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Erwing Goffman
2.1. La personne
Exemples :
Il peut parfois être préférable de taire ses désaccords. Ou encore, en face
des autres, nous leur cachons souvent les efforts que nous avons dû
accomplir antérieurement pour leur proposer une situation lisse, mais
fragile. "L'impression de réalité donnée par une représentation est une
chose délicate, fragile, qui peut voler en éclat au moindre accident". En
tant qu'êtres humains, nous sommes probablement des créatures dont les
démarches varient selon l'humeur et l'énergie du moment. Au contraire,
en tant que personnages représentés devant un public, nous devons
échapper à ces fluctuations. Sphère idéale = cacher à l'autre ces efforts
de manière à ce qu'il ne voit que les résultats. Nous construisons par là
une sorte de "sphère idéale" en taisant nos fluctuations. Nous sauvons
l'effort que nous faisons mais pas l'autre. Nous ne voyons que
l'aboutissement chez lui. Il s'agit d'une manière de camoufler à l'autre nos
difficultés en même temps qu'une manière de respecter son temps. C'est
également une manière de faire en sorte que l'autre pense qu'on est
quelqu'un de professionnel.
2.2. L'équipe
Les représentations ont aussi une fonction de rêve. Les coulisses ne sont
pas visités et souvent leur accès est réglementé. "Cette lucidité sur soi-
même et sur ces illusions sur le compte des autres constituent l'un des
moteurs importants de la mobilité sociale et aussi l'une des raisons
essentielles pour lesquelles cette mobilité est décevante, qu'il s'agisse de
mobilité ascendante, descendante ou latérale". La mobilité sociale n'est
pas l'accès à un univers qui va être plus facile, mais à un univers tout
aussi difficile, tout aussi exigeant pour ses membres. On peut apprendre
des formulations, des attitudes différentes (des manières de parler, un
choix de termes, perdre un accent, acquérir un geste de politesse) et
peut-être ces détails feront-ils une énorme différence. Mais on n'aura pas
besoin de réapprendre le renoncement à l'expression de soi, l'acceptation
de la plaisanterie, l'attention aux signes extérieurs manifestés par autrui...
"C'est ici que l'on passe du plan de la communication à celui de la
signification morale des comportements. Les impressions données par les
autres sont considérés habituellement comme autant de promesses
implicites formulées et qui à leur tour prennent un caractère moral". Chez
Goffman, les rites ne sont pas seulement des comportements extérieurs
figés, mais aussi une précaution nécessaire. Ils ne sont pas avant tout
accomplis pour eux-mêmes, mais sont la réponse à une attention portée
et une analyse de la situation concrète. Ils ne sont pas le fait de certaines
catégories de populations, mais de toutes.