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Revue internationale de l'économie sociale


Recma

Temps forts
Boris Marañón-Pimentel, Saïd Ahrouch, Nicole Alix and Michel Dreyfus

Number 336, April 2015

URI: https://id.erudit.org/iderudit/1030155ar
DOI: https://doi.org/10.7202/1030155ar

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Publisher(s)
Association Recma

ISSN
1626-1682 (print)
2261-2599 (digital)

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Marañón-Pimentel, B., Ahrouch, S., Alix, N. & Dreyfus, M. (2015). Temps forts.
Revue internationale de l'économie sociale, (336), 7–12.
https://doi.org/10.7202/1030155ar

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TEMPS FORTS
Le « bien-vivre » vie sociale doit être réorganisée à partir
et la décolonialité du pouvoir du respect de la nature, laquelle doit être
comme alternative considérée comme un être vivant, comme
au développement-progrès un sujet ayant droit à la reproduction, ainsi
du capitalisme (1) qu’à la compensation et à la restauration
lorsqu’elle est endommagée. Ce même
En Amérique latine, la crise environne- principe de réciprocité, selon lequel la Terre
mentale et épistémologique qui affecte à la est la maison commune, doit s’étendre aux
fois l’autorité de l’Etat et les rapports sociaux relations sociales, afin d’établir des rapports
de sexes a engendré, à partir de diverses d’égalité entre les sexes et des relations

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pratiques sociales, un projet de société alter- interculturelles sans hiérarchisation des
natif à la société capitaliste, s’abritant sous savoirs, scientifiques et non scientifiques.
le terme « progrès-développement ». Il doit également inspirer le rapport à la
Il s’agit du « bien-vivre » (buen vivir), qui nature, introduire l’autogestion dans les
évoque l’organisation de relations de réci- relations politiques et, fi nalement, impo-
procité et de complémentarité entre les ser des relations de réciprocité visant à la
individus et avec la nature. démarchandisation du travail.
Ce concept repose sur la conviction que le Le « bien-vivre » ne prône pas le retour au
capitalisme, fondé sur des relations moyens- passé dans une perspective fondamen-
fins, sujet-objet, entre les individus et la taliste, mais la rencontre et la synthèse de
nature, entraîne un double mouvement : l’un deux façons de vivre, l’une moderne, au sens
tourné vers la modernité, la construction d’émancipation humaine que lui ont donné
de la vie sociale sur des bases égalitaires, les révolutionnaires français, et l’autre indi-
l’autonomie individuelle, la solidarité et gène, qui repose sur le travail solidaire et
les luttes regardant vers l’avenir ; l’autre, une relation sujet-objet avec la nature. Cela
vers la colonisation, puisque durant les implique de réfléchir à une société ration-
cinq derniers siècles nous avons vu com- nelle du point de vue du cœur, à partir d’une
ment le capitalisme, avec ses principales rationalité non instrumentale.
institutions – Etat-cité, marché-entreprise- Ce projet, qui a orienté les nouvelles consti-
travail salarié, famille patriarcale, emprise tutions de la Bolivie et de l’Equateur, a
technologique sur la nature, connaissance suscité des débats entre différents courants,
scientifique rationaliste-positiviste, entre comme les courants développementaliste,
autres aspects – a hiérarchisé la popula- étatiste ou encore décolonial, dans lequel
tion mondiale à partir de l’idée de races je m’inscris.
supérieures et de races inférieures. Ainsi, En même temps, cette vision suppose une
tandis que la modernité nous parlait de nouvelle conception épistémologique et
l’extension des droits fondamentaux, la ontologique de la vie sociale et de l’histoire.
colonisation nous disait que cette situation Les sciences sociales dominantes, qui ont
n’était possible que pour une petite partie de naturalisé l’européocentrisme, comme le dit
la population mondiale. Wallerstein (2), ne permettent pas en effet de
Le « bien-vivre » est donc un projet de
société alternatif, né des mouvements indi-
(2) Wallerstein fait une analyse critique des sciences
gènes latino-américains. Il soutient que la dominantes, qui se sont construites à partir du modèle
newtonien (symétrie entre passé et présent) et du dua-
(1) Texte traduit de l’espagnol par Patricia Toucas-Truyen. lisme cartésien (séparation raison-sujet/objet-corps).

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Temps forts

proposer un autre sens, une autre histoire et convenant tant qualitativement que quanti­
une société alternative, détachée du rationa- tativement aux défis de l’économie et aux
lisme, du positivisme, de l’évolutionnisme attentes des sociétés ? Peut-on parler d’une
et du dualisme. théorie de l’entreprise coopérative ? S’agit-
Selon notre approche, la théorie de la il vraiment d’une innovation à vocation
colonialité du pouvoir, élaborée par le socio- ­économique et sociale ou simplement d’une
logue péruvien Anibal Quijano, ouvre la voie innovation conceptuelle ? Telles sont les
à une théorie critique non européocentriste principales questions qui furent débattues
qui permet non seulement d’« impenser » lors de ce colloque.
(selon le terme de Wallerstein), mais aussi de Les participants (4), chercheurs et praticiens,
décoloniser les sciences sociales et la société ont défendu la spécificité de l’entreprise
elle-même (3). coopérative à travers les valeurs sociales
Boris Marañón-Pimentel, et humaines dominantes dans ce type de
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Instituto de Investigaciones Económicas, structure, les principes coopératifs et le


Université nationaleautonome de Mexico. mode de gouvernance approprié. Les profes-
N.B. : Le numéro 337 de juillet 2015 de la Recma compor­ sionnels ont toutefois signalé les difficultés
tera un dossier consacré à l’ESS dans divers pays constatées, dans les expériences coopé­
d’Amérique latine. ratives, concernant l’application de certains
principes tels que ceux d’exclusivisme et de
Les entreprises coopératives : démocratie. Les communications présen-
colloque d’Agadir tées, issues de divers champs disciplinaires,
ont été riches d’enseignements.
La faculté des sciences juridiques, éco­no­
miques et sociales relevant de l’université La coopération au Maroc :
Ibn Zohr d’Agadir, au Maroc, a organisé un expériences et stratégie
colloque international sur le thème « Les Les coopératives au Maroc sont soutenues
entreprises coopératives : expériences, défis institutionnellement par les pouvoirs
et perspectives » en octobre dernier. publics depuis les années 60, mais le
Force est de constater que le secteur coopé­ secteur coopératif n’a pas pu évoluer quali­
ratif enregistre une dynamique de plus tativement. Les principaux obstacles
en plus importante au niveau mondial, énumérés par Abdelkrim Azenfar, direc-
contribuant à l’auto-emploi et à la création teur de l’Office du développement de la
de richesse, avec un ancrage territorial coopération (Odco), sont l’absence d’études
diversifié. Mais les entreprises coopératives d’opportunité avant la constitution des
sont-elles en mesure d’offrir des réponses coopératives, la forte dépendance à l’égard
de l’Etat (assistanat), le manque de créa-
tivité et d’innovation, le faible niveau
Les sciences sociales ont été élaborées à partir des sciences
d’instruction des membres, le manque de
naturelles, en dehors de la morale, et s’inspirent de l’idée
de progrès comme étant un critère neutre, objectif, valorisation des produits (problèmes de
afin d’imposer une vision universelle, mais en réalité conditionnement, d’emballage, de marke-
européocentrée, de l’histoire de l’humanité. Ainsi s’est ting, etc.), les difficultés d’accès aux circuits
établie une division disciplinaire entre l’étude du monde modernes de commercialisation, la faible
moderne (civilisé) et le monde non moderne, à partir structuration des coopératives en unions
de segmentations : passé/présent (histoire, sociologie,
économie, sciences politiques), européen-civilisé/non
européen-non civilisé (anthropologie) et marché/Etat/ 4) Le colloque a réuni des chercheurs marocains, français,
société civile. canadiens et camerounais, ainsi que des représentants de
(3) On peut consulter une partie de l’œuvre de Quijano certaines coopératives, associations et adminis­t rations
sur : buenvivirunam.jimdo.com. publiques marocaines.

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(6,5 % uniquement), le déficit d’études sur capitalistes comme référence, mais de


le secteur coopératif, la multiplicité des ­d évelopper un modèle de gouvernance
intervenants, la complexité des procédures propre aux coopératives. Le défit est d’ins-
administratives, etc. Cependant, des efforts taurer une gouvernance démocratique et
significatifs ont été faits depuis 2005 pour collective, le respect des valeurs sociales et
que l’entreprise coopérative devienne l’engagement de tous les membres, ce qui
une locomotive du développement socio- donne aux coopératives la possibilité de
économique, créant une synergie dans ­réaliser un équilibre entre l’intérêt collectif
l’économie sociale et solidaire. En 2014, et l’efficacité économique.
le Maroc comptait plus de 13 026 coopéra-
tives, dont 1 923 féminines, réparties entre Responsabilité sociale
des domaines d’activité variés : agriculture et coopératives
(66,5 %), artisanat (14,7 %), habitat (8,6 %)… Les coopératives, en tant qu’acteurs de

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L’effectif total est de 452 470 membres, et le l’économie sociale et solidaire (ESS), ne
taux de pénétration de la population active peuvent qu’être responsables socialement.
n’est que de 3,1 %. En dépit des contraintes, Elles ont un certain engagement envers
la coopérative est une entreprise qui crée leurs communautés. Elles contribuent
de nouvelles relations sociales, exprime au développement durable de leurs ter-
la volonté des habitants d’un territoire et ritoires, engagent des citoyens dans des
valorise les ressources locales (Ahmed Ait activités économiques génératrices de
Haddout, président du Réseau marocain de revenus (surtout chez les femmes et les
l’ESS, le Remess). jeunes), valorisent les ressources et les
savoir-faire locaux. La responsabilité sociale
Gouvernance des entreprises est au cœur de ce modèle, puisque l’être
coopératives humain est en même temps l’acteur et le
En s’inspirant des travaux de Le Joly et bénéficiaire. Selon les termes de Ghazali
Moingeon (Gouvernement d’entreprise : et Diebold (1993), « le système coopératif
débats théoriques et pratiques, Ellipses, est profon­d ément humaniste. L’ensemble
2001) et de Charreaux (Le gouvernement des valeurs qui le constituent reflètent une
des entreprises : « corporate governance », constante valori­sation de l’humain, qui est
théories et faits, Economica, 1997), la gou- mis au centre de ses constructions sociales
vernance des coopératives a été comparée et économiques ». La responsabilité sociale
avec celle des entreprises capitalistes selon des entreprises (RSE) se situe donc, nor-
les deux approches, actionnariale et par- malement, dans le projet de l’entreprise
tenariale. Les conclusions ont affirmé que coopérative, permettant aux hommes et
l’approche partenariale est plus adaptée à la aux femmes de s’épanouir tout en faisant
gouvernance des coopératives, puisque les avancer leur projet.
instances formelles de décision sont consti-
tuées non pas d’actionnaires, mais de parties Management des coopératives
prenantes internes (membres travailleurs) L’application des outils de management
ou externes (membres usagers). Cette confi- dans les structures de l’ESS est soumise à
guration est moins coûteuse, en termes de discussion et pose la question de sa perti-
coût d’agence et de coût de transaction, que nence et des adaptations éventuelles. Les
celle dominante dans la firme capitaliste travaux qui ont traité cette thématique
(prédominance de l’action­nariat). Toutefois, dans les coopératives ont constaté des
en matière de gouvernance, la coopérative difficultés liées au manque de moyens et
devrait garder ses spécificités. Il ne s’agit de compétences managériales. Les études
pas de prendre les pratiques des ­entreprises ont porté sur les concepts de management

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­ ommercial, de marketing, de technologies


c social (5) : « Puissance et limites des indica-
de l’information et de la communication teurs ou mesures d’impact », avec l’Institut
(TIC), de gestion fiscale, de gestion des CDC (Caisse des dépôts) pour la recherche,
risques, de gestion de compétences, de le 10 février ; et « Le rôle de l’investissement
performance sociale, de marketing durable. à impact social dans les investissements
Leurs résultats montrent que l’application publics et privés », avec la Social Platform
des concepts de management dans les coo- européenne et la fédération allemande des
pératives est significativement limitée, sauf associations sociales BAGFW, le 16 février,
chez quelques grandes coopératives bien avec le soutien du Comité économique et
intégrées dans le marché. social européen (Cese).
De hauts responsables de l’Union euro-
Entrepreneuriat coopératif péenne (UE) constatent que le plan Juncker
et innovation sociale ne comporte aucun investissement humain,
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Les entreprises coopératives peuvent- pourtant selon eux tout aussi prioritaire
elles constituer un modèle économique que les autres domaines dits essentiels
permettant l’intégration des populations pour la compétitivité de l’Europe (6). Mais
défavorisées ? Il s’agit d’une question l’UE sait-elle faire ce que préconisait le
cruciale, dont les réponses ne sont pas évi- Social Investment Package de 2013 sans en
dentes. A priori, ces structures, par leurs ­donner les recettes : investir dans le social
valeurs et leurs principes, sont en mesure en tant que facteur de développement et pas
d’améliorer le bien-être des couches sociales en tant que coût ? Les deux conférences en
marginalisées, grâce à la valorisation de question permettent d’en douter.
leurs ressources locales, en conciliant En effet, si l’on se borne à utiliser les outils
­l’efficacité économique et le développe- existants, on se heurte notamment aux pro-
ment social. Elles sont donc appelées à être blèmes qui suivent :
plus créatives et innovatrices, individuel- • définir ex ante les impacts sociaux visés
lement et collectivement, à développer pour rationaliser les choix budgétaires et
des réseaux, à repenser le rôle stratégique financiers et les mesurer ex post avec pré-
des acteurs de deuxième niveau (les fédé- cision devient difficile quand il s’agit de
rations) dans la perspective du t­ravail capital humain, d’innovations et de très
­institutionnel, à s’intégrer dans des c­ lusters long terme, où il y aura toujours une part
(« petits groupes ») coopératifs, etc. En de non-mesurable ;
ligne de mire pour le mouvement coopé- • monétariser les évaluations d’impact
ratif marocain : la révision de la loi 23-84, pour les introduire dans les calculs coûts-­
appliquée actuel­lement aux coopératives, bénéfices peut ainsi condamner à ne
et l’adoption d’une nouvelle loi 112-12, plus financer que ce que l’on connaît déjà et à
avancée, permettant à celles-ci d’affronter piloter l’avenir avec un rétroviseur, en accor-
les contraintes du marché grâce à l­ ’efficacité dant un poids croissant aux experts ;
économique et à l’adoption des règles de • enfin, investir dans les organisations
la bonne gouvernance. sociales ne peut obéir à de simples logiques
Saïd Ahrouch, université Ibn Zohr de capital-risque.

Impact social : mesure et place


dans les investissements (5) Sur la mesure de l’impact social, voir également :
Alix N., 2015, « Mesure de l’impact social, mesure du
sociaux publics et privés “consentement à investir” », Recma, n° 335.
(6) « Unequal Europe, Recommendations for a more
Confrontations Europe a récemment caring EU », rapport du groupe de haut niveau sur
­co-organisé deux conférences sur l’impact l’« Union sociale », Les Amis de l’Europe, printemps 2015.

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Eve Chiapello, directrice d’études à l’Ecole r­ apport aux financements publics et sur
des hautes études en sciences sociales les dangers d’une approche one-fit-all. Les
(EHESS), a expliqué la transformation associations allemandes, pour une fois
très profonde du système de financement bien présentes dans le débat européen sur
de l’économie, qui atteint aujourd’hui l’économie sociale et solidaire (ESS), sont
les a
­ ctivités sociales. Des banques connais- vigilantes sur « l’agenda caché » des inves-
sant les entreprises dont elles gardaient les tisseurs à impact social et sur les Social
comptes cèdent le pas à des investisseurs qui, Impact Bonds, les nouveaux parte­nariats
pour gérer leurs portefeuilles, ont besoin de public-privé.
rendus de comptes et, pour ce faire, d’une Même si l’on plaide pour la relance des poli-
industrie de la mesure. Qui échappe au tiques en faveur des services sociaux et de
processus de légitimation, a analysé Florence l’ESS auprès d’une Commission européenne
Jany-Catrice, é ­ conomiste (Centre national de atone, il ne faut donc pas confondre politique

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la recherche scientifique, université de Lille) : d’« investissement dans le social » et poli-
quand les conventions derrière les systèmes tique d’« investissement à impact social »,
de mesure concernent le « capital humain », une approche financière spécifique. La
quand les expérimentations aléatoires se directrice de l’emploi y a insisté, deman-
présentent comme le gold standard (Arthur dant que son point de vue soit popularisé.
Jatteau), il n’est pas anodin que le poli- Où sont les forces sociales qui se saisiront
tique cède le pas à l’investisseur et au chief de ces questions, dans un dialogue social
data officer (« responsable des données »). renouvelé ? Cette question, développée par
Matthieu de Nanteuil, sociologue, profes-
Pour un dialogue social renouvelé seur à l’Université catholique de Louvain
Alors, que faire ? Il serait tout aussi naïf de (UCL), ouvre dans ses conclusions un vaste
sous-estimer les enjeux de ces évolutions champ de recherche-action, indispensable
que de vouloir leur faire systématiquement au maintien d’une diversité des approches
barrage. et donc à l’avenir du secteur. Nicole Alix
Des voix appellent le nécessaire retour de la
finance de proximité, qui peut réduire ses L’histoire de l’Association
asymétries d’information par un enracine- coopérative internationale
ment dans les clientèles. Il paraît notamment (1895-1914)
difficile de traiter l’économie sociale et soli-
daire comme une classe d ­ ’actifs avec des Les 24 et 25 février 2015 s’est tenu, à l’univer-
batteries de mesures d’impact. Interrogés à sité Lumsa à Rome, un colloque international
Paris par Benoît Lallemand (Finance Watch) consacré à l’histoire de l’Association coopé­
et à Bruxelles par Sybille Mertens (Centre rative internationale (ACI), depuis sa
d’économie sociale, université de Liège), les fondation en 1895 jusqu’à la Grande Guerre.
financiers ont d’ailleurs montré que sophis- Historiens, économistes et politologues
tication des critères de mesure et croissance ont scruté les deux premières décennies de
des ressources ne vont pas de pair, avec les cette organisation, dont l’histoire, beaucoup
exemples de l’investissement socialement trop négligée par les historiens jusqu’à nos
responsable (ISR) ou de l’aide au dévelop- jours, a commencé à être retracée de façon
pement. Du côté des groupes de travail du fort utile par William Pascoe Watkins dans
G8 sur les investissements à impact social, son livre L’Alliance coopérative interna-
les porte-parole anglais, f­ rançais (Hugues tionale 1895-1970 (1971). Cette étude, faite
Sibille), allemand et italien ont semblé il y a plus de quarante ans, doit cepen-
s’accorder sur le fait que ces ­i nnovations dant être c ­ omplétée. Elle apporte en effet
devaient rester ­ c omplé­m entaires par ­énormément sur l’histoire politique interne

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de l’ACI, sur les discussions qui ont eu lieu publiée, elle nous apprendra beaucoup sur
lors de ses congrès, ainsi que sur les hommes ce que fut l’ACI et sur ce que furent ses rap-
qui y parti­cipèrent, mais dit bien peu de ports avec les autres mouvements politiques
choses sur l’histoire sociale de l’ACI et de et sociaux jusqu’à la Grande Guerre. A cette
ses sections nationales. Dans quels milieux occasion, il a en outre été envisagé d’entre-
furent-elles implantées ? Quelles furent leurs prendre une étude prosopographique sur
idéologies et leurs pratiques ? Quels poids res- les dirigeants de l’ACI durant toute son
pectifs ces sections eurent-elles au sein de existence. Menée de façon systématique,
l’organisation internationale ? Eurent-elles elle nous révélera bien des aspects de cette
affaire à des groupements concurrents, voire organisation, dont trop d’éléments nous
hostiles ? Si tel fut le cas, lesquels ? font aujourd’hui encore défaut. Souhaitons
La rencontre de Rome a longuement a ­ bordé donc que ce chantier se poursuive et s’appro-
toutes ces questions. Prochainement fondisse.  Michel Dreyfus
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