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Revue des Sciences Religieuses

L'insertion du « Memento » des morts au canon romain de la messe


Michel Andrieu

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Andrieu Michel. L'insertion du « Memento » des morts au canon romain de la messe. In: Revue des Sciences Religieuses,
tome 1, fascicule 2, 1921. pp. 151-154;

doi : https://doi.org/10.3406/rscir.1921.1133

https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1921_num_1_2_1133

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NOTES ETT COMMUNICATIONS 451

langue latine aidant, est beaucoup mieux dégagée dans


l'Encyclique ; mais on la trouve aussi, non sans quelques reprises,
chez le P. Forbes.
L'examen comparatif de leur développement précise et
confirme cette première impression. Pour Léon Xïlî, l'inspiration
est une motion divine, antérieure à tout acte de l'écrivain, et
qui s'accompagne pour celui-ci d'une grâce d'assistance tout
le cours de son travail (A). Sur ce point, le P. Forbes estd'trae
moindre précision ; l'assistance divine est mentionnée
seulement pour le choix des mots. — Ils s'accordent l'un et l'autre
à la lettre sur l'objet de l'inspiration (B), qui vise entièrement
et exclusivement tout ce que Dieu avait l'intention de faire
écrire. — Leurs exposés se correspondent non moins
exactement quand il s'agit de décrire dans le détail l'action de la
grâce inspiratrice sur les facultés de l'écrivain (C). Chacun
demande qu'elle porte sur les conceptions de l'esprit (a'), la
fidélité de la volonté (5'), l'exactitude de l'exécution (c').
Seulement le texte pontifical met davantage en relief l'ordre de ces
opérations et en détermine les qualités par des adverbes
expressifs. Dans le tableau ci-dessus les mots en italiques soulignent
les rencontres verbales qu'entraîne sur chaque point l'identité
du thème et la ressemblance des idées .
Non pas sans doute que le texte du P. Forbes doive être
regardé comme une source de l'Encyclique. La conclusion
dépasserait de beaucoup les prémisses. A. tout le moins ces
coïncidences prouvent-elles jusqu'à quel point les documents
pontificaux suivent de près la doctrine reçue des écoles. De
cette règle bien connue difficilement peut-être trouverait-on
ailleurs un exemple tout à la fois plus incontestable et plus
décisif.
Jean Rivière.

2. - L'insertion du « Memento » des morts


au canon romain de la messe.

Les liturgistes avaient depuis fort longtemps remarqué qu'un


grand nombre d'anciens sacramentaires ne contenaient point
152 MICHEL ANDRIEU

le Memento des morts au canon de la messe. L'explication la


plus satisfaisante de ce fait a «té donnée par M. Edm.
Bishop (1) : le Memento des défunts ne figurait pas
primitivement dans le canon de la messe romaine ; réservé d'abord aux
messes pro defunctis, il n'apparut que tardivement au canon
des messes publiques (messes du dimanche, des stations et des
fêtes). L'église romaine ne l'adopta pas avant le ixe siècle
comme partie intégrante du canon de toutes les messes sans
exception
Dans le cours de sa démonstration (p. 111) M. Bishop
rapporte une rubrique qui terminait l'office des funérailles, dans
le Pontifical de Prudence, évêque de Troyes (milieu du ixe s.).
La citation est faite d'après Martène, le manuscrit original
étant perdu. Nous la reproduisons ici :

Die autem dominico non celebrentur agenda mortuorum nec nomina


eorum recitentur ad missam, sed tantum regum, vel principum et sacer-
dotum, vel pro omni populo christiano oblata vel vota reddantur. De-
functorum autem qui moriuntur die dominico, Christus filius Dei ipse
det eis requiem, qui semetipwm p'ro ipsis vel pro universo génère hu-
rnano hostiam obtulit (2).

M. Bishop la commente ainsi : « Je suis disposé à croire


qu'on peut légitimement tirer de ce texte la conclusion
suivante : d'après le rite du palais impérial, [que représenterait
le Pontifical de Prudence], au moins vers la cinquième décade
du ixfe siècle, le Memento des morts était dit aux messes du
dimanche aussi bien qu'aux autres. Mais les seuls noms
mentionnés étaient ceux de très « hauts » personnages : royauté et
episcopal, couronne et mitre avaient seuls droit de figurer.
Une telle dérogation, en cette matière, à la règle romaine serait
tout à fait en accord avec les tendances qui s'étaient
développées, dans les milieux de la cour et dans la chapelle du palais,
depuis la mort de Charlemagne ».
Nous aurions donc là un type intermédiaire entre les deux

(1) Liturgiea hislorica, 1918, p. 96-103 ; 109-115.


(2) Martène, De anl. eccl. rit., l. III, c. X, ordo II ; éd. de Venise, II, 385.
NOTES ET COMMUNICATIONS 153

sortes de canons que nous présentent les manuscrits : au canon


purement romain on a ajouté la formule du Memento des
morts, mais exclusivement réservée, pour la messe du
dimanche, à la mémoire de quelques illustres défunts. L'intérêt
de ce document unique serait de nous donner jour sur les
préoccupations auxquelles pouvaient céder des rubricistes de cour.
En réalité l'éminent liturgiste n'avançait pas cette
explication sans hésiter quelque peu : il trouvait que l'auteur « aurait
pu s'expliquer plus clairement ». Mais, avant d'incriminer les
style du vieux rédacteur, il faudrait que nous fussions sûrs
d'avoir son texte exact. Nous ne pouvons vérifier sur
l'original cette rubrique du Pontifical de Prudence. Nous la trouvons
par contre dans un document plus ancien, où elle aura été
empruntée par le compilateur du Pontifical, dans le Capitulare
ecclesiastiçi ordinis, imprimé par Gerbert, d'après le Cod. San-
gall. 349 (i). Nous lisons dans ce dernier manuscrit, p. 93 :

In diebus autem septimane, de secunda feria quod est usque in sabbato


celebrantur missas vel nomina eorum [defunctorum] commémorant.
Die autem dominica non celebrantur agendas mortuorum, nec nomina
eorum ad missas recitantur, sed tantum vivorum nomina regum, vel
principum seu et sacerdotum, vel pro omni populo christiano oblationis
vel vota redduntur. Defunctorum autem qui merentur (= moriuntur)
die dominica, etc. (2).

On a ici toute la clarté désirable : le dimanche, pas de


funérailles et pas de commémoraison des défunts à la messe ; on
ne nomme ce jour-là que des vivants : rois, princes,
ecclésiastiques, fidèles.

(1) Gerbekt (Monum vet. ht. Aleman., ,t. II, p. 168 ss.) ne fait précéder
le Capitulare d'aucune indication de provenance. Dans la table des
matières, placée en tête du volume, il l'annonce ainsi : Incipit capitulare...
Ex. Msc. San-Blas. saec. IX cire. Cette note fautive a pu tromper les
lecteurs de Gerbert (Cf. Bishop, l. c, p. 154) et les empêcher de voir la liai-
ion du Capitulare avec les pièces qui sont données à la suite, comme
provenant d'un nus. de S. Gall. Il nous suffira d'indiquer ici qu'il faut faire
remontera la seconde moitié du vm' s. la composition du recueil contenu
dans le Cod. Sang all. 349. Cf.LEJAY, Revue d'hist. et litt. rel ,1897, p. 178-181.
(2) Gerbert. l. c, p. 173.
154 MICHEL ANDR1EU

II est possible que la copie de Martène soit exacte et que le*


mot vivorum ait déjà manqué dans le Pontifical de Troyes.
Mais on ne saurait voir là plus qu'une inadvertance de copiste
et il faut renoncer à croire qu'en se conformant à la pratique
romaine, et en omettant la nomination des morts à la messe
du dimanche, on ait voulu faire une exception en faveur
des grands de ce monde.
M. Bishop s'était servi, pour son étude du Capitulare, eccles.
ord. Il traduit même presque en entier, à un autre endroit (1),
la phrase que nous avons citée. Il est surprenant que sa
mémoire si sûre n'ait pas reconnu le même texte dans la rubrique
du Pontifical de Prudence qu'il rapporte un peu plus loin.

3. — Note sur un fragment de manuscrit


dérobé à la bibliothèque vaticane.

En 1744, Muratori publiait un Ordo monastique du vm* siècle,,


intitulé Breviarium ecclesiastici ordinis, dont il empruntait le texte à
un manuscrit du Vatican, le Palatinus 574, f. 152 et ss. (2). Dans
la suite, le Palatinus 574 fut tronqué et perdit les pages qui
contenaient le Breviarium. Il s'arrête actuellement après le f. 151 (3),
Mais, avant sa mutilation, il avait à plusieurs reprises attiré
l'attention de divers érudits. Vers la fin du xvne siècle, Schelstrate,
préfet de la Vaticane de 1683 à 1692, avait pris une copie du
Breviarium (4). Muratori donna, dans son édition, un fac-similé en
gravure du f. 152 v°, portant le début du Breviarium (5). En 1757, les

(1) L. c, p. 99.
(2) Muratori, Liturgia romana vêtus, t. II, col. 391-404. Ce texte
figurera dans la nouvelle édition des Ordines romani que prépare l'auteur
de la présente note. Dom Martène en a donné une édition (Thesaurus nov.
anecd., t. V, 1717, col. 103-110), d'après un nos. de Murbach, aujourd'hui
conservé à Gotha, sous la cote Membr., I, n. 85.
(3) H. Stevenson et J. B. de Rossi, Codices palatini biblioth. Vaticanae,
t. I, Rome, 1886, p. 184-186. Cf. aussi Maassen, Geschichte der Quellen
u. d. Literatur d. canonischen Rechts, t. I, 1870, p. 585.
(4) Elle est conservée dans le Cod. Vatic, 7146, f. 4 r° — 9 v<>. Elle fut
'reproduite un peu plus tard dans le Vat. 8462, f . 152 v° — 160 v°.
(5) hoc. cit., entre les col. 392 et 393.

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