique. Nous devons concentrer nos aspirations et notre énergie ; nous devons les rendre
efficaces et en même temps les multiplier par leur utilisation continue. Ce livre est un plaidoyer
pour une vie plus abondante : pour la plénitude de la vie et pour la vie en croissance. C'est un
plaidoyer contre tout ce qui est statique, contre l'idée qu'il ne doit y avoir aucun matériau passif
dans le lien social. C’est un plaidoyer pour un progrès remarquable qui dépend de chacun de
nous. Nous avons besoin d'une nouvelle foi en l'humanité, non pas d'une foi sentimentale ou
d'un principe théologique ou d'une conception philosophique, mais d'une foi active en ce
pouvoir créateur des Hommes qui façonnera le gouvernement et l'industrie, qui donnera forme,
de façon égale, à notre vie quotidienne avec notre prochain, et à une ligue mondiale.

Annexe :

La formation pour la Nouvelle Démocratie

La formation pour la nouvelle démocratie doit avoir lieu du berceau, en passant par la crèche,
à l'école et le jeu, et ainsi de suite dans toutes les activités de notre vie. La citoyenneté ne doit
pas être apprise dans les cours d'un bon gouvernement, les cours des actualités ou les cours
d'instruction civique. Elle ne doit être acquise qu’à travers ces modes de vie et d’action qui vont
nous apprendre à développer la conscience sociale. Cela devrait être l’objet de tout
l’enseignement scolaire, de l'école du soir, de toutes nos activités de loisirs supervisées, de toute
notre vie de famille, de la vie de notre club, de notre vie civique.

Lorsque nous modifions nos idées sur la relation de l'individu à la société, tout notre système
d'éducation change. Ce que nous voulons enseigner, c’est l’interdépendance ; que l’efficience
dépend de la discipline, que la discipline est l’obéissance à l’ensemble dont je fais partie. La
discipline est un mot lié depuis longtemps à la vie scolaire : quand nous saurons enseigner la
discipline sociale, nous saurons comment "enseigner à l'école". L’objet de l’éducation est
d’adapter les enfants à la vie de la communauté (1). Toute méthode de coopération imaginable
doit, donc, être utilisée dans nos écoles à cette fin. C’est à l’école que les enfants devraient
commencer à apprendre l’initiative de groupe, la responsabilité de groupe - en d’autres termes,
le fonctionnement social. Le processus de groupe doit être appris par la pratique. Nous devrions
donc enseigner des matières qui nécessitent une collaboration, des récitations de groupe, des
enquêtes de groupe avec un plan progressif d’autonomisation. Il faut montrer à chaque enfant
sa place dans la vie qui se construit et sa relation avec tous les autres qui construisent. Toutes
les petites expériences quotidiennes et horaires de ses interrelations doivent lui être
constamment expliquées. La compétition individuelle doit bien sûr disparaître. Tout le monde
doit comprendre que le succès dépend de la capacité de travailler avec les autres et non de les
surpasse.

1. Les États de l'ouest ont le sentiment de former des membres de la société et non des individus
et c'est pourquoi il leur semble approprié de prendre des fonds publics pour créer des universités
d'État.
Le travail de groupe est effectivement introduit dans nos écoles les plus progressistes. La
formation manuelle, en particulier lorsque l’objet fabriqué est suffisamment volumineux pour
nécessiter le travail de deux personnes ou plus, cours de cuisine, travaux scolaires, cours
d’imprimerie, etc., offrent l’opportunité de s’organiser en groupes, présentant ainsi l’avantage
essentiel du groupe : un effort coordonné.

De plus, nous devrions avoir et commençons à avoir des récitations de groupe. Une récitation
ne devrait pas consister à tester l'élève mais à créer quelque chose. Chaque élève devrait avoir
l’impression que son point de vue diffère légèrement de celui des autres et qu’il a donc quelque
chose à donner. Il ne doit pas "réciter" quelque chose que l'enseignant sait déjà ; il doit
contribuer non seulement aux idées de ses camarades, mais également à celles de son
professeur. Et ce n'est pas impossible, même pour les plus jeunes. Une fois à Paris, je fis la
connaissance du petit Michael, charmant garçon anglais de cinq ans, qui, après avoir été
emmené au Louvre par sa mère et lui ayant demandé ce qu’il pensait de la Mona Lisa, répondit
avec une expression des plus pathétiques : "Je ne pense pas qu'elle a l'air d'aimer les petits
garçons." C'était certainement une contribution à la critique de la Mona Lisa. Mais après avoir
appris à l'enfant à donner son propre point de vue dans la récitation de groupe, il faut
immédiatement lui montrer qu'il ne peut pas trop insister dessus ; il faut lui apprendre que ce
n'est qu'une partie de la vérité, qu'il devrait être avide de tous les autres points de vue, que, tous
ensemble, ils peuvent trouver un point de vue que personne n’aurait pu voir seul. En d'autres
termes, nous pouvons enseigner la pensée collective à travers des récitations de groupe.

Une récitation en groupe peut donner à chaque élève le sentiment qu’un tout est en train d’être
créé : (1) en exposant et en discutant différents points de vue, et (2) en apportant une
contribution différente : chacun lira un peu plus, l’un apportera des coupures de journaux et de
périodiques, l'autre apportera son appareil photo au Musée des Beaux-Arts et prendra des
photos des moulages. Ainsi, nous aurons la vie, et les leçons de la vie dans cette heure. Ainsi
nous pourrons apprendre l'obligation et la joie de "faire partie", non seulement lorsque notre
école jouer contre une autre école, mais à chaque heure de récitation de la journée. L'ancienne
idée était que personne ne devait aider un autre dans une récitation ; La nouvelle idée est que
tout le monde doit aider les autres. Le type de compétition que vous avez dans une récitation de
groupe est de savoir si vous avez ajouté autant que quiconque. Vous vous sentez maintenant
responsable non seulement de votre contribution, mais du fait que la récitation dans son
ensemble devrait être bonne. Un tel objectif permettra de surmonter une grande partie de
l’indifférence actuelle de la classe.
Beaucoup plus d'activités scolaires régulières pourraient être organisées en groupe qu'on ne le
pense maintenant – l'enquête par exemple. C'est un grand mot, mais les plus jeunes enfants
envoyés dans les bois au printemps apprennent la "recherche originale".

Encore une fois, chaque bon enseignant enseigne à ses élèves à "assembler" ses différentes
pensées, en leur montrant qu'une seule pensée n'est pas utile, mais uniquement en tant que
connexion avec les autres. L'enseignant moderne est comme le conservateur moderne qui pense
que la signification de groupe d'une classification particulière est plus importante que la
signification de chaque élément isolé. Le professeur moderne ne souhaite pas que l'esprit de ses
élèves ressemble à un musée à l'ancienne - un mélange de faits isolés - mais à un atelier utile.

Encore une fois, pour apprendre, la discussion authentique devrait être considérée comme un
élément essentiel de notre éducation. Chaque enfant doit être formé pour faire face au choc de
la différence - différence d'opinion, différence d'intérêts - qu'apporte la vie. Dans certaines
universités, les professeurs réservent une heure de discussion par semaine. Cela devrait être fait
dans tous les collèges et toutes les écoles, et il faudrait ensuite veiller à ce que ce soit une
véritable discussion qui se déroule lors de cette heure.

En outre, dans de nombreuses écoles, des activités supervisées de terrain de jeu et de gymnase
sont mises en place, les clubs sportifs encouragés, les chœurs et les groupes de théâtre
développés, non seulement en raison de leur valeur du point de vue de la santé ou de l’art, mais
aussi parce qu’ils enseignent la leçon sociale.

La question de l'autonomie dans les écoles est une matière trop compliquée et a rencontré trop
de difficultés, malgré ses brillants succès, pour être abordée ici, mais il est sûr qu'un certain
degré de maîtrise de soi peut être accordé à certains groupes, et aux classes supérieures à des
écoles entières, et quand cela pourra être fait, aucune formation à la démocratie ne sera
comparable à la pratique de la démocratie. L’objectif est de créer un tel climat mental pour les
enfants qu’il leur soit naturel de vouloir prendre part, de leur faire comprendre que la
citoyenneté n’est pas d’obéir à la loi, ni de voter, ni même de devenir président (1), mais que
toutes les visions de leurs moments les plus élevés, toutes les aspirations de leur nature
spirituelle peuvent être satisfaites par le biais de leur vie commune, c'est seulement ainsi que
nous obtenons une "politique pratique".

1. UNE petite fille que je connais a dit: "Mère, si les femmes obtiennent le vote, devrais-je être
présidente?"
Dans nos écoles industrielles, il est évidemment plus facile de poursuivre l’enseignement d’un
effort coordonné que dans les écoles ordinaires. Nos écoles du soir doivent adopter les méthodes
des écoles du jour plus progressistes et, comme elles le font souvent, enrichir leurs activités
habituelles d’écoles du soir.

La préparation la plus consciente et la plus délibérée à la citoyenneté est donnée par les "centres
scolaires" en cours d'établissement partout aux États-Unis. Le mouvement des centres scolaires
est un mouvement visant à modeler l'avenir, à diriger l'évolution au lieu de faire confiance à
l'évolution. Le sujet de ce livre a été la nécessité d’une organisation communautaire, mais la
capacité de répondre à cette nécessité implique que nous sachions faire la chose la plus difficile
au monde - travailler avec d’autres personnes : être prêts à sacrifier nos intérêts pour le bien
commun, avoir un sens de responsabilité pleinement développé, être formé à l’initiative et à
l’action. Mais ce n'est pas vrai. Si les centres scolaires doivent occuper une place importante
dans la vie du quartier, ils doivent non seulement donner une occasion de développer la
conscience et l’organisation du quartier, mais aussi former les jeunes et les préparer à
l’organisation du quartier. Nous qui croyons que le centre scolaire est l’un des moyens les plus
efficaces de reconstruire la vie urbaine pensons que celui-ci peut dispenser cette formation.
Nous entendons partout parler de corruption de la politique municipale américaine, mais
pourquoi la prochaine génération devrait-elle faire mieux que l'actuelle, à moins que nos jeunes
hommes et femmes ne soient formés à une bonne compréhension du sens de la citoyenneté et
du sens de leur propre responsabilité ? Le besoin de la démocratie aujourd'hui est une
citoyenneté formée. Nous devons s’entraîner délibérément à la citoyenneté comme pour la
musique, l’art ou le commerce. Les centres scolaires sont en fait à la fois la prophétie de la
nouvelle démocratie et un moyen de la réaliser. Ils offrent une opportunité pour son expression
et donnent en même temps aux hommes et aux femmes l'opportunité de la formation nécessaire
pour la porter à sa plus haute expression.

La formation dans les centres scolaires comprend : des activités de groupe, diverses formes de
clubs et des classes d’éducation civique, ainsi que la pratique de l’autonomie.

Premièrement, nous avons dans les centres les activités qui nécessitent une collaboration, telles
que les clubs de théâtre et chœurs, les orchestres et bandes musicales, les clubs civiques et de
débat, les danses folkloriques et les jeux d'équipe. Nous voulons certes des unions et des
orchestres choraux, car ils enrichiront la vie de la communauté tout en mettant en valeur le lien
de voisinage, nous voulons des clubs civiques et de débat car nous avons tous besoin de
s'éclairer autour des sujets abordés dans ces clubs, mais la principale raison de choisir de telles
activités est qu’il s’agit d’activités de groupe où chacun apprend à s’identifier avec un tout
social. C'est la première leçon pour toute la vie pratique. Prenons deux jeunes hommes en
affaires. L'un dit de sa firme : "Ils font ça et ça" : son attitude est que l’entreprise est un tout
complet, sans lui, à laquelle il pourrait apporter son soutien dans une certaine mesure. Un autre
jeune homme qui travaille depuis quelques semaines dans une entreprise bien établie déclare :
"Nous avons fait ça et nous le faisons depuis des années", "Notre politique est telle ou telle."
Vous souriez peut-être mais vous savez qu'il possède l'une des principales exigences pour
s’élever.

Dans notre groupe, le centre de conscience est transféré de notre vie privée à notre vie associée.
Ainsi, à travers nos activités de groupe, la vie de quartier devient une préparation à la vie de
quartier ; ainsi nous prépare-t-elle à verser de la force, de la tension et des efforts dans la cause
commune.

Ensuite, la prise de conscience de la solidarité du groupe conduit directement à un sens de


responsabilité, à la responsabilité dans un groupe et pour un groupe. Tôt ou tard, chacun dans
une démocratie doit se demander ce qu'il vaut pour la société. Notre effort dans les centres est
d'aider à la naissance de ce moment. C’est la leçon sociale : faire comprendre à chacun ses
actes, son travail, sa vie familiale, le type de récréation qu’il réclame, le type de journaux qu’il
lit, le comportement de ses enfants, l’éducation de ses enfants - - que tous ces soi-disant actes
privés créent la ville dans laquelle ils vivent. Ce n'est pas seulement lorsque nous votons, que
nous nous réunissons dans des groupes politiques, ou que nous prenons part à un programme
caritatif, philanthropique ou social, que nous accomplissons notre devoir envers la société.
Chaque acte de notre vie doit être considéré comme un acte social.

De plus, nous apprenons la responsabilité de notre groupe ainsi qu’envers notre groupe. Nous
avions l'habitude de penser : "Je dois faire ce qu'il faut, peu importe ce que font les autres."
Nous savons maintenant combien cela épuise notre devoir ; nous devons nous sentir tout aussi
responsables de l’ensemble de notre groupe.

Telles sont donc les leçons que nous espérons que les activités de groupe enseigneront -
solidarité, responsabilité et initiative - comment prendre sa place dignement dans une
communauté autonome dirigée par elle-même.

Au cours de la première année d'un de nos centres de Boston, les personnes d'une certaine
nationalité ont demandé si elles pourraient se rencontrer régulièrement au centre. Lors de leur
première rencontre, cependant, ils ont rompu sans rien accomplir, sans même décider de se
revoir, tout simplement parce que les personnes présentes n'avaient jamais appris à faire les
choses avec les autres. Chaque Homme semblait être une petite île. Ils m'ont expliqué le fait
qu'ils ne prévoyaient pas de réunion ultérieure en disant qu'ils avaient découvert qu'ils ne
connaissaient pas le droit parlementaire et que certains d'entre eux devaient apprendre le droit
parlementaire avant de pouvoir s'organiser. Cependant, je n’avais pas l’impression que c’était
la vraie raison. J'étais sûr que c'était parce qu'ils n'avaient jamais été habitués à faire des choses
en groupe - ils n'avaient probablement jamais appartenu à une équipe de basket-ball ou à un
club de théâtre - et nous devons apprendre le tour de l'association comme nous devons
apprendre toute autre chose.

Mais les centres préparent à la citoyenneté non seulement par des activités de groupe mais aussi
par un enseignement civique direct. Cela prend la forme non seulement de conférences et de
cours sur la citoyenneté, mais également de sociétés telles que les "conseils municipaux juniors"
ou les "assemblées législatives", qui discutent des questions municipales et étatiques, ainsi que
de clubs civiques pour jeunes hommes et jeunes femmes. Et il faut se rappeler que la valeur
principale de ces clubs n’est pas l’information acquise, ni même l’intérêt suscité, mais la leçon
tirée d’une discussion authentique avec tous les avantages qui en découlent (1).

1. Voir pages 208-212.

Toutefois, j’ai écrit comme s’il s’agissait de nos jeunes qui devaient être éduqués par les
activités de groupe des centres, comme si les jeunes devaient suivre une formation à la
démocratie et les personnes âgées un exercice de démocratie. Rien ne pouvait être plus éloigné
de mes pensées. La formation à la démocratie ne peut jamais cesser tant que nous exerçons la
démocratie. Nous, les plus âgés, en avons exactement autant besoin que les plus jeunes. Cette
éducation est un processus continu est un truisme. Cela ne se termine pas avec le jour de la
remise des diplômes ; ça ne finit pas quand la "vie" commence. La vie et l'éducation ne doivent
jamais être séparées. Nous devons avoir plus de vie dans nos universités et plus d'éducation
dans notre vie. Chesterton dit de HG Wells : "On peut rester éveillé la nuit et l'entendre grandir."

Ceci peut être dit de nous tous ! Nous avons besoin d'éducation tout le temps et nous avons tous
besoin d'éducation. Le "vote ignorant" ne signifie pas (ou ne devrait pas) signifier le vote des
ignorants, nous obtenons un vote ignorant très souvent de personnes instruites ; un vote ignorant
signifie l'ignorance d'un sujet particulier.

Un homme d’affaires prospère m’a dit l’autre jour : « J’ai obtenu mon diplôme universitaire
avec mention honorable, mais tout ce que j’y ai appris m’a fait peu de bien directement. Ce que
j'ai tiré de l’université est une attitude envers la vie : apprendre que mon éducation avait
commencé et durait aussi longtemps que je vivais. " Il a ensuite ajouté : "C’est l’attitude que je
veux en quelque sorte introduire dans mon usine. Des garçons et des filles viennent à moi avec
l’idée que :" L’école est finie, l’apprentissage est derrière moi, le travail commence maintenant.
" Je planifie maintenant une école en relation avec mon usine, non pas principalement en raison
de ce qu’ils vont apprendre à l’école, mais pour leur faire comprendre que leur vie
d’apprentissage régulier ne fait que commencer et que leur carrière dépend de l’obtention de
cette attitude. " C’est ce que nous voulons que les centres fassent pour les gens : les aider à
acquérir l’attitude d’apprentissage, leur faire comprendre que l’éducation est pour la vie, qu’elle
est aussi utile pour les adultes que pour les jeunes.

Nous avons différentes formes d'éducation des adultes : cours de vulgarisation, cours du soir et
de continuation, écoles par correspondance, cours dans les colonies de peuplement, associations
chrétiennes de jeunes hommes, etc. Et pourtant, tout cela ne représente qu'un très petit
pourcentage de notre population adulte. Où les gens peuvent-ils obtenir cette éducation
nécessaire ? Notre forme actuelle d'industrie ne donne pas assez. Superviser une machine toute
la journée n’est pas propice à la pensée (1) ; un homme ainsi employé compte entièrement sur
son contremaître. L'homme qui laisse son contremaître réfléchir toute la journée a tendance à
avoir besoin d'un chef politique la nuit. Nous devons en quelque sorte neutraliser l’effet
paralysant des méthodes de l’industrie moderne. Au centre scolaire, nous avons la possibilité
d’éduquer les adultes sous la seule forme que beaucoup de gens, épuisés par le travail de la
journée, peuvent suivre : discussions, activités de loisirs, activités de groupe et clubs
autonomes. L'énorme valeur de ce mouvement en expansion rapide, le mouvement de forum,
et sa connexion avec les centres scolaires, doit avoir place ici.

1. Les Hommes ont également moins de possibilités de discussion au travail qu'autrefois.

Cependant, beaucoup de gens, même si ce n’est pas la majorité, ont hâte et faim pour ce qu’un
homme m'a dit être la « véritable éducation ». Le travail de vulgarisation universitaire se répand
rapidement et, dans de nombreux cas, s’adapte merveilleusement aux besoins locaux; un lien
beaucoup plus étroit pourrait être établi entre les opportunités de l'université et la formation du
citoyen au projet d'activité accrue dans l'État en faisant de la vulgarisation universitaire un
élément reconnu du centre scolaire, de sorte que tout le monde, le paysan ou le plus humble
ouvrier, pourrait savoir que même s’il ne peut pas consacrer tout son temps à la vie universitaire,
il peut quand même acquérir l’avantage de sa formation. Au Centre Scolaire devrait être
l’occasion d’étudier les conditions sociales et économiques, le travail des conventions
constitutionnelles, la situation européenne et nos relations avec elle, la situation de l’Amérique
du Sud et nos relations avec elle, etc.

De plus, nous devons nous rappeler lorsque nous disons que nous avons tous besoin de plus
d’éducation, que même si nous pouvions être "entièrement" éduqués, pour ainsi dire, à tout
moment, la vie à venir nous donnerait de nouvelles leçons. Le monde apprend tout le temps sur
la santé, les valeurs alimentaires, le soin des enfants, etc. Tout ce que la science découvre doit
être diffusé. L’éducation des adultes signifie en grande partie l’assimilation de nouvelles idées
; de ce point de vue, personne ne peut nier sa nécessité.

J'ai dit que les centres préparent à la citoyenneté par le biais d'activités de groupe, de clubs et
de cours civiques et de pratiques concrètes en matière d'autonomie. Les centres peuvent être
une véritable formation à l'autonomie, une réelle opportunité pour le développement des
qualités dont dépend une véritable direction de soi, de la part de chaque club ou groupe
gouverné de manière autonome, et de l'ensemble du centre autogéré et contrôlé par des délégués
élus de chaque club se réunissant régulièrement dans un conseil central. Si nous voulons une
nation qui soit réellement autogérée, et pas seulement par sa dénomination, nous devons former
nos jeunes à la gestion de soi.

De plus, le développement de la responsabilité et de l'autodétermination constituera le moyen


le plus efficace d'élever les normes. Nous entendons beaucoup parler de loisirs réglementés, de
salles de danse réglementées, etc. Nous devons donner à la réglementation une place secondaire.
Il existe quelque chose de mieux que cela, qui devrait être l’objectif de tous les responsables
des loisirs : éduquer nos jeunes à atteindre des normes plus strictes en leur interprétant leur
propre expérience et en les amenant à réfléchir en termes de cause et d’effet. Vous pouvez
imposer un code moral aux gens d'en haut, mais cela ne changera que très peu de choses, mais
grâce à un système de clubs autonomes avec des dirigeants qui savent diriger, nous pouvons
réellement progresser dans l'éducation des gens à des normes plus élevées. C'est le cas des jeux
athlétiques des danses. Nous constatons, en effet, que cela est vrai dans toutes les parties de
notre travail du Centre. À travers les trajectoires orageuses de l'élection des officiers dans les
clubs, j'ai vu des dirigeants amener souvent leurs jeunes hommes à comprendre la politique
honnête. Il est généralement plus facile, c’est vrai, de faire pour les gens, il est plus facile de
"réglementer" leur vie, mais ce n'est pas la manière d'obtenir les résultats souhaités. Nous avons
besoin d'éducation, pas de réglementation.
L’autonomie dans les centres signifie alors non seulement l’élection des officiers et
l’élaboration d’une constitution, mais aussi une véritable gestion des affaires des clubs et des
centres, la possibilité de prendre des initiatives, de faire des choix et de prendre des décisions,
d’assumer des responsabilités. Le test de notre succès dans les centres sera toujours la mesure
dans laquelle nous développons l’instinct de développement personnel. Mais nous devons nous
rappeler que nous n'avons pas conféré l'autonomie en permettant aux membres d'un club
d'enregistrer leurs votes. Beaucoup de gens pensent qu'une association de quartier ou un club
est autonome si une question leur est posée et que chacun vote. Mais si un club veut vraiment
s'autogouverner, il doit d'abord apprendre la pensée collective. Ce n'est pas un processus qui
peut être précipité, cela prendra du temps et ce temps ne doit pas être pris à contrecœur. La
pensée collective doit être respectée comme un acte de création. Le temps passé à faire évoluer
l'esprit de groupe, c'est du temps passé à créer la force dynamique de notre civilisation.

De plus, chaque centre devrait être créé, dirigé et soutenu (dans la mesure du possible) par les
adultes d'une communauté agissant ensemble à cette fin. Un centre ne doit pas être une
entreprise créée et dirigée par le comité d'école, mais chaque centre doit être organisé par
l'initiative locale, pour répondre aux besoins locaux, selon des méthodes choisies par les
habitants d'un district en fonction de ce district. Le centre scolaire idéal est un centre
communautaire. Un groupe de citoyens demandent l'utilisation d'une école après les heures de
classe, avec le chauffage, la lumière, le concierge et un directeur pour établir le lien nécessaire
entre l'entreprise locale et le département de la ville. Ensuite, ce groupe de citoyens est
responsable du centre : pour ce qui vaut la peine d’être accompli à l’école et pour le soutien des
activités entreprises. Quand un tel centre scolaire sera organisé par une telle association de
citoyens, les voisins se connaîtront mieux qu'auparavant et commenceront à apprendre à penser
et à agir ensemble comme une unité de quartier.

Nous en arrivons à une réalisation plus générale de cela. Dans les bâtiments municipaux des
parcs de Chicago, les gens ne bénéficient pas de conférences gratuites, d'images animées
gratuites, de musique gratuite, de danses gratuites, etc. ils sont invités à développer leurs propres
activités. Aux centres de loisirs de New York, gérés par le Bureau de l'Education, s'ajoutent les
centres communautaires contrôlés par les conseils locaux des quartiers. À Boston, nous avons
sous le comité des écoles un département "Utilisation étendue des bâtiments scolaires", dont
l’objectif est d’accompagner les habitants de chaque district à planifier, réaliser et superviser
les activités civiques, éducatives et récréatives qu’ils souhaitent dans les écoles..
Un ministre de Chicago a déclaré l'autre jour que le sud de Chicago était la seule partie de la
ville où l'intérêt pour les problèmes civiques et le bien-être de la communauté pouvait être
suscité. Ceci, il a dit, est dû au travail de South Park dans les salles de spectacles, les salles des
clubs et les gymnases depuis dix ou douze ans.

Lorsque le président du Conseil de défense de l'agriculture, de la Virginie a demandé à un


citoyen d'un comté donné ce qu'il pensait être en mesure de susciter l'intérêt de la population de
son comté en ce qui concerne l'augmentation de la production alimentaire, il a immédiatement
répondu : " Du côté nord du comté, nous n’aurons aucun problème, car nous avons plusieurs
ligues communautaires ici, mais du côté sud, ce sera un travail difficile. "

L'école ou centre communautaire est la véritable école de continuation de l'Amérique, la


véritable université de la démocratie réelle.

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