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la constitution et la
réorganisation de l'Algérie /
par un chef de bureau arabe
DE L'ALGERIE
PAR
CONSTANTINE PARIS
CHEZ. L. MARLE, LIBRAIRE CHEZ CHALLAMEL, LIBRAIRE
2, rue d'Aumale, 2. 30, rue des Boulangers, 30.
1871
AVERTISSEMENT.
(1) Bon nombre de caïds de grande famille ont résilié leurs fonctions
le jour où leur commandement passait en territoire civil ; ils sont en-
suite venus offrir leurs, services à l'autorité militaire qui les a acceptés
et s'en est bien trouvée. Beldia, Kabyles, Beni-Mzab, Israélites, peuvent
aimer nos institutions civiles, l'arabe de grande tente, celui qui en-
traîne les masses derrière lui, celui-là les craint et les déteste, car il
sait qu'elles seront la ruine de ses priviléges et de son influence.
8 —
—
(1) En bon français, les mots territoire militaire indiquent les ter-
rains possédés par l'État, et affectés à un service militaire, (emplace-
ments de camps, casernes, fortifications, gîtes d'étape, etc.), de même
que les mots administration militaire, impliquent l'idée d'administra-
tion des militaires.
CHAPITRE II.
—
être accepté par les indigènes eux-mêmes, comme un
progrès réel et non comme une nouveauté inquiétante.
Pour y arriver, il ne suffit pas d'insulter un passé que
l'on ne connaît pas, et de jeter en l'air de grands
mots sonores que l'on ne comprend pas ; il faut, au
contraire, étudier le passé, éviter de se payer de mots
vides de sens, et dans de simples questions d'affaires,
ne pas faire intervenir les passions politiques. Il faut
aller au fond de toutes les questions importantes, les
étudier, les discuter froidement, et ne procéder aux
réformes que lorsque, se basant sur des faits d'obser-
vation et sur l'expérience du passé, on est à peu près
certain de marcher à coup sûr et de réussir dans les
limites du possible. Car, si en Algérie, il est permis
jusqu'à un certain point de se montrer hardi en ce
qui concerne les questions purement gouvernemen-
tales, qui n'intéressent pas immédiatement les indigè-
nes, il n'en est pas de même dès qu'il s'agit de rema-
nier les institutions qui les régissent directement. Dans
l'intérêt même de nôtre domination en Algérie et de
notre mission civilisatrice, il nous faut largement
tenir compte des besoins et des aspirations du peuple
vaincu.
CHAPITRE III.
DE SON GOUVERNEMENT.
(1) Je sais bien que les députés algériens se feront un point d'hon-
neur de parler au nom de la civilisation, aussi bien qu'au nom de
leurs commettants, et qu'ils sauvegarderont le plus possible les intérêts
des indigènes. Je ne doute ni de leurs intentions, ni de leur bonne vo-
lonté, mais ils seront juges et partie dans leur propre cause, et cela
leur créera une position fausse, dont leurs adversaires politiques ne
manqueront pas de profiter, au détriment parfois des véritables intérêts
du pays. Ne peut-il pas arriver d'ailleurs, qu'au moment des élections,
une question de politique essentiellement française, n'exalte les colons
algériens et ne leur fasse nommer des hommes politiques, plutôt que
des hommes d'affaires. Nous venons d'en avoir un exemple frappant.
— 19 —
Il faut sur les lieux-mêmes, un pouvoir spécial qui
soit tout à la fois suffisamment éclairé sur les
questions d'ensemble, et en même temps, suffisam-
ment désintéressé de toute question de clocher, pour
pouvoir donner aux différentes populations algériennes
et aux différents services publics, la cohésion, l'impul-
sion et surtout l'unité qui leur manque et dont ils ont
tant besoin.
Il faut aussi qu'à un moment donné, ce pouvoir
représente la France vis-à-vis des indigènes et ait une
autorité et une force suffisantes pour faire face à
toutes les éventualités, et au besoin pour gouverner
le pays, que la rupture d'un câble ou une guerre ma-
ritime peut laisser isolé entre la mer, le désert,
et les populations hostiles du Maroc et de la Tunisie.
Est-ce à dire qu'il faille maintenir à Alger un gou-
verneur général dans des conditions analogues à celles
qui existaient il y a quelques mois? Évidemment,
non. Un gouverneur général implique pour l'Algérie
un gouvernement distinct de celui de la métropole,
c'est-à-dire un régime d'exception, et, quelque bon
qu'il soit, il n'arriverait jamais à produire cette assi-
milation politique et administrative, que nous devons
poursuivre par tous les moyens, parce qu'elle est la
sauvegarde des droits des colons, parce qu'elle seule,
TITRE Ier.
PRINCIPES GÉNÉRAUX.
TITRE II.
DU COMMISSAIRE GÉNÉRAL.
la gendarmgrie, nous verrons plus tard quel rôle important elle est
appelée à jouer en Algérie.
(11) La question du conseil consultatif sera étudiée dans un chapitre
spécial en raison de son importance. (Voir page 29).
(12) Les questions générales ont en Algérie une importance excep-
tionnelle, parce que d'ici longtemps, il y aura encore à créer, à inven-
ter, à organiser; elles ont de plus une portée politique qui peut influer
sur l'avenir du pays et sur sa tranquillité présente, en raison des inté-
rêts des indigènes que ces questions touchent plus ou moins directe-
ment. Aussi, le commissaire général est-il tenu au courant de tout ce
qui est d'intérêt public, et a-t-il la faculté de se faire renseigner sur
un point spécial. Ainsi, instruit des choses du pays, il est toujours à
même d'agir auprès du ministre compétent, pour appuyer ou rectifier
l'appréciation d'un chef de service qui aurait des idées trop absolues
ou en opposition avec les intérêts généraux du pays. En un mot, il est
mis à même d'exercer un contrôle efficace sur les affaires de l'Algérie,
et d'éclairer le ministre responsable. Le commissaire général a lui-
même sa responsabilité engagée par l'exécution des diverses mesures
générales, puisque c'est de leur ensemble que résulte la situation poli-
tique, morale et matérielle dont il est personnellement responsable de-
vant le pays. (Art. 9).
(13) Cet article donne au Commissaire général la facilité de parer à
— 28 —
sonnelle devant l'AssembléeNationale, le commissaire
général peut, le conseil consultatif entendu, prendre
et ordonner provisoirement les mesures qu'il croit in-
dispensables à la tranquillité et à la sécurité du pays.
Il en rend compte immédiatement à l'Assemblée et
aux ministres compétents.
14. Tout conflit, toute difficulté entre le commissaire
général et un ministre seront tranchés par l'Assemblée
Nationale.
DU CONSEIL CONSULTATIF.
TITRE III.
DU CONSEIL CONSULTATIF.
CHAPITRE PREMIER.
COMPOSENT
CITADINS ALGÉRIENS.
(1) Pour les indigènes, il n'existe pas. de kabyles, mais bien des
qbaïls ou chaouïas, occupant telle ou telle région, dénommée d'après
une montagne ou une rivière; ils disent les qbaïls du Djurjura, de
l'Aurès, du Djebel-Amour, etc. La dénomination de Kabylie est pure-
met française.
(2) Les chiffres donnés par M. le colonel Hanoteau, à la fin de sa
grammaire Timachek (Touareg), sont de 855,159. Ce savant officier,
5
— 52 —
c'est-à-dire un peu moins de la moitié de la popula-
tion kabyle.
Malgré son importance numérique et sa supériorité
intellectuelle, morale et politique, l'élément kabyle
s'est trouvé jusqu'ici officiellement absorbé et annihilé
en fait par l'élément arabe.
Cela tient à ce que les pays de plaines ayant été
les premiers conquis et les premiers soumis; nous
nous sommes de bonne heure habitués à ne voir au-
tour de nous que des populations arabes.
Aujourd'hui encore, bien que nous voyons beaucoup
de kabyles dans nos villes, nous n'avons que fort peu
de relations avec les pays kabyles ; les établissements,
français de quelque importance sont extrêmement
rares en pays de montagnes et se bornent à quelques
petits postes militaires ou administratifs, autour des-
quels les colons sont beaucoup trop rares. Les pays
les plus kabyles de l'Algérie sont restés en fait et offi-
ciellement placés en dehors de ces fameuses zones de
colonisation, «. où les européens peuvent librement
» développer leurs intérêts (1). »
Et cependant, si des pays se prêtent à l'activité in-
dustrielle et commerciale des colons, ce sont bien ceux
qu'habitent les qbaïls.
Le climat est tempéré et même froid, il est sain, ou
peut être facilement assaini en raison des pentes ; les
chûtes d'eau abondent et peuvent être utilisées comme
moteur, à bien moins de frais qu'en plaine, pour des
DES ARABES.
(1) Ces deux mots n'ont pas d'autre sens que le mot Noble. Le
Douadi, cependant, est d'une noblesse plus ancienne encore que
le Djouad, il descend des compagnons du Prophète. Beaucoup de ces
Djouadi ou Djouad ont par devers eux des arbres généalogiques qu'ils
montrent avec orgueil.
(2) Il y a une troisième, noblesse, la noblesse sacrée, représentée
par le Chérif, descendant du Prophète, dont l'importance est très-va-
riable, car il y a en Algérie des tribus entières de Cherfa (pluriel de
chérif), fort misérables et sans aucune importance politique. En réa-
lité, il n'y a en Algérie que les Douadi, Djouad et Marabouts qui soient
en possession du pouvoir permanent et traditionnel.
(3) Les noms se retrouvent les mêmes, Hakouma : haute et basse
— 62 —
Le plus souvent, maître d'un pays que ses ancêtres
ont conquis les armes à la main, le Djouad a pour
clients et sujets volontaires les descendants de ceux
qui ont coopéré à cette conquête. Son autorité, pour
n'être définie dans aucune charte, n'en est pas moins
immense. C'est lui qui conduit la tribu à la guerre,
qui règle ses alliances, ses amitiés, ses haines, il a
réellement la puissance souveraine, sans contrôle au-
cun ; les gens de la tribu sont ses sujets taillables et
corvéables à merci. « L'homme du peuple, dit le
» maréchal Bugeaud, a beaucoup à souffrir des
» injustices et des spoliations des Djouad, ceux-ci
» cherchent à faire oublier ces mauvais traitements et
» à maintenir leur influence en accordant généreuse-
» ment l'hospitalité et leur protection à ceux qui la
» réclament. Du reste, l'habitude qui fait endurer les
» plus grands maux, a fortement rivé la chaîne qui
» unit aux Djouad l'homme du peuple ; ces cheikhs,
» car c'est le nom que les arabes leur donnent, quels
» que soient leur âge et leur position, réunissent deux
» traits saillants du caractère national, l'avidité du
» gain et un certain amour du faste, bien qu'au pre-
» mier abord, ces deux penchants semblent oppo-
» ses (1). »
Quant aux nobles religieux ou Marabouts, s'ils sont
(1) La tribu en effet, prend sa dénomination, non pas d'un pays qui
varie chaque jour selon les nécessités de la vie nomade, mais bien du
nom de l'ancêtre commun : Ouled-Selem, enfants de Selem ; Beni-
Ahmed, fils de Ahmed, Les fractions et sous-tractions de la tribu,
portent des dénominations de même nature.
— 64 —
trons toujours devant nous cet être collectif qui a nom
la tribu et que personnifie le chef indigène qui la di-
rige et la commande.
Au point de vue politique, ces chefs indigènes ne
nous sont pas foncièrement hostiles ; du jour où ils ont
reconnu qu'il ne leur était pas possible de se former
en un parti assez puissant pour lutter contre nous avec
quelque succès, ils se sont résignés à la volonté de
Dieu, comme doit le faire tout bon musulman (1), et
ils sont venus se ranger sous la bannière de « celui à
» qui Dieu, dans sa sagesse, a donné la force et la
» puissance. » Tant que nous serons forts et puissants,
nous pourrons compter sur leur fidélité, fidélité qui
nous assure la soumission et l'obéissance des tribus
qu'ils traînent derrière eux.
Mais si le chef indigène est facilement notre allié,
notre ami même, il est essentiellement réfractaire à
tout progrès, à toute idée d'émancipation ; il hait nos
institutions démocratiques, et il en redoute l'applica-
tion, parce qu'il sait fort bien que ce sera la ruine de
ses privilèges, de son influence, et même dans de
certaines limites, de sa fortune, qu'il lui faudra créer
et maintenir par de tous autres moyens que ceux qu'il
emploie.
Aussi, tout en prêchant à ses gens la soumission au
chrétien, sous le joug duquel Dieu a placé les musul-
mans en expiation de leurs péchés, il les entretient
vis-à-vis de nous dans un état de défiance perpétuel ;
tout le bien que nous faisons aux arabes, le chef noble
cherche à le faire passer comme étant le résultat
(1) Musulman est l'altération française du mot Moselmin, pluriel de
Moslem, dont le sens normal et rigoureux est : « résigné à la volonté
» de Dieu. »
— Le fatalisme est dans les moeurs musulmanes, mais il
n'est pas dans le dogme qui admet et reconnaît le libre arbitre.
— 65 —
obtenu par son crédit et son influence, et toutes les
mesures répressives et vexatoires, et souvent même
ses exactions les plus monstrueuses, il les donne
comme provenant du fait du chrétien, parfois même,
il fait adroitement comprendre à ses fidèles sujets, que
s'ils avaient été plus généreux vis-à-vis de leur chef
naturel, il aurait certainement eu assez d'influence
pour leur éviter ces vexations.
Tel est en résumé l'état écoeurant de cette société
arabe, qui se gangrène de plus en plus, sous le poids
d'un despotisme d'autant plus terrible, qu'il semble
parfaitement légitime et naturel aux opprimés aussi
bien qu'aux oppresseurs.
Pendant longtemps, le gouvernement français pré-
occupé surtout d'assurer la soumission des arabes, n'a
guère agi sur eux que par l'intermédiaire des chefs
indigènes ; trop faible alors pour se substituer direc-
ment aux seigneurs de la tente, la France les a mis à
son service, c'était là un expédient politique, rationnel
et extrêmement commode et économique ; mais
c'était un expédient et un triste expédient, dont l'em-
ploi au-delà du temps strictement nécessaire, n'était
guère digne de la haute mission civilisatrice que la
France s'est donnée en Algérie.
Les bureaux arabes l'avaient senti, et plus d'une
fois, les officiers, froissés de voir sous leurs yeux une
situation aussi triste et aussi navrante, ont essayé de
modifier cet état de choses; mais leurs efforts sont de-
meurés stériles, parce qu'ils n'ont jamais été soutenus
par l'autorité supérieure. Dès qu'on voulait toucher à
un chef indigène, on dérangeait l'équilibré du système
en vigueur, on créait des difficultés, et l'on se faisait
mal venir du gouvernement général, qui s'empressait
de vous désavouer. La complaisance du gouvernement
— 66 —
vis-à-vis des grands chefs indigènes dévoués à la
France ou se disant tels, a été poussée si loin, que
bon nombre d'officiers des plus méritants et des plus
capables ont été sacrifiés à des chefs arabes dont ils
avaient signalé les intrigues, ou dont ils avaient cher-
ché à empêcher les exactions journalières.
LIVRE II
ASSIMILATION ADMINISTRATIVE.
CHAPITRE PREMIER.
(1) Voir le décret du 1er mars 1854, lettre II, chapitre II, section III.
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administrateur des parties de l'arrondissement fton
organisé en communes françaises, l'officier de gen-
darmerie, déjà chargé par la loi d'assurer la sécurité
publique, le maintien de l'ordre et l'exécution des
des lois, cette innovation, disons-nous, offrirait plu-
sieurs avantages :
1° Aux yeux des indigènes, le bureau arabe existe-
rait toujours, et c'est là une institution qui, en dépit
des attaques dont elle est l'objet de la part des cita-
dins algériens, a sur lés populations indigènes une
influence morale, incontestable et effective.
2° L'oificier de gendarmerie dont le métier est d'as-
surer l'ordre et la paix et dont l'avancement dépend
en partie des appréciations données sur son compte
par les préfets, aurait un intérêt immédiat à éviter
tout conflit dont l'effet serait de le faire passer pour
maladroit ou incapable. Il serait ainsi à l'abri de cette
absurde calomnie, qui consiste à dire que les officiers
des affaires arabes enveniment volontiers les questions
politiques pour amener des insurrections et être à
même d'avoir des faits de guerre profitables à leur
avancement.
3° L'officier administrateur serait, en cas d'actes
coupables commis dans l'exercice de ses fonctions de
police judiciaire ou administrative, passible des tribu-
naux de droit commun (4).
4° L'officier administrateur conservant dans les par-
ties de l'arrondissement successivement détachées de
son administration pour rentrer dans celle d'une mu-
nicipalité régulière, les fonctions et le pouvoir que la
loi confère en France aux officiers de gendarmerie,
serait en mesure de prêter aux maires, vis-à-vis des
(1) Même dans le Sahara où les berbères des oasis sont complète-
ment noyés au milieu de l'élément arabe et entièrement mélangés avec
lui, si un homme interrogé sur son pays, répond par un nom ethnique,
c'est qu'il est de race ou de moeurs berbères; s'il vous répond par le
nom d'un des seigneurs du Sahara, c'est que vous avez affaire à un
arabe pur sang. A Biskra, si vous entendez quelqu'un se dire biskri,
c'est un sédentaire ou un berbère ; s'il se dit Khedim bit ben Ganah
(ou serviteur de la famille des ben Ganah), ou bien, Khedim si Ali
Bey (serviteur de Si Ali Bey), c'est un arabe ou un nomade.
(2) Chaque fois aussi que l'autorité supérieure ne lui a pas imposé
— 76 —
excellents, et l'influence française ne tarde pas à dé-
trôner celle du chef arabe.
Aujourd'hui, l'expérience est faite, continuer à im-
poser des caïds arabes aux populations kabyles, c'est
à la fois compromettre la tranquillité du pays et rendre
notre autorité antipathique.
Il est plus pratique et plus facile de se passer de
cet intermédiaire gênant et de surveiller, de mainte-
nir et de diriger les populations kabyles avec les
djemâa choisies par les habitants eux-mêmes et pré-
sidées par un chef nommé à l'élection. La seule pré-
caution à prendre est d'avoir le plus de monde pos-
sible dans ces djemâa et de toujours traiter les affaires
sur place, en public et par-devant le plus d'auditeurs
que l'on peut réunir.
Nous avons le bonheur de trouver plus ou moins
bien constituée, selon le pays, une organisation com-
munale qui est à la fois politique et administrative ; il
nous faut respecter cette organisation plus que nous
l'avons fait jusqu'ici, il nous faut l'encourager, la per-
fectionner avec discrétion et éviter tout ce qui peut y
porter atteinte.
Comme conclusion de ce qui a été expérimenté en
pays kabyle, comme conclusion aussi de ce que nous
savons aujourd'hui sur les moeurs des qbaïls (1), nous
sommes amenés à résumer en quelques lignes, les
principaux moyens d'administration politique qu'il est
sage d'employer vis-à-vis d'eux :
1° Suppression (progressive et au fur et à mesure
ORGANISATION COMMUNALE.
»
»
Bouguira 161 » 13 » 174 12.820
La Slidia 90 2 394 486 »
243 2 336
Aïn-el
Enchir-Saïd
Gastu
....... 73
126
42
18
335
477
29
22
»
»
406
625
»
5.640
4 585
Chriffres pris dans l'Annuaire de l'Algérie. — Les chiffres non portés manquent.
91 —
—
vie communale. Pour cela, il nous faut d'abord dire
quelques mots de ce qui existe, et nous verrons
ensuite si partant de ce qui a déjà été fait, il ne serait
pas possible de faire plus et mieux.
L'arrêté du 20 mai 1868 en créant les communes
mixtes pour les agglomérations urbaines, a réparti
tout le reste du territoire algérien en communes sub-
divisionnaires. Aux termes de l'arrêté précité, la com-
mune subdivisionnaire se compose de tous les douars
constitués et de toutes les tribus dans lesquelles l'élé-
ment européen est disséminé et réparti dans des éta-
blissements isolés (1). Elle occupe comme superficie
tout le territoire de la subdivision, sauf les terrains
des communes de plein exercice (territoire civil), et
ceux des communes mixtes (territoire militaire) ; elle
a pour centre administratif le chef-lieu de la subdivi-
sion et pour administrateur, le général commandant
la subdivision assisté d'un conseil composé des com-
mandants des divers cercles, du sous-intendant mili-
taire, des commandants du génie, du chef du bureau
arabe subdivisionnaire et enfin de notables indigènes
nommés pour trois ans par le gouverneur-général.
Les recettes de la commune subdivisionnaire sont
constituées principalement par les centimes addition-
nels à l'impôt arabe (2), les parts d'amendes, les droits
des marchés (sauf ceux des douars constitués) et enfin
les loyers et fermages des immeubles communaux.
(1) Le texte officiel porte : « dans lesquels l'élément européen n'a pas
encore pris d'importance, » ce qui est une mauvaise rédaction. Les 3 ou
400 colons dispersés de Djidjeli à Tébessa, sur la commune subdivi-
sionnaire de Constantine, constituent certes un élément européen im-
portant, quoique fort disséminé.
(2) 18 pour 100 sur chacun des divers impôts (Lezma, Hokor et
Achour, Zekkat).
— 92 —
La commune subdivisionnaire gère, en outre, les
finances des douars-communes qui forment des par-
ties distinctes dont les délibérations sont soumises à
l'approbation du général commandant la province.
En lisant en détail le règlement sur l'organisation
des communes subdivisionnaires, on est douloureuse-
ment frappé du silence absolu qui est gardé en ce qui
concerne les européens ; les colons isolés résident
bien sur le territoire de la commune subdivisionnaire,
mais ils n'en font pas partie, car ils ne sont pas même
représentés dans cette commission municipale où les
indigènes ont pour défendre leurs intérêts des membres
indigènes ayant voix délibérative.
En fait, cette organisation qui n'offre aucun avantage
réel, présente les inconvénients suivants :
1° La commune subdivisionnaire est d'une immen-
sité incroyable, et elle a à s'occuper d'intérêts com-
muns à des indigènes et à des européens résidant à
plus de 250-kilomètres du siège du conseil, dans des
pays dont les neuf-dixièmes des membres du conseil
ignorent la nature, le climat, les moeurs, les tendances,
les besoins et parfois jusqu'au nom même du lieu
désigné (1).
2° Des membres font 50 ou 60 lieues pour venir
voter sur des affaires dont ils n'ont pas la moindre
idée et sur lesquelles ils ne peuvent avoir que des
explications très-superficielles ; ce sont des assistants
et non des conseillers.
3° Le conseil subdivisionnaire n'admet aucun membre
ayant un semblant d'indépendance et pouvant tenir
et méfiante.
CHAPITRE V.
TITRE Ier.
DISPOSITIONS GÉNÉRALES.
TITRE II.
DES CONSEILS GÉNÉRAUX.
TITRE III.
DES ARRONDISSEMENTS.
TITRE IV.
DES MUNICIPES OU COMMUNES ORDINAIRES.
TITRE V.
DU DISTRICT.
SECTION 1re.
— De l'administration supérieure du district.
20. Le district comprend tous les territoires de
17. Moins l'éducation politique d'un peuple est avancée, plus il faut
prendre de précautions en lui confiant une arme aussi puissante que le
suffrage universel ; aussi, croyons-nous que la question d'âge doit être
reculée chez les indigènes. Ce n'est d'ailleurs qu'à 25 ans environ
— 103 —
l'arrondissement non encore érigés en communes de
plein exercice.
21. La haute administration et la direction politique
du district appartiennent au préfet, qui, pour les
besoins locaux, délègue totalité ou partie de ses pou-
voirs à l'officier commandant la gendarmerie de l'ar-
rondissement.
Cet officier prend alors le titre d'administrateur
délégué.
22. Ces délégations sont plus ou moins étendues et
variables selon les districts.
23. En ce qui concerne ses fonctions d'administra-
teur délégué, l'officier de gendarmerie relève du
préfet, avec lequel il correspond directement et sans
intermédiaire.
24. Il est, quant à ses fonctions politiques et admi-
nistratives, soumis à la même responsabilité que les
autres fonctionnaires de la République.
SECTION 1re.
— Organisation du conseil communal.
34. Chaque district forme une commune mixte.
35. La commune mixte est administrée par un
conseil communal présidé par l'administrateur délégué
qui fait fonctions de maire.
36. Il est suppléé en cas d'absence par l'officier de
gendarmerie commandant en second.
37. Le conseil communal se compose :
1° De cinq fonctionnaires membres de droit.
2° De cinq conseillers français nommés directement
au scrutin de liste par les électeurs du district.
3° De cinq conseillers indigènes élus au scrutin de
liste par les djemâa du district.
38. Le conseil communal peut s'adjoindre un
conseiller étranger lorsqu'il y a dans le district plus de
dix étrangers inscrits sur les rôles de la commune.
39. Nul ne peut être membre d'un conseil commu-
nal, s'il n'est pas inscrit sur les rôles de la commune
TITRE VI.
FORMATION DES COMMUNES DE PLEIN EXERCICE (1).
ASSIMILATION JUDICIAIRE.
CHAPITRE PREMIER.
(1) Cette haine des kabyles contre le droit musulman, appliqué par
des cadhis arabes, a une vigueur et une énergie dont on n'a pas d'idée.
Étant en pays habyle, quand j'avais réglé quelque petite affaire soumise
— 124 —
en pays de montagnes a eu pour but de protéger les
droits de la femme contre les coutumes kabyles qui
les déshéritent d'une façon absolue. Mais le remède a
été pire que le mal ; cette prétendue justice que les
cadhis arabes rendent en notre nom, les kabyles nous
la reprochent tous les jours, et elle n'est en réalité
qu'un ferment de discorde et une cause de désordres.
Quant au sort des femmes, il ne s'est pas amélioré ;
les moeurs ont été plus fortes que les décisions juri-
diques de magistrats antipathiques.
Est-ce à dire que la justice des djemâa, telle qu'elle
est organisée dans un petit nombre de tribus du
Djurjura, soit quelque chose de parfait ? Certainement
non, et dans la pratique, elle offre même bien des
inconvénients. Le plus grave est que les jugements
rendus sont le plus souvent sans appel possible et
comme les djemâa en pays kabyles sont des assem-
blées politiques autant qu'administratives, les mino-
rités sont souvent sacrifiées, et le succès du procès,
est variable selon le soff (1) des plaideurs.
(1) Le cadhi-notaire fait tous les actes que l'on veut, et aussi tous
les actes qu'il veut. Ses deux adouls (assesseurs), témoins instrumen-
taires, lui suffisent pour qu'un acte fait pour ou contre des illettrés,
soit valable et authentique (même devant la justice française). Plus
tard, le cadhi-juge vise dans ses considérants les actes qu'il a établis
comme notaire, les déclare parfaits et prononce un jugement inatta-
quable en droit. Le cadhi est encore huissier, et fait exécuter ses ju-
gements plus ou moins vite, plus ou moins rigoureusement; c'est en-
core là une énorme source d'abus. J'ai vu des jugements restés inexé-
cutés pendant des mois entiers. A la fois notaire, juge et huissier dans
la même affaire, quel est l'homme qui ne faiblirait pas sous un tel
fardeau.
CHAPITRE V.
TITRE Ier.
DISPOSITIONS GÉNÉRALES.
1. La justice en Algérie, ne peut être rendue que
par des magistrats français et dans les formes prévues
par les lois.
2. Les cadhis et les djemâa continueront à con-
naître des affaires civiles entre musulmans, mais sim-
plement comme arbitres reconnus, et non plus comme
juges.
TITRE II.
ORGANISATION. — PERSONNEL.
SECTION 1re.
— Des juges d'arrondissement.
3. Dans chaque arrondissement (de gendarmerie),
— 136 —
où n'existera pas de tribunal de première instance, il
y aura un juge de paix qui prendra le nom de juge
d'arrondissement, et dont la compétence et les attri-
butions seront réglées par la présente loi.
4. Nul ne pourra être juge d'arrondissement, s'il ne
sait parler et déchiffrer l'arabe, et s'il n'est licencié
en droit. Il devra en outre remplir une des deux
conditions suivantes : 1° Avoir été pendant deux ans
au moins juge titulaire d'un tribunal de première
instance, ou substitut du procurenr de la République.
2° Avoir été pendant quatre ans, juge suppléant, juge
de paix ou attaché au parquet d'une cour d'appel.
5. Les juges d'arrondissement auront le rang et la
position de vice-présidents de tribunal. Ils font partie
intégrante du personnel du tribunal de première
instance le plus voisin.
6. Ils ne toucheront aucune indemnité pour les dé-
placements faits dans l'arrondissement, mais ils seront
montés à titre gratuit, et toucheront en argent ou en
nature la nourriture de deux chevaux ou mulets (1).
(1) Une bête de selle, une bête de bât, afin que le juge ne soit ja •
mais forcé d'accepter la diffa, qu'on viendra toujours lui offrir dans
ses tournées.
(2) Un pour le service de la résidence et du bureau, et un pour
l'écurie et le service des tournées.
— 137 —
8. A défaut d'huissier titulaire dans l'arrondisse-
ment, les fonctions en seront remplies par un briga-
dier de gendarmerie.
9. Les greffiers des justices d'arrondissement
peuvent, à défaut de titulaires, remplir les fonctions
de commissaire-priseur et celles de notaire.
Ces dernières fonctions ne seront exercées que
dans de certaines limites et pour les actes compris
dans la nomenclature annexée à la présente loi (1).
10. Il y a dans chaque greffe, une chambre spé-
ciale où sont classées les archives et minutes des
actes notariés.
Ces archives sont destinées à être remises au titu-
laire de l'office qui viendrait à être créé dans l'arron-
dissement.
TITRE III.
ADMINISTRATION DE LA JUSTICE.
SECTION 2.
— Juridiction criminelle et compétence.
21. En matière criminelle ou correctionnelle, le'
juge d'arrondissement ne peut appliquer que la loi pé-
nale française.
22. Il ne peut prononcer que des peines correction-
nelles.
23. En matière correctionnelle, le juge d'arrondis-
TITRE IV.
DES ARBITRES INDIGÈNES ET DE LEURS DÉCISIONS
ARBITRALES.
ET OCCUPATION MILITAIRE.
CHAPITRE PREMIER.
GENDARMERIE ALGÉRIENNE.
11
CHAPITRE II.
lre PARTIE.
ASSIMILATION POLITIQUE DE L'ALGÉRIE EN CE QUI
CONCERNE SES RAPPORTS AVEC LA FRANCE.
Pages.
GHAP. Ier.— Urgence d'établir l'unité de territoire et
l'unité d'administration 3
CHAP. II. — De l'établissement des institutions civiles,
opportunité et possibilité 11
CHAP. III. — Assimilation politique de l'Algérie. —
Constitution de son gouvernement 17
CHAP. IV. — Du conseil consultatif 29
2e PARTIE.
ORGANISATION INTÉRIEURE DE L'ALGÉRIE.
LIVRE 1er.
EXPOSÉ DE LA SITUATION MORALE ET POLITIQUE DES
DIVERSES POPULATIONS ALGÉRIENNES,
CHAP. Ier.
— Définition et classification des éléments
dont se composent les diverses popula-
tions algériennes 39
CHAP. II.
— Citadins algériens 43
— 160 —
Pages.
CHAP. III. — Colons isolés et colons ruraux 45
CHAP. IV. —Des qbaïls ou kabyles 51
CHAP. V. — Des arabes.. 57
LIVRE II.
ASSIMILATION ADMINISTRATIVE.
LIVRE III.
ASSIMILATION JUDICIAIRE.
CHAP. Ier.
— Gendarmerie algérienne, son rôle et son