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Presses Universitaires de France

Deux aspects de la réduction husserlienne : abstention et retour


Author(s): Jules Bednarski
Source: Revue de Métaphysique et de Morale, 64e Année, No. 3 (Juillet-Septembre 1959), pp. 337-
355
Published by: Presses Universitaires de France
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Deux aspects
de la réductionhusserlienne
:
abstentionet retour

I. - La réduction comme mise entre parenthèses.

La réduction husserlienne, amorcéepar plusieurs voiesqui prétendent


aboutirà la rupture d'avecla tyrannie les
qu'exercent chosessurla con-
science,comported'abordune inhibition - ohnemitzumachen - du
mouvement naturelqui nousporteà les thématiser. Au lieude poursuivre
les affirmationsmondaines, on cessed'objectiver les choses,de se servir
des évidencesqu'elles donnent,d'adhérer aux certitudesqu'elles
imposent.
Il est impossible de caractériser le sensexact de l'épochétant qu'on
n'a pas accédéau niveautranscendantal. En effet,toutesles expressions
par lesquelleson pourraittenterde définirl'aspectnégatifde la réduc-
tionsontencoremondaines. Elles peuventdu moinsnouslivrerla direc-
tionoù s'engagela penséephénoménologique. Commeabstention, Fépo-
ché ne nie pas, elle se contentede suspendrela croyanceexistentielle :
elle neutralisenotrecomportement en face du monde.Elle ne décide
rien,ni positivement ni négativement, de la réalitémise entreparen-
«
thèses. Nousn'abandonnons pas la thèseque nousavons opérée; nous
ne changeonsrien à notreconvictionqui, en soi, demeurece qu'elle
est *. »
L'universalitéde Vèpoche.
L'épochéne se limitepas à suspendrenos jugementsscientifiques.
Nous ne renonçons pas seulementà accroîtreles sciencesen extension
fondéesurla réalité.Par l'époché,c'est la racinemême
et en certitude,
de toutevaliditémondainequi est suspendue.« La thèseest misehors

1. E. Husserl, Idées directricespour une phénoménologie,trad, de l'allemand par


P. Ricœur, Gallimard, 1950, p. 98.

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REVUE DE MÉTA. - N° 3, 1959. 22

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de jeu, entreparenthèses » 1. Si la croyanceexistentielle, thèsegénérale


du monde,est mise hors circuit,toutes les thèsesparticulières sont
atteintesparle faitmême2.
La suspensionde la croyanceexistentielle demandequelqu'explica-
tion.L'affirmation du mondecomprend à la foisle caractèremondain
de l'acte qu'il exprimeet celuidu sujet qui l'effectue. L'hommeest lui-
mêmeun sujetmondain,dansla mesureoù il se comprend danssonrap-
portau monde8. Le sujet,lié au mondepar son incarnation et par la
perception, estlui-même mondaindansla mesureoù il ne peuts'arracher
à la croyanceexistentielle *. Le caractèremondaindu sujet ne pourra
êtreéliminéque si sonincarnation estaffectée parla réduction, si elleest
elle-même réduite.La miseentreparenthèses de la croyanceexistentielle
n'apporterait rien,si ellen'étaitpas accompagnée de la suspension simul-
tanéedu moiempirique et de sonincarnation qui prêtentau mondeleur
validité5.
On croittoujoursau mondeaprèsla réduction ; ce qui tombe,c'estle
caractèremondainet irréfléchi de cettecroyance.Le caractèremondain
ainsiréduit,n'étaitpas seulement lié à l'acte de croyancecommetelle,
maisaussiau sujetqui l'effectuait.

Conscienceempiriqueet nécessitéde sa réduction.


Il est d'une importance primordialeet décisivepour l'orientationde
la phénoménologie de pouvoirmettrela consciencepsychiquehorscir-
cuit.Le je qui réduitle mondedoitpouvoirsimultanément réduirele je
empirique.
La conscienceempiriqueentreen rapportavec l'objet transcendant
du milieuspatio-temporel par les sensations.Les états de conscience,
issusde cetterelation, portentun caractèrepsycho-physique.Le sujetde
ces sensations, doté d'une existencenaturelle,
formeune unitéde pro-
priétésque l'on rapporteà l'âme et au corps.
L'originedes sensations commevécuesrésidedans les impressions qui

1. lbid.,v. 101.
2. La croyanceexistentielle(Seinsglaube),c'estla foiexercéeet inéluctableen Fexis-
tencede touteréalitéacquise,vérifiée, modifiéeou miseen doute.Son défautconsiste
à laisserinaperçuel'activitéopérante,la sourceoriginairede toutetranscendance et
de la croyanceelle-même.
3. E. Fink, Die phänomenologische Philosophie E. Husserls in der gegenwärtigen
Kritik,Kantstudien, XXXVIII, 3/4,Berlin,1933,p. 350.
« Im Weltglaubenaber ist die Welt dem Menschennichtin dieserWeise objektiv,
als ob sie als eine universaleGeltungseinheit ihm gegenüberstünde, sondernder
Menschist in seinemWeltvermeinen in eben diesenGlaubenselbsteinbezogen, ist von
ihmumfangen. »
4. E. Husserl,Idéesdirectrices...,
trad.,p. 125.
5. E. Fink,opuscit.
« Die Epoche ist keine mundane Inhiebierungdes ontischen,innerweltlichen
Glaubensan das Sein der Welt,sondernist die konsequenteund radikaleAusservoll-
zugsetzungder Weltgläubigkeit die die Ausschaltungdes Glaubensan den menschli-
chenGlaubensvollzieher d. h. die Einklammerung der Selbstauffassungdes Weltglau-
bens,durcher sichselbstals seiendin derWeltapperzipiert. »

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affectent le corpset s'y localisent.C'est le corpsqui est responsable de la


relationdes perceptions avec la réalitéempirique. Celuiqui se bornerait
à dirigerson attentionsur l'activitéd'un tel sujet devraitcondamner
d'avance toute tentativephénoménologique. Il ne pourraitconcevoir
qu'une attitude purement psychologique, penséene pourraitsuivre
sa
qu'une orientation strictement naturaliste.La psycho-physiologie, en
effet, ne s'étendque surl'ordredes faits,elle demeureau niveaude la
facticité. Elle ne formepas avec la perception une unitéintrinsèque. La
conscience empirique ne jouitque d'une nécessité
empirique et nullement
idéale.
Il n'appartient pas à l'essencede chosede provoquerdes impressions
(empfindendes Ding),et l'essencede la cogitation'impliquepas néces-
sairement une réalisation empirique.Nous pouvonsdonc faireabstrac-
tionde notreattachement au corps1.« On peutcouperla relationempi-
riqueentrela cogitatio et la res»,entrele vécuet l'existenceempirique a.
Cetterelation estpourtant nécessaire pourqu'onpuisseavoirl'expérience
de la chose.Toutefois, cettenécessitén'estpas d'ordreessentielet uni-
versel,car autrementles sciencesphysiques,par exemple,seraienta
priorià la manièrede la philosophierationnaliste du xvnie siècle
(Wolff)».
« S'il étaitimpossible de penserle vécu de la conscienceen dehorsde
son entrelacement avec la nature,dansle mêmesensoù l'on dit que les
couleurssontimpensables en dehorsde l'étendue,nousne pourrions pas
considérer la consciencecommeune régionabsolumentpropre» *....
En fait,Tépochéparvientà isolerune dimension de la conscience qui
n'estplusmondaine, maisdépassele niveaude la nature.
La réduction de la conscienceempiriqueest difficile en raisonde ses
liaisonsavec la conscience pure. Fink affirmequ'aussi longtemps qu'on
n'a pas distinguéle je empiriquedu je transcendantal, on ne peutcom-
prendre la réduction 5.
Si le vécu empirique est inséparablede l'existenceréelle(reale)et du
il
sujet empirique, comporteaussi un aspect transcendantal qu'il faut
1. Ms. (Manuscrit), 1912,B II, 19, p. 31.
t Nun ist offenbar alle Anknüpfung an das Leib etwas,was sich vom Leib wieder
abtrennen lässt. »
2. Ibid., p. 32.
« ... dann könnenwirdie empirische Beziehungzwischencogitatiound res durch-
schneiden...»
3. Ibid.
« Nichtalle Notwendigkeit im ReichederErfahrung ist also Wesensnotwendigkeit
:
sonstwärenja alle Naturwissenschaften a priorische.
So sagenwirnun auch : die Ver-
"
bindungvon Erlebnisund ErlebnissehabendemMenschenist eine zufällige". »
4. E. Husserl,Idéesdirectrices...,
trad.,p. 168.
5. E. Fink,opuscit.,p. 355.
« Solangeman das im Weltglaubenlebendeund das EpocheübendeIch in schlichter
Weise identifiziert,so nämlich,dass dasselbe Ich zuerst" als den Weltglaubenbatäti-
gend, und dann als ihn durch die " Einklammerung inhibierendangesetztwird,
solange ist die Reduktionin ihremtranszendental-phänomenologischen Sinn nicht
verstanden.*

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mettreen lumière1. La miseentreparenthèses de toutepositiond'exis-


tencedes états psychiqueset du sujet lui-mêmecommeempiriquene
détruitpas le contenudu vécu. La composante conscientequi structure
la natureidéale des perceptions, des vouloirs,etc., demeurecommeun
facteurirréductible. Ce facteurconstituela sourceauthentiquedans
laquelleles vécus empiriquess'effectuent d'une manièreoriginaire. La
position dans l'existencede la réalitémondaine est suspendue,maisle
contenuintentionnel de l'affirmationdemeure.Si l'arbre-en-fleur-que-je-
perçoisperd sa transcendance d'objet existant,l'arbre-en-fleur-perçu
demeureau titrede pur corrélatde ma consciencesignifiante. Le vécu
le
pur, percevoir pur ne sont pas touchés par la réduction.

U èpoche est réelle.


La miseen suspensde notrecomportement positionnel des chosesqui
s'effectuedans la croyanceexistentielle n'est pas fictive.Il ne s'agit
pas de l'imaginer ni de l'admettre à titred'hypothèse. La réduction est
réelle.En effet,si le problèmefondamental de la phénoménologie est la
recherche de l'origineauthentiquedu monde,il faut dépassereffective-
menttoutce qui tientla conscience captive,toutce qui barrel'accèsdes
authentiques,
significations toutce qui est secondaire,mondainet hypo-
crite.L'époché,étant réelle,permetun affranchissement véritablede
toutesles positionstranscendantes qui imposentleurvaliditémondaine.
La réduction phénoménologique dépassetoutesles formes mondaines de
compréhension, de fondation et essayede comprendre le mondepar les
conceptsqui le transcendent, qui ne lui sontpas immanents 2.

Lépoché n'est pas une abstraction.


en mettantentreparenthèses
La réduction, la réalitémondaine, laisse
intactela consciencecommeun résiduphénoménologique 3. Ce procédé
distinguéde l'abstraction
de séparationdoit êtresoigneusement conçue
1. Real - ce motallemandsignifie la réaliténaturelle,mondaine.
Ms. 1909,F I, 17,p. 74 :
« Die deutscheÜbersetzung von " real " heisst" dinglich", unddemgemässdenkt
man unterdem Titel des Realen gewöhnlich an Dinglichkeiten,
sei es Beschaffenhei-
ten,sei es Relationeninnerhalbderpsychophysischen Natur.»
2. E. Fink,opuscit.,p. 339.
« Die Frage nach dem Ursprungder Welt kannnichtin der Naivitätgestelltwer-
den,die die Weltnochals die Allheitan sichseienderDingeansetzt,da dies notwen-
dig zu einen dogmatischen, d. h. hier Seiendes durch SeiendeserklärendenMeta-
physikführen muss...»
P. 340 : « Die Phänomenologie, im Hinblickauf ihr zentralesProblembestimmt,
erhebtden Anspruch,ein philosophisches' Verstehender Welt zu realisieren, das alle
welthaften Formendes Erklärens,Einsichtigmachens, Begründensusw. übersteigt:
sieintendiert,die Weltaus demletztenGrundeihresSeinsher,...begreiflich zu machen.»
P. 341-342.
« Sie (la réductionphénoménologique) ist das systhematische Ganze von Grun-
derkenntnissen, " undden
durchdie wir die Welt, sonst umgreifenden Horizontjeglicher
Erkenntnisproblematik, " transzendieren zum welttranszendenden Ursprung
zurückgeleitetwerden.»
trad.,p. 108.
3. E. Husserl,Idéesdirectrices...,

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commele dégagement d'un aspectau seind'un tout.La réduction n'est


pas une séparationen ce sensque la conscience seraitun de
fragment la
totalitéde l'êtreréel(reaies).La conscience est,dans son être,indépen-
dantede la réalitémondaine; elleestpremière en tantqu'êtresignifiant,
elle est ce par quoi les significations
arriventau monde: elle est autre
que la chose.
L'abstraction, en partantde la nature,ne peut pas dépasserle plan
mondain.Elle ne peuttirerde la natureque du naturel.En ne dégageant
qu'unaspectde la totalitémondaine, elle demeurerelativeà cettetota-
lité,elle demeure mondaine.

Les degrésde la réduction.


La réduction comporte différents niveaux.La miseentreparenthèses
de la croyanceexistentielle et du je empiriquene s'effectue pleinement
qu'en plusieursétapes,où serontmiseshorscircuitles transcendances
propresau plande la natureet au plandes objectivités eidétiques.
a. Dieu,
Dieu doit êtrecomprisdans l'époché.Il se donnecommeun absolu,
maiscet absoludemeureétranger à l'absolude la conscience. Dieu s'an-
nonceà la conscience d'unemanièremédiateet par unedoubletranscen-
dance.Il estpostuléau vu de l'ordrenaturelqui se révèledansl'intuition
empiriqueet l'exactitudedes lois physiques.Il est posé commela clé
de la finalité du mondedans l'ordrede la vie organiqueet dansl'ordre
de celle de l'esprit.Dieu est saisi dans la teleologiedu monde.On voit
maintenant comment son existencecomportele caractèred'une double
transcendance. Il s'annonceà partirdu mondesanss'y réduire.Il està la
foistranscendant au mondeet à la conscience absolue.Il s'imposeà la
consciencecommele déjà là, il lui est irréductible 1.
h. Les principeslogiques.
Les principes logiquess'imposent à la conscience,
ils lui sonttranscen-
dants.Devra-t-on aussi les mettreentreparenthèses, n'en faireaucun
usage ? Il semble que noussoyions dans une impasse.D'une part,la fidé-
lité à la méthodephénoménologique paraîtexigerleur suspension,et,
d'autrepart,cettesuspensionparaît ruineusepour la phénoménologie.
Il est, en effet, impossiblede considérer au niveauthéoriqueun objet
sans impliquernécessairement ce que lui appartientdans sa généralité
formelle, par exemple,objet en général,relation,propriété.Le vécu
phénoménologique n'échappepas à cette règlegénérale,il exiged'être
subordonné aux lois formelles.
La solutionde ce dilemme résidedans le caractère
descriptifde la phé-
noménologie. La phénoménologie ne procèdeni par construction ni par

1. Ibid., § 58.

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déduction: elle se limiteaux donnéesprésentées par l'intuitionpure.


Les principeseidétiquesformelsne serontdonc admis qu'en tant
Commepartied'une sphère
qu'ils sontvus dans les objets intuitionnés.
logique transcendante, les
préalable, principes logiquessontinclusdans
l'èpoche ; comme intuitionnées dans les vécus, les relationslogiques
échappent à touteréduction 1.
c. Les essencesmatérielles.
Avec la croyanceexistentielle, la chose,les objetsscientifiqueset le
moiempirique ontété suspendus.Faut-ilde mêmeintroduire dans l'épo-
ché les essencesqui correspondent à ces régions? D'une façongénérale,
quelle attitude doit la
prendre phénoménologie vis-à-visdes essences
matérielles ? Si la phénoménologie
est essentiellementune rechercheeidé-
la
tique, phénoménologie transcendantaleest une scienceeidétiquepure-
ment descriptiveportantsur les configurationsimmanentesde la con-
science2.
Les essencesmatérielles peuventêtre séparéesen deux groupes.Sont
transcendantes les essencesmatérielles qui correspondent à des réalités
impliquant des éléments transcendants à la conscience pure. Ainsile
« mouvement », la « couleur de la chose» ou même les structures révélées
par l'expérience intérieure : 1' « âme », 1' « homme », le « tempérament »,
etc., sont des essences transcendantes 3. Sont immanentes les essences
matérielles qui ont pourcadreexclusifles événements individuels d'un
fluxde conscience. La puretéde la réflexion phénoménologique sera
ne
assuréeque si nonseulement les sciencesempiriques de la nature(la phy-
sique,par exemple) et de la conscience (la sociologie,par exemple)aont
réduites,mais aussi les scienceseidétiquesqui sontleurcorrélat.Ainsi,
seulesles essencesmatérielles immanentes échappentà l'époché.

de la phénoménologie.
Difficulté
Une questionde méthodepeutêtresoulevée.Si le moipsychologique
est exclu,le phénoménologue qui faitla phénoménologie ne l'est-ilpas
aussi ? Celuiqui metentreparenthèses nedoit-ilpas y être lui-même
mis ?
Et le phénoménologue qui veut fairela réflexion phénoménologique ne
doit-ilpas êtreexcluen raisondu faitque les vécuseux-mêmes, qui font
cetterecherche, sontirréfléchis? 4.
Husserlremarqueque cettedifficulté n'estpas particulièreà la phé-
noménologie. Les démarches du en
logicien quête des principeslogiques
se développent suivantles lois logiques,et les démarchesdu logicienne
pourront êtredéclaréeslogiquesqu'aprèsla découverte des lois exercées

1. lbid.y § 59.
¿. iDia.f p. îyo.
à. loia.
4. îbia.y p. ¿v¿.

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dans ses démarches. Il en va de même pour le phénoménologuequi


découvre et justifie sa méthode en s'exerçant d'abord d'une manière
irréfléchieet en méditantensuitela validité de sa propredémarche.
Il est donc facilede répondreà la questionposée. La réflexiondu phé-
noménologueest légitimedans la mesureoù, dans son exercice,il s'exclut
comme sujet empiriqueet mondain1.

Conséquences.
Les conséquencesqui suivent la mise entre parenthèsesde l'attitude
naturellesont multiples.
a. « Allgemeingültigkeit».
D'abord « l'efforthusserliena été... de restituerà la philosophiecette
Allgemeingültigkeit, cette universalité absolue et contraignanteque
Husserljugeait compromise,d'abord par ce qu'il nommait le psycholo-
gisme,ensuiteet surtoutpar l'oppositiondes diversesécoles et traditions
qui, au début de ce siècle,se disputentles faveursde l'incipiens» 2.
Le psychologismese limitait à des considérationsd'ordre naturel
(real). En identifiantles contenus idéaux aux vécus psychiques, il se
confinaitdans l'attitude mondaine.Le psychologismeétait responsable
d'une fauteplus grave encore; partageantla méthodedes sciencesexpé-
rimentales,il ne voyait pas le caractère idéalisant de la consciencepar
lui réduiteà une somme d'états psychiques.La réductionde l'attitude
naturelleouvre l'accès à la subjectivitépure, libérée de toute contami-
nation introduitepar la relationcausale entre les faitspsychiqueset les
stimuli.
b. Originalitéde la subjectivité.
La réductiona égalementpermisde dévoilerl'originalitéde la subjec-
tivité en s'opposant à l'empirismepost-kantien.Cet empirisme,impré-
gné de sciencespositives,réduisaitla philosophieà leur critique.Il pré-
tendait ne pas voir de rationnaliténi d'intelligibilitéd'une autre sorte
que celle que la sciencepositive atteint. Le savoir positifétait considéré
comme réalisantl'idéal d'objectivité de connaissanceque l'esprit pour-
suit, en atteignantce qui est. La science,en apportant l'unité, réalisait
une tripleexigence: la connaissance objective,la compréhension du réel
et enfinl'intelligibilitéd'ordre mathématico-physique.Dans cet empi-
risme,le faitjoue un rôleessentiel: on part du faitet on vérifieles pensées
et les hypothèsesexpérimentalement.
Husserl ne nie jamais la valeur des sciences,il affirmemême qu'elles
remplissentparfaitementleur rôle ; mais il souligne constammentque
la conceptionexpérimentalede la réalité laisse échapper l'essentielqui

1. Ibid., p. 212-213.
2. A. de Waelhens, « Phénoménologieet métaphysique », Kev. philosoph.de Louvam,
1949, août, p. 366.

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est du côté du sujet. Cet empirismene voyait pas que les notionsdes
sciences particulièreset leur validité exigent un fondementdernier,
rigoureuxet universel. La réductiondu monde scientifiquenous donne
précisémentaccès à la subjectivitéfondante,source de toute signification
predicative.
c. Dépassementdu problèmeclassique de la connaissance.
En réduisantl'attitude naturelle,Husserl dépassait aussi le problème
classique de la connaissance.Si ce problèmeconsisteà expliquerles con-
ditionsde possibilitéde la connaissance- admise l'existence du sujet
et de l'objet - , la phénoménologien'a pas à le résoudre.La réduction
supprime,en effet,toute transcendance,toute réalité préalable. Il ne
demeureen dehorsde l'époché que la conscience constituantles signifi-
cations,la subjectivitédonnante.
d. L'existencerìest pas un prédicat.
Que la réductionpuisse mettreentre parenthèsesla croyanceexisten-
tielle, suspendretout jugement existentiel,n'est possible que si l'exis-
tence n'est pas un prédicat. Mais l'existencen'est pas un prédicatpuis-
qu'elle n'apporte aucune déterminationintellectuelle,n'ajoute rien au
réel. Aussi peut-on « décrire'exhaustivementle sens du réel sans prendre
positionà l'égard de sa réalitéde fait » 1. La distinctionentre« existen-
tia ut significata» et « existentiaut exercita» peut nous aiderà comprendre
la possibilitéet le rôle de cette réduction.Si le contenu intelligiblen'est
pas enrichipar l'existence,n'importequel objet peut être ramenéde son
état d'actuellementexistant- existentiaut exercita- à son état d'exis-
tence purementsignifiée- existentiaut significata- sans que le sens
de la chose perçuesoit affecté.
e. Purificationdu sujet.
L'exigence de validité universelle- Allgemeingültigkeit - implique,
du côté du sujet, l'accès à un niveau privé de tout préjugé. Il faut alors
concevoir« la réduction comme une épuration progressivedes diverses
modalitésde l'expérience afin de retrouveren elles l'expérienceabsolu-
mentprimitiveet premièrequi, en dernièreanalyse,les fonde toutes » 2.
L'expérienceque nous faisonshabituellementdes choses n'est pas pure,
parce que des apports étrangerss'y mêlent. La véritablenature du réel
ne nous apparaît pas immédiatement,à cause de ces apports qui la
masquent. La tâche de la philosophiesera de revenirà l'immédiatpour
le revivre,pour y retrouverle moi non élaboré. C'est la réductionqui
par son mouvementrégressif,purifiela vie consciente,dépasse les sym-
boles, conduit à l'expérienceprimitive.Elle comprenddonc les concep-
tionsphilosophiques,scientifiques,aussi bien que celles du sens commun.

.1. Ibid., p. 367.


2. A. de Waelhens,« Husserlet phénoménologie
», Critique,n° 55, 1951,p. 1050.

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f. Dévoilementde Vanonymat.
Le souciprincipal de la phénoménologie estde revenir aux choseselles-
mêmes- zu denSachenselbst.La réduction par son inhibition de toute
transcendance estle moyend'accomplir cettetâcheessentielle. Elle per-
met,en effet, de dévoiler l'activitéanonyme de Tintentionnalité opérante,
jamais thématisée dans l'attitude naturelle. Lorsquela conscience thé-
matisequelquechosede mondain, elleest finalement et réellement impli-
quée danscet acte commel'activitéopérante.Cetteconscience opérante
demeure cependant anonyme et ne peutjamais êtrethématisée dansl'at-
titudenaturelle, fauted'une réflexion qui la révélerait, la
qui rendrait
directement perceptible.
Si le contactavec les chosesne révèlepas l'opération de la conscience,
c'estque « j'expérimente leschoses,je n'expérimente pas le sensde l'étant,
la choseen tantque sens» 1.
L'épochépermetde dévoilerles dimensions primitives de la conscience
opéranteen la libérantde toutecontamination des élémentssecondaires.
Elle créela possibilité de décrireintuitivement la constitution originaire
de la chose.Et c'estici qu'apparaîtpourla première foisl'aspectpositif
de la réduction.
Remarques. - Ce mouvementde retourà l'originairenous paraît
louable, mais sa prétention est peut-être excessive.Est-ilvraimentpos-
siblede dévoilerla formepré-logique des chosescommele veutla réduc-
tion? La phénoménologie voudraitque le sujet transcendantal n'effec-
tue des déterminations predicatives de
qu'à partir l'antéprédicatif. Mais
la questionse pose : l'antéprédicatif pur existe-t-il ? « Nous ne pouvons
jamais éliminerpar la penséela structure categorialede la chose.Les
concepts ontologiquessont intégrésaux choses elles-mêmes » a. Le
mouvement de la réductiona des limitesqu'on ne peut dépassersans
détruire la possibilitémêmede penserla chose.La formepré-concep-
tuellede la choseà laquellela réduction prétendaboutirest dénuéede
touteconceptualisation et, commetelle,perdsa consistance.
La chosepré-conceptuelle est non seulement dépourvuede toutesles
déterminations, de toutestructure idéale,mais elle est aussi dépouillée
dnlangage.Et cependant, si elledoitprésenter unevérité,elleestincon-
cevablesans une expression verbale.Husserloubliele faitfondamental
que connaître, c'est déjà parler,puisquel'objetest inséparabledu con-
cept.Connaître impliquese manifester à soi-même ou à autrui.Se mani-
fester, c'est exprimernotreconceptualisation par le langage.Dans ce
sens,le langageest intrinsèque au connaître en tantque base maîtrisant
sa naissance,son existence, l'extension et la validitéde la choseconçue.

1. Ms. 1934,K III, 6, p. 54.


« Ich erfahreDinge,ich erfahreaber nichtSeinsinn,Dingeals Sinn.»
2. E. Fmk,« L'analyseintentionnelleet le problèmede la penséespéculative»,dans :
Problèmes actuelsde la phénoménologie,
Desclée de Brouwer,1952,p. 67.

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En esquivantdoncles problèmes de l'expression, la réduction rendillé-


gitimel'expérience phénoménologique de la choseà laquelleelle prétend
aboutir.
II. - La réduction commeréflexion.
La réduction dansson mouvement négatif, impliqueune réflexion qui
suspend l'adhésion à la thèse naturelle du monde. Elle suppose,par
conséquent, l'intervention d'un je purement spectateurqui exercecette
réflexion sans coopérerà la croyanceexistentielle 1.
Puisque la réflexion un
porte regard intuitifdésintéressé,elle ne peut
s'exercerqu'en s'abstenantde tout jugementde validitépréalable.La
non-collaboration à la thèsedu mondeest intrinsèque au mouvement
de l'acte réflexif. Il fautbiencomprendre la naturede cetteabstention
inclusedansla réflexion.
Qu'est-ceque réfléchir, dans le langagede la phénoménologie trans-
cendantale?
C'est reprendre un donné directement thématisé- dans l'attitude
-
chosiste,de geradeaus au niveau de la subjectivitédans la sphère
de la consciencequi appartientessentiellement à l'expérimenté comme
tel 2. Par conséquent,l'attitudereflexivesupposel'exercicepréalable
de l'expérience directeet la positiondes jugementscorrélatifs. Cela est
si vrai que la réflexion ne cherchepas des thèmesnouveaux,mais se
limiteà réfléchir notrevie immanente qui gardedes attachesavec la
croyanceexistentielle. La réductionne rejettepas le réel,elle permet,
en neutralisant la positiondu monde,de voir ce réel dans ses modes
conscients, dans son originesubjective.Bien que ces modeset cette
origine puissentêtre directement
ne l'objet d'une attitudethématique
- attitudedu geradehin - ils existentimplicitement commela condi-
tionsinequa nonde toutobjetréelou logique.

Motivationde la réductionpar la réflexion.


Puisque la réflexionphénoménologique est l'opérationqui dévoile
le mondedans son originesubjective,une questiond'ordreméthodo-
logiquese pose.PourquoiHusserln'a-t-ilpas présenté la réductioncomme
impliquéeparla conversiondu sujetsurlui-même ?
Outreles énormesdifficultésd'expositionqu'un tel plan auraitren-
contrédans un milieunon préparé,il nousfautsouligner les difficultés
logiquesque rencontrenécessairement l'introduction à la phénoméno-

Philosophie..., Kantstudien,p. 355.


1. E. Fink, Die phänomenologische
des reflektie-
« Epoche ist reflexiveEpoche d. h. sie ist eine Glaubensenthaltung
rendenZuschauers,der dem Weltglaubenin der AktualitätseineslebendigenVoll-
zugs zuschaut ohne ihn mitzumachen.»
2. Ms. 1931,B 1,5 X, p. 8.
« Reflektierenist von irgendwelchen ontischenBeständendes mir als seiendGel-
tendenaus sichzurückbringen auf das Subjektive,das zum Erfahrenenund sonstwie
Bewusstenals solchenwesensmässig gehört.»

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logietranscendantale. La questionfondamentale de l'originedu monde-


de
question l'époque des Idéen I - ne peut être éclairciepar les caté-
du
gories monde, mais seulement par des catégoriestransmondaines.
La recherche doitdoncse poursuivre à un niveaulibrede toutemonda-
néité.Tant que nous vivonsau niveaude l'attitudenaturelle- celle
qui thématise les choses- nousne disposonspas de moyensqui puissent
nous éleverà une dimensiondépassantle monde.Ce n'est qu'en vain-
quantle moihumainet sa vie psychiquedansla réduction que le regard
réflexifpeut thématiserla dimensionphénoménologique. Devant ce
regard,la consciencese révèlecommedonnantles significations. Toute
réalitéapparaît,dès lors,commeconstituéepar l'Ego transcendantal.
Ainsila réduction se supposeelle-même ; sa véritablejustification
réside
dans la découverte des possibilitéstranscendantales *.
Ouvrirla phénoménologie parl'étudede la réflexion à sonniveautrans-
cendantexposeaux plusgravesmécomptes. En effet,le phénoménologue,
alors immergédans l'attitudenaturelle,est incapablede percevoirla
significationoriginaire du monde.Faute d'une ascèsecorrespondante, il
ne pourraatteindre la subjectivitéconstituante. Il ne pourracomprendre
la signification
de l'attitudenaturelle d'un pointde vue vraiment trans-
cendantal.Il est guettépar le périld'une réductionimparfaite, d'une
réduction mal comprise dansle senscartésien ou kantien.Ainsila réduc-
tion donnela rigueur, la réflexion ouvrela signification.

Le caractèredescriptifde la réflexion.
Le rôledu spectateur désintéresséest d'uneimportance décisivepour
l'existenceet la structurede l'objectivitéphénoménologique : « La
méthodephénoménologique se meutintégralement parmiles actes de
la réflexion» 2. Devant le regardréflexif se dévoilentprogressivement
les facteurssubjectifsqui fontrenaîtrela réalitétranscendante mainte-
nant réduite.En supprimant l'inconscience de l'attitudenaturellequi
ignoreles dimensions authentiques du monde,on découvrele pouvoir
qui constituele monde.Cetteactivitéqui constituel'être du monde,
fondde la thèsenaturelle,se dévoileprécisément commesignifiant le
monde.Toutedéduction rationnellede l'objectivité est exclue; le monde
est vucommece qui se déploiedansunetransparence absoluesansaucun
apportspéculatif de notre «
part. Plaçons-nous maintenant dans l'atti-
tude phénoménologique : interceptons dans son principegénéralVopé-
rationde toutesces thèsescogitatives ; ... au lieu de vivreen elles,de les
opérer,opérons des actes de réflexion dirigéesur elles; nous les saisis-

1. G. Berger,Le cogitodans la philosophiede Husserl, Paris, Aubier, 1941, p. 58.


2. E. Husserl, Idees directrices...,
trad., p. 247.

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sonsalorselles-mêmescommel'êtreabsoluqu'ellessont» *. « Le réelest
doncà décrire » 2.
et nonpas à construire

Réflexionpsychologiqueet phénoménologique.
Avantde décrire la naturedu regarddésintéressé, impartial, il convient
de bienle distinguer de la réflexionpsychologique. Celle-ci, se déve-
en
loppant à l'intérieur de l'âme, porte sur des états psychiquesissus de
notrerapportavec les choses,pour observernotreréponseau contact
du réel.Cetteexpérienceinterneest réalisteet prétendà une valeur
objectives.
La réflexion phénoménologique portesur les vécus poursaisirà leur
niveaula conscience opérantequi effectue spontanément le sensde l'ob-
jet et le
expliciter cogito dans toutes ses implications intentionnelles.
Au lieu des étatsinternesd'ordremondain,objetsde l'introspection, la
réflexion phénoménologique découvre à la foisle sujet réfléchissant, les
vécusréfléchis et l'acte de la réflexionlui-même. Cetteréflexion implique
un dédoublement du moi : au-dessusdu moi naïvementintéresséau
monde,s'établitle moi phénoménologique dans son rôle de spectateur
désintéressé. Le moi impartials'attacheà la sphèrede l'intentionnalité
pure,à la liaisonintrinsèque du cogitoau cogitatum. Par ce retoursur
soi-même, on ne fixepas des actes isolés,maisles actes en tant qu'ils
impliquent leursobjets.Le spectateurdésintéressé faitl'exégèsede la
subjectivité pureen tantque, par son pouvoirconstituant, elle légitime
l'objet. Le spectateurimpartialdévoiledans le vécu cettecomposante
consciente qui, anonyme avant la réduction, se reconnaîtcommece qui
dépassele mondeen le signifiant, en le formant commecogitatum.
La réflexion phénoménologique est donc radicale en ce qu'elle atteint
dans la subjectivité constituante l'origine de tout objet. Elle est uni-
versellepuisque,faisant abstraction de tout objetparticulier, elle dévoile
la subjectivité transcendantale comme fondant la totalité des significa-
tions,l'universalité de l'être.
Bien des éléments phénoménologiques se trouventà l'étatlatentdans
la psychologie ; mais le psychologue ne les explorepas,et il n'a mêmepas
besoinde s'en souciertantqu'il restedans son domaine.C'esten qualité
de phénoménologue qu'il fauts'enfoncer dans l'absoluet dévoilerla vie
transcendantale de la subjectivité pure comme la proto-région de l'être.
Cettevie,qui n'estpas touchéepar la réduction, porte le caractère d'in-
dubitabilité absolue.Et toutce qu'on voitdansl'expérience de soi jouit
aussi de la nécessitéabsolue.La réflexion phénoménologique, étantunie

1. ibid.,p. 166.
2. Merleau-Ponty,Phénoménologie Paris, Gallimard,1945, avant-
de la perception,
propos,p. iv.
Meditationen
à. E. Husserl,Lartesiamscne tiaag, m. iNijnon,
una pariser vortrage,
1950,p. 197.

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à son objetdansle mêmefluxdes vécus,jouit de cetteimmédiatetéqui


confèreà son intuitionun caractèred'indubitabilité
absolue,d'apodic-
ticité*.
Réflexionet irréfléchi.
Il est nécessaire
de préciser le rapportde la réflexion à l'irréfléchi
pour
mettreen reliefl'originalité du surgissement de l'objet réfléchi au sein
de l'immanence.
L'objetde la réflexionn'estpas étranger à l'Ego,il n'estpas à chercher
en dehorsdu moi,maisdansla vieimmanente. « Ce qui,dansla réflexion,
est saisi de façonperceptive, se caractérisepar principecommequelque
chosequi, nonseulement est là et dureau seindu regardde la percep-
tion,maisétaitdéjàlà avantque ce regardnese tournedanssa direction » 2.
La réflexion, en dévoilantle vécu qui existaità l'étatirréfléchi, jetteun
pontentrele maintenant du regarddirigésur- et ce qui vientde s'écou-
ler dans l'immanence. J'ai le pouvoirde revenirsur moi-même. « Cette
conversion de valeurdépendde notreentièreliberté» 3. Je disposed'une
libertételle que, au lieu de poursuivre les investigations mondaines, il
m'estloisiblede thématiser leur originephénoménologique. Et je peux
le faire,car je préexistaisdéjà 4. Je découvre,mais je n'inventepas.

Temporalitéde la réflexion.
La réflexion seraitimpossiblesi le vécu ne préexistaitcommeune
formedu conscient.La temporalité du vécu est la conditionde possi-
bilitéde l'exercicede la réflexion.
Le vécu ne se limitepas au mainte-
nant temporel, ni à un momentunique,mais il présenteune étendue
temporelle qui demeure actuelleet dans laquellele maintenant forme
unitéavec l'élémentpassé retenu.Le vécu passe, il devientsouvenir
primaire, maisnousavonsencorel'intuition immédiate de son apparte-
nance au présent.C'est la mémoirequi, dans l'expérienceimmédiate,
permetde retenirle momentqui passe et de conserver son identité.Si
le vécu dans la retention ne subitpas d'altération,
la réflexionpeutl'y
saisirdans son authenticité « commeayantexistésans êtreréfléchi » 5.
« Ainsi,la mémoire réfléchie
ou re-souvenir- la réflexion- reposesur
une mémoire flexive,
pré-ré surla propriétédu vécu de retenirle passé :
je perçoisla chosemêmecommevenantjuste d'être; ainsi la réflexion
1. E. Husserl,Idéesdirectrices...
, trad.,p. 122.
« Par actes dirigésde façonimmanente, ou plus généralement par vécus intention-
nelsrapportésde façonimmanente à leursobjets,nousentendonsdes vécus dontl'es-
sencecomporteque leursobjetsintentionnels, s'ils existentdu tout,appartiennentau
mêmefluxdu vécu qu'eux-mêmes. »
2. Ibid.,p. 146.
3. Ibid.,p. 99.
4. E. Husserl,Ideen zu einerreinenPhänomenologie und phänomenologischen Phi-
losophie,Haag, M. Nijhoff,1952,t. II, p. 248.
« Selbstwahrnehmung ist eine Reflexion(Selbstreflexion des reinenIch) und setzt
ihremWesennachvorausein unreflektiertes Bewusstsein. d
5. E. Husserl,Idéesdirectrices...,
trad.,p. 248.

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peutêtreen retardsurson objetet découvrir du vécuqui a été sansêtre-


réfléchi1. »
Le regardréflexifembrassenonseulement les intentions mais
directes,
réussitégalementà saisirles momentsintentionnels qu'ellesimpliquent
à titred'horizon.Il élucideles élémentsinclusdans la conscienceirré-
fléchie
qui appartiennent au fluxdu vécuà titreintentionnel,
maisdoivent
êtredésimpliquéspar la méthode de la description.
du vécu,mais non déformation.
Modification
Le vécu,en passantde l'étatirréfléchi à l'étatréfléchi, subitunemodi-
fication, c'est-à-direun changement dans sa manièred'êtrepourmoi;
dévoilé,il se découvrecommeconscient.Mais ce passagede l'en soi à
l'étatconscient ne provoquepas la déformation du contenuvécu,car la
réflexion ne faitqu'expliciterle sensauthentique que le vécu possédait
à l'étatirréfléchi.
L'intuition reflexive estle dernier
originaire critèrede cettenon-défor-
mationde l'essencedu vécu dans son passagede l'étatirréfléchi à l'état
réfléchi.Le vécuaccèdeau rangdu donnéintuitif, caril se présente cor-
porellement et immédiatement. On ne le cherche pas par une déduction :
il est toujoursprêtà êtreréfléchi puisque, au moins à l'état latent, il
était déjà là.
Par ailleurs,le risqued'uneéventuelle déformation est éliminé,du fait
que la conscience et
percevante l'objet perçu ne sont pas des momenta
imaginés, mais les donnéesréelles.
Enfin, c'est une loi nécessaireque la
conscience et son contenu- la conscience -
objectivée ne soientcon-
naissablesque par la réflexion. Toute critique,mettanten suspicionla
valeurde la réflexion, impliquedans son acte l'aveu de la valeurabso-
lue de la réflexion. Ainsisontassuréesla validitéet la non-altération du
vécu surlequelportele regarddévoilantde la réflexion 2.

Le maintenant de Vobjet.
La formetemporelle dans laquelle l'intuitionreflexiveatteintorigi-
nairement le vécu mérited'êtreprécisée.« Tout vécu est en lui-même
un fluxde devenir» 8. Il présenteune suite continuede retentions et
de protentions médiatisées par le maintenant. Le maintenant se carac-
térisepar rapportaux autresmodestemporels par sa vivacitéplusforte.
C'estdansle maintenant que la conscience engendre les typeseidétiques,
leurconfère et les pose dansl'existence.Le maintenant
une signification
vivantdu vécu,par oppositionà son avant et à son après,fournit à la

1. P. Ricœur,note1 dans la traductiondes Idéesdirectrices


pourunephénoménologie*
E. Husserl,Gallimard,1950,p. 248.
trad., §§ 77, 78.
2. E. Husserl,Idéesdirectrices...,
3. Ibid.,p. 254.

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son donnéimmédiat*. Par rapportà toutesles modifications


réflexion
temporelles du vécu, le momentvivantdu maintenant- étant lui-
mêmeen écoulement continuel- présentela phase absolumentorigi-
naire,une sortede proto-vécu 2. Le maintenant,étantla base originaire
des vécus,qui renvoient tous à cettesourcepremière au coursde leurs
figurationspossibles,joue un rôle qui peut êtrerapprochéde celui de
en
l'impression psychologie.
Forme ontiquede Virréfléchi.
Comment se présente la formeontiquede l'irréfléchi au momentde la
réflexion?
Le butde la réflexion est d'explorerintuitivement les différentes
modi-
fications
(c'est-à-dire de réfléchir de dévoilerl'ensembledes
l'irréfléchi),
activitésintentionnelles dans lesquellesse constituent les objetstrans-
cendants.L'étant n'est considéréqu'au titred'une structure significa-
tive qui se formedans les opérationsintentionnelles. Le spectateur
désintéressé ne dirigepas son regardsur l'objet,mais sur les activités
de la conscience constituant son objet. Ces activitésne sontpas consi-
déréescommeexistantpréalablement, mais saisiesdans le maintenant
de leuropération ; opérationdans laquellela subjectivité se trouve dans
ce qu'elle trouve.Et elle se trouvea posteriori en constituant l'autre
que soi-même s. Le spectateurdésintéressé atteintl'étantau moment
de la constitution au momentoù la subjectivitése trouve.
originaire,
La perception immanente - la réflexion- dans son exploration intui-
tiveet description n'estque la poursuitede l'étantdanssonmoded'être
primitif- imwiederGegebenheit. La réflexion nousdonnel'accèsà l'ob-
jet dansle comment de sa constitution,dans ses formes de signification,
dans ses structures en tant qu'issues de l'effectuation intentionnelle.

Conclusion.
La réflexionest la véritabledémarchequi révèlele caractèrelimitatif
de l'attitudenaturelle.Enfoncédans la thèsedu monde,je suis trop
aveugle pour pouvoirm'éleverau-dessusd'elle et dévoilerson sens
authentique. Dès que le regardréflexif,
libérépar la réduction,
saisitla
thèsedu mondedans le pouvoirconstituant du moi transcendantal, il
enlèveà la croyanceexistentielleson caractèrenaïf,en élaborantle sens
transcendantalde cettecroyance. Par conséquent,
animéeparla réflexion,

1. Ibid.
2 Ibid., p. 255.
3.. L. Landgrebe, « Husserls Phänomenologie und die Motive zu ihrer Umbildung »,
Revue internationalede philosophie,nr. 2, 1939, p. 31Ö.
« Sie - die Leistungen des Bewusstseins - sind nicht etwas, was einfach schon
vorher dagewesen wäre, sondern dieser Rückgang ist ein solcher, in dem sich die Sub-
jektivität als konstituierendeerst selbst setzt, sich selbst gewinnt. »

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de la thèsenaturelleperdson caractèrenégatif.Au lieu de


la reduction
n'êtrequ'une miseentreparenthèses du monde,la réductiondevientle
moyen de relier
la thèsedu monde à l'absoludu sujet.

Découvertedes modesoriginaires.
La fécondité de la réflexion et son espritcréateurdans l'histoiredu
développement de la pensée,apparaîtsurtoutdansle dévoilement du
modeoriginaire de nos actes.
Avantla phénoménologie, on réfléchissait de manièrediversesur le
plan de la vie intérieure. Mais toutesces réflexions restaientau niveau
de l'attitudepsychologique. La réalitévisée par le retourà soi-même
portaittoujoursle caractèred'incarnation au monde.La saisie de l'ac-
tivitéconsciente « pure» n'étaitpas connue.Seulela réflexion phénomé-
nologiqueépuréepar la réduction, était capable de dévoilerle cogito
dans son rôlesignifiant, sans qu'il soit contaminépar n'importequel
entrelacement avec les élémentsmondains.Dépourvuede touteréalité
mondaineet fondéedans l'évidencede l'intuition, l'activitédu cogito
ce
exprime qui est constitutif et ce qui est à la base de l'expérience du
réel. Justement, cette puretédu cogito signifiant ouvre un nouveau
champdu savoir,champd'autantplus fécondqu'il va au-delàdes réa-
litésmétaphysiques devantlesquelless'arrêtaitla philosophie.
Le dévoilement du cogiton'est pas une simpleconstatationde son
existence.Étant le phénomène irréductible, il est vu commedonnépri-
mitifélémentaire, dontle rôleconsisteà fondertoutce qui présenteun
senset à l'éclairer.Par sa fonction signifiante, le cogitoreplaced'emblée
tous les aspectsparticuliers de la perception, dans l'unitéde l'origine
« subjective».
Le caractèredu cogitofondantexcluttoutejuxta-position du sujetet
de l'objet,toutedépendancecausaleadmisepar le naturalisme et l'idéa-
lismeclassique.La connaissance se comprend par l'intention et la corré-
lationdu comportement dévoilantet de l'êtredévoilé.
En décrivantla régioninternecommele faitprimitif de la vie signi-
fiante,la réflexionphénoménologique contribueessentiellement à la
compréhension plus profonde des problèmes philosophiques.

La portéephilosophiquelimitée
de la réflexionphénoménologique.
l'accès immédiatà
la certitudeinébranlable,
Le caractèredescriptif,
l'étantdanssonétatoriginaire - ces critèresdonnentà la réflexionphé-
noménologique d'après Husserlle droitde fonderavec une validité
absoluela philosophie commesciencedes originesvéritables.Or la ques-
tion se pose de savoirsi cetteméthode,valable pourla recherche de
est seule capable d'accomplir
l'originaire, l'œuvrephilosophique.

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En effet,la description n'exerceque le rôled'uneméthode, ellene vise


la
que pensée vécue et non la penséespéculative. La réalitépremière
qu'elledévoileest un étantpournous,un étantqui se développedans
l'immanence de la vie « subjective». Pourtantla compréhension philo-
sophique - la réflexionphilosophique - chercheles conditions a priori
de l'existence et de la vérité,les raisonsd'êtredes choseset de la pensée
elle-même. Mais, éluciderla totalitéde l'universdans ses fondements
n'estpossibleque parla spéculation. Or,la description,
en excluanttoute
spéculation, touteréalitésusceptibled'êtreconceptualisée et structurée
par la penséecategoriale, ne peut pas résoudreles problèmesphiloso-
phiquesqui sont,par essence,rationnels.
Ainsi,la réflexion phénoménologique ne remplitque d'une manière
spécifiqueet incomplètel'exigencede l'intentionphilosophique ; elle
n'aboutitpas à une philosophiequi apporterait la solutiondéfinitive ;
toutescellesdesautresphilosophes étantjugéespar Husserlcommeinsuf-
fisantes,un nouveautype de réflexion s'impose.Ce seraitcelui de la
réflexion métaphysique qui feraitdu pointd'arrivéede la réflexion phé-
noménologique un nouveaupointde départpour comprendre l'univers
dans le systèmespéculatif, à partirde la totalitéde l'expérienceori-
ginaire.
C'est dans ce sens que Fink suggèrela nécessitéde cettenouvelle
réflexion,en affirmant que l'objet de la réflexionphénoménologique -
le phénomène - suscitele problème trans-phénoménologique. En impli-
quantainsila véritédont l'élucidation ultimedépassela méthodephé-
noménologique, il demandeun traitement autreque descriptif,il se prête
aux considérations Ce
métaphysiques. thème, c'estla phénoménalité du
phénomène, c'est-à-dire ce qui fait le est
que phénomène phénomène *.

Solipsisme.
La réflexionphénoménologique dans sa compréhension du réel se
heurteaux difficultés duesau caractère du
solipsiste cogitoqu'elledévoile
à la suitede la réduction.Ce n'estpas le solipsismeclassique,c'est plu-
tôtl'affirmationque le moin'estpas d'embléeintersubjectif.Sans doute,
la réflexionen portantsur le cogito,révèlel'ensembledes expériences
transcendantales, doncle mondeéliminépar l'époché.Néanmoins, toute
validitéde la véritéest limitéeau moiseul.Si Husserlintroduit Pautrui
- commeil le faitplustard- c'estle moiseul qui l'introduit. La con-
science,sourcede touteréalité,en se dévoilantdans la réflexion phé-
noménologique, est inconciliable
avec l'admissiond'un rapporttranscen-
dantalentrele moiet les autres.C'est l'intentionnalité de monego qui
tientla primautéabsolueet portele mondeà titred'immanence cons-

1. E. Fink,« L'analyseintentionnelle
et le problèmede la penséespéculative>■• as :
Problèmesactuels de la phénoménologie,Desclée de Brouwer, p. 71.

3SS
REVUE DE MÉTA. - N° 3, 1959. 2

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tituée.Tout ce qui existese constitue à l'intérieur de l'egoet n'a de sens


que par lui.
Pourtantla subjectivité, en restantindividuelle, présenteen quelque
sorteun caractèretransindividuel. Quand j'affirme une vérité,je me
place au point de vue de n'importe quelle conscience, en communion
avec tous les ego individuels.Cette intersubjectivité peut s'exprimer
entreautresdansle faitque toutesnosaffirmations de véritésontconfir-
méesparle principede non-contradiction et,en présentant ainsile carac-
tèrea-temporel, comportent une validitéapriorique.Le moi seul qui
constituele mondeest insuffisant en raisonde ce que l'objectivitéest
déjà pénétréepar la communication avec les autresdès la naissancedes
significations.Dès l'éveil de leurexistence, les significationssontinter-
subjectivement structurées.La notionde la signification pourmoiseul,
commece seraitle cas en un sens chezl'animal,est contradictoire dans
est
les termes,car chaquesignification intersubjective.
Ainsila réflexion phénoménologique, soutenuepar le mouvement de
la réduction versla subjectivité son
absolue,n'explorepas,malgré regard
désintéressé le réeldans tous ses élémentsconstitutifs.
et intuitif, En le
reconstituant mutiléau profitde l'expérience elle
transcendantale, ne
peut pas prétendre à la connaissance objectivement valable.

La réflexionn'est pas totale.

Le mouvement de la réflexion, en transcendant le mondepour en


décrireles structures, parvient-ilfinalement à surmonter la scissiondu
dehorset du dedans? Il semblebien qu'en dépitdu rêve de Husserl,
la réflexion phénoménologique ne soit jamais totale,qu'elle ne puisse
jamais décrire exhaustivement ce qu'ellevise. Husserlespéraitparvenir
à unepossession totalede lui-même, il l'a manqueeparceque la réflexion
totale dans sa ligne de penséeest contradictoire. Si un attachement
continuelaux vécusestla condition de la description phénoménologique,
on ne peut quitterce niveau sans cesserd'êtreun phénoménologue.
Mais, dans la mesureoù nous sommesfidèlesà l'intuitionimmédiate
de notrecondition d'êtreau monde,il nousestimpossible de nousempa-
rerdu rayonnement intégralde notreintentionnalité, d'où jaillissentles
diversestranscendances. Dans la mesureoù la phénoménologie est la
description d'un percevoir, elle ne peut récupérer la totalitédu perçu.
Quelque soitle caractère absolude la conscience, la possession adéquate,
exclusive
définitive, de toute transcendance, rémanente de nous-mêmes,
devientimpossible.Le sujet transcendantal devra toujoursaller vers
le mondepourse découvrir lui-même. Parce que le je réfléchissant doit
s'appliquerà fairel'exégèse d'une subjectivité se
qui déploie devant son
regard comme constituant des significations,il ne peutjamais coïncider
¡adéquatement avec cettesubjectivité. Il y a toujoursplus d'êtredans.

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la connaissancequi vise que dans ce que nouspouvonsatteindre.Il n'y


a pas de saisie définitivede soi-même, mais une ressaisieperpétuelle-
mentrenouvelée.
Idéalisme ou réalisme?
La réflexion conçuecommepure description, pose un problèmesur
l'attitudephilosophique de Husserl.Est-ilréalisteou idéaliste?
Si la description ne construit ni ne déduitrien,elle doit conduireau
réalisme.Elle se fondesur la consciencedans sa référence au monde,
et doncsurle faitpremier admiscommeréeltel qu'il se découvre.D'ail-
leurs,Husserlqualifiesa méthodede « positive», en raisonde sa volonté
de toutfonder surl'expérience *. L'attitudeidéalistese manifeste lorsque
la description montrel'originesubjectivede l'attitudenaturelle.Il nous
fautdéterminer si cettedescription est initialement idéaliste,ou si elle
le devientau coursde son développement.
Partirdu sujet pourrejoindrel'objet, aller de la penséeaux choses
est le proprede l'attitudereflexive. Au lieu d'expliquerle réelpar un
retourcontinuelau monde,commel'exige la réflexionelle-même, la
réflexion de type idéalistedépasse l'expérienceréellequ'elle accepte,
en l'interprétant commele résultatd'une consciencequi la constitue
commeréalitéobjective.
« Husserlest arrivé,malgrélui, aux extrêmes conséquences de sa déci-
sion. Il n'a pas prisau sérieuxl'affirmation du mondede la conscience
naturelle,puisqu'ilen a envisagéla formeen faisantabstractiondu
contenu.En envisageant la formeaffirmative, il a dit: c'estla conscience
qui affirme,donc le sujet 2.»
En résumé,au lieu de laisserà l'affirmation du mondetoutson poids
existentiel,de le reconnaître comme réel, Husserl le réduità la conscience
le
qui mesure, et le dépouille de toute valeurindépendante de Pexpéri-
mentécommetel.Finalement, la réflexion phénoménologique ne découvre
plus,dansla conscience naturelle, que l'apportdela conscience donnante
(sinngebend).
Jules Bednarski.
1. E. Husserl, Idées directrices...,trad., p. 69.
2. H. J. Pos, « Valeur et limites de la phénoménologie », dans : Problèmesactuels de
la phénoménologie,Desclée de Brouwer, 1951, p. 41.

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