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Scriptorium

Le prologue Hucusque et la table des Capitula du supplément


d'Alcuin au sacramentaire grégorien
Robert Amiet

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Amiet Robert. Le prologue Hucusque et la table des Capitula du supplément d'Alcuin au sacramentaire grégorien. In:
Scriptorium, Tome 7 n°2, 1953. pp. 177-209 ;

doi : https://doi.org/10.3406/scrip.1953.2739

https://www.persee.fr/doc/scrip_0036-9772_1953_num_7_2_2739

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LE PROLOGUE HUCUSQUE ET LA TABLE DES CAPITULA
DU SUPPLÉMENT D'ALCUIN AU SACRAMENTAIRE GRÉGORIEN

Peu de temps après sa première visite à Rome, en 781, déjà hanté


par le problème qui fut la ligne de force de toute sa vie et qui explique les
moindres détails de son activité impériale, — à savoir l'unification du vaste
empire que lui léguait son père Pépin le Bref, — Charlemagne demanda
au Souverain Pontife Hadrien Ier un exemplaire du sacramentaire alors en
usage dans l'Église romaine. Les fondements religieux et chrétiens de la
société carolingienne, telle qu'elle sortait de l'époque obscure et troublée
des rois de la première race, sont incontestables. Les évêques mérovingiens
avaient un peu partout, sans qu'ils le désirassent eux-mêmes spécialement,
mais simplement sous la poussée des événements politiques, pris dans
de cas figure de défenseurs, voire de restaurateurs des cités dont ils
étaient les pasteurs, et c'est là un fait que le jeune roi des Francs, dans sa
lucide clairvoyance, appréciait à sa haute valeur. Il est incontestable, en
effet, qu'à cette lointaine époque, et pour de longs siècles encore, la Religion
était un des leviers de l'État. Au milieu du XIe s., la querelle des investitures
montrera douloureusement à Grégoire VII la profondeur de cette vérité
essentielle, mais, trois siècles plus tôt, la question ne se posait nullement
sous un aspect aussi aigu, et c'est le plus naturellement du monde que
Charles, en montant sur le trône et en prenant en main les rênes du
songea à tirer parti de cette situation favorable. Unifier un empire,
ce n'était certes pas une mince affaire ! Aussi bien, parmi les divers moyens
qui se présentaient à lui pour réaliser cet audacieux projet, l'un d'entre eux
consistait à décider et à faire exécuter par voie d'autorité l'unification
liturgique. L'identité dans les formes de la prière est certainement une
cause de resserrement des liens d'une communauté, et peut-être le monarque
avait-il devant les yeux le canon 15me du Concile de Vannes (465) : Intra
provinciam nostram sacrorum ordo et psallendi una sit consuetudo... ne variata
observatione devotio nostra discrepare credatur (1).
Dans des pages magistrales, consacrées à ce sujet, Mgr M. Andrieu
a démontré que le souverain n'avait guère à redouter, ce faisant, une réaction
quelconque, si mince soit-elle, de la liturgie gallicane, alors en pleine
(2). Et c'est dans le même esprit que le regretté chanoine Leroquais
écrivait : « Esprit judicieux et clairvoyant, l'empereur avait compris que
la source de cette unité se trouvait à Rome et non ailleurs. Aussi, lorsqu'il
veut mettre son projet à exécution, c'est au pape qu'il s'adresse; c'est au pape

(1) Mansi : Conciliorum, t. 7, col. 955.


(2) Andrieu (Michel) : Les Ordines Romani du haut moyen âge, t. II, Louvain 1948, p. XVII-
XXXI.
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Mss.
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qu'il demande de lui envoyer les livres liturgiques romains, et, en particulier
le sacramentaire » (3). La lettre de Charles à Hadrien est malheureusement
perdue, mais nous possédons encore, par une bonne fortune, la réponse
du pape, qui se place entre 784 et 791. Le pontife annonce au prince qu'il
accède à ses désirs et qu'il lui adresse, par l'intermédiaire du moine Jean,
abbé du monastère de Ravenne, un exemplaire du recueil euchologique
composé par son prédécesseur, le bienheureux Grégoire, dont le nom figure
d'ailleurs en tête du manuscrit (4). Le sacramentaire grégorien, depuis
longtemps connu en Gaule, mais introduit à présent de façon officielle,
devient désormais sacramentaire d'État.
Reçu avec tous les honneurs dûs à son rang, le nouveau livre
fut aussitôt précieusement déposé dans la bibliothèque du palais impérial
d'Aix-la-Chapelle, et, sans retard, on commença à en exécuter des copies
fidèles qui allaient être envoyées aux quatre coins du vaste empire. Nous
avons l'heureux privilège d'en posséder encore aujourd'hui quelques
dont le plus ancien et le plus pur d'entre eux est le codex 164 de
Cambrai, bien connu des liturgistes (5). Cependant les choses n'étaient pas
aussi simples qu'elles avaient pu paraître au premier abord. L'examen
attentif du sacramentaire hadrianique avait permis très rapidement de se
rendre compte qu'il était notoirement incomplet. « Son trait le plus marquant,
qui fait aussi son étrangeté, consiste dans l'absence des séries dominicales
régulières, à savoir les périodes introduites par les solennités de Noël, de
l'Epiphanie, de Pâques, de l'Ascension et surtout de la Pentecôte » (6).
En clair, trente-sept dimanches sur les cinquante-deux que compte l'année
liturgique ne possédaient, dans le nouveau recueil, ni messes, ni formules
d'aucune sorte. Ce n'est pas ici le lieu de nous demander le pourquoi d'une
telle anomalie. Quelles qu'en aient été les causes, le fait brutal était là,
et il importait évidemment d'y remédier au plus tôt, sous peine de diffuser
un recueil inutilisable les deux tiers de l'année.

Le dépouillement et l'analyse méthodique des plus anciens manuscrits


du sacramentaire grégorien qui ont échappé aux injures du temps et des
hommes montre, avec une certitude qui est aujourd'hui pour nous une
évidence, que dès les premières années du IXe s., le document hadrianique
avait été muni d'un important supplément. Cette adjonction considérable,
jointe à quelques remaniements du texte même du sacramentaire, trahit
une main et un esprit à la fois logique et compréhensif. Le document addi-

(3) Leroquais (Victor) : Les sacramentaires et les missels manuscrits des Bibliothèques publiques
de France, t. I, Paris 1924, p. XV.
(4) PL 98, 436.
(5) Cet important manuscrit a servi de base aux deux éditeurs de l'Hadrianum : H. A. Wilson
(voir note 12 ci-dessous), et Hans Lietzmann : Das Sacramentarium gregorianum nach dem
Aachener Urexemplar, dans Liturgie geschichtliche Quellen, t. III (1921).
(6) Wilmart (Dom André) : Le lectionnaire d'Alcuin. Tiré à part des Ephemerides liturgicae,
Roma 1937, p. 169.
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LE PROLOGUE « HUCUSQUE » ET LA TABLE DES » CAPITULA »

tionnel dont nous parlons s'ouvre par un long prologue, commençant par
les mots aujourd'hui bien connus : Hucusque praecedens sacramentorum
libellus, dont la prose allègre ne manque pas de piquant. L'auteur — qui
ne nous dit pas son nom, — nous y apprend de façon bonhomme qu'ayant
lu attentivement le sacramentaire du bienheureux pape Grégoire, il l'a trouvé
rempli d'erreurs dues aux copistes et fourmillant de graphies malencontreuses,
bref corrompu par la faute des scribes. « Aussi bien, écrit-il, nous nous sommes
efforcés, selon nos moyens et pour l'utilité de tous, de l'amender artistement.
Il existe par ailleurs, ajoute-t-il, d'autres prières dont se sert nécessairement
la Sainte-Église, qui avaient déjà été publiées par d'autres et que ce pape
a omises; nous avons jugé utile de les recueillir et de les rassembler, telles
des fleurs printanières des champs, les corrigeant, les amendant, les faisant
précéder de leurs titres et les plaçant hors du corps du sacramentaire, afin
que l'habileté du lecteur trouve dans ce travail tout ce que nous avons jugé
nécessaire à notre temps. Par discrétion, nous avons placé cette petite
préface (praefatiuncula) au milieu de l'ouvrage afin qu'elle en marque la
fin de la première partie et le début de la seconde; ainsi quiconque pourra
distinguer très facilement ce qui appartient au bienheureux Grégoire et
ce qui provient d'autres auteurs. Si donc, conclut-il, il plaît à quelqu'un
d'accueillir tout ce que nous avons amassé sans prétention ni pédantisme,
mais au contraire avec un sérieux labeur et un pieux amour, nous le prions
de ne pas être sans reconnaissance pour notre travail et de rendre grâces
avec nous au Dispensateur de tous les biens ». Telle est la substance du
prologue Hucusque, de cette praefetiuncula désormais célèbre, que les érudits,
depuis Edmund Bishop, regardent comme l'un des documents liturgiques
les plus importants que nous ait légué l'époque carolingienne. Ajoutons,
pour être complet, que le reviseur, par un scrupule qui l'honore, crut devoir
supprimer du titre du sacramentaire ainsi complété la clausule ex authentico
libro bibliothecae cubiculi scriptus, et cette omission est très précieuse,
puisqu'elle permet d'apprécier d'un simple coup d'œil n'importe quel
et d'en reconnaître immédiatement l'archétype.
Pour se rendre compte de l'importance de l'addition qui était ainsi
proposée par notre compilateur, il suffit de tourner la page : Incipiunt capitula
praefati libelli, lit-on en belle demi-onciale dans les manuscrits. Suit alors,
formant cent-quarante et quelques têtes de chapitres, une table donnant
l'énumération d'une série considérable de formules dont voici le résumé :
texte de YExultet pour la bénédiction du cierge pascal, oraison pour les leçons
gélasiennes des vigiles de Pâques et de Pentecôte, prières diverses pour les
catéchumènes, formulaires des messes pour les trente-sept dimanches laissés
pour compte dans YHadrianum, messes du commun des Saints et pour les
jours de férié, oraisons spéciales pour la dédicace des églises, série de messes
votives, messes in agenda mortuorum, et enfin bénédiction pour certaines
circonstances. Un nombre imposant de feuillets succède à cette table,
produisant in extenso et point par point la matière liturgique annoncée,

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puis, après une courte clausule (Haec studiose), succède une abondante
moisson de préfaces, auxquelles, pour clore le supplément, fait suite une
série non moins riche de bénédictions épiscopales, rite extrêmement
emprunté à l'ancienne liturgie des Gaules. On le voit par cette simple
et sèche enumeration, le livre liturgique d'Hadrien avait été complété
— et amplius — de main de maître, puisque sa matière en avait pratiquement
doublé.
Bernold de Constance, prêtre de ce diocèse ayant revêtu la bure
bénédictine au monastère de Saint-Biaise, en Forêt-Noire, et mort en
1100 à Schafîhouse, a été, au dire de Dom Baiimer, « le meilleur liturgiste
de son époque, et même de tout le moyen âge » (7). Au chapitre LX de
son œuvre capitale, le Micrologue, parlant du célèbre moine que
avait eu la sagesse éclairée de s'attacher, Alcuin, il écrit ce qui suit :
« Le même Alcuin a fait un autre ouvrage qui n'est point à dédaigner pour
notre Sainte-Église; on assure, en effet, qu'il a recueilli dans le sacramentaire
les prières du bienheureux Grégoire, auxquelles il en a ajouté de nouvelles,
mais en petite quantité, et qu'il a eu soin de désigner par des obèles; puis,
à ces prières, il en a réuni d'autres qui, sans venir du bienheureux Grégoire,
étaient nécessaires pour la célébration des offices divins. C'est ce qu'atteste
le prologue qu'il a lui-même placé au milieu de son recueil, immédiatement
après les prières grégoriennes » (8). Bernold écrivait ces lignes à la fin du
pontificat de Grégoire VII (f 1085), c'est-à-dire un peu moins de trois cents
ans après la mort de l'auteur auquel il attribue expressément la praefatiuncula
et le supplément qui lui fait suite, et ceci serait de nature à affaiblir son
témoignage, si, par bonheur, il ne se trouvait que nous sommes en mesure
de combler de façon très satisfaisante cet inquiétant intervalle de temps.
Sous l'abbatiat du célèbre Hélisachar, qui avait succédé en 822 à Héric
à la tête de l'abbaye de Saint-Riquier, en Picardie, on eut l'idée de constituer
un catalogue des livres contenus dans la bibliothèque du monastère; cet
inventaire nous a été transmis par Hariulf dans son célèbre Chronicon
Centulense. Dressé en 831, « il jette une vive lumière, écrit Dom Wilmart,
sur la littérature liturgique qu'un demi-siècle d'effort avait pu rassembler
dans un grand centre monastique pour la bonne exécution du culte : c'est
vraisemblement au début de cette période, et au zèle de l'abbé Angilbert
(793-814), qu'il faut attribuer ces développements mémorables » (9). Or,
parmi les trente-cinq ouvrages énumérés, destinés au service de l'autel,
il en est un, présentant pour nous un intérêt considérable, qui est ainsi
désigné : Missalis gregorianus et gelasianus modernis temporibus ab Albino

(7) Baumer (Dom Suitbert) : Histoire du bréviaire. Traduction française de Dom Reginald
Biron, t. II, Paris 1905, p. 104.
(8) Varin (M.) : Des altérations de la liturgie grégorienne en France avant le XIIIe siècle, dans :
Mémoires présentés par divers savants à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Ire série :
Sujets divers d'érudition, t. II, Paris 1852, p. 622.
(9) Wilmart, op. cit., p. 147.
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LE PROLOGUE « HUCUSQUE » ET LA TABLE DES « CAPITULA »

ordinatus. Cette simple mention, qui n'avait dans l'esprit de son rédacteur
que le but de distinguer le missel en question des missels uniquement
grégoriens d'une part et des missels uniquement gélasiens d'autre part,
comble nos vœux et répond d'un seul coup aux deux questions capitales
suivantes : quel est l'auteur de la praefatiuncula et du supplément qui la
suit? à quelles sources cet auteur a-t-il puisé? Nous n'avons pas à compléter
ici cette démonstration, aujourd'hui faite et bien faite. Il n'est
aucun esprit sérieux, pensons-nous, qui mette en doute la paternité
d'Alcuin sur le supplément du sacramentaire grégorien. « L'édition
conclut Dom Cabrol, fut certainement ordonnée, comme celle
de la revision du lectionnaire, par Charlemagne, dont on sent partout à cette
époque, notamment dans le domaine littéraire, la main puissante. Et c'est
à son conseiller le plus écouté, Alcuin, que revient l'honneur d'avoir donné
aux Églises carolingiennes leur missel » (10).

« II semble, écrit finement l'abbé E. Bourque, qu'un méchant hasard


se soit acharné à rendre obscure la question du sacramentaire grégorien.
De bien peu d'œuvres on a tant écrit et discuté en prenant comme
et purs des textes corrompus et sans valeur critique. Les premiers
éditeurs du XVIe s., Pamèle et Rocca, avaient basé leurs éditions sur des
manuscrits tardifs, postérieurs au Xe s. et déjà fortement marqués de
rétroactive gélasienne. Au siècle suivant, Ménard pensa utiliser le
sacramentaire de Rodrade, mais il le rejta, parce qu'il ne contenait pas les
messes après l'Epiphanie, Pâques et Pentecôte, et ce fut le sacramentaire
de S. Éloi (Xe s.) qu'il prit pour base de son édition. Tommasi allait enfin
donner une nouvelle et sans doute excellente édition, basée probablement
sur les manuscrits Regin. 337 et Ottob. 313 du Vatican, mais la mort vint
interrompre son travail à peine esquissé. Au XVIIIe s., Gerbert ne s'écarta
guère de ses devanciers en se rabattant sur un manuscrit, inédit sans doute,
mais non antérieur au XIe s. et de même genre. Seul Muratori, reprenant
l'idée de Tommasi, aurait enfin donné une édition acceptable, basée sur
les mêmes manuscrits que ce dernier, lorsqu'une malencontreuse erreur de
mise en page, inobservée pendant près de deux siècles, vint produire au
profit du supplément un hiatus dans le corps même du sacramentaire.
Le travail était à reprendre à pied d'œuvre. Il fallait partir d'une base
solide, historiquement inattaquable, et procéder ensuite de là par voie de
comparaison et de déduction » (11). Lorsque E. Bishop eut fait connaître
en 1903 qu'il existait des exemplaires du sacramentaire d'Hadrien qui
paraissaient avoir été copiées directement — ou presque — sur le prototype
envoyé de Rome, l'édition tant souhaitée devenait désormais possible, et

(10) Dictionnaire d'Archéologie chrétienne et de Liturgie, I, 1086.


(11) Bourque (Emmanuel) : Études sur les sacramentaires romains, t. 1, Les textes primitifs,
Roma 1949, p. 313-315 (Studi di antichità cristiana, t. XX).
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c'est ce que se mit en devoir de réaliser un eminent érudit, auquel la science


liturgique doit énormément, H. A. Wilson. Prenant comme base de son
édition les trois manuscrits : Camerac. 164, Vat. Regin. lat. 337 et Vat. Ottob.
lat. 313, désignés par Bishop comme présentant les meilleures garanties
d'ancienneté, il publia en 1915 le grégorien d'Hadrien, suivi de la praefetiun-
cula, de la table des capitula et du texte du supplément d'Alcuin (12).
Les choses étant ainsi, et laissant de côté le sacramentaire grégorien
proprement dit, peut-on penser qu'à la suite de cet important travail, les
historiens et les liturgistes soient en possession d'une édition du Supplément
alcuinien qui répond aux besoins et à la rigueur de la critique moderne?
Il faut malheureusement répondre négativement à une semblable question,
et les raisons que nous allons exposer apporteront une preuve peremptoire
à l'affirmation que nous venons de formuler.
A la suite de la table des Capitula, qu'il publie d'après la recension
du manuscrit R (= Regin. 337) Wilson écrit en note la réflexion suivante :
Proximo folio cod. 0 (= Ottob. 313) sequitur : Incipiunt capitula praefati
libelli. Tabula capitulorum plerumque concordat cum ea quam damus e cod.
R. Notandum est quod in hac tabula rasuras complures et correctiones exhibet
R. tam in numeris quam in ipsis capitulis, partim manu prima, partim a
correctoribus factas. Has, quantum ad numéros attinent, praetermisimus :
capitula tantum et verba rescripta uncinis inclusimus (13). C'est là dire très
clairement que les deux tables des Capitula, celle du Regin. 337 et celle de
YOttob. 313, ne sont pas identiques et présentent entre elles des variantes
et des divergences de textes : c'est de plus avouer que les dites variantes
n'avaient aux yeux de l'éditeur aucun intérêt, puisqu'il visait seulement
à une édition critique du sacramentaire et non du supplément. La question
n'a pas évidemment en soi une importance capitale, mais elle peut cependant
mettre dans l'embarras quelqu'un qui, pour une raison particulière, voudrait
connaître avec une rigoureuse exactitude le nombre et la teneur précise
des articles dont Alcuin a voulu doter le Grégorien déficient.
L'examen attentif et l'analyse des deux manuscrits susvisés
d'expliquer les divergences constatées par Wilson, car ces deux
documents, apparemment semblables, procèdent en réalité de deux
différents. Nous n'avons pas à épiloguer longuement ici sur le Cod.
Ottob. 313, car nous verrons plus loin que ce manuscrit représente la plus
ancienne copie du sacramentaire d'Hadrien révisé et supplémenté par Alcuin :
très normalement son titre ne comporte pas la clausule ex authentico, et,
quant au prologue Hucusque, il est parfaitement en place, séparant
la partie grégorienne de la partie additionnelle. Il en va tout autrement
du Cod. Regin. 337, qui pose un petit problème. En effet, on se trouve en

Bradshaw
(12) Wilson Society,
(H. A.)t. : XLIX).
The Gregorian
Nous neSacramentary
parlons pasunder
ici deCharles
l'édition
the de
Great,
Lietzmann
London 1915
(voir (Henry
note 5
ci-dessus), puisqu'elle ne concerne que le Sacramentaire, à l'exclusion du Supplément.
(13) Wilson, op. cit., p. 150, note.
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LE PROLOGUE « HUCUSQUE » ET LA TABLE DES « CAPITULA »

présence d'un manuscrit hybride, non pas quant aux folios qui le composent
ou aux mains qui l'ont transcrit, mais quant aux textes qu'il contient. Le
sacramentaire s'ouvre par le titre comportant la clausule ex authentico, et
l'identité absolue de son texte avec celui du Camerac. 164 — identité déjà
notée par Bishop, mais sans en tirer de conclusion, — prouve avec évidence
qu'il procède directement de l'archétype d'Aix-la-Chapelle, et qu'il est
absolument indépendant de la révision d'Alcuin. Cependant, chose notable,
au lieu de se terminer, comme le manuscrit de Cambrai, avec les dernières
prières de YHadrianum, il présente à leur suite, sans solution de continuité,
la table des Capitula d'Alcuin — omettant totalement la praefatiuncula, —
suivie des textes du supplément, des préfaces et des bénédictions, ces deux
dernières en nombre différent du Cod. Ottob. 313. Qu'est-ce à dire, sinon que
ce manuscrit, comme l'écrit si justement Mgr Andrieu, « appartient à un type
bâtard? Il provient d'un ancêtre copié sur YHadrianum original et analogue
à l'exemplaire d'Hildoard (= Camerac. 164); plus tard seulement, on a
voulu rendre l'ouvrage plus complet et on y a adjoint des pièces additionnelles
prises dans un des sacramentaires de l'édition alcuinienne » (14). La clarté
de cette démonstration, qui ne laisse rien à désirer du point de vue de la
critique, met en pleine lumière la cause des divergences que nous signalions
plus haut, et on peut regretter que Wilson, en publiant la table des Capitula,
ait cru devoir choisir le texte du Regin. 337 au lieu de s'en tenir à celui de
YOttob. 313, lequel, a priori et à coup sûr, est plus proche de l'original alcui-
nien, et donc plus pur.
Pour résumer en quelques mots le résultat auquel est arrivée notre
analyse, nous dirons que l'édition du supplément alcuinien au sacramentaire
grégorien, telle que la donne Wilson, ne peut en aucun cas être considérée
comme définitive. D'une part, en effet, cet auteur donne le texte du
Hucusque, — ainsi du reste que le petit prologue Haec studiose qui
introduit les préfaces, — uniquement d'après YOttob. 313, notant lui-même
certaines erreurs évidentes du texte et suggérant les corrections à apporter
sans se préoccuper des autres témoins qui apporteraient les lumières
d'autre part, il donne la table des Capitula non d'après ce premier
manuscrit, mais d'après un document postérieur, certainement interpolé
et altéré, ainsi qu'il le constate lui-même (15). Une édition critique de la
praefatiuncula et de la table des capitula était donc souhaitable, pour
de préciser avec exactitude l'apport d'Alcuin dans la réforme
carolingienne, et c'est précisément parce que nous avons eu besoin

(14) Andrieu (Michel) : A propos de quelques sacramentaires récemment édités, dans Revue des
Sciences religieuses, II (1922), p. 193.
(15) II convient d'ajouter que, pris de scrupules devant les divergences notables des formulaires
du Supplément, contenus respectivement dans les codd. Ottob. 313 et Regin. 337, concernant
les préfaces et les bénédictions épiscopales, Wilson n'a pas voulu, — ou n'a pas osé, —
choisir entre les deux recensions, et, ad cautelam, il les a publiées toutes les deux, l'une après
l'autre, ce qui, bien entendu, augmente encore l'embarras du lecteur, qui ne sait quel parti
prendre.

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du texte critique de l'une et l'autre que nous avons été amené à en rechercher
la teneur primitive. Le lecteur trouvera dans les lignes qui suivent le résultat
de notre enquête.

Les manuscrits qui nous ont conservé la disposition originelle de


la recension alcuinienne : Hadrianum+Hucusque+table des capitula -\- textes
liturgiques du supplément, sont très peu nombreux. Très vite, en effet,
pour des raisons évidentes de commodité d'emploi, la praefatiuncula et la
table des capitula disparurent des sacramentaires, et le contenu du supplément
fut amalgamé plus ou moins heureusement au texte grégorien pour constituer
ce qu'Ebner a très justement appelé les Grégoriens fusionnés. Au cours d'une
remarquable étude sur cette évolution des sacramentaires, cet auteur a
dressé la liste des manuscrits représentant ce qu'il appelle das hadrianische
Gregorianum mit regulàrem Supplement (16), c'est-à-dire précisément les
documents présentant la disposition alcuinienne originelle que nous venons
de rappeler et que, pour simplifier, il propose d'appeler « Sacramentaires
Hucusque ». La liste donnée par cet érudit comprend treize manuscrits,
dont plusieurs d'entre eux ne lui sont connus, déclare-t-il, que grâce aux
renseignements qui lui ont été fournis par E. Bishop. Après examen de
chacun de ces documents à la lumière des publications plus récentes et
de nos connaissances actuelles plus complètes sur ces questions, nous avons
dû reconnaître que trois d'entre eux n'entraient point dans la catégorie des
« Sacramentaires Hucusque ». Les deux premiers sont en effet purement
et simplement des témoins de la lignée authentique, dérivés plus ou moins
directement de l'archétype d'Aix-la-Chapelle et indépendants de la révision
alcuinienne (17). Quant au troisième, c'est le cod. Regin. lat. 337, dont nous
venons de dire qu'il ne se rattache au groupe des « Sacramentaires Hucusque »
que par sa seconde partie, qui constitue un supplément alcuinien aberrant.
C'est à ce titre, du reste, qu'il figurera comme dernier témoin de la liste
que nous allons dresser.
En définitive, les « Sacramentaires Hucusque » parvenus jusqu'à nous
ne sont donc qu'au nombre de dix seulement. C'est peu si l'on considère
le nombre de copies qui ont dû être exécutées pour répandre le nouveau
culte officiel dans l'empire : c'est beaucoup, au contraire, si l'on considère
le nombre relativement très restreint de manuscrits liturgiques de cette
époque qui, bravant onze siècles, ornent encore aujourd'hui nos bibliothèques.
Le lecteur sera d'autant moins surpris que nous nous attardions quelques
instants à en fournir un peu minutieusement l'état civil, que nous avons
tenu — sauf en ce qui concerne le numéro 10 — à voir par nous-mêmes les
manuscrits. Nous les classerons très simplement par ordre chronologique.

(16) Ebner (Adalbert) : Quellen und Forschungen zur Geschichte und Kunstgeschichte des Missale
Romanum im Mittelalter, Freiburg-in-B., 1896, p. 388-394.
(17) II s'agit du manuscrit 164 de Cambrai et du cod. 137 de la Bibliothèque du Chapitre de
Cologne.
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LE PROLOGUE « HUCUSQUE » ET LA TABLE DES « CAPITULA »

1 — Rome, Bibl. Vaticane, cod. Ottob. lat. 313.


Ce précieux sacramentaire est le premier et le plus ancien témoin
des « Sacramentaires Hucusque ». Ce volume de 217 feuillets est dans un
état relativement mauvais de conservation, qui est dû en grande partie
à la très défectueuse qualité du parchemin sur lequel il a été transcrit. En
de nombreux endroits, l'encre a fait tache ou a corrodé la peau, ce qui
donne à ce codex un aspect déplaisant. Il s'ouvre par la transcription du
Martyrologe de Bède (fï. 1-6), auquel succède le texte de YHadrianum de
la recension alcuinienne (fï. 7-102), muni de son titre simplifié : In nomine
Domini incipit liber sacramentorum de circulo anni a sancto Gregorio papa
romano editus qualiter missa romana celebratur. Suit le texte de la praefatiun-
cula (fï. 102v-104v) et de la table des capitula (fï. 105r-107v), puis, sur quatre
feuillets demeurés on ne sait pourquoi en blanc, sont inscrits les 1.047 noms
d'un très intéressant nécrologe (fï. 108-111). Commence alors le texte du
supplément d'Alcuin (fï. 112r-166v), à la fin duquel, après la petite clausule
Haec studiose (f. 167r) viennent les préfaces (fï. 167r-203r) et enfin les
bénédictions épiscopales (fï. 203r-213r), suivies de quelques prières ajoutées
au Xe s. (fï. 213r-217v). Détail notable : Yantiphonale missarum sl été écrit
dans les marges par une main à peu près contemporaine de la rédaction
du manuscrit. Ce volume a été certainement très tôt en usage dans l'Église
de Paris, car, outre de nombreux noms de chanoines parisiens qui ornent
le nécrologe dont nous venons de parler (nomina canonicorum parisiacensium),
on y trouve l'obit de l'empereur Lothaire (f 855) et celui de l'évêque Inchadus
(f 831), son successeur, Ercanradus (f 857) étant mentionné au Memento
des vivants. Ces indications permettent donc de localiser parfaitement notre
document, et de le dater, avec une très bonne approximation, de la première
moitié du IXe s. Ce codex est l'un des trois qui ont servi de base aux éditions
du sacramentaire grégorien de Wilson et de Lietzmann (18).

2 — Autun, Bibl. Municipale, ms. 19.


Les 200 folios de ce splendide manuscrit, aussi remarquable par le
texte que par la décoration, sont d'une conservation quasi parfaite. Après
le formulaire des ordinations (fï. 2-5), vient le texte du Sacramentaire
Grégorien révisé par Alcuin, dont il est une très fidèle copie (fï. 5V-91V).
Puis, sans aucune solution de continuité, suivent la praefatiuncula (fï. 92r-
94'), la table des capitula (fï. 94V-97V) et les textes du Supplément (fï. 98M41r),

des Inscriptions
(18) Delisle (Leopold)
et Belles-Lettres,
: Mémoiret. sur
XXXII,
d'anciens
lre partie,
sacramentaires,
Paris 1886,
dansp. : 149-150.
Mémoires—de Ebner,
l'Académie
op.
cit., p. 231-234. — Ehrensberger (Hugo) : Libri liturgici bibliothecae apostolicae Vaticanae
manuscripti, Friburgi Brisgoviae 1897, p. 393-396. — Bannister (Henry Mariott) : Monumenti
vaticani di Paleografia musicale latina, t. I, Lipsiae 1913, p. 1 de l'appendice. Il y a lieu de noter
que Delisle a pris le soin de relever intégralement tous les noms du nécrologe dont nous avons
parlé et en a publié la liste (op. cit., p. 372-388). Par ailleurs, ce manuscrit renferme le plus
ancien texte noté de VExultet pascal.

185
ROBERT AMIET

auxquels succèdent, après la clausule Haec studiose (f. 141V), le recueil des
221 préfaces et des 52 bénédictions épiscopales, identiques aux précédentes
(ff. 141V-183V). Sur les derniers feuillets ont été transcrites de nombreuses
messes gélasiennes (fï. 183v-200v), qui ont été empruntées à n'en pas douter
à un Gélasien du VIIIe s., et qui constituent un supplément sui generis
au sacramentaire alcuinien. Cet insigne monument de l'art graphique
a été transcrit à Tours, ainsi que le démontrent la calligraphie si
spéciale, les peintures et les miniatures illustrant les initiales, et la décoration
à entrelacs. Au f. 173V, une splendide peinture à pleine page représente
l'abbé Raganaldus bénissant ses moines : il s'agit de Rainaud, abbé de
Saint-Martin de Marmoutier, vers 845, pour lequel monastère le manuscrit
a été exécuté. Au reste, les religieux ne durent pas jouir très longtemps de
leur trésor, puisqu'en 853, l'abbaye fut saccagée et détruite de fond en
comble par les Normands. Par quel miracle notre codex échappa-t-il à la
ruine? On ne peut faire à ce sujet aucune conjecture plausible. Ce qu'il y a
de sûr, c'est qu'il trouva un jour asile dans le trésor de la cathédrale d'Autun,
comme en fait foi l'addition faite au XIe s. (f. 64) des oraisons de la Messe
des SS. Nazaire et Celse, patrons de cette église (19).

3 — Paris, Bibl. Nationale, ms. lat. 12.050.


Nous avons vu il y a un instant que Dom Hugues Ménard, voulant
donner une édition nouvelle du Sacramentaire Grégorien, avait pensé
prendre ce codex pour base de son travail, mais qu'il l'avait finalement
écarté à cause de l'absence des fameux dimanches après l'Epiphanie et
après la Pentecôte. Il l'a cependant utilisé comparativement dans les
notes dont il a enrichi son édition, dans lesquelles il le désigne sous
le nom de Codex Rodradi. Ce manuscrit de 248 feuillets contient lui aussi
l'édition alcuinienne du Grégorien, mais le texte en est déjà moins parfait
que celui des documents précédents. Après diverses pièces additionnelles,
dont un très intéressant antiphonale missarum (ff. 1-19), on trouve le
grégorien avec quelques insignifiantes variantes (ff. 19v-102r), puis
la praefatiuncula (ff. 192r-103v), la table des capitula (ff. 103v-105r) et les
textes du Supplément alcuinien (ff. 106v-153v). De même que dans les deux
témoins précédents vient alors la petite clausule Haec studiose (ff. 153V),
qui introduit les préfaces gélasiennes et les bénédictions épiscopales (ff. 154r-
200v). Le reste du sacramentaire comporte des pièces disparates : ordinations
(s'arrêtant au sous-diacre), messes votives et complément au sanctoral
(ff. 201r-248v). Par ailleurs, il résulte de deux notes inscrites aux ff. 18V
et 19r, que ce manuscrit a été transcrit par un prêtre nommé Rodrade,
qui avait été ordonné prêtre par Hilmerade, évêque d'Amiens, le 4 mars 853.
L'origine picarde du manuscrit, qui date donc de la seconde moitié du IXe s.,

(19) Leroquais, op. cit., p. 14-16.


186
LE PROLOGUE « HUCUSQUE » ET LA TABLE DES « CAPITULA »

est confirmée par la présence, aux fï. 243-246, d'une série de prières que
l'on retrouve intégralement, à quelques infimes variantes près, au f. 16
d'un sacramentaire d'Amiens (Paris, B. N., ms. lat. 9432) qui lui est
contemporain. Ce codex présente une intéressante particularité. Au
f. 102, à l'endroit où est transcrite la praefatiuncula d'Alcuin, on lit une
intéressante note marginale, due à une main du XVIIe s. : Albinus Alcuinus
auctor est hujusce moniti, ac sequentium praefationum et orationum collector,
ut testatur Micrologus in cap. 60 eccles. observationum his verbis : Fecit tamen
idem Albinus in sancta Ecclesia non contemendum (!), nam gregorianas
in libris sacramentorum collegisse asseritur, paucis aliis adjectis, quas
tamen sub obelo notandas esse indicavit. Deinde alias orationes sive praefationes,
etsi non gregorianas, ecclesiastica tamen celebritati idoneas colligit, sicut prolo-
gus testatur, quas post orationes gregorianas in medio ejusdem libri collocavit.
L! antiphonale missarum de ce manuscrit a été publié par Dom Hesbert,
sous le nom d'antiphonaire de Corbie (20).

4 — Le Mans, Bibl. Municipale, ms. 77.


Ce beau manuscrit, de 204 folios, est malheureusement mutilé de la
fin. Très atteint par l'humidité, il a fait l'objet, en 1950, d'une admirable
restauration dans les ateliers de la Bibliothèque Nationale de Paris. Bien
que n'ayant pas la notorité des trois premiers, il est cependant un excellent
témoin des « Sacramentaires Hucusque ». Après le formulaire habituel des
ordinations (fï. 3-6), il comporte mot pour mot le texte de Y Hadrianum
révisé par Alcuin (ff. 6v-104v), puis la praefatiuncula (fï. 105r-106v), la table
des capitula (fï. 106v-108v) et les textes du Supplément (fï. 109r-169r). Le
codex se termine par le recueil des préfaces, non précédées ici de
clausule Haec studiose, qui renferme les 186 premières préfaces de
YOttob. 313. La fin du manuscrit est perdue; elle devait contenir la suite
des préfaces et les bénédictions épiscopales. La calligraphie et la décoration
du sacramentaire indique la deuxième moitié du IXe s. : il a par ailleurs
très vraisemblablement été transcrit pour l'usage de la cathédrale Saint-
Julien du Mans. Sa présence ininterrompue dans le trésor de cette église
est déjà, en effet, un indice de son origine, indice qui est confirmé par
faite au Xe s., d'un feuillet adventice (f. 25), contenant la messe de
S. Julien (21).

5 — Paris, Bibl. Sainte-Geneviève, ms. 111.


Ce « Sacramentaire Hucusque » est un médiocre témoin de cette
famille de documents. Sans doute, ses 186 feuillets contiennent-ils le schéma
général des manuscrits précédents, mais, en l'examinant avec tant soit peu

Bruxelles
(20) Leroquais,
1935. op. cit., p. 25-28. — Hesbert (Dom R. J.) : Antiphonale missarum sextuplex,
(21) Leroquais, op. cit., p. 30-32.
187
ROBERT AMIET

d'attention, on remarque immédiatement qu'une partie notable du


a déjà été amalgamée avec le corps du Sacramentaire Grégorien. Il
rentre donc en quelque sorte dans la catégorie des Grégoriens fusionnés,
dont il est un des premiers représentants. Le codex s'ouvre par un calendrier
(ff. 1-8), suivi d'un très important antiphonale missarum, dont la plupart
des offertoires comportent plusieurs versets (ff. 9-22). Après quelques
disparates (prières diverses, litanies, quelques messes et bénédictions :
ff. 23-32) commence YHadrianum « alcuinien » déjà assez fortement interpolé
(ff. 33r-95v). Suit alors un Supplément déficient, dont la matière n'excède
pas le quart du Supplément normal. La praefatiuncula, tronquée, s'arrête
aux mots quave sint ab aliis édita patribus (f. 96r); la table des capitula
(f. 96V) comporte 46 articles seulement : les articles V à XLI de la table
complète, un dimanche non spécifié, les articles XLII à XLVI, et enfin
trois articles nouveaux : alia missa, in vigilia unius apostoli martyris sive
confessons, in natale eorundem; les textes qui suivent sont ceux des 44 premiers
numéros ainsi définis (ff. 97r-102v). Les formulaires qui font suite à ce
atrophié ont certainement été empruntés en majorité à la partie laissée
pour compte du Supplément normal : Commun des Saints, très nombreuses
messes votives, bénédictions diverses, etc. (ff. 102v-144v) : enfin, pour terminer,
après la clausule Haec studiose dont le texte est très altéré (f. 145r), 215
et 52 bénédictions épiscopales achèvent l'ouvrage (ff. 145r-183v).
Signalons que les ff. 171-175 sont rapportés et totalement étrangers au
sacramentaire, tandis que le f. 184, déplacé par le relieur, doit se situer
entre les ff. 170 et 171. A la fin du calendrier, une précieuse notice nous livre
la date de la transcription et le nom du personnage pour qui elle a été faite :
77 id. decembris régnante Karlomanno rege anno II fuerunt XI anni ordi-
nationis Hadeberti episcopi indictione IIII. Nous sommes donc en présence
d'un sacramentaire transcrit pour Hadebert, évêque de Senlis (871-av. 900),
et la date indiquée correspond au 12 décembre 882. Il semble par ailleurs
que ce manuscrit ait été écrit à Saint-Denis. Outre, en effet, que le calendrier
mentionne un grand nombre de saints parisiens (Ste Geneviève, S. Germain,
S. Cloud, S. Séverin, S. Merry), il réserve une place spéciale au saint
protecteur de l'abbaye : vigile et fête (8-9 octobre), invention (22 avril),
et surtout dédicace de sa basilique par le pape Etienne (28 juillet). L'
missarum de notre codex a été publié par Dom Hesbert sous le nom
d'antiphonaire de Senlis (22).

6 — Paris, Bibl. Nationale, ms. lat. 2812.


Malgré les mutilations qu'il a subies au début et à la fin, ce manuscrit,
nonobstant son caractère relativement tardif, est une des meilleures copies
du Sacramentaire Grégorien supplémenté par Alcuin que nous possédions.

(22) Leroquais, op. cit., p. 32-35, qui indique par erreur la date de 880. — Hesbert, op. cit.,
p. XXIII.
188
LE PROLOGUE « HUCUSQUE » ET LA TABLE DES « CAPITULA »

Dans les 151 folios qui le constituent, la matière liturgique se répartit ainsi
qu'il suit. Tout d'abord quelques feuillets additionnels contiennent, entre
autres choses, une très intéressante liste des évêques d'Arles (fî. 1-8); vient
ensuite le Sacramentaire Grégorien révisé par Alcuin, qui reproduit mot
pour mot le texte du cod. Ottob. 313; le canon, malheureusement mutilé,
commence au Libéra nos quaesumus Domine (ff. 9-91). La praefatiuncula
(fî. 91V-92V), la table des capitula (fî. 93r-96r) et les textes liturgiques afférents,
suivent alors dans le même ordre (fï. 96v-146r), puis, sans que la petite clau-
sule Haec studiose ait été recopiée, nous trouvons le recueil habituel des
préfaces, dont la mutilation du livre n'a laissé subsister que les vingt-
quatre premières (fî. 146r-151v). La présence, au début du manuscrit, d'une
liste des évêques d'Arles laisse déjà préjuger de l'origine provençale du
document; le dernier nommé est Rotlandus (f 869). Attendu qu'on trouve
par ailleurs la mention de première main de Louis l'Aveugle, couronné roi
de Provence en 890 : famulum tuum Hludovicum (f. 118V), on est autorisé
à conclure que ce sacramentaire a été transcrit pour l'église d'Arles dans
les dernières années du IXe s. (23).

7 — Paris, Bibl. Nationale, ms. lat. 9429.


Ce codex de 186 folios est le dernier et le plus tardif des manuscrits
français qui nous ont conservé un « Sacramentaire Hucusque ». La qualité
du parchemin et la calligraphie du document laissent beaucoup à désirer.
Il débute par la transcription de Y Hadrianum révisé (fî. lr-89v), et cette
copie est fidèle, mais il y a lieu de noter que l'ordre des neuf premiers
feuillets a été brouillé par le relieur. Viennent ensuite la praefatiuncula
alcuinienne (fî. 90r-91v), séparée curieusement de l'habituelle table des
capitula (fî. 94r-95v) par divers textes liturgiques dont l'Évangile de la
Nativité et une litanie, et enfin les formulaires afférents au Supplément
(ff. 96r-145v). Après la clausule Haec studiose (f. 146r) suivent 204 préfaces
qui s'interrompent brusquement, les derniers cahiers du volume étant
perdus (ff. 146v-180v). Les quelques folios qui font suite sont des feuillets
rapportés aux X-XIe s. (ff. 181r-186v). L'écriture nous reporte sans
possible au Xe s., et cette conclusion paléographique est corroborée
par la mention de première main du roi Louis IV d'Outre-Mer (935-953) :
famulus tuus Hluduuuicus (f. 121). Par ailleurs, on trouve dans les feuillets
additionnels de la fin du codex un calendrier mentionnant les saints vénérés
spécialement à Beauvais : Luciani et Magxiani (!) (16 octobre), Iusti
(18 octobre); de même, au bas du premier folio, on lit : sancti Pétri Belva-
censis, d'une main du XIIe s. Ces divers indices permettent de conjecturer
avec une très grande vraisemblance que notre sacramentaire a été transcrit
pour la cathédrale de Beauvais dans le second quart du Xe s. (24).

(23) Leroquais, op. cit., p. 59-60.


(24) Leroquais, op. cit., p. 68-69.
189
ROBERT AMIET

8 — Florence, Bibl. Laurenziana, cod. Edili 121.


Ce volume de 168 feuillets se compose d'un « Sacramentaire Hucusque »
auquel a été rapporté plus tard un calendrier qui lui est totalement étranger.
Il a fait l'objet d'une longue description de Bandini, qui a publié le calendrier,
et a été également étudié par Delisle et par Ebner (25). A la suite du calendrier
(ff. 3-9), nous trouvons le Sacramentaire Grégorien révisé par Alcuin (ff. 10r-
94V), puis la praefatiuncula (ff. 94V-95V), suivie de la table des capitula (fï. 96r-
97r) et des textes liturgiques afférents (ff. 9V-144V). La petite clausule Haec
studiose (f. 144V) est inintelligible, tellement le texte en est altéré, et elle
n'est suivie que de 23 préfaces seulement, après lesquelles on lit la curieuse
note suivante : In istum locum (!) finit (!) prefationes omnia (!) in anni circulo.
Deo gratias (fî. 146V-148V). Le livre se termine par un recueil de bénédictions
épiscopales, dont la fin est mutilée (fî. 148V-156V), le dernier cahier du
manuscrit ayant été arraché, et remplacé plus tard par des feuillets étrangers
au volume (fî. 157r-168v). Ce codex provient du dôme de Florence, et il est
très vraisemblable qu'il y a été un certain temps en usage. Delisle fait
justement remarquer, en effet, que la calligraphie des deux derniers feuillets
adventices (fî. 167-168) est très proche de l'écriture italienne du XIe s.,
ce qui permet de supposer que le livre servait à une église d'Italie dès cette
lointaine époque. Cette hypothèse semble confirmée par l'examen du
calendrier rapporté, du XIe-XIIe s. par lequel débute le volume. On y
trouve mentionnés S. Attalus, abbé de Bobbio, S. Gall, S. Firmin et S. Zenon
de Vérone, qui indiquent l'Italie du Nord et, plus précisément, la sphère
d'influence de Bobbio. Cette provenance de notre calendrier semble encore
plus vraisemblable si l'on considère qu'à côté des saints nord-italiens
des noms nettement anglo-saxons, comme S. Cuthbert, S. Augustin
de Cantorbery et Ste Édildrude, dont le culte avait été importé à Bobbio
par les moines scots. Est-ce à dire que nous sommes en présence d'un
exemplaire italien du « sacramentaire Hucusque »? En aucune manière,
contrairement à ce que suppose Bandini, car aucun indice, dans le corps
même du sacramentaire, ne permet de supposer qu'il ait été copié pour une
Église cisalpine. Tout au contraire, au jugement autorisé de Dom Beyssac,
auquel nous avons soumis des photographies du codex, la paléographie
le situe en Germanie. Cette appréciation semble parfaitement confirmée
par les indices significatifs que l'on peut tirer de l'onomastique. Nous venons
de voir que le dernier cahier du livre avait été arraché et remplacé par un
cahier un peu plus récent. Par une heureuse fortune, les auteurs de cette
substitution, n'ont pas détruit deux des feuillets du cahier sacrifié, le second
et le troisième, qui servent aujourd'hui de feuille de garde au commencement
et à la fin du manuscrit. Or, sur le second de ces folios, sont disposées sur

(25) Bandini (Angelo-Maria) : Bibliotheca leopoldina laurentiana seu catalogus manuscriptorum


qui jussu Pétri Leopoldi... in Laurentianam translati sunt, t. I, Florentiae 1791, col. 202-214.
— Delisle, op. cit., p. 170-173. — Ebner, op. cit., p. 29-30.
190
LE PROLOGUE « HUCUSQUE » ET LA TABLE DES « CAPITULA »

une ligne verticale les lettres grecques suivantes : AQTAHE^PEAYZ1 (Dotl-


hefredus). Il s'agit d'un fidèle dont le nom était recommandé aux prières
du célébrant, conjointement du reste avec d'autres noms que l'on peut
encore assez facilement déchiffrer : Giseramus, Magifridi, Ilderadus, Vene-
rando, Columbo, Gisalper, Allô. Tous ces noms sont évidemment d'origine
germanique ou franque. Ainsi, Dotlhefredus se retrouve sous la forme
Deutfredus dans le nécrologe du sacramentaire de Paris dont nous avons
parlé (ci-dessus n. 1, f. 111). Gisalper, orthographié encore Gisalpert ou
Gisalberht, était le nom d'un évêque de Noyon du VIIIe s. (26). Magifridi,
encore écrit Magafridus, est un nom burgonde (27). Or, tous ces noms sont
d'une écriture contemporaine du sacramentaire et écrit sur ledit
et non sur les pièces rapportées, qui sont, nous venons de le voir,
d'origine italienne. Ils authentiquent ainsi discrètement les conclusions
de la paléographie, et permettent d'affirmer que notre codex est un livre
liturgique germanique (28). Quelle date peut-on assigner à notre livre?
Bandini l'attribuait au IXe s., mais, au jugement de Rostagno, qui a examiné
le codex avec le plus grand soin, il n'est pas antérieur au Xe (29). On ne peut
malheureusement rien tirer, à ce point de vue, des oraisons solennelles du
Vendredi-Saint (ff. 46r-46v) ou de la finale de YExultet (f. 99r), qui ne portent
les noms ni du pape ni du souverain régnant.

9 — Munich, ancienne Bibl. des Théatins (manuscrit perdu).


C'est à l'infatigable chercheur qu'était Gerbert que nous devons
la connaissance d'un second exemplaire germanique du « Sacramentaire
Hucusque », qu'il a découvert et consulté en 1760 dans la Bibliothèque des
R. P. Théatins de Munich. Le savant abbé de Saint-Biaise connaissait
l'existence de tels sacramentaires, d'une part par l'édition de Pamelius du
sacramentaire de Cologne (ci-dessous n. 10) et de l'autre parce qu'il avait
eu entre les mains le sacramentaire de Corbie (ci-dessus n. 3). Le caractère
particulier de la praefatiuncula avait attiré son attention, et, alors même
qu'il n'en percevait peut-être pas aussi clairement que nous l'importance
pour l'histoire de la liturgie romaine en pays franc à l'époque carolingienne,
ce petit morceau n'avait pas laissé que de le frapper suffisamment pour que,
le découvrant dans un manuscrit à Munich, il n'ait eu l'heureuse idée de le

col. 521.
(26) Fôrstemann (Ernst) : Altdeutsches Namenbuch, t. I ( Perso nennamen) , Nordhausen 1856,
(27) Gamillscheg (Ernst) : Romania Germanica, t. III, Berlin-Leipzig 1936, p. 31.
(28) On ne sera pas plus surpris de trouver un sacramentaire germanique en usage à Bobio
ou à Florence qu'on ne s'étonnera de rencontrer le splendide sacramentaire de Wolfgang, évêque
de Ratisbonne (972-994) aux mains d'Otbert, évêque de Vérone (992-1008) moins de vingt ans
après sa transcription (Vérone, Bibl. Gapitulaire, cod. 87).
(29) Nous devons la connaissance de ce détail à l'amabilité de la Dott. Teresa Lodi, directrice
de la Laurentienne, dont Rostagno était le prédécesseur. On trouve, en effet, de la main de
cet érudit, la note suivante écrite en marge de l'exemplaire de Bandini usuel de la Bibliothèque :
Codicis scriptura, ut e litterarum forma colligi fas est, saeculum Xum minime praecurrere videtur
(col. 214).

191
ROBERT AMIET

reproduire, conjointement avec la table des capitula qui lui faisait


suite (30). Une des caractéristiques les plus gênantes des liturgistes
des XVIe-XVIIIe s. qui ont publié des manuscrits réside dans ce fait qu'ils
ne disent jamais clairement — quand ils le disent — la provenance des
documents qu'ils utilisent. Bienheureux est-on lorsque l'acribie d'un
aussi consciencieux et aussi méticuleux que Mgr Andrieu permet
de mettre la main sur l'original publié quelques 200 ou 300 ans plus tôt
sans carte d'identité! En l'occurrence, Gerbert ne fait pas exception à la
règle, et les menus renseignements qu'il nous livre sur le codex qu'il a lu
chez les Théatins se limitent aux lignes suivantes : ... manuscripto P. P.
Theatinorum Monachii, in cujus fronte legitur, recentiori quidem quam codex
sit scriptus, antiqua tamen manu : Missalis Liemari archiepiscopi quem
scripsit in usum successoris sui, vixit circa annum Christi 1060. L'examen
du codex lui-même permettrait sans doute d'être plus prolixe sur son origine
et ses caractéristiques : malheureusement, il est aujourd'hui
perdu. En 1771, en effet, onze ans après la visite de Gerbert, un
incendie détruisit de fond en comble la bibliothèque des Théatins, et il est
infiniment vraisemblable que notre manuscrit, comme tant d'autres qui y
étaient conservés, a péri dans les flammes dans ces circonstances. Ce qu'il
y a de sûr, c'est qu'en 1783, l'Allemand Gerken, qui voyageait en Bavière,
visita, au monastère des Théatins, la bibliothèque que les religieux avaient
tant bien que mal reconstituée. Dans la description qu'il en a laissée, il ne
mentionne l'existence d'aucun document, imprimé ou manuscrit, antérieur
à l'incendie dont nous venons de parler (31). En 1803, au moment de la
des monastères bavarois, la bibliothèque des Théatins fut transférée
à ce qu'on appelait à l'époque la Churfùrstlich-Bayerische Zentralbibliothek,
devenue aujourd'hui la Bayerische Staatsbibliothek. Le fonds des Théatins,
examiné en 1896 par Ebner (32) et réexaminé tout récemment encore,
ne contient que des documents des XVIIe et XVIIIe s. (33). Nous n'avons
donc, pour caractériser notre codex, que le renseignement que Gerbert a lu,
écrit de seconde main, sur la couverture ou le premier feuillet de l'ouvrage :
Missalis Liemari archiepiscopi... vixit circa annum Christi 1060. Ce nom
de Liemar est spécifiquement germanique, et, de fait, nous connaissons un
personnage de ce nom qui fut archevêque de Brème et Hambourg à la fin
du XIe s. (1072-1101) (34). Il n'y a aucune impossibilité à ce qu'il soit le
même que celui désigné par notre missel, d'autant plus que nous savons
positivement qu'à cette époque, on se servait, dans le diocèse de Hambourg,
de livres liturgiques grégoriens dérivés du sacramentaire supplémenté par

(30) Gerbert (Dom Martin) : Vêtus liturgia alemannica disquisitionibus praeviis... illustrata,
t. I, San Blasii 1776, p. 89-91.
(31) Gerken (P. W.) : Reisen durch Schwaben, Baiern, usw., t. I, Stendal 1783, p. 331 sq.
(32) Ebner, op. cit., p. 384, note 4.
(33) Nous devons ces intéressants renseignements à l'obligeance du Prof. Dr. P. Ruf, directeur
du département des manuscrits de la Bayerische Staatsbibliothek de Munich.
(34) Chevalier (Ulysse) : Bio-bibliographie, t. II, col. 2836.
192
LE PROLOGUE « HUCUSQUE » ET LA TABLE DES « CAPITULA >>

Alcuin (35). Après avoir donc rappelé la division bipartite des sacramen-
taires de Corbie et de Cologne, — ce dernier édité par Pamelius, — à savoir
le Sacramentaire Grégorien et le Supplément alcuinien, séparés par la prae-
fatiuncula et la table des capitula, Gerbert écrit : Omnia haec reperi nuper
in manuscripto P. P. Theatinorum... Praefationum, una cum série capitulorum,
edere in lucem pretium est, quia praesertim differunt capitula, atque adeo ipsa
secunda pars et prima quoad officia dominicarum. Il ressort de cette
d'une part que le manuscrit examiné par lui était à n'en pas douter
un exemplaire du « Sacramentaire Hucusque », mais, d'autre part, que celui-ci
présentait par rapport à celui de Pamelius qu'il avait probablement sous
les yeux aux fins de comparaison, un certain nombre de différences, voire
de divergences, qui étaient assez importantes pour être remarquées
sans se livrer à un examen comparatif approfondi. Ces différences
portaient sur les séries dominicales et sur la composition même des capitula,
et, de fait, il suffit de jeter un coup d'œil sur ladite table pour se convaincre
immédiatement qu'elle ne présente que de lointains rapports avec la table
que l'on trouve dans les documents que nous venons de passer en revue.
Composée de 139 chapitres, — non numérotés, — elle exclut intégralement
toute la série dominicale après Noël, l'Epiphanie, Pâques et Pentecôte,
pour inclure au contraire un embryon de sanctoral dont elle constitue un
exemple jusqu'ici unique. De plus, le texte de la praefatiuncula est amputé
en son milieu de tout un long passage, commençant à : praefationes vero
quas in fmem posuimus, et se terminant par : ex colligere atque corrigere
studuimus (36). Ces maigres renseignements nous font regretter davantage
encore la perte de ce témoin, tellement sui generis, du développement de la
liturgie grégorienne dans les pays hanséatiques, obligés que nous sommes
de nous résigner à une ignorance à peu près complète à son sujet.

10 — Cologne, Kapitelsbibliothek, ms. 88.


Ce troisième et dernier exemplaire germanique du « Sacramentaire
Hucusque » est en même temps le dernier de tous, puisque le plus récent.
C'est un manuscrit de 179 feuillets, qui débute par un calendrier, suivi de
la litanie des saints et des prières préparatoires à la célébration de la messe
(ff. 3-24). Puis vient le texte du Sacramentaire Grégorien à l'issue duquel
une notice spéciale annonce la fin du livre papal et le début du second livre :
Explicit liber Gregorii. Incipit praefatio libri secundi a venerabili Grimoldo
abbate ex opusculo sanctorum patrum excerpti : Hucusque praecedens... A la

(35) Témoin le missel plénier du XIe s., malheureusement fragmentaire, que nous avons consulté
à Rome (Bibl. Vallicellane, cod. B 141), et sur lequel une main postérieure a écrit : Iste liber
est ecclesie hamburgensis (cf. Ebner, op. cit., p. 200-201. Dans ce codex a été transcrit VExultet
du Samedi-Saint (f. 82) non d'après la recension du pontifical romano-germanique, mais d'après
celle du Supplément alcuinien : la présence du passage : o felix culpa, et de l'éloge de l'abeille :
o vere beata et mirabilis apis, en sont la preuve formelle.
(36) Gerbert, op. cit., p. 90-91.
193
ROBERT AMIET

transcription subséquente de la praefatiuncula succèdent normalement la


table bien comme des capitula avec les textes afférents, et sans que soit
interposée la clausule Haec studiose, suivent les préfaces habituelles (ff. 104v,
178). Pamelius a prétendu publier le texte de ce sacramentaire (37), et son
édition a joui longtemps d'un crédit considérable, à telles enseignes que le
consciencieux Tommasi lui-même et le non moins consciencieux Lietzmann
s'en sont servi avec la plus grande confiance dans leurs propres éditions
du Grégorien. Il faut cependant reconnaître qu'elle présente de graves
défauts, car l'éditeur, au lieu d'imprimer purement et simplement le texte
du manuscrit précité, a, au contraire, amalgamé ensemble au moins deux
sources distinctes, les codd. 88 et 137 de la Bibliothèque du Chapitre. Chose
plus grave, il est absolument impossible de savoir, d'après sa préface, de
quelle méthode il s'est inspiré pour combiner les deux documents, en sorte
que son édition, exactement comme celle du fameux Sacramentarium triplex
donnée deux siècles plus tard par Gerbert, est une mosaïque de textes qu'on
ne peut utiliser qu'avec les plus grandes précautions, toute discrimination
des sources étant impossible (38). Il convient cependant de faire remarquer
que ce que nous venons de dire ne s'applique heureusement pas à l'objet
précis de notre étude, à savoir la praefatiuncula et la table des capitula,
ces deux textes appartenant strictement et uniquement au seul cod. 88.
Ce sacramentaire doit être attribué paléographiquement à l'extrême fin
du XIe s., peut-être même aux premières années du XIIe. C'est donc une
copie très tardive du « sacramentaire Hucusque », qui démontre que le
conservatisme liturgique est une solide réalité. L'examen du calendrier
permet d'affirmer qu'il a été transcrit pour l'Église de Cologne; en outre
en effet la fête caractéristique des 11.000 vierges, on lit, à la date du
27 septembre : Dedicatio ecclesiae sancti Pétri in Colonia. Par ailleurs, ce qui
fait tout l'intérêt de ce document, c'est la notice mentionnée plus haut
et qui précède la praefatiuncula, selon laquelle le Supplément au
de S. Grégoire aurait un certain abbé Grimold pour auteur. On a pensé
à un abbé de Saint-Gall de ce nom, mort en 872, et, sur la foi de ce codicille,
Pamelius admettait sans difficulté l'origine sangallienne du Supplément
tout entier. Nous savons aujourd'hui qu'il n'en est rien, et il faut ici rendre
hommage au don de divination de Leopold Delisle, qui, par la seule critique
interne de la notice, repoussait pleinement cette hypothèse : « Le témoignage
du copiste auquel nous devons le manuscrit 88 ne semble pas suffisant pour
autoriser à voir dans Grimoldus l'auteur de la préface Hucusque. Ce qui me

(37) Pamelius (Jacobus) : Liturgicon Ecclesiae latinae, t. II, Coloniae Agripinae : 1571, p. 177-
610. La praefatiuncula et la table subséquente se trouvent p. 388-394.
(38) II en va de même pour le Cornes Hieronymi et l'antiphonaire grégorien publiés tous deux
dans le même volume. La découverte par Dom Peillon, en 1912, de l'un des manuscrits utilisés
par Pamelius pour l'édition de l'antiphonaire et sa comparaison avec le texte imprimé sont
très utiles pour l'opinion qu'on peut se faire des méthodes critiques de Pamelius, ainsi que du
sans-gêne de ses publications liturgiques. Cf. Dom H. Peillon : L'antiphonaire de Pamelius,
dans : Revue bénédictine, 29 (1912), p. 411-437.
194
LE PROLOGUE « HUCUSQUE » ET LA TABLE DES « CAPITULA »

paraît vraisemblable, c'est que le manuscrit 88 de Cologne est la copie d'un


sacramentaire qu'un abbé du nom de Grimoldus s'était fait exécuter et
qui était disposé suivant le plan exposé dans la préface Hucusque » (39).
Ajoutons, pour être complet, que notre codex, semblable en cela au
de Senlis (ci-dessus n. 5), fait partie lui aussi des Grégoriens
quoiqu'à un degré beaucoup moindre. On lit en effet dans la table
des Capitula les indications suivantes : /. — Benedidio cerei — //. Orationes
per singulas lediones in sabbata sancto: require retro in sabbato sancto paschae
— ///. Item orationes in vigilia pentecostes: require retro in sabbato sancto
pentecostes — ////. Benedictionem salis... qui baptizandi sunt: require in
sabbato sancto pentecostes — V. Dominica I post natale Domini.
à ces indications, après avoir donné le texte de YExultet, le Supplément
passa immédiatement au formulaire du dimanche dans l'octave de Noël (40).

11 — Rome, Bibl. Vaticane, cod. Regin. lat. 337.


Ce manuscrit est un splendide spécimen de la calligraphie
à son apogée. Les 253 feuillets dont il est constitué ont été choisis
dans du parchemin de première qualité et son état de conservation est
absolument parfait. Il est l'un des trois témoins qui ont servi de base, pour
l'édition du Grégorien, à Wilson et à Lietzmann. Nous l'avons vu, ce
sacramentaire n'est pas homogène, car, bien qu'il soit sorti tout entier de
la plume du même scribe, il est constitué par l'accouplement artificiel de
deux parties très différentes : le sacramentaire d'une part (ff. 1-139), et le
Supplément de l'autre (ff. 140-253). Nous avons vu comment E. Bishop
avait déjà remarqué que le sacramentaire était identique au sacramentaire
de Cambrai, à quelques infimes bévues de copistes près. Cela signifie, en
termes clairs, qu'il est, lui aussi, une très fidèle copie de l'original reçu de
Rome, et c'est donc à très juste titre qu'il a été choisi par les éditeurs
susmentionnés. C'est à ce sacramentaire « authentique », c'est-à-dire non-
«alcuinien», qu'ont été adjoints la table des capitula et le texte du
d'Alcuin. Encore faut-il ajouter immédiatement que ce supplément
n'est pas parfaitement identique à celui des documents examinés
Outre en effet que la praefatiuncula fait totalement défaut, la
table des capitula (ff. 104r-144r) a été interpolée, ainsi que le corps même
des formulaires qui lui font suite; quant aux préfaces — non introduites
par la clausule Haec studiose — et aux bénédictions épiscopales, elles sont
également en nombre et dans un ordre différent. On trouve une très
confirmation de ce que nous disons ici dans le sacramentaire
d'Arles (ci-dessus n. 6), qui est une excellente copie du « sacramentaire
Hucusque ». Au f. 101 de ce manuscrit, on trouve Yordo baptismi du Supplé-

(39) Delisle, op. cit., p. 259.


(40) Jaffé (Ph.) et Wattenbach (G.) : Ecclesiae metro politanae coloniensis codices manuscripti,
Berolini 1874, p. 33 et 125.
195
Robert amiet

ment alcuinien, dont le scribe avait scrupuleusement transcrit le texte


original. Dans le courant du Xe s., un des usagers du livre, qui avait
par ailleurs entre les mains un sacramentaire analogue à notre
Regin. 337, s'avisa que Yordo baptismi qui y figurait était différent de celui
qu'il avait l'habitude d'avoir sous les yeux. Pour des raisons que nous
il se munit d'un grattoir et fit disparaître impitoyablement toutes les
prières qui, dans son manuscrit, n'étaient pas conformes à celles du
Reginensis. Ce qu'il y a de plus curieux, c'est que, quelques décades plus tard,
un second usager du même volume s'aperçut de la transformation dont
nous venons de parler, et comme, à l'inverse du premier, elle n'était pas
de son goût, ne pouvant retranscrire les prières manquantes sur le parchemin
détérioré par le grattage, il inscrivit en marge la note suivante : Dimitte
hanc et earn quae in gregoriano est dicito. Ce double ajustement du
d'Arles prouve à tout le moins le crédit et la diffusion dont jouissait
au Xe s. le Supplément aberrant de notre Reginensis. Ce codex est donc bien
un manuscrit hybride, dont la première moitié est un excellent témoin
du Grégorien « authentique » et dont la seconde, au contraire, est un mauvais
témoin du Supplément (41). Ajoutons, pour terminer, que ce beau manuscrit
provient d'un scriptorium français qui pourrait bien être identifié avec celui
de Saint-Denis. Il est incontestable, en effet, qu'il présente des ressemblances
frappantes avec le ms. lat. 2290 de la Bibliothèque Nationale de Paris,
lequel est un Grégorien fusionné, copié à Saint-Denis et pour Saint-Denis,
ainsi qu'avec le ms. lat. 2292 de la même Bibliothèque, connu sous le nom
de sacramentaire de Nonantola, et qui est en réalité un Grégorien «
» de même provenance. Ces deux documents sont contemporains, et
remontent au milieu du IXe s. Quant à notre Reginensis, il est très légèrement
postérieur. UExultet porte en effet le nom du pape régnant : Adriano, mais,
en y regardant de près, on s'aperçoit que ce nom en a remplacé un autre,
qui a été gratté, mais que l'on peut heureusement assez facilement
: Nicolao. Il ne peut s'agir que de Nicolas Ier (858-867), auquel a succédé
Hadrien II (867-872). Notre codex daterait donc des années 860-865 (42).

Résumons cette enquête. Le Sacramentaire Grégorien revisé par


Alcuin et supplémenté par lui nous est parvenu en dix exemplaires d'inégale
valeur. Les sept premiers, qui sont les plus anciens, ont été transcrits en

(41) Notre cod. Regin. 337 n'est pas le seul exemplaire parvenu jusqu'à nous de ce genre de
sacramentaire bâtard. Nous avons pu examiner le ms. Rh. 43 de la Zentralbibliothek de Zurich
et reconnaître en lui exactement la même disposition : un Grégorien « authentique » auquel
a été accolé un Supplément aberrant. Ce n'est pas le lieu d'établir ici des comparaisons qui
déborderaient le cadre de cet article : il nous suffira de savoir pour l'instant que le Supplément
du Sacramentaire de Zurich, — lequel paraît avoir été transcrit pour l'abbaye de Reichenau —
est encore plus mutilé que celui de notre Reginensis, puisqu'il ne comporte ni praefatiuncula
ni table des capitula. Ce manuscrit est lui aussi, par ailleurs, un bon spécimen de la calligraphie
carolingienne du IXe s. finissant.
(42) Ebner, op. cit.t p. 241-242. — Ehrensberger, op. cit., p. 399-400. — Bannister, op.
cit., p. 30.
196
LE PROLOGUE « HUCUSQUE » ET LA TABLE DES « CAPITULA »

France et nous présentent, sauf le cinquième, d'excellentes copies de


aujourd'hui perdu. Les trois derniers, au contraire, sont issus de scriptoria
germaniques. Plus tardifs que les précédents, ils nous présentent aussi des
copies moins fidèles, surtout le neuvième. Enfin doit entrer en ligne de
compte un document bâtard et interpolé, dont le Supplément seul est
intéressant, le cod. Regin. 337. Le tableau suivant synthétisera nos résultats,
et indiquera en même temps les sigles par lesquels nous désignerons les
divers témoins dans Y apparatus criticus.

1 — Ottoboni 313 — Sacramentaire de Paris (=0)


2 — Autun 19 — Sacramentaire de Marmoutier (= M)
3 — Paris 12.050 — Sacramentaire de Corbie (= R)
4 — Le Mans 77 — Sacramentaire du Mans (= L)
5 — Sainte-Geneviève 111 — Sacramentaire de Senlis (= S)
6 — Paris 2812 — Sacramentaire d'Arles (= A)
7 — Paris 9429 — Sacramentaire de Beauvais (= B)
8 — Florence Edili 121 — Sacramentaire germanique (= F)
9 — Munich (Théatins) — Sacramentaire germanique (= T)
10 — Cologne 88 — Sacramentaire de Cologne (= C)
11 — Reginensis 337 — Sacramentaire de Saint-Denis (= W).

Le célèbre prologue Hucusque, qu'Alcuin, son auteur, appelle lui-


même une petite préface — praefatiuncula — n'offre dans chacun de nos
documents, aucune difficulté critique. Nous avons signalé tout à l'heure
les manuscrits dans lesquels ce morceau avait été recopié avec des omissions
plus ou moins notables : il n'y a donc pas lieu d'y revenir ici. Nous ferons
simplement remarquer que la diversité des scriptoria dont sont issus nos dix
sacramentaires, — il n'y en a pas deux qui viennent du même endroit —
n'a pratiquement pas influé sur la fidélité des transcriptions, même tardives :
on s'en convaincra en jetant un simple coup d'œil sur l'appareil critique.
Aussi bien, et sans plus tarder, plaçons sous les yeux du lecteur le texte
définitif du fameux prologue.

PRAEFATIUNCULA HUCUSQUE
Hucusque praecedens sacramentorum libellus a beato papa Gregorio constat
esse editus, exceptis his quae in eodem (*), in nativitate (2) vel assumptione (3) bea-
tae (4) Mariae, praecipue vero in quadragesima (5), virgulis antepositis, lectoris
invenerit jugulata sollertia. Nam, sicut quorundam relatu didicimus, domnus aposto-
licus in eisdem diebus (6) a stationibus penitus (7) vacat, eo quod ceteris (8) septi-
manae (9) feriis (10) stationibus (u) vacando fatigatus (12) eisdem requiescat diebus,
(*) his quibus eodem : F. (2) in nativitate... precipue vero : om. R, S, A, B, T. (3) ad-
sumptione : F. (4) béate : F. (5) in quadragesima vel post quadragesima virgulis : S. —
in quadragesima et in aliis quibusdam locis virgulis : T. (8) in eisdem diebus in quadragesima :

S. (7) poenitus : F. (8) eo quod de ceteris : T. (9) septimane : F. (10) feriis : om. T.
(u) a stationibus : B. (12) fatigatur : R, T.
197
ROBERT AMIET

ob id (13) scilicet ut tumultuatione (14) populari (15) carens (16) et elemosynas (17)
pauperibus distribuere et negotia exteriora liberius valeat disponere. Missam vero
praetitulatam in natale (18) ejusdem beati Gregorii, virgulisque (19) antepositis,
jugulatam a successoribus (20) ejus (21), causa amoris immo venerationis suae, eidem
suo operi non dubium est (22) esse (23) interpositam (24). Praefatus (25) sane sacra-
mentorum libellus, licet (26) a plerisque (27) scriptorum vitio dépravante (28), qui (29)
non ut (30) ab auctore suo est editus haberetur, pro captu (31) tamen ingenii ob mul-
torum utilitatem (32) studii nostri fuit eum artis (33) stilo corrigere. Quern cum prudens
lector studiose perlegerit, verum (34) nos dicere ilico (35) comprobabit (36) nisi iterum
scriptorum vitio (37) depravetur. Sed quia sunt et alia quaedam, quibus necessario
sancta utitur Ecclesia, quae idem pater ab aliis jam édita esse inspiciens praetermisit,
idcirco opère pretium duximus ea velut (38) flores pratorum vernantes carpere (39),
et in unum congerere (*°), atque correcta (41) et emendata suisque capitulis praenotata
in hujus corpore (^) codicis (43) seorsum ponere, ut in hoc (44) opère (45) cuncta
inveniret lectoris industria quaecumque nostris temporibus (46) necessaria esse
perspeximus, quanquam pluriora (47) etiam in aliis sacramentorum libellis inve-
nissemus (48) inserta. Hanc vero discretionis gratia praefatiunculam (49) in medio
collocavimus (50), ut alterius finis alterius quoque exordium esset (61) libelli, ita
videlicet ut hinc inde ordinabiliter (52) eisdem positis libellis noverit quisque quae
a beato Gregorio quaeve (53) sint ab aliis édita patribus. Et (54) quoniam excluden-
dos (55) tantarum quaesitores diversarumque institutionum (66) sanctarum nequa-
quam dignum vel possibile (57) esse (58) censuimus, saltim (59) eorum (m) omnium
condignis desideriis in evidenti hujus operis copia (61) satisfaceremus. Si cui autem
placent ea quae sine fastu arrogantiae (62) summo studio pioque collegimus (63)
amore, suscipere praecamur (64) ut non (65) ingratus nostro existât labori, sed potius
una nobiscum gratias agat omnium bonorum Largitori (66). Si vero superflua (67)
vel non (68) necessaria sibi illa judicaverit, utatur (69) tantum praefati (70) patris
opusculo, quod minime respuere sine sui discrimine potest, et ea quaerentibus
hisque (71) pio animi affectu (72) uti volentibus utenda (73) dimittat (74). Non igitur
ingratis et fastidiosis sed potius studiosis ac devotis illa collegimus (75), in quibus
cui animo sedent (76) potest reperire (77). Unde et débita vota sua et offîcium divini
cultus digne ac placabiliter Domino valeat exhibere. Noverit itaque nos perspicaci-
tas (78) lectoris non alia huic inseruisse operi nisi ea quae a probatissimis et eruditis-
simis magna diligentia exarata sunt viris : ex multis ergo (79) multa collegimus (80),
ut (81) multorum utilitati prospiceremus. Praefationes (82) porro (83), quas in fine

(13) id : om. B. (14) tumultuacione : F. (15) populi : B. (16) cares : F. (17) elemosinis :
O. — aelemosinas : M. — helymosinas : F. (18) natali : R, T, C. (19) virgulis : O, S, T.
(20) predecessoribus : O. — decessoribus : A. (21) suis : T. (22) est : om. C. (23) esse :
om. F. (24) interpositum : B. — iterpositam : F. (25) prefatus : A. (26) scilicet : T.
(27) implerisque : B. (28) depravatus : T. (29) qui : om. R, C. (30) aut : F. (31) captum :
O, S. (32) utilitatibus : M. (33) fuit artis : O, T. — studuit eum artis : S. — fuit enim
artis : C. (34) utrum : B. (35) illico : F. (36) comprobavit : A, F. — conprobabit : M, A.
(37) vicio : F. (38) velud : M. (39) corpore : B. — carpere venantes : M. (40) congre-
gare : B. (41) correpta : L. (42) corpores : M. — opère : T. (43) codicibus: R. L,
: B. (44) hoc : om. T. (45) corpore : M. (46) temporalibus : A. (47) plura : R,
— B, F, C. — Le scribe de A avait d'abord écrit plura, puis il s'est ravisé et a ajouté au-dessus
de la ligne la syllabe rio : plu-rio-ra. (48) invenissemur : B. (49) praefatiungulam : F.
(50) conlocavimus : L, A, B, F. (61) esse : F, T. (52) formabiliter : C. (53) quae tuae : F.
— quae vere : T. (54) ex : F. (55) excludendus : B. (56) institucionum : B. (57) impos-
sibile : B. (58) esset : T. (59) saltern : R. (60) vero : B. (81) copia : om. T. (62) arrogantie :
F. (63) colligimus : B, T. (64) precamus : F. (65) non : om. F. (66) largiari : B. (67) super-
fluam : F. (68) non : om. F, T. (69) utat : F. (70) prefati : A. (71) his quae : O, M, B, T.
(72) afatu : B. (73) et ea quaerentibus utenda : T. (74) admittat : O, F, C. (75) colligimus :
B, T. (76) sedeant : T. (77) repperire : O, M, A, B. (78) perspicatitas : O. (79) igitur :
T. (80) colligimus : B, F, T. (81) et : B. (82) praephationes : B. — prefationes : F. (83) vero : O.
198
LE PROLOGUE « HUGUSQUE » ET LA TABLE DES « CAPITULA »

hujus (84) posuimus codicis, flagitamus ut ab his quibus placent cum caritate susci-
piantur et canantur (85) : ab his vero (86) qui eas intelligunt nec tamen delectantur,
necnon et (87) ab his qui eas volunt nec tamen intelligunt, poscimus ut nec assu-
mantur (88) nec canantur. Addidimus etiam et benedictiones ab (89) episcopo super
populum dicendas, necnon et illud quod in praefato codice beati Gregorii ad gradus
inferiores in ecclesia constituendos non habetur. Obsecramus itaque vos : quicumque
hune codicem ad legendum sive transcribendum sumpseritis, ut pro me preces ad
Dominum (90) fundatis, qui ob utilitatem plurimorum ea colligere atque corrigere
studuimus. Praecamurque (91) ut eum ita (92) diligenter transcribatis, quatenus
ejus textus (93) et eruditorum aures demulceat et simpliciores quosque (94) errare
non sinat : nihil (95) enim, ut ait beatus Hieronimus (96), proderit emendasse librum,
nisi ememdatio librariorum (97) diligentia conservetur.

La table des capitula offre certainement plus de difficultés critiques


que la praefatiuncula. Il importe tout d'abord de noter que, sur les dix
« sacramentaires Hucusque » que nous avons dépouillés, deux sont
pour notre propos : le sacramentaire de Senlis (S), dont la table
mutilée ne comporte que 46 capitula, et le sacramentaire perdu des Théatins
de Munich (T) dont cette même table, totalement sui generis, n'a que
quelques chapitres seulement de commun avec la table authentique. Par
contre vient épauler notre étude le sacramentaire de Saint-Denis (W), dont
le Supplément aberrant comporte une table de capitula qui, bien
n'en est pas moins très proche de la table originale. C'est donc sur
neuf documents que nous pourrons asseoir nos conclusions.
Ceci étant entendu, examinons d'abord l'ensemble de nos neuf tables.
La première chose qui saute aux yeux, c'est que le nombre des capitula est
variable suivant les témoins :

L 141 capitula
0. A. F. W 144 »
M. R 145 »
B 146 »
C 148 »

II serait imprudent toutefois de tabler sur cette vue superficielle des


choses pour affirmer qu'il existe entre nos neuf tables des divergences
Tout au contraire, l'examen attentif de ces documents et leur
confrontation mutuelle montre que le tableau que nous venons de dresser
ne donne pas une idée adéquate et objective de la question. Nous avons vu
que le sacramentaire de Paris (0) est la première et la plus ancienne
du « sacramentaire Hucusque » qui nous soit parvenue. Prenons donc

(84) hujus : om. O. (85) et canantur : om. B. (8«) ergo : M. (87) et : om. F. (88) ad-
sumantur : F. (89) ad : B, F. (90) ad Dominum preces : O, F. (91) precamurque : A, B.
(92) ita : om. T. {»*) textis : M. (94) quoque : T. (95) nichil : F. (96) Ieronimus : F.
(97) librorum : F.
199
ROBERT AMIET

a priori, avec le doute méthodique qui s'impose pour l'instant, sa table de


144 capitula pour base, tant dans son libellé des chapitres que dans sa
numérotation, et comparons-lui successivement nos huit autres témoins.
On obtient les résultats suivants, qui ne laissent pas que d'être curieux.
La table de L comporte numériquement trois capitula de moins
que celle de 0. Mais, lorsqu'on met en parallèle les deux tables on constate
qu'elles se correspondent point par point, sauf que, pour des raisons qui
nous échappent, le scribe de L a, en recopiant sa table, purement et
omis les trois chapitres suivants : XCII (Missa adpluviam postulandam),
CXXVII (oratio in sacrario) et CXXVIII (oratio ubi vestimenta conserventur).
En réalité, la table de L est donc une table identique à celle de 0, sauf que
la négligence du copiste a laissé tomber trois chapitres par inadvertance.
Trois témoins, A, F et W, présentent numériquement le même
de capitula que 0, à savoir 144, mais l'examen comparatif des tables
permet d'aboutir à trois résultats distincts, particuliers à chacun de ces
documents.
Nous avons signalé, en décrivant le manuscrit A, qu'il était une
copie très fidèle, quoique déjà tardive, du « sacramentaire Hucusque ».
Cette fidélité, qui est le fait de tout le document, est particulièrement
sensible en ce qui concerne la table des capitula : elle est absolument identique
à celle de 0, ce qui, soit dit par parenthèses, justifie notre choix de cette
dernière pour base de comparaison.
Au contraire, bien que la table de F présente les 144 capitula
elle n'est pourtant pas identique à celle de 0. En effet, après
le chapitre CXI (Missa pro salute vivorum vel agenda mortuorum), elle
présente, comme chapitre suivant, une rubrique inconnue à 0 : CXII :
agenda mortuorum, qui n'est très évidemment que la répétition, par le copiste
distrait, des deux derniers mots de la rubrique précédente, qu'il venait de
transcrire. Cette addition malencontreuse aurait normalement dû se
sur toute la numérotation subséquente, mais l'omission, dans cette
même table de F, du chapitre CXV (Benedidio aquae) a rétabli apparemment
le nombre normal. Ainsi la table de F est-elle identique dans son fond à
celle de 0, compte tenu de la double distraction de son scribe.
Un phénomène différent, quoique aboutissant au même résultat,
s'est produit pour le manuscrit W, qui comporte, lui aussi, 144 chapitres.
Il est le seul, parmi nos neuf témoins, à donner deux formules pour la
du cierge pascal : YExultet gallican (I : Benedidio cerei) et la formule
gélasienne : Deus mundi conditor (II : Item benedidio cerei). Cette dernière
est donc très évidemment une interpolation. Celle-ci, normalement, aurait
dû décaler d'une unité tous les capitula suivants, et, de fait, il en va bien
ainsi jusqu'au chapitre LXVI (orationes ad missa tempore synodi pro rege
dicenda), lequel est le dernier capitulum transcrit au bas du f. 141V. Le chapitre
suivant (Missa specialis sacerdotis cum praefatione), le premier transcrit en
haut du f. 142r, aurait dû porter le numéro LXVII, mais le fait de passer

200
LE PROLOGUE « HUCUSQUE » ET LA TABLE DES « CAPITULA »

du bas d'une page au sommet de la suivante, a été suffisant pour distraire


le copiste qui, de bonne foi, a répété devant ce nouveau chapitre, le numéro
LXVI, rétablissant ainsi sans le vouloir le nombre normal de 144 chapitres.
La table de W est donc, en dépit de son interpolation, identique à celle de O.
Les manuscrits M et R, rigoureusement identiques quant à leur
table des capitula, qui comportent toutes deux les mêmes 145 chapitres,
le sont non moins quant aux textes et aux formulaires du Supplément.
Ils dérivent certainement du même archétype, car il semble peu probable
que l'un soit la copie de l'autre. L'examen comparatif de cette table avec
celle de O met en évidence la chose suivante. Le chapitre XLII est intitulé :
Item aliae missae in cotidianis diebus, et il est suivi dans O et dans A, de
quatre capitula (XLIII-XLVI), tous dénommés : Alia. Nos deux sacramen-
taires M et R y joignent un cinquième, intitulé lui aussi Alia, et numéroté
très normalement XLVII. Le chapitre surnuméraire décale donc très
toute la série, d'où les 145 capitula dont tous deux sont conjointement
titulaires. En examinant en fonction de cette donnée le texte des
de ces deux manuscrits, on se rend immédiatement compte que,
s'il y a numériquement dans la table un chapitre de plus, il n'y a pas pour
autant, dans le corps du Supplément, un formulaire de plus. Pour une cause
sur laquelle nous ne pouvons faire aucune conjecture plausible, le scribe
a dédoublé le capitulum XLVI en deux capitula, XLVI et XLVII, et ce
dédoublement, chose encore plus curieuse, a affecté rétroactivement la table
elle-même. Malgré l'apparence contraire, les tables de M et de R témoignent
donc, elles aussi, en faveur de la table-type de O.
La table de B, elle, comporte 146 numéros. Cependant, l'examen
attentif de son texte montre immédiatement qu'en réalité, elle ne contient
rien de plus que les 144 chapitres de O, le copiste ayant, pour une cause
inconnue, laissé en blanc dans la table les capitula LXVI et XCIIII.
La table de C, enfin, nous présente le nombre maximum de 148
desquels il nous faut immédiatement éliminer le dernier, qui est
factice : CXLVIII : Benedictiones episcopates. Dans aucun des huit
précédents, en effet, les bénédictions épiscopales ne font partie ni
de la table, ni des textes consécutifs. Elles se trouvent au contraire tout à fait
à la fin du Supplément, après même le recueil de préfaces introduit par la
clausule Haec studiose. Comment le copiste de C a-t-il eu l'idée de les
dans la première partie du Supplément et d'en constituer son cent
quarante-huitième chapitre, c'est ce que, aujourd'hui, nul ne peut dire.
Nous restons donc en présence de 147 capitula seulement. La comparaison
point par point de la table de O et de celle de C montre que toutes deux
sont identiques jusqu'au numéro CXXVI (orationes ante cibum et post cibum),
auquel numéro CXXVI de O correspondent trois numéros de C : CXXVI
(oratio ante cibum), CXXVII (oratio super mensam) et CXXVIII (oratio
post cibum). L'impression que nous sommes ici en présence du détriplement
du chapitre CXXVI originel se change en certitude lorsque l'on examine

201
ROBERT AMIET

le texte du Supplément de C : pas plus que dans le cas de M et de R, nous


ne sommes ici en face d'une interpolation, mais seulement d'une modification
dans la numérotation des formulaires. Il en va par ailleurs autrement du
chapitre CXLIII (oratio in introitu portae), qui, lui, est une interpolation
propre à C (43).
Concluons. L'examen précis auquel nous venons de nous livrer
pleinement le choix que nous faisions au début de cette enquête de
la table de 0 comme texte de base. Si l'on voulait résumer par un nouveau
tableau le résultat de nos recherches, on pourrait établir le suivant :

L : 144 moins 3 omissions = 141


0, A = 144
F : 144 plus une interpolation, moins une omission = 144
W : 144 plus une interpolation, moins un numéro double = 144
M, R : 144 plus un numéro dédoublé = 145
R : 144 plus deux numéros en blanc = 146
C : 144 plus un numéro détriplé, plus une interpolation, plus un
factice = 148.

Nous pouvons maintenant, en toute sûreté, établir le texte critique


de la table des capitula dont Alcuin a muni son Supplément au Sacramen-
taire Grégorien.

INCIPIUNT CAPITULA PRAEFATI LIBELLI


I — Benedictio cerei inde (6) sequuntur
II — Orationes per singulas qualiter baptizen-
lectiones in sabbato sane- tur hi (7) qui baptizan-
to 0) di (8) sunt (9)
III — Item orationes in vigilia V — Dominica I post Natale
pentecosten (2) Domini
IV — Benedictio (3) salis dan- VI — Dominica II post Natale
da (4) caticumino (5) et Domini
(*) Require retro in sabbato sancto Paschae : add. C. (2) Require retro in sabbato sancto
Pentecosten : add. C. (3) Benedictionem : sic. C. (4) Dandum : sic M, R, A, F, W. — Dandi :
sic R. — dandam : sic B. — danda : om. C. (5) Caticuminum : sic B. — Salis ad faciendum
catecuminum : sic C. (6) Inde quae : sic C. (7) His : sic M, F. (8) Baptizati : sic F.
(9) Require in sabbato sancto Pentecosten : add. C.
(43) Cette intéressante formule, d'inspiration nettement monastique, a été composée à l'usage
d'une abbaye ou d'un sanctuaire placé sous le double vocable de la Vierge et de S. Pierre.
Les heureuses réminiscences bibliques dont elle est tissée en font une perle de l'euchologie
médiévale, qui ne saura laisser le lecteur indifférent : Domine Jesu Christe, qui introitum portarum
Hierusalem salvans sanctiflcasti, dum splendore gemmarum duodecim totidem apostolorum nomina
praesignasti, et qui per organum propheticum promis isti : Lauda Hierusalem Dominum, quia
confortavit seras portarum tuarum et benedixit filios tuos in te, Te quaesumus ut ponas omnes fines
domus istius sanctae Mariae et Sancti Pétri pacem, ut velociter currens, interius sermo tuus adipe
frumenti satiet eos, Spiritus Sanctus defendat illos, ut numquam eis nocere praevaleat inimicus,
sed omnes habitantes interim voce, corde et opère décantent dicentes : Magnus Dominus noster Jésus
Christus, et magna virtus ejus, et sapientiae ejus non est numerus, qui vivis. (Pamelius, op. cit.,
p. 472).
202
LE PROLOGUE « HUCUSQUE » ET LA TABLE DES « CAPITULA

VII Dominica I post Theo- XXXI ■ Dominica XIV post Pen-


phania tecosten
VIII Dominica II post Theo- XXXII ■ Dominica XV post Pen-
phania tecosten
IX Dominica III post Theo- XXXIII - Dominica XVI post Pen-
phania tecosten
X Dominica IV post Theo- XXXIV ■ Dominica XVII post
phania Pentecosten
XI Dominica V post Theo- XXXV ■ Dominica XVIII post
phania Pentecosten
XII Dominica VI post Theo- XXXVI ■ Dominica XIX post
phania Pentecosten
xni Dominica I post octavas XXXVII • Dominica XX post
Paschae
XIV Dominica II post XXXVIII ■ Dominica XXI post
vas Paschae Pentecosten
xv Dominica III post XXXIX - Dominica XXII post
vas Paschae Pentecosten
XVI Dominica IV post XL ■ Dominica XXIII post
vas Paschae Pentecosten
XVII Dominica post Ascensa XLI Dominica XXIV post
Domini Pentecosten
XVIII Dominica I post Pente- XLII Item alie misse in (10)
costen cotidianis diebus
XIX Dominica II post Pente- XLIII Alia (u)
costen XL IV Alia
XX Dominica III post Pen- XLV Alia
tecosten XLVI Alia
XXI Dominica IV post Pen- XLVII Missa in natale (12) u-
tecosten nius apostoli
XXII Dominica V post Pente- XLVIII In natale plurimorum
costen apostolorum
XXIII Dominica VI post Pen- XLIX In natale unius martiris
tecosten L In natale plurimorum
XXIV Dominica VII post Pen- martirum
tecosten LI In natale unius confes-
XXV Dominica VIII post Pen soris
tecosten LII In natale plurimorum
XXVI Dominica IX post Pen- confessorum
tecosten LIII In natale virginis
XXVII Dominica X post Pente- LIV Missa ad poscenda suf-
costen fragia sanctorum (13)
XXVIII Dominica XI post Pen- LV Orationes (14) ad cleri-
tec osten cum faciendum
XXIX Dominica XII post Pen- LVI Benedictio vestium
tecosten vel (15) viduae et
XXX DominicaXIII post Pen- consecratio virginis (16)
tecosten LVII Benedictio altaris.

(10) In : om. C. (u) Alia missa : sic C. — Cette variante se retrouve invariablement dans C
toutes les fois qu'on lit alia dans les autres manuscrits. (12) Natali : sic C. (13) Sanctorum
suffragia : sic O. — Sufîragiis : sic F. (14) Oratio : sic O, F. (15) Et : sic C. (16) Et
virginis : om. B.
203
ROBERT AMIET

LVIII — Consecratio altaris LXXX 1 1 —


Missa in tempore belli
LIX — Ad consecrandam (17) LXXXIII —
Alia
patenam LXXXIV —
Alia
LX — Ad calicem benedicen- LXXXV —
Missa pro pace
dum LXXXVI —
Missa pro quacumque
LXI — Orationes (18) in dedi- tribulatione
catione fontis LXXXVII — Missa pro peste anima-
LXII — Missa in aniversario (19) lium
dedicationis basilicae LXXXVIII — Missa in contentione
LXIII — Missa pro regibus LXXXIX — Missa contra judices
LXIV — Missa cotidiana pro rege agentes
LXV — Oratio (20) ad missa (21) xc — Missa contra obloquen-
tempore (22) synodi pro tes
rege dicenda (23) XCL — Oratio (38) ad pluviam
LXVI — Missa specialis (24) sa- postulandam
cerdotis cum prefatio- XCII — Missa ad pluviam
ne (25)
LXVII — Item alia cum prefa- XCIII — Oratio (39) ad poscen-
tione dam serenitatem
LXVIII — Missa pro amico vel pro XCIV — Missa ad poscendam
quo volueris
LXIX — Alia xcv — Missa ad repellendam(40)
LXX — Alia tempestatem
LXXI — Missa pro salute vivo- XCVI — Orationes et preces
rum poenitentem confi-
LXXII — Item alia (26) pro fami- tentem peccata sua more
liaribus (27) solito feria IV infra (a)
LXXIII — quadragesima
Missa
congregatione
Orationes
pro abbate
(30) in
(29)vel
mona-
(28) XCVII — Orationes ad reconci-
LXXIV — liandum poenitentem
sterio (31) monachorum V in Coena Domini
LXXV — Orationes (32) pro fratri- XCVIII — Oratio (43) ad visitan-
bus in via dirigendis (33) dum infirmum
LXXVI — Oratio pro redeuntibus XGIX — Missa pro infirmis
de (34) itinere c — Orationes (44) pro red-
LXXVII — Oratio (35) in adventu dita sanitate (45)
fratrum supervenien- CI — Reconciliatio poeniten-
tium (36) tis ad mortem
LXXVIII Missa pro iter agentibus CII — Oratio (46) in agenda
LXXIX Missa pro navigantibus mortuorum (47)
LXXX Missa pro peccatis cm — Missa unius defuncti
LXXXI Oratio (37) in tempore CIV — Missa pro defuncto nu-
belli per baptizato

(17) Consecrandum : sic F. (18) Oratio : sic O, F. (19) Aniversarium : sic O, F. (20) Oratio :
sic O, F. (21) Missam : sic L. (22) Temporum : sic M, F. (23) Dicendas : sic R, L, A, W. —
Dicendum : sic B. — Dicendae : sic C. (24) Spéciale : sic M. (25) Prefatio : sic F. (28) Alia
missa : sic F. — Item alia : om. C. (27) Familialaribus : sic L. (28) Vel pro : sic O. (29) Con-
greganti : sic C. (30) Oratio : sic O, F. (31) Monasterium : sic B. (32) Oratio : sic O, F.
(33) Dirigentibus : sic F. (34) In : sic F. (35) Orationes : sic M. (36) Supervenientem : sic M.
(37) Oratio : sic O, F. (38) Oratio : sic O, F. (39) Oratio : sic O, F. (40) Repellendum : sic F.
(41) In : sic O, B, C. (42) Quadragesimam : sic W. (43) Oratio : sic O. (44) Oratio : sic O, F.
(45) Sanitatem : sic F. (4fl) orationes : sic M, A, W. (47) Quando anima aegreditur de
corpore : add. B.
204
LE PROLOGUE « HUCUSQUE » ET LA TABLE DES « CAPITULA »

CV — Orationes (48) pro de- CXXI II — Benedictio (65) ad fruges


functis desiderantibus novas (66)
poenitentiam (49) et CXXIV — Benedictio (67) ad omnia
(50) consequenti- quae (68) volueris
bus (51) CXXV — Benedictio panis (69)
CXXVI — Orationes (70) ante cy-
GVII
CVI — Missa
unius defuncti
inplurimorum
aniversario
(53) de-
(52) bum et post cybum
CXXVI I — Oratio in sacrario
functorum (54) CXXVI II — Oratio ubi vestimenta
CVIII — Alia conservantur
C IX — Alia CXX IX — Oratio in refectorio
XC — Missa in cimiteriis (55) CXXX — Oratio in dormitorio
CXI — Missa pro salute vivo- CXXXI — Oratio in cellario
rum vel agenda (56) mor- CXXX II — Oratio in scriptorio
tuorum CXXXIII — Oratio in hospitali (71)
CX II — Exorcismus salis CXXXIV — Oratio in domo infir-
CXIII — Benedictio salis morum
CXIV — Exorcismus aquae CXXXV — Oratio in area
CXV — Benedictio aquae CXXXVI — Oratio in granario
CXVI — Benedictio salis et aquae CXXXV II — Oratio in pistrino
CXXXVI II — Oratio in coquina
pariter (57) CXXXIX — Oratio in lardario
CXVII — Orationes (58) quando CXL — Oratio in caminata
aqua aspergitur (69) in CXLI — Orationes matutinales et
domo
CXVIII — Benedictio domus («°) vespertinales (72)
CXLII — Impositio (73) manuum
CXIX — Oratio (61) contra (62) (74) super energuminum
fulgora (63) catecuminum
CXX — Oratio (64) super vasa in CXLIII — Item alia (75) pro parvu-
in loco antiquo reperta lo energumino (76)
CXXI — Benedictio putei CXLIV — Item aliae orationes (")
CXX II — Benedictio uvae vel fa- super energumino (78)
vae baptizato (79)
(48) Oratio : sic O. (49) Penitentie : sic F. (50) Minimus : sic M. — Anime : sic B.
(51) Consequentis : sic O. — Consequentur : sic B. (52) Aniversarium : sic F. (53) Defunctis :
sic F. (64) Defunctorum plurimorum : sic O, R, B, F. (65) Ciminteriis : sic O. (66) In agenda :
sic L. (57) Hic mittatur sal in aqua : add. B. (58) Oratio : sic O. (59) Spargitur : sic R, C.
(60) Domorum : sic F. (61) Orationes : sic M, A, W. (82) Ad : sic M. (63) Fulgorae : sic M,
A, B, W. (64) Orationes : sic M, A, W. (65) Benedictiones : sic M. (°6) Novos : sic O, M,
B, F. (87) Benedictiones : sic M. (68) Quod : sic O, F. — Quecumque : sic M. (69) Panis novi :
sic C. (70) Oratio : sic O, F. (71) Hospitale : sic O. — Hospitalio : sic C. (72) Vespertinales
et matutinales : sic O. (73) Oratio impositio : sic O. (74) Manum : sic M, R, L, A, B, F, W.
(75) Alie : sic W. (76) Energuminum : sic B. (") Alia oratio : sic F. (78) Super catecuminum
energumino : sic M. (79) Energuminum baptizatum : sic R.

Nous avons délibérément laissé de côté, dans l'établissement du


texte critique de la table des capitula, la table si particulière que contenait
le sacramentaire aujourd'hui perdu des Théatins de Munich (ci-dessus n. 9).
La raison en est que l'on ne peut vraiment pas la considérer comme un
témoin, si altéré soit-il, de ladite table. A dire vrai, c'est un document
tout différent, qui sans doute a eu comme modèle lointain la table alcui-
nienne, mais qui en diffère par ailleurs tellement que son auteur a vraiment
fait là œuvre nouvelle. Le caractère sui generis de ce texte nous fait infini-

205
ROBERT AMIET

ment regretter la perte du livre liturgique qui le contenait. Sans doute,


savons-nous, d'après Gerbert, que c'était un « sacramentaire Hucusque »
ou du moins que ce document en présentait la division bipartite si
: la présence, de la praefatiuncula, même tronquée, en est du reste
la preuve formelle. On peut même conjecturer sans grande chance d'erreur
que le Sacramentaire Grégorien de notre manuscrit perdu avait déjà reçu
de nombreuses infiltrations des formulaires du Supplément, à commencer
par ceux de tous les dimanches absents dans YHadrianum, et l'omission
de ces derniers dans notre table nous apporte la certitude que ce Grégorien-là
était certainement déjà un Grégorien fusionné, au moins imparfaitement.
Mais, les choses étant ainsi, on se demande ce qui a bien pu pousser le
de cette table à introduire en elle un embryon de sanctoral, dans
lequel on retrouve au moins quatre fêtes qui figuraient dans le Gélasien
ancien et qui avaient été éliminées par le Grégorien : Gorgonius, Nerée et
Achille, Cyrinus, Nabor et Nazaire, et enfin les Macchabées. L'étude de cette
question dépasse évidemment le cadre et le sujet de cet article, mais nous
avons tenu à la signaler, car elle est susceptible d'apporter une lumière
nouvelle sur le cheminement de la réforme liturgique carolingienne dans
des pays aussi lointains que la Germanie du Nord. C'est à ce titre que l'on
nous saura gré de reproduire ci-dessous les capitula de cette table si
(44).

CAPITULA CODICIS T.
1 — Benedictio cerei in sabbato san- 17 — In annuntiatione Sanctae Mariae
cto Virginis
2 — Ordo ad catechumenum 18 — Missa in natali Sancti Georgii
dum martyris
3 — Ordo baptismatis 19 — In natali Sancti Marci
4 — Missa in octava Domini listae
5 — In vigilia Epiphaniae 20 — In inventione Sanctae Crucis
6 — In octava Epiphaniae 21 — In natali Sanctorum Nerei et
7 — Missa in conversione Sancti Pauli Achillei
8 — In decollatione Sancti Johannis 22 — Missa in Vigilia Ascensionis Do-
Baptistae mini
9 — In natali Sancti Adriani 23 — Missa in jejunio mensis IV feria
10 — In natali Sancti Gorgonii IV
11 — In exaltatione Sanctae Crucis 24 — In VI feria
12 — In natali Sancti Mathei apostoli 25 — In sabbato in XII lectionibus
et evangelistae 26 — Missa in natali Sanctorum Primi
13 — In natali Sancti Lucae et Feliciani
listae 27 — In natali Sanctorum Basilidis,
14 — In vigilia apostolorum Symonis Cyrini, Naboris et Nazarii
et Judae 28 — In natali Sanctae Praxedis
15 — In cathedra Sancti Pétri nis
16 — In natali Sancti Mathiae apostoli 29 — In natali Sancti Apollinaris

(44) Gerbert, op. cit., p. 90-91. Le texte de Gerbert ne porte aucune numérotation. Pour
plus de clarté, nous l'y avons ajouté en chiffres arabes.
206
LE PROLOGUE « HUCUSQUE » ET LA TABLE DES « CAPITULA »

30 — In natali Sancti Jacobi apostoli 76 — Item alia


31 — Ad vincula Sancti Pétri 77 — Item alia
32 — In natali Sanctorum Machabeo- 78 — Item alia
rum 79 — Missa pro alio sacerdote
33 — In inventione Sancti Stephani 80 — Missa pro cuncto populo catholico
34 — Missa in vigilis assumptionis San- 81 — Missa pro pace
ctae Mariae 82 — Missa pro iter agentibus
35 — In octava Sancti Laurentii 83 — Pro navigantibus
36 — In natali Sancti Bartholomaei 84 — Pro adversantibus et calump-
37 — Missa pro pastore nostro niantibus
38 — Missa pro episcopo 85 — Pro poenitentibus
39 — Pro episcopis et sibi commissis 86 — Pro confitentibus
40 — Pro imperatore 87 — Pro omnibus eleemosynam nobis
41 — Pro rege facientibus
42 — Pro rege tempore synodi 88 — Missa pro afférente oblationem
43 — Missa pro congregatione 89 — Pro infirmis
44 — In natali apostolorum Symonis et 90 — Pro peccatis ac negligentiis
Judae 91 — Item alia
45 — Missa in vigilia omnium 92 — Item alia
rum 93 — Pro fratribus nostris absentibus
46 — In festivitate omnium sanctorum 94 — Missa pro amico fideli
47 — In octava sancti Andreae apostoli 95 — Item alia
48 — In translatione sancti Thomae 96 — Pro familiaribus
49 — Missa in natali unius apostoli 97 — Missa pro mortalitate
50 — Missa plurimorum apostolorum 98 — Pro peste et fame
51 — Missa unius martyris 99 — Missa pro temptatione carnis
52 — Missa plurimorum martyrum 100 — Pro temptationibus cogitationis
53 — Missa unius confessons 101 — Pro petitione lacrimarum
54 — Missa plurimorum confessorum 102 — Missa pro caritate
55 — Missa unius vel plurimorum (vir- 103 — Pro humilitate
ginum) 104 — Pro concordia
56 — Missa in dedicatione ecclesiae 105 — Missa contra paganos
57 — Missa in anniversario 106 — Pro peste animalium
58 — Missa de sancta Trinitate 107 — Pro homine in tribulatione posito
59 — De sapientia postulanda 108 — Item alia
60 — De gratia Sancti Spiritus 109 — Pro quacumque tribulatione
landa 110 — Missa pro salute vivorum et mor-
61 — De caritate postulanda tuorum
62 — De suffragio angelico 111 — Item alia
63 — De cruce 112 — Item alia
64 — Missa de Sancta Maria 113 — Item alia
65 — Missa in veneratione S. Mart, et 114 — Item alia
omnium sanctorum 115 — Item alia
66 — Item alia 116 — Missa pro defuncto nuper bapti-
67 — Pro pluvia postulanda zato
68 — Pro serenitate 117 — Missa pro poenitentia postulanda
69 — Pro tempestate et inimicis
70 — Pro contentione 118 — Missa pro episcopo
71 — Missa contra judices maie agentes 119 — Item alia
72 — Contra obloquentes 120 — Pro episcopis
73 — Missa in tempore belli 121 — Pro sacerdote
74 — Missa propria sacerdotis 122 — Item pro sacerdotibus
75 — Item alia 123 — Item alia

207
ROBERT AMIET

124 — Missa pro diacono 132 — Pro feminis


125 — Missa in die depositionis 133 — Pro parentibus
126 — In anniversario 134 — Pro omnibus fidelibus defunctis
127 — Pro congregatione 135 — Pro omnibus in cimiterio positis
128 — Pro fratribus 136 — Item alia
129 — Pro uno laico 137 — Ordo visitationis infirmorum
130 — Pro laicis 138 — Ordo in agenda mortuorum
131 — Pro una femina 139 — Benedictio salis et aquae

Avant de clore cette étude, il nous reste encore à parler d'une petite
clausule, due elle aussi à la plume d'Alcuin, et dont nous nous devons, à ce
titre, d'établir ici le texte critique. Le 144e et dernier chapitre de la première
partie du Supplément est séparé du recueil des préfaces et des bénédictions
épiscopales, qui en constituent la seconde, par la formule Haec studiose,
à laquelle, dans l'examen des manuscrits, nous avons à plusieurs reprises
fait allusion. Il est hors de doute que le Supplément alcuinien a comporté
ab origine tout un lot de préfaces et de bénédictions : la praefatiuncula
nous l'affirme positivement. Il faut donc supposer qu'Alcuin, après avoir
rédigé sa table et les textes afférents, a voulu attirer à nouveau l'attention
de ses lecteurs, et marquer par cette clausule comme une division naturelle
de son œuvre. Chose curieuse, six seulement des dix témoins qui nous ont
conservé le texte du Supplément alcuinien portent cette formule : ce sont
les manuscrits 0, M, R, S, B et F. On ne peut faire aucune conjecture sur
son omission par les quatre autres. Nous avons vu, en examinant un par un
les « Sacramentaires Hucusque » que M et R semblaient provenir du même
archétype. Cette impression est fortifiée par le fait que tous deux, et tous
deux seulement, font la même erreur graphique dans notre clausule : quas
au lieu de qua (note 6 de l'appareil critique).

CLAUSULA HAEC STUDIOSE

Haec studiose perscripta secuntur praefationes Q) in dominicis et in (2) diebus


festis (3) feriisque vel in (4) solempnitatibus sanctorum sive in ceteris ecclesiasticis
canendae (5) officiis. Qua (6) si prudens lector diligenter sollicite (7) curioseque inspexe-
rit (8), suis (9) in locis ordinatas atque correctas perfacile invenire poterit (10).
(x) praefatione : sic S. (2) in : om. M, R, S. (3) festis : om. S. (4) in : om. S. (5) canendo :
sic O. (8) quas : sic M, R. (7) sollicitât : sic M. — sollite : sic S. (8) inpexerit : sic S.
(9) sive : sic S. (10) potuerit : sic B.

On aura remarqué que le manuscrit F ne figure point dans l'appareil


critique. La raison en est que le texte qu'il présente est non seulement très
corrompu quant aux mots, mais encore très altéré dans la substance même
de ses phrases. Nous ne résistons pas au plaisir de le transcrire tel quel
ci-dessous.
Hec studiose perscriptas (!) finiunt totas (!) orationes aut missas (!) dominicales
vel sanctorum cum prefationes (!) de anno (!) circulo. Deinde postea alias prefationes
208
LE PROLOGUE « HUGUSQUE » ET LA TABLE DES « CAPITULA »

que non abent (!) missas in isto sacramentorum quiquid (!) sacerdos voluerit canere in
istum (!) locum (!) requirat.

Ce fut une des manies de Charlemagne que de vouloir amender les


textes, — et spécialement les textes liturgiques, — corrompu par la faute
des scribes. Dans un document intitulé Constitutio de emendatione librorum
et officiorum, datée de 788, ce monarque touche-à-tout déclare : Reperimus
lediones... quae... infinitis vitiorum anfractibus scaterent... (in quibus lectores
inveniunt saepissime) inconsonantes soloecismos ! (45) On a pu voir, dans ce
qui précède, que l'illustre fondateur de la célèbre École du Palais, le grand
Alcuin, ne se contenta pas d'obéir à la lettre au mandement impérial dont
nous venons de rappeler les termes. Il fit plus. Non seulement il amenda
effectivement des textes fautifs, mais encore il les corrigea, les augmenta
et en fit la toilette au goût du jour. De ces travaux liturgiques sortirent
d'abord le Lectionnaire, puis le Sacramentaire, et un érudit aussi averti
que M. Kleinclausz a pu conjecturer avec la plus grande vraisemblance
que ces œuvres virent le jour en 794-796 (46). Il n'est pas exagéré de dire
que c'est à Alcuin que revient l'honneur d'avoir doté l'immense empire de
Charlemagne du missel qui, sous la forme à peine modifiée du Missale
Romanum moderne, est parvenu jusqu'à nous.

Lyon Robert Amiet


58, rue Pierre Dupont

(45) Mansi : Conciliorum, t. 17 B, col. 203-204.


(46) Klein glausz (Arthur) : Alcuin, Paris 1948 (Annales de l'Université de Lyon, 3e série,
fasc. 15), p. 104, note 43.
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