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LE JOURNAL DE PHYSIQUE ET LE RADIUM TOME 23, DÉCEMBRE 1962, 993.

OSCILLATEURS A RÉSISTANCE NÉGATIVE ET OSCILLATEURS DE RELAXATION

Par JEAN MOUSSIEGT,


Laboratoires d’Électronique et de Radioélectricité de la Faculté des Sciences de Grenoble.

Résumé. On connaît actuellement un bon nombre de dipôles, dont la caractéristique tension-


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courant présente un arc à pente négative entre deux arcs à pente positive. L’association d’un tel
dispositif avec un circuit oscillant ne conduit pas forcément à l’entretien, grâce à une résistance
négative, d’oscillations du type sinusoïdal plus ou moins déformées. Il existe une autre classe
d’oscillateurs, constitués des mêmes éléments, dans lesquels la résistance négative n’intervient pas,
mais où une oscillation comporte deux transitions rapides entre les arcs à pente positive de la
caractéristique. Il s’agit là d’oscillations de relaxation typiques, comme celles d’un tube à décharge,
malgré la présence d’un circuit oscillant. On passe d’un genre d’oscillations à l’autre en remplaçant
un montage en série par un montage en dérivation, ou inversement.

Abstract. At the present time, there is a number of two-poles, the voltage-current charac-
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teristic curve of which possesses a negative slope between two positive slopes. The combination
of such a device with a tuned circuit does not always imply the production of more or less altered
sinusoidal oscillations, due to negative resistance. There exists another class of oscillators built
with the same elements, in which the negative resistance does not play any part ; but in a period
there are two switching actions between the positive portions of the two-pole characteristic curve.
Those are typical relaxation oscillations, in spite of the presence of a tuned circuit. One kind of
oscillations is replaced by the other when one changes the circuit from the series type to the parallel
type, or conversely.

1. Introduction. On considère souvent qu’il


-
de la décharge luminescente : ce sont là deux pro-
n’y a pas d’opposition essentielle entre les oscil- cessus internesqui ne dépendent pas étroitement du
lations harmoniques et les oscillations de rela- circuit extérieur ; tout au plus, celui-ci peut-il
xation, à la suite des travaux de B. Van der Pol [1]. gêner leur développement:
Ce dernier considérait l’association d’un circuit Il restait néanmoins un point obscur qui a peu
résonnant, de coefficient de self-induction L et de retenu l’attention : on a signalé que l’introduction
capacité C à un dipôle à caractéristique « tension- d’une, self-inductance dans le montage à relaxation
courant » de type cubique ou analogue, définis- n’affectait pas sensiblement le fonctionnement : il
sant une résistance négative dans un certain do- y a toujours un allumage et une extinction nettes
maine de l’une de ces deux variables. Suivant la et le cycle de relaxation, s’il est déformé, ne subit
valeur d’un paramètre lié à cette résistance néga- pas une transformation radicale [2], [3]. Or, la
tive et à L JC, les oscillations sont sensiblement
sinusoïdales ou se déduisent de celles-ci par une
déformation continue, conduisant à des variétés
présentant certaines variations très rapides.
Dans ce dernier cas, elles sont très comparables
à des oscillations de relaxation, dont la décharge
intermittente d’un condensateur sur un tube à gaz
raréfié fournit un exemple bien connu ; le montage
ne comporte pas alors de self-inductance appré-
ciable et n’a pas de fréquence propre.
Nous avons montré, il y a de nombreuses
années [2], comment le fonctionnement de ce sys-
tème s’expliquait par l’inacessibilité d’un point de
fonctionnement unique situé sur l’arc à pente néga-
tive de la caractéristique de la décharge. Cette
propriété est imposée par le circuit extérieur. Dans
le plan (tension v, courant i), le comportement du
tube se traduit par un cycle de relaxation AA’BB’A
(fig. 1) ; il fait intervenir deux transitions AA’
et BB’, correspondant à l’allumage et à l’extinction FIG. 1.

Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphysrad:019620023012099300


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théorie de Van der Pol devrait s’appliquer à ce


cas et elle prévoit une oscillation du point (v, i) le
long de la caractéristique, autour du point P (où le
fonctionnement continu est instable), précisément
pour utiliser la résistance négative à l’entretien
d’oscillations.
A l’occasion d’études sur des éléments à semi-
conducteur à résistance négative, nous avons été
amené à reconsidérer la théorie de Van der Pol.
On verra qu’il faut distinguer : 1° si le dipôle
utilisé a, selon la terminologie de Ph. Le Cor-
beiller [4] une caractéristique i(v) en N ou en S ;
2° si les éléments du circuit oscillant et le dipôle FIG. 2.
sont en série ou en parallèle.
Le montage impose des conditions qui déter- par le point de fonctionnement unique P, à l’inter-
minent si le point de fonctionnement P est accessible section de l’arc à pente négative de la caracté-
ou non. Si P est accessible et si le fonctionnement ristique et de la droite de charge :
en ce point est instable, on obtient une oscillation
du type Van der Pol le long de la caractéristique,
apparentée à une oscillation sinusoïdale, et l’en- 2.1. STABILITÉ DU FONCTIONNEMENT EN P. -

tretien est dû à la résistance négative ; on verra Pour la suite, il est utile de rappeler les résultats
d’ailleurs qu’il est possible d’avoir aussi un fonc- de cette étude classique. Nous envisageons de
tionnement stable en P. Par contre, quand P est faibles écarts à P, de façon à assimiler la caracté-
inaccessible, on retrouve un cycle de relaxation ristique au voisinage de ce point à une droite de
avec des transitions AA’ et BB’. Alors, si le fonc-
tionnement pouvait se fixer en P, il serait toujours pente :
instable.
L’équation différentielle :
2. Étude du montage en parallèle. -

La figure 2
représente un tel montage. Pour plus de généralité,
nous avons introduit les résistances r et R.
Nous supposerons toujours qu’il ne puisse y détermine les différents régimes de variation indi-
avoir qu’un régime continu permanent, déterminé qués dans les tableaux 1 et II.
TABLEAU 1 : (Cr2)/ L, 1

TABLEAU II : (Cr2) IL > 1

Dans le cas où (Cr2) jL 1, il y a simplement confusion de -1,


=

La valeur commune sépare les domaines de stabilité et d’instabilité.


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Appliquons ces résultats aux cas des figures 3 où i(v) représente la caractéristique du dipôle à
et 4. résistance négative et :

celle du dipôle associé à R.


De ces équations, on déduit :

Nous avons montré ailleurs


[5] comment on
pouvait intégrer graphiquement (10) pour obtenir
une caractéristique dynamique dans le plan (v, i’).
FIG. 3. FIG. 4. On notera l’intérêt particulier de ces deux va-
riables : tension du condensateur et courant dans
a) Pour la caractéristique en N ( fig. 3) : la self-inductance. On opère le changement de
variables et de paramètre suivant :

ou :

Alors (7), (8) et (10) deviennent :


D’après les tableaux précédents, il y a toujours
stabilité de fonctionnement en P pour :

Le fonctionnement en P n’est instable que si


(Cr2)/L 1 et : ceci selon la
figure 5.
D’après (14), la droite joignant M au milieu 1
de HK est normale à la courbe intégrale passant
double inégalité incluant la première condition et en M. On obtient un élément de cette courbe en
s’écrivant aussi : traçant de I comme centre un arc de circonfé-
rence de rayon IM.

La résistance négative de la caractéristique doit


donc être comprise entre deux limites déterminées
pour qu’il y ait instabilité en P, comme l’indique la
figure 3.
b) Pour la caractéristique en S ( fig. 4) :

Quelle que soit la valeur de (Cr2) /L, le fonction-


nement P est instable.
en
On remarquera la différence des résultats obtenus
pour les deux types de caractéristiques et l’importance FIG. 5.
du paramètre (er2)IL pour la seule caractéristique
en N.
De plus, les relations (12) et (13) indiquent le
2.2. RÉGIME DE FONCTIONNEMENT LE PLUS GÉ- sens de parcours sur les courbes intégrales pour
les points situés dans les quatre régions du plan
NÉRAL. -

Intégration graphique des équations aux délimitées par la caractéristique composée il(v) et
oscillations. Si l’on ne considère plus seulement
-

les petites variations à partir des conditions de la droite de charge ( fig. 5). Elles montrent en outre
fonctionnement continu, les tensions et courants ,qu’à la traversée de la caractéristique composée,
v passe par un extrêmum, de même pour z’ lorsqu’on
satisfont aux deux équations :
coupe la droite de charge.
Application à une caractéristique en N (fig. 3). -

L’étude de la stabilité du fonctionnement en P a


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montré qu’il n’y a pas de régime continu perma- sinusoïde, poué v on discerne encore une parenté
nent possible lorsque l’on satisfait à la double iné- avec une sinusoïde. Les particularités de la carac-
galité (5), que l’on écrit aussi, avec les nota- téristique du dipôle se manifestent surtout sur le
tions (11) : courant dans ce dernier et sur le courant de capa-
cité.

-1 /a représente la pente de la droite de charge


dans le plan (v, y’).
La première inégalité est satisfaite si P ou P’ est
unique. Nous limitant à ce cas là dans cette étude,
nous pouvons envisager trois possibilités :

et supposons en outre la double condition (15)


vérifiée. On doit s’attendre à une caractéristique
dynamique limite définissant un régime oscillatoire
permanent (cycle limite).
b) Soit encore : oc 1, mais avec

On*doit atteindre le point P’, de fonctionnement


stable d’après le tableau I.
c) a > 1 ou (Cr2) /L > 1. La condition (4) du
point de fonctionnement unique détermine un
régime stable en P’, d’après le tableau II.
La figure 6 correspond au cas (a). Elle représente
une courbe intégrale partant de l’origine (condi-
tions initiales : v =
0, i’=
0) et le cycle limite
vers lequel elle tend. La droite de charge, de pente
-

(1 /a,) est en trait plein et la droite de pente a


-

passant par P’ en pointillé.

FIG. 8.

Les figures 9 et 10 correspondent aux deux cas


(b) et (c) précédents. Elles montrent comment en
partant des conditions initiales v 0 et i’
=
0, =

on aboutit au fonctionnement stable en P’ : dans


un cas suivant un régime oscillatoire amorti, dans
FIG. 6.’
l’autre sans oscillations.
Application à une caractéristique en S (fig. 4). -

Dans les figures 7 et 8, on trouve les variations On a noté précédemment que le fonctionnement
correspondantes de v (en Cl) et, des différents cou- en un point de l’arc à pente négative est toujours
rants i’, i1 et C(dv ¡dt) multipliés par V L IC instable.
(courbes Ç2, C3, C4). Le courant i’ dans la self- La figure 11 montre comment se présente la
inductance a une forme très proche de celle d’une construction d’éléments orientés des courbes inté-
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grales. Les deux tangentes en a et b à la caracté-


ristique yl( v) correspondant à un maximum ou un
minimum de v délimitent trois régions : I, II et III.
Dans les régions 1 et III, à chaque point M du plan
correspond un point K (fig. 5) unique, d’où l’on
déduit les éléments orientés figurés en Ml et Mg.
Dans la région II, pour un point M,, il existe trois
points K, tels que K2, K;, K 2, relatifs aux 3 arcs
de caractéristique 1, 2, 3 et déterminant trois élé-
ments de courbe intégrale numérotés pareillement.
L’élément 1 donné par K2 se déduit par continuité
d’un élément de la région 1 (en M1) et de même
l’élément 3 d’un élément de la région III (en Mg)
( fig. 22a et c).
Pour compléter ces résultats, il est bon aussi de
préciser ( fig. 11) les sens dans lesquels on peut
traverser la droite de charge et les trois arcs de la
caractéristique statique, d’après les relations (7)
FIG. 9. et (8). En particulier le point (v, y’) d’une courbe
intégrale ne peut couper l’arc Oa (arc 1) que dans
le sens des y’ croissants et l’arc 3 que vers les y’
décroissants.
Supposons qu’initialement i’ 0 et v 0. A la
= =

fermeture du circuit sur le générateur (fig. 2), on


commence à suivre l’arc OA de la caractéristique
i( v) -E- (v /R) ou Oa sur y1( v) ( fig.12). En outre, au
départ, d’après (7) et (8), dans le plan (v, y’), la
courbe intégrale débute tangentiellement à Oy’ et
a un parcours tel que Cl, toujours au-dessus de
l’arc Oa, aboutissant à un point tel que a,.
On peut aussi imaginer un arc aboutissant en a2
et toujours à gauche de la droite de charge, avec y’
croissant. Mais en aucun cas on ne peut re-
couper Oa, car la traversée de cet arc devrait se
faire avec une tangente verticale, dans le sens des y’
FIG. 10. croissants, comme on vient de le noter.

FIG. 11.
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Pour v supérieur à la tension en a, les éléments 1 uniquement une variation croissante de v, ce qui
veut dire que les arcs 1 et 2 de la caractéristique
et 2 de courbe intégrale cessent d’exister : Oa1 pour
( v, y’) correspond au parcours de Oa pour ( v, y,). statique ne peuvent être parcours par le point ( v, YI)
On peut faire ici une remarque importante : dans à partir de a vers 0 eu vers P’ ; après avoir décrit
la région II, au-dessus des arcs 1 et 2 de la caracté- Oa, on ne peut revenir vers 0 et le point P’ est
inaccessible par l’arc apl, exacterr ent comme dans
ristique y1(v) (KM > 0), cas de al ou a2 ( fcg. 11), l’oscillateur à relaxation sans self-inductance.
les éléments de courbe intégrale 1 et 2 déterminent

FIG. 12.

Donc, arrivé en a1, on ne peut utiliser qu’un


élément de type 3 de courbe intégrale, ce qui néces-
site une transition brusque de a en a’ dans le plan
de la caractéristique statique. Pour un point a,
situé au-dessous de l’arc 3, comme dans la figure 12,
v se met ensuite à décroître.
Il ne paraît pas impossible que l’ordonnée de a,
soit supérieure à celle de a’, avec une forme de
caractéristique et une pente de la droite de charge
convenables. Alors v croîtrait encore après la tran-
sition, le point (v, y1) irait au delà de a’ jusqu’à ce
que la courbe intégrale (v, y’) coupe l’arc 3 vers le
bas ; ensuite les éléments 3 ramèneraient le point
(v, y’) vers la région II. On aurait ainsi, un maxi-
mum de v supérieur à la valeur relative à a et a’.
Ce qui précède peut être répété à l’abscisse de b
et- b’ où l’on obtient une brusque transition de
l’arc a’b à l’arc b’a pour le point (v, yl) : P’ est
encore inaccessible du côté de ba’.
La figure 12 donne un exemple d’une courbe
intégrale qui aboutit finalement à un cycle limite
présentant deux points singuliers à deux tangentes.
On a indiqué le sens de parcours de ce cycle.
L’arc inférieur de la caractéristique dynamique
correspond à l’arc supérieur de la caractéristique
statique.
FIG. 13. -->
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Forme des oscillations pour la caractéristique en S. permet la transposition immédiate des résultats
-

L’intégration graphique conduit aux courbes précédents. La permutation des courants et ten-
de la figure 13. Les différences sont considérables
avec celles du cas de la caractéristique çn N ( fig. 7
et 8) : seul le courant dans la branche de self-
induction conserve une parenté étroite avec une
oscillation sinusoïdale. La tension, les courants
dans le dipôle et le condensateur manifestent par
leurs discontinuités les transitions aa’ et bb’.
Variante du montage en parallèle. La figure 14
-

représente un montage analogue à celui de la


figure 2.

Fic.15.

sions dans cette correspondance fait passer les


caractéristiques i(v) du type N au type S et inver-
sement. Les résultats sont alors les suivants :
1° Avec une caractéristique i( v) en N, il y a
toujours un fonctionnement instable en un point
de l’arc à pente négative et l’on obtient un régime
oscillatoire avec des transitions brusques ; la carac-
téristique dynamique i(v’) est du type de celle de
FIG. i4. la figure 12.
2° Avec une caractéristique i( v) en S, en un
Les équations-ont la forme suivante : point P, le régime oscillatoire n’a lieu que si :
-R r- p -LICR
endésignant encore
par p la résistance négative
-

au point de fonctionnement. La caractéristique

D’où : dynamique i’(v) ne présente aucune singularité.


L’oscillation
i(v) se fait suivant la caractéristique
statique.
On est donc conduit à introduire une « caracté- Conclusion. -

L’étude précédente impose une


distinction entre deux genres d’oscillateurs cons-
ristique composée » : titués avec des dipôles ayant les formes de caracté-
ristique indiquées et des circuits résonnants :
On utilise encore les relations de définition (11). 10 les oscillateurs à résistance négative, relevant
La relation (16) détermine la pente en chaque de la théorie de Van der Pol ; ils mettent en jeu
point de la courbe intégrale par : l’instabilité du fonctionnement en un point de l’arc
à pente négative ;
20 les oscillateurs de relaxation, caractérisés par
Cette fois ; la droite de charge est représentée par les transitions brusques (à tension ou courant
une droite passant par l’origine. constant), liées à l’inaccessibilité d’un point de
Dans le cas où le point de fonctionnement est fonctionnement. ,

unique, on obtient les deux types de caractéristique Une vérification expérimentale rapide sur une
dynamique des résultats précédents. diode à effet tunnel et sur un transistor à pointes,
présentant les deux formes de caractéristiques en N
3. Étude du montage série.
en La figure 15
--
et en S, justifie cette distinction. Des résultats
représente un montage de ce genre. La corres- détaillés seront publiés ultérieurement.
pondance par dualité avec le montage de la figure 2 Manuscrit reçu le 10 juillet 1962.
BIBLIOGRAPHIE

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