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Vulcanisation

La vulcanisation (ou curage)


est une opération chimique
consistant à incorporer un
agent vulcanisant (soufre, le
plus souvent) à un élastomère
brut pour former, après
cuisson, des ponts entre les
chaînes moléculaires. Cette
opération rend notamment le
matériau moins plastique mais
plus élastique. Son nom
provient du dieu romain
Vulcain.

Technique
La vulcanisation est un cas
particulier de réticulation.
Après polymérisation, en
présence d’un système de
vulcanisation et d'énergie
thermique, les macromolécules
linéaires de l'élastomère réactif
forment un réseau
tridimensionnel sans direction
privilégiée. Sous une contrainte
appropriée, ce réseau se
déforme. Il revient à l’état initial
(élasticité) quand la contrainte
est supprimée, grâce à la
présence des ponts (il s'en
forme très peu) assimilables à
des « ressorts ».

Un caoutchouc brut (cru,


thermoplastique, non
vulcanisé) flue au cours du
temps. Si l'on en fait une bille et
qu'on la pose sur un support
plan, elle va s'écouler (cette
expérience dure plusieurs
heures). Ainsi, au premier
abord, le caoutchouc peut
paraître élastique et d'ailleurs
la bille précédemment formée
rebondit très bien. Les forces
de van der Waals assurent une
cohésion suffisante pour
permettre une certaine
élasticité.

La représentation la plus
visuelle pour expliquer ce
phénomène est le plat de
spaghetti. Une chaîne
moléculaire peut être
comparée à un spaghetti. Si on
a un plat de spaghettis, on ne
peut pas saisir un seul
spaghetti, les forces de van der
Waals (forces de type
électrostatique), que l'on
retrouve au sein du polymère
en assurent la cohésion.
Toutefois, si l'on prend le temps
de tirer doucement sur un
spaghetti, on peut l'extraire.

Pour réduire le phénomène de


fluage, accroître la cohésion et
les propriétés mécaniques, on
peut introduire du soufre[Note 1],
associé à des activateurs et
accélérateurs. Ce système est
mélangé au caoutchouc, et la
cuisson apporte l'énergie
nécessaire à l'établissement
des liaisons chimiques entre le
soufre et les sites réactifs des
chaînes moléculaires. Cela
permet donc le pontage et ainsi
une cohésion durable du
caoutchouc. Le mécanisme de
vulcanisation avec le soufre est
complexe. Le dosage du soufre
est essentiel : trop de soufre et
le caoutchouc ne sera plus
élastique (trop de chaînes
polymères seront liées
ensemble, ce qui donne à la
limite de l'ébonite), pas assez
de soufre et la cohésion sera
insuffisante. L'introduction d'un
excès de soufre diminue, à
terme, l'effet des forces de van
der Waals[Note 2].

C'est le cœur de l'art et la


science de la fabrication des
pneumatiques, mais aussi de la
fabrication de la plupart des
becs de clarinette et
saxophone taillés dans
l'ébonite.

Histoire
Antécédents

En Mésoamérique, le
caoutchouc est utilisé depuis
environ trois millénaires. Dès la
civilisation olmèque, on
mélangeait à cet élastomère
différentes sèves et jus de
plantes grimpantes, en
particulier l'ipomée blanche,
qui contient un taux de soufre
important, pour en modifier la
structure moléculaire de
manière comparable à la
vulcanisation[1].
Invention

« Appareil pour vulcaniser le caoutchouc


par la vapeur sèche ».

Identifier l'inventeur du
processus de la vulcanisation
n'est pas facile. L'Américain
Charles Goodyear est
généralement crédité comme le
premier à avoir découvert le
concept de base en 1839 par
sérendipité. Il relate l'histoire de
sa découverte dans son
autobiographie Gum Elastica.

Charles Goodyear n'a jamais


bien cerné le processus. De
l'autre côté de l'Atlantique,
Thomas Hancock, un
scientifique et ingénieur
britannique qui s'est inspiré des
premiers échantillons de
Charles Goodyear, a mieux
compris le processus.

Brevets

Thomas Hancock est le


premier à avoir déposé un
brevet sur la vulcanisation du
caoutchouc le 21 mai 1844.
Trois semaines plus tard,
Charles Goodyear dépose un
brevet aux États-Unis.

En 1850, l'Américain Hiram


Hutchinson achète le brevet de
Charles Goodyear sur les
perfectionnements apportés à
la confection de bottes,
chaussures et souliers en latex.
Il démarre la fabrication à
Châlette-sur-Loing. La
Compagnie européenne de
caoutchouc souple produit à
grande échelle des chaussures
et des vêtements
imperméables. La marque À
l'Aigle est déposée en 1853[2].

La première marque à utiliser


cette technique en habillement
est Puma qui, dès 1960, s'en
sert dans l'élaboration des
chaussures de
sport. [réf. nécessaire]

Fabrication du
caoutchouc vulcanisé
L'élastomère est le composant
principal d’un mélange qui peut
comporter entre dix et vingt
ingrédients (un système de
vulcanisation au soufre peut
comprendre à lui seul une
dizaine d'ingrédients). Certains
sont indispensables pour
former les ponts (soufre,
peroxyde organique, etc.),
d’autres permettent d’en
accélérer le processus (éviter
les accélérateurs générant des
nitrosamines). D'autres
protègent (antioxydants,
ignifugeants, etc.), ramollissent
(huiles, graisses, acides
gras, etc.), font gonfler, colorent
(oxyde de zinc, lithopone, etc.)
ou encore parfument. Le
mélangeage[Note 3] des
ingrédients se fait par voie
sèche, c'est-à-dire sans aucun
solvant, par broyage
mécanique, ce qui génère un
échauffement des ingrédients
favorisant l'adsorption des
produits entre eux. Cet
échauffement est néfaste au
mélange, puisqu'il ne doit pas
vulcaniser tant que le produit
n'a pas été mis en forme[Note 4] ;
par conséquent les machines
utilisées (mélangeurs internes
de type « Banbury », ou
malaxeurs « à pales en Z »)
sont équipées d'un dispositif
de refroidissement, et le
contrôle de la température du
mélange durant le malaxage
est une caractéristique critique
de ce procédé.

Le mélangeage est
généralement un procédé
discontinu (mélangeur vide ;
chargement des ingrédients ;
mélangeage ; vidange du
mélangeur ; mélange suivant)
bien que des procédés
continus aient été développés
depuis les années 1990,
notamment pour des
polymères thermoplastiques
(vulcanisables ou non).

Le mélangeage par voie


humide (avec solvants non
chlorés) est spécifique à la
fabrication de dissolutions,
c'est-à-dire les colles à base de
caoutchouc (colle néoprène
par exemple).

Les charges telles le carbonate


de calcium ou la barite
améliorent son aspect. Le noir
de carbone augmente la
résistance à l'abrasion.

La vulcanisation dans un bain


de sel est un procédé courant
de vulcanisation en continu. Le
jonc extrudé traverse à une
vitesse bien déterminée une
ligne de vulcanisation portée à
haute température.

Vulcanisation du
polychloroprène

La vulcanisation du néoprène
(polychloroprène, sigle CR) se
fait à l'aide d'oxydes
métalliques (généralement
avec un système à base de
ZnO et de MgO ; parfois avec le
PbO) plutôt que des composés
sulfurés qui sont utilisés
couramment avec le
caoutchouc naturel et les
caoutchoucs synthétiques
insaturés. En outre, le choix
d’un accélérateur de
vulcanisation du
polychloroprène est régi par
des règles différentes de celles
des autres caoutchoucs
diéniques. On choisit en
général l'éthylène thiourée (en)
(ETU), un accélérateur
performant et éprouvé pour le
polychloroprène, mais classé
toxique pour la reproduction.
L'industrie du caoutchouc
européenne a donc lancé un
projet de recherche
SafeRubber[3] pour développer
une alternative plus sûre à
l'utilisation de l'ETU.

Exemples de
structure de
vulcanisats
Vulcanisation au soufre :
formation de ponts sulfure (en
bleu) entre les chaînes d'un
élastomère insaturé (en noir).
Vulcanisation au peroxyde :
formation de ponts C-C entre
les chaînes d'un
élastomère[Note 5].
Vulcanisation aux oxydes
métalliques : ponts éther
formés entre les chaînes d'un
élastomère halogéné.

Valorisation du
caoutchouc vulcanisé
On ne sait pas recycler le
caoutchouc vulcanisé. La
vulcanisation est une réaction
quasi-irréversible, c'est-à-dire
que le réseau tridimensionnel
créé par exemple par le soufre
ne peut être « démonté »
aisément par action chimique
ou thermique pour remodeler
une pièce en caoutchouc et lui
donner une autre forme. Cela
signifie qu'une fois vulcanisé,
un article en caoutchouc est
soit conforme et donc
utilisable, soit non conforme et
dans ce cas l'article est rebuté.
En fait, il est possible de
réutiliser la matière grâce au
circuit spécifique des sociétés
de recyclage dans lesquelles
les produits vulcanisés
subissent à la fois un
traitement chimique et
thermique très agressif (à
haute température), au cours
duquel le réseau
tridimensionnel est démantelé
(réversion ou
dépolymérisation).

Le déchet obtenu, appelé


caoutchouc régénéré (en
anglais : reclaim), possède des
caractéristiques physiques
moins performantes que le
produit d'origine, notamment
en raison du traitement subi ;
mais son réemploi à des taux
variables (moins de 10 % à plus
de 50 %) est possible pour
certaines fabrications,
générant une économie non
négligeable ; mais surtout
permettant un « recyclage »
d'un matériau très particulier
disponible en très grande
quantité sur l'ensemble de la
planète en raison de ses
multiples applications.

La chimie des polymères est


très diversifiée ; la chimie de
leur vulcanisation l'est
également (par exemple, le
soufre utilisé pour vulcaniser
de très nombreux caoutchoucs
et le noir de carbone sont
incompatibles avec les
caoutchoucs silicone,
empêchant leur vulcanisation).

Vulcanisation, santé
et environnement
Le processus industriel de
vulcanisation peut être source
de nuisance olfactive et parfois
de pollution de l'air[4].
Dévulcanisation
La procédure inverse est dite
dévulcanisation ; il est par
exemple possible de
« dévulcaniser » le caoutchouc
synthétique de pneus par
oxydation contrôlée[5] ou par
micro-ondes dans certaines
conditions[6],[7], ou — plus
lentement et en surface — par
une méthode biotechnologique
qui utilise les propriétés de
certaines bactéries (Archaea)
[8],[9] ; cette opération peut
toutefois libérer de nombreux
composés et additifs toxiques
qui étaient intégrés au
matériau du pneu lors de sa
fabrication.

Notes et références
Notes

1. Pour le cas de 70 à 80 % des


caoutchoucs, l'agent vulcanisant
est le soufre (concerne les
caoutchoucs insaturés). Pour
une minorité de caoutchoucs, on
utilise un peroxyde organique
avec un coagent (le peroxyde ne
rentre pas dans la composition
chimique des ponts), un oxyde
métallique (avec activateur et
accélérateur) (cas des
caoutchoucs halogénés), ou des
résines formo-phénoliques (cas
des caoutchoucs butyle et
EPDM).
2. Ces forces jouent un rôle
extrêmement important dans la
tenue de route d'un véhicule.
3. Bien que ce terme ne fasse
pas partie du langage courant, il
est couramment employé dans la
profession.
4. Pour cette raison, le système
de vulcanisation est en général
incorporé en fin de malaxage.
5. Ce type de vulcanisat possède
notamment une bonne tenue à la
chaleur, l'énergie des liaisons C-C
étant supérieure à celle des
liaisons C-S et S-S.

Références

1. (es) Patricia de la Peña


Sobarzo, « Detrás del juego de
pelota  » [PDF], in El Faro, bulletin
informatif de la coordination de
la recherche scientifique, Ciudad
Universitaria, juin 2006, no 63,
p. 11.
2. Aigle, « About us - History » ,
Aigle (consulté le
3 septembre 2013) : « 1850: USA
- Hiram Hutchinson, an
American, meets Charles
Goodyear who just invented the
vulcanization process for rubber.
Fascinated by this new discovery
and the resulting material,
Hutchinson buys the patent from
Goodyear to manufacture
footwear. et 1853: France -
Hutchinson establishes 'A l'Aigle'
in France ('To the Eagle' to honor
the bird that symbolizes
America) and starts
manufacturing rubber boots for
farming activities. ».
3. (en) « About Saferubber » , sur
www.perainternational.com.
4. Certin J.F., Pollution par les
fumées de vulcanisation dans
l'industrie du caoutchouc : une
enquête dans 14 entreprises,
Cahiers de notes documentaires,
no 154, p. 35-41, 1994, résumé .
5. Chanclou G., Rupture de
chaînes polymères par oxydation
contrôlée : application au
recyclage des déchets
élastomères, Doctoral
dissertation, 2000, Le Mans.
6. Isayev, A. I., Chen, J. et
Tukachinsky, A., Eine neue
Ultraschall-Technologie für die
Devulkanisation von Altgummi,
Gummi, Fasern, Kunststoffe,
1995, 48(8), 550-559.
7. Seghar, S., Dévulcanisation
des caouchoucs par micro-onde :
influence des liquides ioniques,
Doctoral dissertation, université
Mouloud Mammeri, 2015.
8. Sprott D.P., Devulcanization of
rubber crumb using sulfur
oxidizing Archaea, University of
Ottawa, Canada, 1999.
9. Guillamot F., Traitements
microbiens de poudrettes issues
de pneumatiques usagés,
Doctoral dissertation, Aix-
Marseille 3, 2010.

Voir aussi
Articles connexes

Élastomère
Éthylène-propylène
Ébonite
Viscosité Mooney
Pont disulfure

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