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CHARTRES — CHARTREUX (LITURGIE DES)

(121). Breviarium, xn e s. (olim Saint-Père),


579 existent entre les manuscrits,touchant les répons gra
incomplet du commencement. duels et plus encore les versets alléluiatiques de ces
1037 (H. 1. 52). Obituaire de Saint-Père, xn e s. offices. Il est donc intéressant de comparer le réper
(olim Saint-Père). toire de l’Église de Lyon avec celui de la Chartreuse.
Fol. 3-68. Martyrologe d’Usard, sans la préface. Or, le manuscrit cartusienle mieux placé pour nous
Fol. 89-107. Évangiles de l’année. renseigner à ce sujet, parce que sa rédaction est an
H. Leclercq. térieure aux premiers remaniements de la liturgie
CHARTREUX (LITURGIE DES).— I. Les origines : au xn e siècle, a été si bien gratté et corrigé que, le
1° sources et principales particularités du missel; plus souvent, il est impossible de reconnaître la ver
2° sources et principales particularités de l’antipho- sion primitive 6 Cependant, ces corrections elles-
naire; 3° calendrier; 4° office pour les défunts. IL Pé mêmes, qui portent .
à peu près sur tous les répons et
riode d’évolution (vers 1142-1259): 1° développement sur les versets alléluiatiques du temps après la Pente
du calendrier et des messes conventuelles; 2° rite côte, et même, pour ces derniers, sur les offices depuis
de la messe et usages divers. III. Dernière période du Pâques, ne sont pas sans nous éclairer. De fait, partout
moyen âge (1259-1581) : 1° le calendrier et les ac où nous pouvons retrouver, sous le grattage, le texte
croissements de l’office; 2° les terminationes de la primitif, nous constatons qu’il était conforme à celui
Bible; 3° le cérémonial. IV. Période moderne (de 1581 du missel lyonnais, et les interpolations ont toujours
à nos jours) : 1° révision des livres liturgiques; 2° ad pour effet d’introduire un texte non lyonnais. D’autres
mission de nombreusesfêtes nouvelles.V.Le chant chez constatations relatives à la série des évangiles, depuis
les chartreux : 1° le chant à l’origine de l’ordre; le IV e dimanche jusqu’au XXIII e ,nous montrent les
2° la recordatio et le chant par cœur; 3° les cantores missels lyonnais et cartusien d’accord entre eux là
chori et le De modo cantandi et psallendi; 4° le chant précisément où ils se séparent du missel romain. De
dans les trois derniers siècles. même encore, dans les deux premiers, c’est l’office
I. Les origines. —• i. sources et principales Si iniquitates qui termine la série du temps après la
particularités du missel. — Les Consuetudines Pentecôte, tandis que dans le missel romain, c’est la
Carlusiæ, composées vers 1127 1 par Guigues, cin messe Dicit Dominus. Si nous ne devions nous borner,
quième prieur de la Chartreuse, sont le plus ancien do il faudrait énumérer aussi les particularitésde la béné
cument, liturgique en même temps que disciplinaire, diction des cierges, des cendres et des rameaux, celles
que l’on trouve dans l’ordre cartusien2 . C’est par la des offices du vendredi et du samedi de la semaine
liturgie que s’ouvre ce recueil : a digniori parte,officio sainte, ainsi que du samedi avant la Pentecôte, l’em
videlicet divino, sumentes exordium, nous dit l’au ploi du verset Porte, Domine, custodiam ori meo avant
teur 3 . D’après une tradition généralement admise, la confession, à la messe 7 ,la récitation de la prière De
c’est principalement de l’Église de Lyon que les char- lalere Domini noslri Jesu Chrisli au moment où Ton
treux ont reçu et leurs livres liturgiques et la plupart met l’eau dans le calice 8 certaines variantes dans le
,
de leurs rites, du moins ceux qui ne sont pas de prove texte du canon, etc..., toutes choses qui accusent une
nance monastique : Creduntur eiiim Cartusiani ipsi parenté d’origine.
ab ilia vetuslissima Lugdunensi Ecdcsia, primate Gal- Tout en nous occupant de la liturgie lyonnaise dans
liarum, exemplaria desumpsisse *. Toutefois, comme ses rapports avec celle des chartreux, nous ne perdons
aucun des auteurs, auxquels nous venons de renvoyer, pas de vue que d’autres liturgies, spécialement celles
n’est antérieur au xvi e siècle, il est nécessaire de re de Vienne et de Grenoble, doivent avoir aussi des
monter plus haut pour se former une opinion fondée. points de contact avec cette dernière, et leur étude dé
Commençonspar le missel 6 Une première remarque taillée nous ouvrirait sans doute de nouveaux hori
.
générale, c’est l’absence de compositions de style ecclé zons 9
.
siastique, à part de très rares exceptions. Guigues ad Complétons la description du missel cartusien en
mit de ce chef les principes émis par Agobard, et y faisant entrer quelques particularités qui n’ont
l’ordre des chartreux les garda avec plus de ténacité point trouvé place dans notre étude comparative.
que l’Église de Lyon. A Lyon, aussi bien qu’à la Char La confession avant la messe est mentionnée dans les
treuse, la Pentecôte a son octave, dont l’office est le Consuetudines 10 et décrite un peu plus tard, dans ses
même que celui de la fête. Il s’ensuit que la série des grandeslignes, dansles Constitutions de Basile, dont la
offices dominicaux qui vient après la Pentecôte est en composition ne peut être postérieure à Tannée 1173 :
retard d’un dimanche sur la série correspondante de Sacerdos... dicta oralione ad dextrum cornu altaris, ad
l’office romain. Ceci posé, on sait quelles divergences sinislrum casula induilur, et inclinatus præmittit, ante
1 Le Couteulx, Annales ordinis Cartusiensis,in-4°, Mons- de Parkminster (Angleterre), ms. A. 33, ancien. J. Rosen-
trolii, t. i, p. 302. — 2 Guigonis, Carthusiæ majoris prioris thal, Biblioth. cathol. theol., cat. xiv, n. 158. La Paléogra
quinti consuetudines, P. L., t. cliii, col. 631-760. — 3 Con-• phie musicale, t. i, a emprunté ses planches xii, xm et xiv
suet., Prologus, P. L., t.cliii, col. 639.— ‘P. Sutor.De vita à ce dernier manuscrit, dont elle donne une description
Cartusiana, in-12. Colonise Agrippinæ, 1609, 1. II, tr. iv, sommaire p. 142-145. — *11 s’agit du manuscritA. 33 de
c. in. Cf. N. Molin, Historia Cartusiana, in-4°, Tornaci, Parkminster,mentionné plus haut. Depuis la publication
1903, t. i, p. 82; Le Couteulx, Ann., t. u, p. 527, et t. i, du premier volume de la Paléographiemusicale, ce graduel
p. 309, où il cite Swertius, Chronol. hist. arch. Lugd., a été étudié de plus prés par les bénédictins de Solesmes,
ad annum 1126; Vie de saint Bruno, fondateur de l'ordre et ils ont constaté que la notation qu’ils avaient crue
des chartreux, par un religieux chartreux, in-8°, Montreuil, italienne, sur un premier examen trop rapide, était évidem
1898, p. 278 sq. — 5 Avec l’ouvrage de Marchesi, La litur mentdérivée d’un type primitif lyonnais connupar certaines
gie gallicane dans les huit premiers siècles de l’Église, in-8°, particularités bien caractéristiques. C’est à leur perspi
Lyon, 1869, nous utilisons, pour cette étude, un manuscrit cacité et tout particulièrementà celle de D. Beyssac, que nous
lyonnais assez rapproché des originescaitusiennes,le codex devons d’avoir pu retrouver un fond lyonnais primitif
Barberini 559 de la Vaticane, qui se place «entre les années sous les grattages postérieurs. La notation de ce manuscrit
1173 et 1223. Bannister, Catal. Somm. Espiz. Greg., p. 42, a été également décrite dans P. Wagner, Neumenkunde,
n. 106. Une reproduction photographique de ce docu Palciographie des gregorianischen Gesanges, Freiburg,
ment nous a été gracieusement commun quée par les PP. 1905, p. 26, 176. L’auteur la fait provenir, lui aussi,
bénédictins de Solesmes. Comme manuscrits cartusiens comme l’avait fait la Paléographie musicale, du nord de
du xu e siècle, nous avons spécialemem un sacramentaire l’Italie. — 7 Marchesi, op. cit.,p. 481. — 3 Ibid.,p. 483. —
de la Grande-Chartreuse,ms. C. I. 751, un graduel-épisto- 9 Cf. Le Couteulx, Annales ordinis Carthusiensis, t. il,
lier de Grenoble, ms. 84, un bréviaire de Paris, Biblioth. p. 527-545. — 10 Consuet., iv, 7 et 17, P. L., t. cliii, col. 641,
nat., fonds latin, ms. 477, et un graduel de la Chartreuse 643.
confessionem,precem : Pone, Domine, custodiam ori meo. quelques variantes parmi lesquelles nous relevons les
Confessionem autem, si præsens sit, facil episcopus- suivantes : dans l’oraison Deus qui ad satutem,les mots
Qua facla, subdit sacerdos dliam precem : Adjutorium creatura mysterii tui tibi serviens; dans l’oraison Deus
nostrum in nomine Domini 1 . Relevons en passant invictæ virluiis, le mot more au lieu de rore; enfin,
deux variantes dans des pièces importantes; ce sont, chose plus importante,la rubrique Hic mittitur sal in
gloriam tuam aquam. Bencdictio salis et aquæ, qui deviendra au
au Gloria in excelsis, les mots propler
magnam, et, dans le Credo, la finale et vitam futuri xvii e siècle, conformémentau missel de saint PieV,
sæculi 3 . A la messe de la vigile de Noël ainsi qu’aux la formule de bénédiction Commixtio salis et aquæ pa~
trois messes de la fête, l’épître est immédiatement riter fiat in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti.
précédée d’une leçon empruntée à Isaïe. C’est un reste Pendant quelechœur chante l’antienne Aspergesme,le
de ce qui se pratiquait aux premiers siècles, où une prêtre asperge le sanctuaire en faisant le tour de l’au
leçon prophétique précédait généralement la lecture tel, puis les moines qui viennent défiler devant lui, et
de l’épître 3 . De même, la messe gallicane avait tou en dernier lieu les laïques à la porte du chœur.
jours deux leçons, outre l’évangile, et la première était La profession des novices, dont le détail se trouve
empruntée à l’Ancien Testament 4 . Les préfaces sont dans les Consuetudines 10 est, pour le fond, telle que
au nombre de neuf, à savoir pour
Noël,l’Épiphanie,le ,
la décrit saint Benoit u mais avec un ordre différent.
,
Carême, Pâques, l’Ascension,la Pentecôte,les fêtes de En Chartreuse,la profession ne vient qu’après le chant
la sainte Vierge et les Apôtres, plus la préface com du verset Suscipe, la recommandation du novice aux
mune 6 . prières des moines et la bénédiction de la cuculle.En
Guigues désigne, parmi les objets servant au culte, outre, c’est immédiatement après l’offertoire qu’elle
le chalumeau pour prendre le précieux Sang 6 . La a lieu, tandis qu’ailleurs elle se faisait soit avant l’in
messe s’achève naturellement sur les paroles du diacre : troït, soit de suite après l’évangile 12 . Des deux orai
lie missa est ou BenedicamusDomino,sans bénédiction. sons qui sont récitées,l’une sur la cucullepourla bénir,
Le Placeat ne fera son apparition que plus tard. l’autre sur le novice, la première. Domine Jesu Christe,
L’office du sous-diacre n’existe pas dans la messe qui tegimen, paraît avoir été d’un usage peu fréquent;
cartusienne; le diacre seul assiste le prêtre à l’autel. toutefois elle figure dans l’ancien ordinaire du Mont-
LTn moine quitte sa stalle pour se rendre au lectoire au Cassin 13
.
moment de l’épître, qu’il chante sans aucun signe ex II. SOURCES ET PRINCIPALES PARTICULARITÉS DE
térieur de son office. Celui du diacre, également assez l' t
A N ip n ON aire.— Les chartreux adoptèrent dès l’ori
simple, est toutefois plus important. Les Constitu gine l’office monastique, du moins dans ses grandes
tions de Basile nous apprennent que le diacre chante lignes : a digniori parte, officio videlicet divino, su-
l’évangile avec l’étolemise comme il suit : ponit sto- mentes exordium, in quo cum cæleris monachis multum,
lam super humerum sinistrum, et per dextrum tains maxime in psalmodia regulari, concordes inveniamur
receptam involvit pro manipulo in sinislra manu. Il (al., invenimur)14 . Guigues imita ce qui était assez
prépare le pain et le vin pendant le Credo, ou, s’il ne fréquent alors et se mit à composerlui-même l’anti-
se chante pas, pendant les collectes. Pour l’encense phonaire à l’usage de sa maison, en s’inspirant des
ment à l’offertoire, il fait tout le tour de l’autel. Il com principes émis trois siècles plus tôt par Agobard, le
munie le dimanche avec l’hostie réservée la semaine célèbre évêque de Lyon. Nous avons, de l’auteur des
précédente pour le viatique des malades, et qui est Consuetudines, le prologue même qu’il mit en tête de
remplacée par une hostie nouvellement consacrée. son antiphonaire. Citons le passage principalde ce do
Aux principales fêtes sur semaine,il reçoit la troisième cument que Le Couteulx nous a transmis 15 , et que l’on
partie de l’hostie du saint sacrifice 7 . Le diacre com trouve aussi dans un antiphonaire du xiv e siècle, pro
muniait alors sous les deux espèces. Bien que cette venant de la Chartreusedu Liget 16 . Nous donnons ici
pratique ne soitpas attestée par Guigues, elle résulte le texte de ce manuscrit, qui nous paraît meilleur que
de la défense qui en fut portée plus tard, au milieu celui de Le Couteulx : Quædam de anliphonario aufe-
du xm e siècle, et qui suppose son existence. renda seu abbreviandapulavimus, quæ scilicet ex parle
Le luminaire est des plus modestes : généralement, maxima aut superflua erant, aut incongruenler compo
pour les messes, un seul cierge renfermé dans une lan st ta vel interposita vcl apposita,aut pravæ auclorilalis,
terne. A certains jours, assez rares d’ailleurs, qui ont aut ambiguæ, aut nullius, aut levitatis, aut imperitiæ,
plus de solennité, deux cierges brûlent sur l’autel 8 . aut mendacitatis criminis rea. Porro quæ emendala vi-
Le cérémonial de la bénédiction et de l’aspersion de dentur esse vel addila, ulrum recie se habeant igno-
l’eau, le dimancheavant la messe, est décrit dans les rare non poterit quisquis divinam Scripturam, velus
Consuetudines 9 Quant au texte des prières, il est à videlicet Tcstamenlumet novum, studio seperlegerit. En
.
peu près le même que celui du missel romain, avec se reportant au traité De correclione antiphonarii d’Ago-
1 Le Couteulx, Ann., t. ii, p. 387 ; Item, Dijon,ms. 626(364), H. Bradshaw Saciety, London, 1896, t. xi, p. 201.— *Con-
f° 43. — 2 Cf. Burn, Facsimiles of the creeds from earlg ma- suet., xl, 1, P. L., t. cliii, col 717. — 7 Constitutions de
nuscripts, grand in-4°, H. BradshawSociety,London, 1909, Basile, Dijon, ms. 626 (364), f° 42. — 3 Consuet., iv, 28,
t. xxxvi, p. 17, pl. xn et xiii. — 3 Cf. Duchesne, Origines du 31; viii, 1, 2, P. L., t. cliii, col. 645, 651. A vrai dire,
culte chrétien, 3 e édit., in-8°, p. 167 sq. — 4 Op. cit., p. 195. les Consuetudines ne mentionnent ni l’unique cierge pour
— 6 Saint Bruno a été, considéré comme étant l’auteur de la messe ni la lanterne; mais leur emploi est attesté par
la préface de la sainte Vierge. Cette opinion est exposée et un texte de peu postérieur que nous aurons à rapporter
discutée longuement par les bollandistes, Acta sanctorum, plus loin. Il s’est même conservé jusqu’à nos jours un
octobr. t. ni, Commentarius prævius, n. 596 sq. Disons vestige de cet usage; car aujourd’hui encore l’Ordinarium
seulement ici que cette préface, sous sa forme actuelle, prescrit que l’unique cierge qui brûle sur l’autel pendant
qui est celle que nous trouvons déjà dans le sacramentaire la bénédiction qui précède la messe, au jour de la Purifi
de la Grande-Chartreuse, et, à quelques variantes près, cation, soit renfermé dans une lanterne. Ordinarium Car-
celle du missel romain, n’est [qu’une réduction d’une tusiense, c. xlvi, 12, in-18, Gratianopoli, 1869, p. 516. —
préface plus étendue et certainement antérieure à saint 9 Consuet., vu, 5, P. L., t. cliii, col. 649. — 10 Consuet.,
Bruno. Voir, par exemple, dans P. L., t. lxxviii, col. 133, xxiii, xxiv, P. L., t. cliii, col. 685-692. — 11 Régula,
la préface de l’Assomption, où le texte, plus développé lviii, P. L„ t. lxvi, col. 805. — 1267, Marténe, De antiquis
in-f°, Antverpiæ,
que celui du missel moderne,en contient tous les éléments. monachorum ritibus, 1. Y, c. iv, n.
Voir également Pamelius, Liturgicon Ecclesiæ latinæ, 1764, t. iv, p. 230. — 13 Martène, op. cit., n. 7, p. 224.
in-4°. Colonise Agrippinæ, 1571, t. il, p. 603; Muratori, — 14 Consuetudines, Prologus, 4, P. L., t. cliii, col. 639-
Opéré, in-4°, Arezzo, 1772, t. xiii, part. 2* (t. xvm), col.
— 16 Annales ordinis Carlusiensis,1.1, p. 308.— 16 Loches,
1017; A. Wilson, The missel of Robert of Jumieges, gr. in-8°, ms. 3, f° 9.
bard S on constate que Guigues lui a emprunte non bénédictin en ce qu’il n’admet pas les hymnes. Cetfe
seulement ses principes, mais parfois même scs pro pratique était aussi celle de l’Église de Lyon 8 . Cepen
pres expressions. Quant à la valeur du critère sur le dant, la liturgie cartusienne s’est vite départie de cette
quel ils s’appuient l’un et l’autre pour distinguer ce rigueur. Parmi les décrets du chapitre général de
qui est authentique de ce qui ne l’est pas, nous n’avons l’an 1143, se lit celui-ci : Post Venilc canlelur Ælerne
pas à la discuter ici, d’autres l’ont fait, plus autorisés rcrum condilor; ad laudes, Sptendor palernæ gloriæ;
et mieux placés que nous pour en juger avec impar ad vesperas, Deus creator; ad completorium, Christe
tialité 2 . Il faut bien avouer que Guigues, malgré tous qui lux es 9 . Le bréviaire de Paris 10 ajoute encore
les égards qui lui sont dus par ailleurs, ne saurait quelques hymnes dès l’année 1182.
échapper aux reproches que s’est attirés le fougueux L’ofïice de l’Avent débute par le répons Aspiciebam,
évêque. Son excuse se trouve dans l’autorité dont qui prend ainsi la place du célèbre répons Aspiciens a
jouissait encore de son temps la célèbre Église de longe. Les antiennes O, admises par l’une des rares
Lyon. dérogations au principe d’Agobard, sont réduites à
Mais dans tout ceci, nous n’avons que le principe sept. L’ofïïce de Noël est à peu près exclusivement
éliminatif qui a présidé à la constitution de l’antiplio- consacré àNotre-Seigneur,à part deux antiennes qui
naire. Sur quel fond Guigues a-t-il travaillé en appli ont pour objet direct la sainte Vierge. Durant les trois
quant ce principe d’élimination, et où a-t-il pris les derniers jours de la semaine sainte, on laisse le rite
l’antiphonairc qu’il substitua à celles qu’il
pièces de monastique pour adopter à peu près l'office romain :
supprimait comme non authentiques? Nous devons Tolisque his tribus diebus... tolum fere ofjicium juxla
avouer de suite que nous ne saurions rien affirmer de clericorum morem exsequimur u . En cela Guigues se
certain à ce sujet, tant les remaniements paraissent sépare de ce qu’avait déterminésaint Benoît, pour se
avoir été opérés sur une grande échelle.Le fond de l’an- rallier à ce qui était devenu dèslors la pratique géné
tiphonaire est certainementromain avec quelques par rale des églises monastiques 12 . Quant au répons
ticularités gallicanes. Disons tout d’abord qu’une Tenebræ faclæ sunl rendu célèbre par les anathèmes
étude comparative faite sur l’antiphonaire du bien d’Agobard 13, il figure dans l’offlce du vendredi saint
heureux Hartkerde S lint-Gall 3 conduit à rejeter aus après la 9 e leçon; mais son texte est tel qu’il ne sau
sitôt toute idée de parenté entre le recueil cartusien et rait donner prise à la critique. La cérémonie du Man-
celui de la célèbre abbaye. Après ce que nous avons dedum n’ofTre rien de spécial. Les antiennes qu’on y
constaté pour le missel, il était tout naturel de se tour chante sont au nombre de huit et elles sont d’ailleurs
ner du côté des livres lyonnais. Nous avons pu en con connues. Dès les premières vêpres de Pâques, le rite
sulter deux, dont l’un est contemporain, ou à peu monastique reprend tous ses droits.
près, de la centonisation opérée par Guigues : c’est le Au sanctoral, le nombre des offices propres est extrê
manuscrit 457 (fonds Delandine) de la bibliothèque mement réduit, comme du reste le sanctoral lui-même.
de Lyon 4 L’autre, nnins ancien, est un bréviaire En dehors des fêtes de Notre-Seigneur et de la sainte
.
noté, écrit entre les années 1320 et 1325 pour la col Vierge, il n’y a d’office propre que pour saint Étienne,
légiale Saint-Jean 5 Or, les rapprochements sont saint Jean, les saints Innocents, les saints Philippe et
.
trop peu caractéristiqueset les divergences trop nom Jacques en partie seulement,la Nativité de saint Jean-
breuses, pour qu’il soit permis de conclure à une pa Baptiste, les saints Pierre et Paul, saint Michel et la
renté d’origine avec les livres cartusiens. Il faut donc Toussaint.
réserver ses conclusions sur ce point. Les leçons, pour les jours fériaux, sont prises, à part
Laissant de côté cette question d’origine, montrons de très rares exceptions, de l’Écriture sainte, qu’on
brièvement les principaux aspects de l’antiphonaire. lit en entier chaque année. Quant aux fêtes de douze
Le cursus adopté est conforme, avons-nous dit, à leçons, si l’on excepte quelques solennités où les le
celui qui est décrit dans la règle de saint Benoît, avec çons du premier nocturne sont aussi de
l’Écriture
les ofïices de douze et de trois leçons, et, pendant l’été, sainte, c’est des écrits des sa nts Pères qu’elles sont
d’une seule leçon, et les nocturnes de six psaumes. exclusivement tirées.
Un psaume en chant directané vient immédiatement Des processions, nous n’avons qu’un mot à dire; la
après le Deus in adjutorium des matines et des laudes. liturgie cartusienne les rejette absolument : et hoc
Toutes les heures se terminent par une litanie suivie sciendum quod in nulla solemnitate processionem faci-
de preces qui sont à peu près celles qu’a publiées Mar- mus 14. Les belles processions de la Purification et
tène 6 . Le Pater à laudes et à vêpres est récite à même des Rameaux ne trouveront pas grâce dans l’ap
haute voix. L’emploi des petits répons est limité à plication de ce principe.
laudes et à vêpres pendant toute l’année, sauf en cer Pour l’heure des matines, l’ordre se conforme à ce
taines solennités, et au premier nocturne pendant qui est déterminé dans la règle de saint Benoît,
l’été, alors que l’ofïice férial n’a qu’une seule leçon. Par c’est-à-dire que les matines et les laudes se chantent
contre, toutes les fois que l’office de matines ouvre une sur le matin, précédant immédiatement le lever du
série spéciale de répons, on en chante un aux pre soleil 15 . Le sommeil des moines n’était donc pas inter
mières vêpres, à la place du petit répons,et c’est géné rompu comme aujourd’hui : ad leclos autem pist
ralement le second 7 . En outre, quelques rares fêtes malutinas nullo reditur tempore 16 . Mais Guignes a
ont aussi un grand répons aux secondes vêpres. soin de mieux préciser ce que la règle de saint Benoît
L’ofïice cartusien, à l’origine, s’écarte de l’ofïice laisse dans un certain vague : Canlatis noclutnis,

‘P. L., t. civ, col. 329 sq. — Cf. Dictionn., t. i, col. 971, Patrum decernunt nihil poelice compositum in divinis tau-
dibus usurpandum,P. L., t. civ, col 327. — * Le Caiiteulx,
2

Agouard; D. Guéranger,Institutions liturgiques, 2 e édit.,


1.1, p. 2-16 sq.—3 Paléographie musicale, 2 U série, t. i.
— Ann., t. il, p. 24.—10 F os 116-118.— u Consuet., iv, 19, 27,
Cf. Delisle, Mémoire sur d’anciens sacrumentaires, n. exur. P. L., t. cliii, col. 643, 615.— 13 Cf. Paléograp'r.s mu
13 Liber de correclio e
4

— 3 II appartient à M. Chappée du Mans. C’est d’après une


sicale, t.ix, introduction, p. 33. — J4 Ljfi-
copie très fidèle de ce document, prise par les PP. béné anliphonarii, vin, P. L., t. civ, col. 332, 333.
suet., vi, P. L., t. cliii, col. 647. Telle paraît avoir été éga
dictins de Solesmes,que nous avons fait notre étude com
parative. — De antiquis monachorum rilibus, 1. I, c. ni, lement la pratique des premiers cisterciens, d’après Mar-
tène. De antiquis monachorum rilibus, 1. III, c. xiv, n. 25,
6

n. 15, 19, in-fol., Antverpiæ, 1764, t. iv, p. 14 sq. Cf.


Dictionnaire, au mot Acclamation, t. i, col. 255 sq. — in-fol., Antverpiæ, 1764, t. iv, p. 156. — 13 Rej ta, vpi,
7 Consuel., vu, 3, P. L., t. cliii, col. 647. — 8 Marchesi, P. L., t. lxvi, col. 209 sq. — 13 Consuet., xxix, 5, P. /..
op. ch,, p. 495. Agobard avait déjà^ dit : Reverenda concilia t. cliii, col. 699.
1051 CHARTREUX (LITURGIE DES) 1052

breve facimas intervallum, quod ad plus septcm psalmos 12 Nerei et Achillei atque Pancratii martyrum.
pænilentialescapere valeat. Sequimtur deinde matutinæ 25 Urbani papæ et martyris.
laudes, quas a kalendis ociobris usque ad Pascha
lux terminât, exinde inchoal l . En donnant l’oflice
à
2 Marcellini et Pétri martyrum.
d’alors une moyenne de deux heures et demie à trois 9 Primi et Feliciani martyrum.
heures, il est facile de déduire à quel moment commen 11 Barnabæ apostoli.
çaient les nocturnes pour chaque saison 2 . C’était 12 Basilidis, Cirini et Naboris martyrum.
toujours bien après l’heure de minuit, surtout en hiver. 16 Cirici et Julitæ martyrum.
Une remarque importante : Generaliler autem in 18 Marci et Marcelliani martyrum.
ecclesia matutinas et vesperas, in cellis vero semper coin- 19 Gervasii et Protasii martyrum.
pletorium dicimus. Alias enim, nisi feslivis diebus 23 Vigilia sancti Joannis Baptistæ.
24 Nativitas ejusdem. xii
aut vigiliis aut anniversariis, ad ecclesiam non veni- 26 Joannis et Pauli martyrum.
1. c.
mus 3 . La vie cartusienne est avant tout érémitique; 28 Vigilia apostolorum Pétri et Pauli. Leonis papæ.
saint Bruno n’y a mêlé l’élémentcénobitique que dans 29 Natalis eorumdem. xii 1. c.
une certaine mesure qui nous est donnée ici. 30 Commemoratio sancti Pauli. xii 1.
in. ca LEsmiiER.—Il y eut dès l’origine quatre degrés JULII
pour les fêtes : celles de trois leçons, celles de douze 1 Octavæ sancti Joannis.
leçons simples, celles de douze leçons avec chapitre* 2 Procèssi et Martiniani martyrum.
ainsi appelées parce qu’en ces jours on tient chapitre, 6 Octavæ apostolorum.
et les solennités qui se distinguent des simples fêtes 10 Septem fratrum, filiorum sanctæ Felicitatis.
de chapitre par un peu plus de pompe, et particulière 21 Praxedis virginis.
ment en ce qu’on y allume deux cierges à la messe, 22 Mariæ Magdalenæ.
à vêpres et à laudes, d’où le nom de festa candelarum, 23 Apollinaris episcopi et martyris.
Cristinæ virginis et martyris.
par lequel nous les voyons désignées à partir du xm e 24
siècle 4 Dans l’exposé que nous allons faire, les 25 Jacobi apostoli, Christophori martyris. xii 1. c.
. 28 Nazarii et Celsi martyrum.
solennités sont indiquées en lettres italiques, et les 29 Felicis, Simplicii, Faustini et Beatricis martyrum.
fêtes de chapitre marquées de la lettre c. Voici donc, 30 Abdon et Sennes martyrum.
d’après les documents contemporains, quel était au 31 Germani episcopi et confessoris.
xn e siècle le calendrier cartusien 6
.

JANUARII 1 Sancti Pétri ad vincula.


1 Circumcisio Domini. xii 1. c. 2 Stephani papæ et martyris.
6 Epiphania Domini. xii 1. c. 3 Revelatio sancti Stephani.
10 Pauli primi eremitæ. 6 Sixti papæ et martyris. Felicissimi et Agapiti martyrum,
13 Octavæ Epiphaniæ. xiil. 8 Ciriaci cum sociis suis.
14 Felicis in Pincis confessons. 9 Vigilia sancti Laurentii.
16 Marcelli papæ et martyris. 10 Natalis ejusdem. xii 1. c.
17 Antonii abbatis et confessoris. 11 Tiburtii martyris.
18 Priscæ virginis et martyris. 13 Hyppoliti martyris.
20 Fabiani et Sebastiani martyrum. 14 Vigilia sanctæ Mariæ. Eusebii confessoris.
21 Agnetis virginis et martyris. xii 1. 15 Assumptio beatæ Mariæ. xii 1. c.
22 Vincentii martyris. xii 1. c. 18 Agapiti martyris.
25 Conversio sancti Pauli. 22 Timothei et Simphoriani martyrum.
26 Polycarpi episcopi et martyris. Octavæ sanctæ Mariæ. xii 1.
28 Agnetis secundo. 24 Bartolomæi apostoli. xii 1. c.
28 Augustini episcopi et confessoris et Hermetis martyris
FEBRUARII 29 Decollatio sancti Joannis Baptistæ. Sabinæ martyris.
2 Ypapanti Domini. xii 1. c. 30 Felicis et Adaucti martyrum.
5 Agathæ virginis et martyris. xii 1. c. SEPTEMBRIS
14 Valentini martyris.
22 Cathedra sancti Pétri. 8 Nativitas- beatæ Mariæ. XII L C.
24 Mathiæ apostoli. 9 Gorgonii martyris.
11 Proti et Iacincti martyrum.
14 Comelii et Cypriani martyrum. XII 1. (?) 4

12 Gregorii papæ. Exaltatio sanctæ crucis.


21 Benedicti abbatis. xii 1. c. 15 Nicomedis martyris.
25 AnnunciatioDomini. xii 1. c. 16 Luciæ et Geminiani. Euphemiæ virginis.
20 Vigilia sancti Matthæi apostoli et evangelistæ.
21 Natalis ejusdem. xii 1. c.
4 Ambrosii episcopi et confessoris. 22 Mauricii et sociorum ejus.
14 Tiburtii, Valeriani et Maximi martyrum. 23 Teclæ virginis.
23 Georgii martyris. 27 Cosmæ et Damiani.
25 Litania major. Marci evangelistæ. 29 Michaelis Archangeli. xii 1. c.
28 Vitalis martyris. 30 Ieronimi presbyteri et confessoris.

Philippi et Jacobi apostolorum.


1 xii 1. c. 1 Remigii episcopi et confessoris.
3 Inventio sanctæ Crucis. Alexandri, Eventii et Theodoli 6 Fidis virginis et martyris.
martyrum. 7 Marci papæ et confessoris.
10 Gordiani et Epimachi martyrum. 9 Dionysii cum sociis suis.

Consuet., xxix, 3, P. L., t. cliii, col. 697 sq. — 2 Cette


1 reproduisons ici le plus ancien calendrier qui soit à notre
durée pour les jours fériaux variait considérablement, connaissance (Grande-Chartreuse,carton, C. ni, 864). Il
selon le temps de l’année, comme nous le verrons plus est de l’année 1134, au plus tard. — "Nous mettons ici
loin; mais l’heure du lever restait sensiblement la même un point d’interrogation, parce qu’il n’est pas absolument
à toutes les saisons ; ce qui variait, c’était celle de la fin de certain que le sigle xii 1. soit de première main dans les
l'office, puisqu’elle se réglait sur l’apparition du soleil.— anciens calendriers que nous avons utilisés. Ils ont été
8 Consuet., xxix, 6, P. L., t. cliii, col. 701.
— 4 Consuet., l’objet, dans le cours des siècles, de tant de grattages et d’in
jV, 31; vin, 1, 7, P. L., t. cliii, col. 645, 651. — “Nous terpolationsque le dépouillement en est parfois désespérant.
14. Calixti papæ et martyris. moigne le premier nécrologe du' monastère. Les
18 Lucæ evangelistæ. Consueludines font à deux reprises allusion
21 Hylarionis confessoris. au petit
nombre de prêtres disponibles qui était cause
25 Crispini et Crispiniani martyrum. par
27 Vigilia apostolorum Symonis et Judæ. fois que la célébration de la messe conventuelle
ne
28 Natalis corumdem. xii 1. c.
pouvait avoir lieu 6 Toutefois, il ne faut pas prendre
.
31 Vigilia omnium sanctorum. trop à la lettre ce raro, ou plutôt, selon la remarque
de Le Masson 7 il faut l’interpréter par le contexte.
,
NOVEMBRIS Il s’agit spécialement, dans ce passage, des messes
1 Fesliuilas omnium sanctorum. xii
2 Eustachii cum sociis suis.
1. c. pour les défunts. Il y avait messe conventuelle
chaque dimanche 8 à toutes les fêtes de chapitre 9
8 Quatuor coronatorum. ,
9 Tlieodori martyris. aux huit vigiles que nous avons mentionnées 10,
11 Martini episcopi et confessoris et Mennæ martyris. xii 1. c. chaque jour de carême à partir du mercredi dis,
13 Brictii episcopi et confessoris. Gendres, le samedi suivant excepté
avec celui qui
21 Columbani abbatis et confessoris. précède les Rameaux u chaque samedi des quatre-
22 Ceciliæ virginis et martyris. ,
temps 12 , les trois premiers jours des octaves de
23 démentis papæ et martyris. Felicitatis. Pâques et de la Pentecôte 13 le 2 novembre
24 Crisogoni martyris. les défunts 14 et chaque semaine , pour tous
une fois
bienfaiteurs. ,Il faut ajouter à cela un certainpour
26 Liai papæ et martyris. les
27 Agricolæ et Vitalis martyrum. nombre
28 Sileæ apostoli.
d’anniversaires, mais ils n’étaient pas nombreux
29 Vigilia saneti Andreæ apostoli. à cette époque 1S et quelques
Saturnini martyris. , rares messes dites matu-
30 Natalis saneti Andreæ. tinales 16 Nous arrivons donc à un total d’environ
.
deux cents messes dans l’année, en supposant une
DECEMBRIS douzaine d’anniversaires,chiffre qui fut vite dépassé.
6 Nicolai episcopi et confessoris.
10 Eulaliæ virginis et martyris.
iv. office pour les défuets. — L’agendc est ou
plénière, agenda plenaria, ou quotidienne, quolidiana.
13 Luciæ virginis et martyris.
21 Thomæ apostoli. Celle-ci diffère de la précédente en ce qu’elle n’a pour
24 Vigilia Natalis Domini. les neuf psaumes des trois nocturnes qu’une seule
25 Nalivitas Domini. xii 1. c. antienne, avec seulement trois leçons et trois répons
Anastasiæ virginis. que l’on prend à tour de rôle parmi les neuf leçons et
26 Stephani prothomarhjris. Xii 1. c. les neuf répons de l’office complet. La première ne
27 Joannis evangelistæ. xii 1. c. servait que pour l’oflice récité à l’occasion de la sépul
28 Sanctorum innocentum. xii 1. c- ture d’un mort et pour les anniversaires, d’où le
31 Silvestri papæ et confessoris.
nom d’agende propre ou spèciale qui lui est également
Il
est facile de voir que ce calendrier reproduit à donné. Quant à la seconde, elle était d’un usage plus
peu près exactement l’ancien calendrier romain fréquent, puisque, à l’exception des deux cas que nous
tel qu’il dut être à partir du ix e siècle jusqu’au xii® 1 venons de dire, elle se récitait chaque jour où l’office
Si nous ajoutons les fêtes de l’Ascensionet de la Dédi . n’était pas de douze leçons 17 .
cace, nous avons le calendrier complet, qui comprend Lorsqu’un religieux meurt, il a, outre l’oflice de la
ainsi, en dehors des dimanches, trente et une fêtes de sépulture, un tricenairc. De plus, on inscrit son nom
douze leçons, dont cinq fêtes de douze leçons simples, au nécrologc, et son anniversaire se célèbre chaque
dix fêtes de chapitre et seize solennités. A ces der année 18 . Guigues refusa absolument d’admettre des
nières il faut joindre Pâques et la Pentecôte, avec, anniversaires fondés parles séculiers,et cela pour des
pour chacune de ces deux fêtes, les trois premiers raisons qu’il expose en quelques lignes empreintes de
jours de l’octave. Les fêtes avec octave sont Noël, sévérité : Nomcn vero cujusquam in suo non scribenl
la Pentecôte, l’Épiphanie, l’Ascension et l’Assomp marlyrologio, nec cujusquam anniversarium ex more
tion. facient. Audivimus cnim, quod non probamus, plerosquc
Certaines occurrences produisent de curieux mé loties splendide convivari, missasque facere paratos,
langes d’ofiiees résultant du principe de ne transférer quolies aliqui pro suis eis voluerint exhibere defunciis.
aucune fête : nec ullum festum vel vigiliam transmu- Quæ consueludo et abslinenliam tollit et vénales facit
lamus 2 Si, par exemple, l’Annonciation coïncidait orationes...Nulla quippe die convivium vel missa deerit,
.
avec le dimanche des Rameaux, on faisait tout l’ofTice \
si qui pascal numquam defucrit x Toutefois l’ordre
de la fête, mais la messe était du dimanche 3 fut bientôt amené naturellement par les circonstances
.
Nous avons relevé au calendrier quatre vigiles. à se départir de cette rigueur, sans pourtant laisser
En y ajoutant celles de Noël, de Pâques, de l’Ascen s’implanter les abus que redoutait l’auteur des Con
sion et de la Pentecôte, nous arrivons à un total de sueludines.
huit vigiles se célébrant avec messe 4 Le texte de l’ofhce des morts se distingue de celui
Au xn e siècle, on ne célèbre pas. chaque jour la de l’office romain par le nombre plus réduit des
messe conventuelle. Guigues nous en donne la raison : antiennes, une seule pour vêpres, pour chacun des
Raro quippe hic missa canilur, quoniam præcipue stu- trois nocturnes et pour laudes, en dehors de l’antienne
dium et proposilum nostrum est silentio et solitndini du Magnificat et du Benediclus, et par leur prove
cellæ vacare 6 Du reste, tous les moines ne sont pas
.
nance exclusivement scripturaire, ce qui a également
nécessairement élevés au sacerdoce, comme en té lieu pour les répons.

1 Cf. P. Batiffol, Histoire du bréviaire romain, nouv. 35, P. L., t. cliii, col. 645, 647. — 11 Consuet., xi, 1, P. L„
édit., in-12, Paris, 1895, p. 125 sq. — * Consuet., vi, P. L., t. cliii, col. 655. — 15 Consuet., xiv, 1, 4, P. L., t. cliii,
t. cliii, col. 647. —* Constitutions de Basile, Dijon, ms. 616 col. 659. — 16 Consuet., iv, 29, 35; vu, 4; vm, 4, P. L.,
(364), f° 39 v°. — * Consuet., vm, 1, P. L., t. cliii, col. 651. t. CLim, col. 645, 647, 649, 651. — 17 Consuet., xi, 2, 3,
— 6 Consuet., xiv, 5, P. L., t. cliii, col. 659. — 6 Consuet., P. L., t. cliii, col. 655. Guigues ne nomme pas l’agende
iv, 12; vu, 4, P. L., t. cliii, col. 643, 619. — 7 Consuet., quotidienne; mais la distinction spéciale qu’il établit pour
toc. cit., commentarius.— 8 Consuet., vu, per totum, P. L., l’agende plénière laisse assez entendre qu’il y en avait une
t. cliii, col. 647 sq. — 8 Consuet., ix, 3, P. L., t. cliii, autre. De fait, le bréviairede Paris, au f° 115 v°, mentionne
col. 653. — 10 Consuet., vm, 1, P. L., t. cliii, col. 651. expressément Yagenda quolidiana. * 18 Consuet., xiv, 1,

11 Consuet.,
iv, 7 sq., P. L., t. cliii, col. 641 sq. — 12 Con- P. L., t. cliii, col. 659. — 18 Consuet., xli, 4, P. L.,
suet., ni, 1, P. L., t. cliii, col. 641.
— 13 Consuet., iv, 31, t. cliii, col. 721.
L’office de la sépulture, auquel les Consueludines 1 qui sont citées dans une autre collection inédite
consacrent tout un chapitre, est d’origine franche I antérieure à 1260. Nous devons compléter cette liste
ment monastique, et il se rapproche beaucoup de j par quelques fêtes de trois leçons : saint Bernard
ceux de Cluny 2 et de Saint-Bénigne de Dijon ». Les | et l’Invention de saint Étienne dès 1222, saint Domi-
psaumes récités pendant qu’on se rend au cime j nique et saint François en 1249, enfin sainte Cathe
tière sont ceux qu’indiquent la plupart des rituels rine, dès 1259. La fête de la sainte Trinité est intro
monastiques. La messe Requiem n’existe pas chez duite dès 1222, mais d’une manière incomplète; la
les chartreux au xn e siècle. On chante à sa place ; messe seule est de la fête, et tout l’office reste celui
l’oflice Respice, dont tous les éléments, à part la com de l’octave de la Pentecôte 10 De nouvelles octaves
.
munion, sont pris des offices du temps. sont reçues, à savoir celles de saint Jean-Baptiste,
,
j

II. Période d’évolution (circa 1142-1259). — des saints Pierre et Paul, de saint Étienne, de saint
Nous abordons la première et principale phase d’évo Jean et des saints Innocents u
.
lution, dont le fait saillantest l’institution du chapitre Chaque jour a dès lors sa messe conventuelle : voici
général par saint Anthelme, en 1142 *. Nous avons comment. Outre les fêtes de douze leçons dont le
déjà entrevu quels tâtonnements se produisirent nombre s’est accru et qui toutes ontla messe, plusieurs
dès ledébut dans la constitution de la liturgie cartu- fêtes de trois leçons l’ont aussi 12 De plus, le propre
sienne; de là, un manque d’uniformité contre lequel le .
du temps s’enrichit de certa nés messes qui n’avaient
premier acte des chapitres généraux sera de réagir : pas été admises à l’origine, à savoir, dès 1222, celles
Primum eapilulorum (capilulum) hanc habet conti- du mercredi et du vendredi des quatre-temps 1S des
,
neniiam, ut divinum Ecclesiæ officium prorsus per deux jours qui suivent la fête de saint Thomas de
omues domos uno rilu
celebrelur, et omnes consuelu Cantorbéry14 des trois derniers jours de l’octave de
,
dines Carlhusienses (Carlhusiensis) domus, quæ ad Pâques 1S du jeudi de l’octave de la Pentecôte16 enfin
, ,
ipscun religionem pertinent unimode habeantur 5 des deux jours des Rogations 17
Deux dates bien précises marquent, l’une le . plein .
Les messes votives font aussi leur apparition; c’est,
épanouissement et l’autre le terme final de cette pour le lundi, la messe du Saint-Esprit,pour le vendre
évolution. La première estl’année 1222,qui vit naître di, celle de la Croix, et, pour le samedi, celle de la
une compilation à laquelle nous donnerons le titre de sainteVierge 18 Si nous ajoutons à cela, outre la messe
Staluta Jancelini, du nom du prieur de li
Chartreuse, .
des bienfaiteurs le lundi, une autre messe pour les
Jancelin, auquel nous la devons. Elle fut approuvée défunts le mardi ainsi que le mercredi 19 nous voici
,
et promulguée par le chapitre général en 1223 6 . arrivés dès 1222 à la messe conventuelle quotidienne.
On peut dire que dès cette époque la liturgie cartu- Enfin on abandonne bientôt le principe posé par Gui-
sienne est à peu près constituée et l’évolution princi gues de ne pas accepter d'anniversaires étrangers :
pale proche de son terme. La seconde date est l’année Anniversaria externa sunl de cætero per totum ordinem,
1259, où Riffier fit approuver par le chapitre une sicut sunt apud Cartusiam, lisons-nous dans la carte
nouvelle compilation qui est une fusion de tout ce capitulaire de l’année 1249.
que comprennent les Consueludines, les Staluta Jan C’est aussi dès cette époque que devient relative
celini et les ordonnances capitulaires promulguées de ment fréquente la célébration de deux messes con
1222 à 1259. Cette nouvelle collection, qui reçut pri- ventuelles le même jour 20 Danscertainescirconstances
il n'y
;

mitivement le nom de Consueludines Cartusiæ, par .


aura qu'une seule messe chantée; mais on lui
lequel elle se distinguait suffisamment des Consue- adjoindra ce que l’on appelle le nudum officium, qui
tudines Guigonis, fut appelée plus tard Staluta anliqua, n’est autre que la messe sèche.
dénomination qui lui est restée 7 II. RITE DE LA MESSE ET USAGES DIVERS. — Le rite
.
/. DÉVELOPPEMENT DU CALENDRIEU ET DES MESSES de la messe, dont nous savons peu de chose par les
conventuelles.—Voici la liste des nouvelles fêtes de Consuetudines, se précise; il est décrit tout au long par
douze leçonsreçues dans cette période: saint Nicolas, Jancelin Relevons certains points plus spéciale
saint Thomas de Cantorbéry 8 saint Thomas apôtre, ment intéressants. Le prêtre, avant de célébrer, revêt
,
saint Grégoire pape, saint Ambroise (le 4 avril), la cuculle ecclésiastique 22 Il fait la confession au
saint Marc, sainte Marie-Madeleine, saint Augustin, coin de l’cvangile, puis il récite
.
le Pater incliné devant
la Décollation de saint Jean-Baptiste, l’Exaltation le milieu de l’autel. C’est au coin de l’épître qu’il dit
de la sainte Croix avec solennité, saint Maurice, le Kyrie avec le Gloria in excelsis, ainsi que le Dominus
saint Luc,et les Reliques aussi avec solennité. Toutes vobiscum. A Et homo factus est, il baise simplement
ces fêtes sont mentionnées dans les statuts de Jance l’autel, car le texte a bien soin de dire qu’il ne doit
lin; donc, leur introduction n’est pas postérieure à jamais se mettre à genoux quand il est à l’autel.
1222. Ajoutons, entre 1222 et 1259, les fêtes sui En se retournant vers les assistants, il dit en silence :
vantes, indiquées dans les Staluta antiqua 9 : saint Orale, fralres, pro me peccatore ad Dominum Deum
Antoine, la Conversion de saint Paul, saint Mathias, nostrum, ce à quoi il n’est rien répondu. Durant tout
saint Hugues de Grenoble, l’Invention de la sainte le canon, il tient les mains élevées et étendues, levatas
Croix (1219), saint Pierre-ès-liens, saint Hugues de et expansas, plus tard on dira in modum crucifixi.
Lincoln, auxquelles il faut joindre saint Barnabé, L’élévation de l’hostie est ici mentionnée expressé
les saints Jean et Paul,saint Denys et saint Clément, ment et pour la première fois. La consécration du vin
qui no ligurent point dans les Staluta antiqua, mais se fait rclraclis paululum corporalibus et rcslriclis inter

1 Consuel., xin, P. L., t. cun. col. 657 sq.—- 2 Uldarici:s, * Sial, ant., pxssim. — 10 Staluta Jancelini, c. v. — 11 Luc.
Consueludines Cluniacenses, 1. III, cxxix, P. L., t. cxlix, |
cit., c. xxi, xxii ; Stat. ant., I. P., c. v, 56 sq. — 12 Stat.
col. 774 sq. —- s Martène, De antiquis monachorum ritibus, j
ont., c. xxx, 12 sq. — 13 Stat. Jancelini, c. xxx. — 14 Loc.
1. V, c.x, n.11-19, in-fol., Antverpiæ,1764,t.iv,p. 256 cit., c. iv. — 15 Loc. cit., c. xxxm. — 13 Loc. cit., c. xix,
sq.
— 4 Le Couteulx, Ann., t. n,p. 5 sq. — 6 Acta primi capiluli j
xxxiii. — 17 Loc. cit., c. xxxm. — 18 Loc. cit., c. ix, xxxm;
i rdinis Carlhusiensis, P. L., t. CLIII, col. 1126. — 6 Le Cou- j

— 19 Loc. cit., c. xxxm. — 20 Loc. cil., c. xm, xvi, xxx.


teulx, Ann., t. ni,p. 468. La collection de Jancelin est de Stat. ant., passim. — 21 Le chapitre xxxm des Statuts
meurée inédite. Nous la citerons d’après un manuscrit de de Jancelin est tout entier consacré au rite de la messe.
la Grande-Chartreuse,B. I. 551, qui est de la seconde moi- j
Nous complétons ses indications par quelques détails qui se
tié du xm e siècle. trouvent ailleurs. Cf. Stat. ant., I. P., c. xliii en entier. —•
— 7 Statula antiqua, in-fol., Basileæ,
1510. — 8 Probablement
i

dès l’année de sa canonisation, j 22 Stat. Jancelini,c. xm. La cuculle ecclésiastique n’est autre
1173, ou peu après. Le Couteulx, Ann., t. ii, p. 370.
qu e la coule bénédictine, mais en laine blanche.
1


les chanoines de Lyon adoraient debout pendant l’élé
vation et, àcette époque, le doyen ayant voulu
changer cet usage, les chanoines en appelèrent à l’au
torité et obtinrent le maintien de cette ancienne cou
tume 10 . De même, le conventus restait debout pendant
qu’on distribuait la communion 11 Il est d’ailleuis
.
établi que les fidèles communiaient autrefois dans
cette même attitude 12
Quand on n’est pas .présent au commencement de
l’office, il faut une permission du président pour y
assister si Ton arrive avant qu’on ait chanté les trois
premiers versets du premier psaume. Le premier
psaume étant entièrement chanté, on ne peut plus
d’aucune manière entrer à l’église. Pour la messe, on
peut entrer jusqu’à l’évangile, mais pas après 13.
Les dormeurs incorrigibles encourent une pénalité
spéciale, qui est en même temps une mesure efficace.
Nous la trouvons dans un texte qui n’est pas posté
rieur à 1260 : Illi qui consuetudinarii sunt ad dormien-
dum in ecclesia, stalutum est ut priores eorum faciant
cos stare ad leclorium et videre psalmos ad arbiirium
ipsorum priorum 14 Les derniers mots videre psalmos
.
font allusion à la pratique alors existante de chanter
les psaumes et même tout l’office par cœur, comme
nous le dirons à propos du chant.
III. Dernière période du moyen âge (1259-1581).
— L’année 1259 marque la fin de la principale évo
lution de la liturgie cartusienne. Les textes et les
rites en sont désormaisfixés jusque dans leurs moindres
détails, et pendant plus de trois siècles, en dehors des
accroissements du calendrier, aucune modification
importante ne surviendra. Aussi Tordre va-t-il reve
nir avec insistance sur la mesure prise par le premier
chapitre général en 1142, en vue de maintenir l’unité
liturgique. On décrète donc que tous les livres qui
servent au culte ne peuvent être corrigés que d’après
des exemplaires reconnus irréprochables : libros quo-
queVeteris acNovi Teslamenti eosvecum quitus divina
celebranlur officia sine efusdem capituli consilio nullus
emendare præsumat, nisi cum exemplariis in ordine
nostro emendalis, nisi judicio prions et monachorum
discrelorum error aliquis manifeslus appareret 1S . C’est
grâce à oes mesures efficaces que Ton trouve, à par
tir de cette époque, entre les manuscrits cartusiens,
une concordance qui n’existe point à l’origine. Nous
allons parcourir rapidement cette période de plus de
trois siècles qui nous conduit jusqu’à Tannée 1581.
i. le calendrier. — Jusque vers la seconde moi
tié du xv e siècle, les accroissements sont peu nom
breux. En 1282,1a fête de sainte Madeleine est reçue
avec le rite solennel. Même chose vers 1318 pour le
Corpus Chrisli; la date exacte de l’institution de cette
fête dans Tordre n’est pas connue avec certitude, les
actes des chapitresgénérauxn’enfaisantpasmention 16.
Toujours est-il que, dès Tannée 1332, on la voit célé
brée avec toute son octave 17 .
En cette même année 1332, pour se conformer au
précepte de l’Église qui prescrivait de les chômer, on
élève au rang de fêtes de chapitre celles des douze
apôtres et des quatre évangélistes, dont plusieurs, on
s’en souvient, sont déjà classées comme telles dans
les Consuetudines, et les fêtes des quatre grands doc
teurs latins. En 1334, apparaît dans Tordre la première

DICT. D’ARCH. CHRÉT. RI. - 34


mention de la fête de la Conception. On permet à la Plus nous avançons dans le xv e siècle, plus se déve
Chartreuse de Sainte-Aldegonde, au diocèse d’Arras, loppe cette tendance. Il est à remarquer que c’est
de la célébrer avec solennité et,l’année suivante,cette surtout dans les provinces les plus éloignées de la
permission est étendue à tout l’ordre. L’office est Grande-Chartreuse que s’implante ce nouvel esprit,
celui de la Nativité. En 1341, il se produit un revi qui, s’il n’avait été combattu,eût promptementamené
rement d’opinion au sujet du vocable à donner à la la ruine de la liturgie cartusienne. En 1469, c’est la
fête, et le chapitre général prescrit de substituer le Chartreuse de Mayence qui introduit une procession
titre de Sanctificatio à celui de Conceptio : In feslo qu’on lui fait abandonner : Ampliusque nihil talium
conceptionis beaiæ Mariæ dicatur ubique loco Concep contra Statuta acceptent, dit la carte capitulaire. En
tions, Sanclificalionis1 . De fait, l’ordre paraît s’être 1504, les moines d’Astheim, au diocèse de Würz
alors solidarisé avec celui de saint Dominique dans sa bourg, reçoivent l’admonition suivante : Consuetu-
manière de concevoir l’objet de la fête 2 . Quoi qu’il dinem introductam in domo in Astheim de legendo
en soit d’ailleurs de la pensée qui inspira cette sub cerlas horas in ecclesia tempore quadragesimæ tam-
stitution, nous voyons le vocable Conceptio reprendre quam Stalulo contrariant cassamus. En 1534, c’est toute
place peu à peu dans les livres liturgiques de l’ordre, la province du Rhin qu’on rappelle à l’uniformité, et
probablement sous l’influence de la déclaration du on annule à cette occasion toutes les concessions qui
concile de Bâle,jusqu’àce qu’une nouvelleintervention pourraient avoir été faites jusqu’à ce jour. En 1564,
officielle du chapitre général de l’année 1470 vienne c’est une autre province d’Allemagne qu’on somme
les rétablir pour toujours. Mentionnons encore en de lire au chœur les leçons, non pas telles qu’elles
1339 la solennité de saint Hugues de Lincoln, en 1352, sont écourtées dans le bréviaire, mais tout au long,
la fête capitulaire des Onze Mille Vierges, et en 1361, telles qu’elles se trouvent dans les livres servant à
celle de saint Bernard. l’office, juxla ritum et consueludinem ordinis, tant il
Avec l’année 1380, nous entrons dans la période du est vrai que c’étaitle même esprit d’innovation,plutôt
schisme qui partagea l’ordre comme il divisait que la piété, qui ajoutait d’une part pour retran
l’Église entière. Chaque branche de la famille cartu- cher de l’autre.
sienne eut son chapitre général. Plusieurs fêtes furent Ces exemples, que nous pourrions multiplier, mon
alors instituées; mais en 1411, après l’extinction du trent que, si Tordre a échappé à la déformation litur
schisme, on fit une révision des ordonnances qui gique qui est devenue trop générale à cette époque,
avaient été promulguées de part et d’autre. c’est à la vigilance et à la fermeté des chapitres
La fête de la Visitation avait été admise avec solen généraux qu’il le doit. Ajoutons que c’est aussi en
nité dès 1390 par une des deux branches de l’ordre. grande partie à l’exemple de la Grande-Chartreuse,
Le chapitre de 1411 en permet la célébration avec qui ne se laissa pas gagner par l’esprit nouveau. C’est
octave aux maisons qui se trouvent dans les pays où ainsi que non seulement elle s’opposait, pour autant
elle est célébrée. Plus tard, en 1468, elle devient obli qu’il dépendait d’elle, à la multiplication des fêtes
gatoire pour tous. En 1474, c’est la solennité de la en général, mais même elle résistait énergiquement
Présentation qui est instituée, et en 1477, celle de la aux sollicitations qui lui venaient de différents côtés
Compassion. La canonisation de saint Bruno amène pour promouvoir la canonisation de ses religieux
naturellement sa fête en 1515. Sur la fin du siècle, les morts en odeur de sainteté. Boniface Ferrier, frère
fêtes tendent à se multiplier. C’est, en 1567,1a solen de saint Vincent Ferrier, qui gouverna Tordre de
nité de saint Joseph; en 1568, la fête de saint Thomas 1402 à 1410, nous a laissé, dans un traité demeuré
d’Aquin élevée au rang de fêtede chapitre; en 1569, inédit, une page admirable dans laquelle il montre
celle de sainte Anne qui devient solennelle ainsi que fort bien comment cet esprit convient parfaitement
celle de l’Invention de la sainte Croix, en 1577. à un ordre érémétique comme celui des chartreux,
Le schisme aidant, la porte avait été ouverte aux quoique la pratique contraire soit tout à fait justifiée
innovations, et, malgré les mesures énergiques prises pour les autres ordres qui sont mêlés au monde 3 . Un
par le chapitre général, la tendance à se singulariser peu plus tard, un célèbre prieur de la Chartreuse de
dans la liturgie se fait sentir. En 1422, les religieux Bâle, Henri Arnold, mort en 1480 4, en écrivant une
de Witham, dans le comté de Somerset, adressent vie de saint Bruno également inédite, constate, lui
au chapitre général une supplique pour obtenir des aussi, ce même esprit dans Tordre, et il le justifie
fêtes spéciales. On leur répond de se conformer à ce dans un chapitre intitulé : Ratio cur ordo Cartusiensis
ce qui se fait dans l’ordre. En 1424, c’est encore une parum curet de miraculis et canonizatione suorum. Il
Chartreuse anglaise, celle de Conventry, au diocèse se garde bien d’ailleurs de vouloir imposer aux autres
de Warwick, qui demande à remplacer,lesamedi,l’of cette réserve qui sied à son ordre à cause de son genre
fice de la férié par celui de la sainte Vierge, en mettant de vie tout spécial : Hæc humilitas in Cartusiensibus
en avant la raison de se conformer à ce que font les speralur placere Deo, nec per eam derogatur ordinibus
religieux et les clercs du pays. Le chapitre accompagne aliis quibus aliud videlur de sanctis suis quorum
son refus d’une sanction sévère : Si alias capitulum canonizatio sollicite procuralur pro Dei honore, pro
generale infeslaverint super hoc, qui culpabiles fuerint Ecclesiæ ulilitate et aliorum ædificatione5 C’est dans
.
facianl très abslinentias in pane et aqua. le même esprit que Benoît XIV, constatant cette

1 Cette prescription se trouve renouvelée en 1368 dans merides ordinis Cartusiensis, t. n, p. 296. — * Henricus de
les Statuta nova, part. I, c.ii, 8, compilation faite en cette Alvedia, Chronicon de B. Brunone. Sutor a consacré tout un
année 1368 d’ordonnancescapitulaires promulguées depuis chapitre à cette attitude d’abstention de l’ordre, qu’il
1259. Les Statuta nova viennent après les Statuta antiqua, résume en ces quelques mots : Non enim de hujusmodi
dans le volume de 1510. Pour n’avoir pas à y revenir, negotio quondam solliciti fuerunt, sed nec curare quidem nunc
disons qu’il contient en outre, à la suite des Statuta nova, volunt. De vila Cariusiana, 1. II, tr. III, c. vi, in-12, Colonise
un troisième recueil intitulé Tertia compilatio stalutorum, Agrippinæ, 1609, p. 580. D’autres chartreuxont écrit sur le
qui résume les ordonnances promulguées par les chapitres même sujet et dans le même esprit. Un chartreux de Ve
généraux de 1368 à 1509.— * Cf. Raphaelis de Pornasio, nise l’a même fait en vers. Quare Cartusiani non cotant
Tractatus de prterogativisD. N. Jesu Christi; Quétif-Echard, proprios sanctos; Morrozzo, Thealrum chronologicum sacri-
Scriptores ordinis prædicatorum, in-fol., Lutetiæ Parisiorum, C.artusiensis ordinis, in-fol., Taurini, 1681, p. 118. Gerson a
1719, t. i, p. 832, n. 8. — s Libellus declaralionis tam con- aussi traité cette question et toujours dans le même sens,
firmationum quam cæremoniarum ordinis Cartusiensis, Opusculum contra impugnantes ordinem Carthusiensium.
Grande-Chartreuse, ms. C. I. 762. — * Le Vasseur, Ephe- Opéra, éd. E. du Pin, Antwerpiæ, 1706, t. n, col. 711 sq.
l’hiver. Nous les prenons dans une Bible où elles ont
été marquées, au début du xiv e siècle, pour la Char
treuse de la Part-Dieu en" Suisse 7 , et dont le témoi
gnage est confirmé par celui d’autres documents. La
Genèse, dont la lecture s’achevait en une semaine, y
compris le prologue de saint Jérôme, car alors on lisait
avant le texte tous les prologues, est divisée en sept
terminaisons, plus une terminaison spéciale pour la
lecture au réfectoire le dimanche de la septuagésime.
On voit quelles proportions prenaient les leçons de
l’office. Ainsi le lundi, on lisait du chapitre xvn,
verset 9, au chapitre xxv, verset 7; le mardi, la suite
jusqu’à la fin du chapitre xxx;le mercredi, on con
tinuait jusqu’au chapitre xxxvi, verset 15, et ainsi
de suite. Les autres livres du Pentateuque et d’autres
encore étaient distribués dans des proportions ana
logues. S’il survenait en semaine une fête de douze
leçons, le lendemain, à l’office de matines, on lisait
deux terminaisons, à savoir celle du jour avec celle
de la veille qui avait été empêchée par la fête de
douze leçons. Bien plus, certaines terminaisons pou
vaient être triplées. Ainsi Isaïe, dont aucune partie
ne pouvait se lire au réfectoire, comprenait vingt-
six terminaisons. Or, la dernière semaine de l’Avent
pouvant varier de un à cinq jours, il en résultait que,
pour lire le prophète en entier, on doublait et même
on triplait les terminaisons des derniers jours quand
c’était nécessaire 8 .
in. le cérémonial. — Relevons quelques parti
cularités parmi les plus intéressantes innovations.
C’est d’abord un point capital de l’ancienne obser
vance cartusiennequi est modifié en 1509 : Permitti-
mus, humanæ compalientes infirmitati, quod omni
tempore religiosi possint post malulinas redire ad le-
clos, non obstante slalulo 9 . Disons de suite que, bien
que cette concession n’ait été faite officiellement à
tout l’ordre qu’en 1509, nous savons que, dès la se
conde moitié du xv e siècle, certaines provinces d’Alle
magne, où nous avons constaté tant de particularités
liturgiques, avaient adopté d’elles-mêmes ce nouvel
usage. On se mit donc à devancer peu à peu l’heure
de l’office, de manière à prolonger le temps du second
sommeil, jusqu’à ce qu’en 1581 fût établi officielle
ment et définitivement le règlement moderne, qui,
rompant avec l’observance primitive, fait commencer
l’office de matines avant le milieu de la nuit.
En 1271, on permet à ceux qui le voudront d’avoir,
dans la porte qui sépare le chœur des moines de celui
des laïques, un guichet, ostium fractilium, que l’on ou
vrira seulement au momentde l’élévation à la messe.
En 1319, c’est une autre ordonnance qui modifie ainsi
l’usage ancien du baiser de paix : De cælero pax suma-
tur in ecclesia cum tabula in qua sitdepicta imago cru-
ci fixi.
Un cérémonial rédigé sur la fin du xiv e siècle nous
fait connaître quelques usages, parmi lesquels nous
signalons les deux suivants. Aux messes matulinalcs,
le célébrant ne devait pas réciter les secrètes avant
le lever du soleil, et, s’il le fallait, il s’arrêtait pour
attendre son apparition10. Aux messes tant con-
rtrf- 1 De servorum Dei beatificatione et beatorum canoniza- nous fournissent par d’autres relevés dans plusieurs manu

j^ ,
tione, 1. I, c. xm, n. 17, 18. La pratique de l’ordre scrits. Voir égalementJ.WickhamLegg, Tracts on the mass,
se résume dans ces mots de Théophile Raynaud, Operum, in-8°, H. Bradshaw Society, London, 1904, p. 104. — 4 Du
t. ix, In sancto Brunone, p. 10, § 2, n. 6, cités par rand de Mende fait, lui aussi, la même constatation, Ratio-
Benoît XIV : Non lam sollicitus fuit ordo Carthusianus nale divinorum ofpciorum,l. IV, c. i, n. 23, in-4°, Lugduni,
multos sanclos suos patefacere quam multos sanctos facere. 1672,p. 90 : Potest quoque sacerdos unam missam cum sacri-
Déjà dès le xiFsiécle, Pierre le Vénérable avait fait lamême ficio,etaliam siccam celebrare.— 7 Bibliothèquede l’État de
constatation, De miraculis, 1. II, c. xxix, P. L., t. cxxxix, Fribourg, ms. 23.— 8 Sur cette longueur des leçons chez
col. 946. — 2 Radulphus de Rivo, De canonum observantia les anciens moines, on peut voir Martène, De antiquis mo-
liber, prop. 17, passim, dans Hittorp, De divinis catholicse nachorum ritibus, 1. I, c. n, n. 59, in-fol., Antverpiæ, 1764,
Ecclesiæ officiis, in-fol., Parisiis, 1624, col. 1139
sq. — t. iv, p. 11, et Baümer, Histoire du bréviaire, trad. par
3 Slat. nov., part. I,
c. iv, 5. — 4 Le Couteulx, Ann., t. vi, D. Biron, in-8, Paris, 1905, t. i, p. 191 sq. — * Tertia
p. 295. — 5 Voir Stat. ant., part. I, c. xliii, 57, et Sial, nov., compilatio stalutorum, c. xm, 4. — 10 Manuale cæremonia-
part. I, c. v, 31. Nous complétons les renseignements qu’ils rum domus majoris Cartusiæ, c. il.
ventuelles que privées, lorsque le froid sévissait avec corriger les erreurs et rechercher quæ minus consi-
rigueur, le diacre ou le servant présentait des char derale inserta aut mutata fuerinl. Il semble bien qu’on
bons enflammés au célébrantpendant la messe 1 . Au avait agi avec un peu de précipitation. C’est dans
jourd’hui encore, bien que l’usage en soit tombé, 1 ’ Or ce nouveau bréviaire que les hymnes reçurent un déve
dinarium prescrit au diacre d’apporter ces charbons loppement relativement considérable. On introduisit
pendant l’épître, après la préface et après le Pater*. d’un seul coup celles des saints Innocents, du Temps
IV. Période moderne (de 1581 a nos jours). pascal, de la Trinité, de sainte Madeleine, de sainte
— 1. révision des livres liturgiques. — L’année Anne, de la Transfiguration, de saint Michel, de la
1581 marque un changement capital dans les statuts Dédicace, et toutes celles du commun des Saints dont
des chartreux. Dans tous les recueils précédents, la aucune n’existait auparavant.Dans celles qui préexis
liturgie et le côté disciplinaire se trouvaient mêlés taient à cette réforme, on fit des retouches, dont
comme ils le sont dans la règle de saint Benoit, dans quelques-unes assez importantes; par exemple, la
les Costumes d’Ulric, et comme ils le furent dès l’ori suppression delà strophe Hic, Christe, nunc paraclitus
gine dans les Consuetudines de Guigues. Cette dispo dans l’hymne Impleta gaudent des laudes de la Pente
sition montrait bien le rôle de la liturgie, qui est côte.
comme le cadre ou le pivot de la vie cartusienne. Vers En 1603, ce fut le tour du missel qui fut, lui aussi,
la fin du xvi e siècle, on modifie entièrement cet ordre corrigé en un assez grand nombre de passages confor
ancien, et l’on extrait des statuts tout ce qui concerne mément au missel publié par saint PieV, à la suite
la liturgie pour en former un Ordinarium distinct. La de la révision prescrite par le concile de Trente 10
première édition de ce livre est de l’année 1582 3 Dans
.
Quant à la Bible, une ordonnance du chapitre de l’an .
ce recueil sont introduites toutes les nouvelles fêtes née 1583 déclare trop difficile de faire une édition
dont nous avons vu l’apparition depuis la rédaction critique des livres en usage dans l’ordre, à cause
de la Tertia compilalio slatulorum en 1509. Il faut y des grandes divergences qui existent entre eux. En
joindre la Trinité et la Transfiguration, qui furent conséquence, on décide, en attendant mieux, de les
admises dès lors avec leur office propre. La fête de corriger conformément à l’édition préparée par les
saint Ambroise est transférée du 4 avril au 7 décembre, théologiens de la Faculté du Louvain et récemment
jour de son ordination. Plusieurs fêtes de trois leçons parue chez Plantin. On déclare ce texte accuratissi-
se trouvent aussi déplacées. C’est également là que mum tam in ratione orthographias, accenluum, dislin-
nous voyons la première mention officielle d’une pro ctionum quam etiam librorumet capilum dislributione.
cession, celle du Corpus Chrisli, qui avait commencé Par la même occasion, on étend à la Bible la mesure
à s’introduire un peu avant dans quelques maisons prise pour le lectionnaire des sermons et des homé
d’Allemagne*. lies, c’est-à-dire qu’on réduit considérablement la
Une autre modification capitale vers laquelle, longueur des leçons, et on supprimela lecture des pro
ainsi que nous l’avons déjà dit, on s’acheminait dès saint Jérôme.
logues de
1509, est le déplacement définitif de l’office des ma ’ Une addition à signaler, c’est celle de Y Ave Maria
tines, qui, désormais, commenceront avant le milieu dans l’office. Une ordonnance de l’année 1589 prescrit
de la nuit : Ante mediam noclem hora congrua... pul- de le joindre au Pater chaque fois que celui-ci se récite
sationem facil (sacrista)5 . in silentio. Dès l’année 1342, Y Ave Maria apparaît
Le nudum offlcium est supprimé, et on le remplace officiellement dans Y Angélus du soir, et en 1393
par une messe privée 6 . dans celui du matin. Au cours du xv e siècle, il s’in
Le changement, introduit dans la disposition des troduit peu à peu dans l’office où on le joint au
statuts cartusiens en 1581, est comme le prélude des Pater, mais par pure dévotion, et c’est à cette même
modifications considérables que vont avoir à subir les époque qu’on commence à le compléter en lui adjoi
recueils liturgiques eux-mêmes, à cette époque. Dès gnant, à peine ébauchée encore, la seconde partie
l’année 1582, le chapitre général prescrit au prieur Sancta Maria. Nous le trouvons sous la forme suivante
de Chartreuse de nommer une commission de moines, dans un collectaire de l’année 1484 : Ave Maria...
quos magis idoneos et aptos ad id munus porlandum ventris lui Jésus. Virgo Maria, Mater Dei,ora pro nobis
judicaverit, chargée de reviser tous les livres litur peccatoribus. Amen u Dans le bréviaire de l’année
.
giques de l’ordre. Le recueil des sermons et des homé 1587, le texte est le même qu’aujourd’hui, sauf qu’il
lies pour l’office fut le premier objet des travaux de s’arrête aux mots pro nobis peccatoribus. Amen. Ce
cette commission. Il parut en 1585 7 . Ce fut, non pas n’est que dans le diurnal de 1588 12 que le texte de
une simple révision, mais un bouleversement com Y Ave Maria se rencontre définitivement complété et
plet du lectionnaire de matines. Nombre de sermons fixé.
ou d’homélies furent supprimés et remplacés par II. ADMISSION DE NOMBREUSES FÊTES NOUVELLES. —
d’autres, spécialement pour les fêtes de la sainte Les changements ne se bornèrent pas au texte de l’of
Vierge. Dans les leçons qui furent conservées, de no- fice. Le calendrier va être, lui aussi, l’objet d’accrois
ables modificationsfurent apportées au texte. Mais sements considérables. Ce sont, en 1589, les nouvelles
le changement capital fut une réduction considérable fêtes de saint François de Paule, saint Pierre martyr,
de la longueur des leçons, au point que d’une on en fit saint Nicolas deTolentin, saint Antoine de Padoue et
souvent deux. Deux ans plus tard, en 1587, parut le saint Bonaventure, toutes avec douze leçons, et plu
bréviaire réformé d’après les mêmes principes 8 . sieurs fêtes de trois leçons. En 1591, saint Dominique
Le psautier fut tout particulièrementl’objet de re et saint François d’Assise deviennent fêtes capitu
touches assez importantes 9 . Toutefois, l’édition de ce laires; en 1592, on introduit les solennités du saint
bréviaire fut loin de donner pleine satisfaction; car, Nom de Jésus et de saint Joachim, en même temps
en 1593, on prescrivit de le reviser à nouveau, pour que saint Janvier devient fête de douze leçons. Tout

1 Manuale cœremoniarum domus majoris Cartusiæ, c. ii, lûmes n’a pas de titre général. Chaque volume porte la
iv. — 2 Ordinarium Cartusiense, c. xxix, 7, in-12, Gra- souscription : Lugduni, cura et expensis majoris Cartusiæ,
tianopoli, 1869, p. 302. — 3 Ordinarium Cartusiense, in-8°, 1585. — 8 Breviarium sacri ordinis Cartusiensis... a S. D.
Parisiis, 1582. — 4 Cf. A. Mougel, L’eucharistie et l'ordre N. papa o.pprobatum, Lugduni, 1587, in-8°. — “Cf. Le Cou-
des chartreux, dans Report of lhe nineleenth eucharistie teulx, Ann., t. n, p. 544 sq. — 10 Missale Cartusiani ordi
congress, in-8°, London, 1909, p. 513. — 6 Ordinarium nis, in-fol., Parisiis, 1603. — 11 Grande-Chartreuse, ms.
cartusiense, c. xxm, 3, in-8°, Parisiis, 1582, f° 57 v°. — C. III, 854; f°'36 v°. — 12 Diurnale Cartusiense in magna
* Op. cit., c. xxvm, 8, f° 92. — Le recueil en trois vo-
7 Carlusia, 1588.
ceci ne va pas sans soulever des protestations dont la putavimus *. Nous avons donné plus haut la suite
conséquence est, en 1597 et en 1599, une réduction des de ce texte. Guigues déclare que des solitaires ne peu
fêtes nouvellementinstituées, et surtout un ralentis vent pas consacrer beaucoup de temps à l’étude du
sement dans la tendance à en introduire d’autres. chant. En conséquence, il va abréger l’antiphonaire,
Pendant le xvii® siècle, nouvelles fêtes de douze leçons et il ajoute que le critère qu’il emploie, c’est de rejeter
pour saint Anthelme en 1607, saint Louis, roi de comme non authentique tout ce qui n’est pas em
France, en 1623, saint Ignace de Loyola en 1669, avec prunté à l’Écriture sainte. Or, ce raisonnement par
l’octave de Saint Bruno en 1633 et la solennité de lequel il déclare abréger de la sorte l’antiphonairc,
rimmaculée-Conception en 1674. Il y a en outre plu parce que ses moines ne peuvent pas consacrer beau
sieurs fêtes de trois leçons. Un décret de la congréga coup de temps à l’étude du chant, est un non-sens,
tion des Rites, en date du 22 novembre 1687, donne si l’on n’admet pas la pratique du chant, pratique
lieu nouvelles corrections dans les livres litur
à de que Guigues veut précisément renfermer dans cer
giques cartusiens L taines limites. Ce n’est pas tout. Guigues parle de la
Enfin, au xvm e siècle, quelques nouvelles fêtes de messe du samedi saint, qui débute solennellement par
douze leçons s’ajoutent aux précédentes; en 1700 saint le Kyrie eleison, missam a Kyrie eleison solemniter
François de Sales, le bienheureux Nicolas Albergati inchoamus, de vêpres qui se chantent très solennelle
en 1745, et la solennité du Sacré-Cœur en 1783. ment, vesperas juxla morem monasticum solemnissime
Passons au xix e siècle où le calendrier cartusien se cantamus 6 d’une première messe de Pâques qui
,
complète encore : c’est d’abord en 1827 la solennité de est chantée ea celebrilate qua dominicis solet diebus,
.

Notre-Dame Auxiliatrice;en 1859, nous avons quatre de plusieurs moines qui aident le célébrant à chanter
fêtes de douze leçons pour des saints ou bienheureux cette messe, duo bus vel tribus monachorum sacerdolem
ayant appartenu à l’ordre, savoir, saint Étienne de
à juvanlibus 6 Tout cela nous paraît bien inconciliable
.
Die, saint Artaud, le bienheureux Odon et la bienheu avec des offices d’où le chant serait banni. Faut-il
reuse Roseline. Il faut y joindre une fête de trois leçons dire encore que, en trois passages différents, Guigues
pour le bienheureux Boniface de Savoie, ancien no nous apprend que, chaque samediet à toutes les veilles
vice chartreux. L’année 1866 vit paraître deux nou de douze leçons, ses moines se réunissaient après none
velles fêtes de douze leçons pour les bienheureuxAyrald pour préparer les leçons, les répons et les autres chants
et Jean d’Espagne, moines de l’ordre, et l’année 1870 nécessaires pour l’office 7 Nous reviendrons plus
.
celle de la bienheureuse Béatrice, moniale chartreuse. loin sur cet exercice qui portait le nom de récordalion.
Enfin, en 1887, la béatification de dix-huit chartreux Pour le moment, demandons-nous seulement si un
anglais martyrisés sous Henri VIII donne lieu à tel exercice répété plus de quatre-vingts fois dans
une nouvelle solennité, et en 1894 la fête du bien l’année, en moyenne près de deux fois par semaine,
heureux Lanuin, compagnon et successeur de saint eût été vraiment nécessaire pour préparer des offices
Bruno en Calabre, vient clore cette longue série. qui n’auraient pas été chantés. Nous pensons que les
Terminons en disant que jusqu’en 1866 l’office de arguments accumulés ici, et auxquels on pourrait
l’Immaculée-Conceptionétait resté l’ancien office de en ajouter d’autres encore, sont trop probants pour
la Nativité de la sainte Vierge, auquel, à cette date, qu’il soit permis de mettre en doute l’existence du
on substitua l’office romain adapté à la liturgie car- chant quand Guigues écrivait ses Consuetudines. Il est
tusienne. d’ailleurs de bonne logique d’expliquer un texte obscur
V. Le ciiant chez les chartreux. — /. le chant par d’autres qui sont très clairs, et non point de sacri
a l’origine de l'ordre. —Le chant a-t-il existé dès fier ceux-ci à celui-là. Si donc nous revenons au pas
l’origine de l’ordre? Sur la foi d’un texte assez obscur sage relatif à l’office des convers, nous remarquons tout
des Consuetudines, on a répondu par la négative. Il d’abord que les Consuetudines n’établissent pas une
s’agit de l’office des frères laïques qui, nous l’avons similitude complète entre la manière de le célébrer
déjà dit, habitaient avec le procureur dans un mo dans leur église et celle qui se pratique chez les
nastère distinct de celui des moines. Or, Guigues, moines. Il faut relever en effet deux nuances impor
partant de la manière dont se célébraient les matines tantes, l’une exprimée par le mot pene, et l’autre par
dans la maison des laïques, s’exprime ainsi: Siqnidem festinanlius. Il semble donc bien juste d’admettre que
monachus, qui eis præpositus est, adesl præsens, divi~ par ces deux mots Guigues a voulu marquer que le
num eis ofjicium pene lit supra scriptum est, festinan- procureur ne chantait pas l’office, à la différence
tius tamen, persolvit. Quem ipsi summo studio, silen- précisément de ce que faisaient les moines. Toujours
tium quietemque servantes, ad inclinaliones et cæteros est-il qu’en 1259, c’était ce qui se pratiquait; car les
religiosos corporis motus sedulo imitantur 2 Sur ce Staluta antiqua modifiant le texte des Consuetudines
texte le commentateur argumente ainsi : il. est cer disent clairement : divinum eis ojjlcium sine cantu
tain que le procureur ne pouvait pas chanter seul persolvit 8 .
l’office en présence des convers; or, comme les Consue- Par la suppression des antiennes et des répons
tudines disent qu’il s’en acquittait à peu près comme qui n’étaient pas de provenance scripturaire, les
chez les moines, mais plus vite, il s’ensuit que les recueils cartusiens sont donc réduits aux anciens
moines eux-mêmes ne chantaient pas 3 offices, et la porte est fermée aux histoires, comme on
.
Ce raisonnement nous paraîtrait péremptoire si ce appelait les offices propres, propriæ historiæ, qui, à
texte, malgré son peu de clarté, était le seul relatif à cette époque, commençaient à devenir fréquents.
cette question; mais il y en a d’autres plus clairs qu’il Guigues supprime en outre les hymnes, les tropes,
ne faut pas négligernon plus. Le premier,le plus impor les proses, les séquences, une bonne partie des nom
tant, est le prologue de l’antiphonaire dont ce même breux versets alléluiatiques dont le répertoire, nous
Guigues est l’auteur. En voici le début : Institutionis l’avons vu, était vaste et indéterminé; de même, les
heremiticæ gravitas non sinit longa in canlandi studiis versets des offertoires, les répons à plusieurs versets
temporum insumi spatia... Ob banc itaque causam solennels avec jubilus, qui se chantaient à certaines
qnædam de antiphonario auferenda seu abbrevianda fêtes, comme le célèbre répons Descendit de Noël 9 le ,

1 Le Couteulx, Ann., t. n, p. 545 sq. — 1 Consuet., xlii, iv, 28, P. L., t. cLni, col.'645. '— , I.oc. cit., 29. —
1, P. L., t. clîii, col. 723. — 3 Loc. cit., Commentarius, i Consuet., iv, 24; vu, 1; ix 3, P. L., t. clîii, col. 643,
col. 724. Cf. Le Couteulx, Ann., t. i, p. 309 sq. — 4 Loches, 647, 653. — *Stat. ant., part. III, c. i, 2. — “Cf. Revue du
ms. 3, f° 9. Cf. Le Couteulx, Ann., t. i, p. 308. — 6 Consuet., u hant grégorien, t. xi, p. 65 q.
chant solennel des lamentations,des généalogies, du cantum tam diurnum quam noclurnum quem quasi
cantique Benediclus es au samedi des quatre-temps; omnes addiscunl mentelenus et cordetenus in ecclesia
enfin tous les chants de procession; en un mot, tout ce cantant, ut per inspeclionem libri non possil cordis
qui était le plus sujet à des variations qui compli dcvotio impediri 5 Un peu plus tard, sur la fin du xiv®
.
quaient l’étude du chant. siècle, un autre traité que nous avons déjà cité entre
Quel est l’état du chant à l’origine et la valeur des dans des détails pratiques sur la marche à suivre pour
recueils qui nous l’ont conservé? On ne peut douter arriver progressivementà savoir tout l’office par cœur.
que Guigues n’ait étendu aux mélodies la sollicitude Le novice commençait par apprendre les psaumes
qu’il a manifestée dans le choix des textes. De fait, si qui étaient d’un usage plus fréquent, puis les chants
nous prenons les plus anciens manuscrits à l’époque du commun des Saints : deinde, si Deus dederit sibi
à laquelle ils s’offrent à nous, en les comparant avec gratiam, polest totum antiphonarium inpectorare, prout
des représentants plus anciens des textes mélodiques olim in domo Cartusiæ consuevit6 Cet usage de chanter
qu’ils contiennent, il faut reconnaître qu’ils sont géné .
par cœur l’office de nuit explique, avec d’autres causes
ralement fidèles, et leur témoignage,pour cette époque encore, la rareté des manuscrits de l’antiphonaire à
de transition entre la notation en neumes, in campo l’origine de l’ordre. De fait, il n’y en avait qu’un seul
aperto, et la notation diastématique, ne doit pas être que l’on plaçait au milieu du chœur, afin que ceux
négligé. Nous remarquerons entre autres choses un qui ne savaient pas encore chanter de mémoire
emploi très modéré du bémol, même dans les manu pussent s’aider de ce livre unique. C’est ce que nous
scrits de basse époque et là où il n’est pas douteux apprend une ordonnance du chapitre de l’année 1430,
qu’il ait été marqué d’une manière régulière. En réglant le cérémonial à suivre par ceux qui allaient
somme, la réputation dont jouit l’ordre d’avoir con ainsi chanter au milieu du chœur.
servé, pour autant qu’il dépendait de lui, les mélo lit. LES CANTORES CHORI ET LE DE MODO PSALLENDI
dies sacrées dans leur pureté, est méritée. Guigues, et cantandi. — Le chœur est dirigé par deux
bien qu’il se soit trompé parfois, paraît avoir voulu chantres, dont les fonctions sont bien déterminées et
avant tout rester traditionnel. qui sont appelés canlores chori. Leur office est décrit
Quant au genre de notation, il n’y en a aucun qui sommairement dans les Constitutions de Basile, au
soit propre à l’ordre, chaque monastère adoptant, milieu duxu e siècle. Les Statuts de Jancelin, en 1222,
soit celui qu’il trouvait dans les livres qu’ils repro sont déjà très explicites 7 Mais ce sont les Statuta
.
duisait pour son usage, soit plutôt encore celui qui antiqua de 1259 qui ont promulgué d’une manière
était usité dans le pays où il se trouvait, du moins définitive la discipline du chœur 8

pour les provinces les plus éloignées. C’est ainsi Outre les deux canlores chori, il . y a un emendator
qu’on rencontre dans les manuscrits cartusiens la qui est plus spécialement chargé de reprendre quand
notation italienne, aussi bien que les notations aqui quelqu’un fait erreur 9 . L’emendator et les cantores
taine et carrée, ou, dans les pays allemands, la nota ne doivent laisser passer aucune faute, soit de lec
tion gothique. ture, soit de chant, sans la corriger. Ils doivent au
II. LA RECORDATIO ET LE CHANT PAR CŒUR. NOUS besoin grunnire, pour faire répéter ce qui a été mal
avons cité plus haut trois passages des Consuetudines chanté, et, à leur défaut, tout autre religieux doit
qui mentionnent formellement un exercice appelé re- le faire à leur place 10
.
cordaiio. Nous trouvons à la même époque et la chose Les Statuta antiqua ont tout un chapitre sur la
et le mot lui-même à Lyon, dans les statuts promul manière de chanter. Ce chapitre comprend deux
gués par l’archevêque Guichard1 . Guigues ne nous parties, l’une purement spéculative ou mystique,
dit pas comment se faisait la récordation; il nous qui n’est autre que le texte bien, connu de saint
apprend seulement quels jours elle avait lieu et quel Bernard, dans son commentaire du cantique : Ex
était son objet, à savoir les leçons, les répons et cælera régula nostra nihil operi Dei præponere licet u . La
necessaria 2 Basile ajoute la recommandation d’écou
.
partie pratique est empruntée aux Instituta Patrum
ter les leçons citlentc et sine strepilu3 . Dans les statuts de de Saint-Gall, dont l’autorité était si grande au
Jancelin, en 1222, il y a tout un chapitre spécial qui moyen âge : Psalmodiam non multum protrahamus,
est consacré à la récordation. Tous les moines doivent sed rotunda et viva voce cantemus, etc. 12 En dehors des
.
y assister, et le prieur lui-même, à moins d’empêche emprunts presque textuels faits aux Instituta Patrum,
ment, ne saurait s’en dispenser. Ces détails nous l’ordre a adopté encore la plupart des principes de
montrent quelle importance on attachait à cet exercice direction du chœur et d’exécution du chant qui sont
et à tout ce qui concernait l’oflice divin. En 1259, les contenus dans ce traité; par exemple, la manière de
Slalula antiqua n’ajoutent que des détails peu impor varier le chant selon que l’office est férial, dominical
tants. La récordation a été un point de règle jusqu’en ou solennel, l’autorité absolue accordée aux chantres
1581, date à laquelle elle a été supprimée 4
.
qui président au chœur, la manière d’entonner et de
L’usage de chanter par cœur et dans les ténèbres, reprendre les antiennes, les rapports mutuels entre
pour l’office de nuit, usage qui de nos jours s’est encore les lois de l’accentuation et les exigences de la mélo
conservé dans une certaine mesure, nous est attesté die dans la psalmodie et les récitatifs.
par plusieurs documents. Dans un traité inédit inti Enfin il y a une autre partie du chapitre De modo
tulé De origine et veritate perfectæ religionis, composé cantandi et psallendi proscrivant quelques-uns des
vers 1313, l’auteur, énumérantles occupations du char abus qui paraissent avoir sévi à cette époque dans
treux, mentionne, entre autres, celle d’apprendre par le chant ecclésiastique, à savoir : fraclio et inundatio
cœur le chant de l’office... sicut est solitudo et labor ad- vocis et gcminatio puncti. Nous laissons aux érudits
discendi corde tenus et integerrime psalmos et hymnos et le soin de déterminer au juste quels défauts sont visés
cantica et alia quæ in ecclesia decantantur, et ipsum par ces expressions.
1 Martène, De antiquis Ecolesiæ rilibus, 1. IV, c. xii, in-fol., majoris Cartusiæ, c. vin. — 7 Stat. Jancelini, c. xxxvn
Antverpiæ, 1764, t. ni, p. 226. — 2 Consuet., iv, 24; vu, 1 ; en entier. — 8 Stat. ant., part. I, c. xxxvm en entier. —
ix, 3, P. L., t. cliii, col. 643, 647, 653.— 3 Constitutions de «Loc. cil., part. I, c. xl en entjer.'— 10 Loc. cit.; Idem, Ma
Basile, Dijon, ms. 616 (364), f° 41 v°. — 4 Stat. ant., part. I, nuale cæremoniarum c. i;
domus majoris Cartusiæ, Ordina-
c. xxxv, 5, 6. — 6 Sur l’auteur de ce traité, Guillaume rium Carlusiense, c. xxi, 3, in-8°, Parisiis, 1582,f° 52 v°. —
d’Hyporégie, ou peut-être plutôt le prieur de Chartreuse 11 Bernardus, In cantica, ser., 47, P. L., t. clxxxiii, coi. 1011.
Boson, qui vivait à la fin du xni® siècle, voir Le Couteulx, — 13 Stat. ant.,part. I,c. xxxix, 3-5. Cf. Instituta Patrum de
Ann., t. v, p. 28, 57. — * Manuale cæremoniarum domus modo psallendi sive cantandi; Gerbert, Scriptores, t. i, p. 6.
Nous n’avons rien dit des instruments de musique. Dans quelles limites doit-il s’appliquer au chant car
Ils n’ont jamais été admis dans l’ordre, et ils furent tusien? Jusque vers le xvi c siècle,il ne s’est guère pro-
positivement interdits par le chapitre de l’année 1326. duitd’autresaltérations que celles qui étaient dues aux
Le monocorde lui-même est compris dans cette pro erreurs des copistes, et elles étaient peu importantes.
scription. Mais dès la fin du xv e siècle, grâce au schisme, grâce
Quant au déchant, il paraît avoir tenté de s’intro aussi à la tendance alors générale au particularisme
duire dans quelques maisons. Voici une admonition liturgique, plusieurs maisons parmi les plus éloignées
adressée aux moines du Parc, au diocèse du Mans, en subissent l’influence du milieu dans lequel elles se
1442 : Decanletur servitium divinnm in ecclesia secun- trouvent. De là, des altérations très importantes, qui
(lum ritum ordinis... nec immisccanl se discantui, cum malheureusement sont restées, surtout dans les chants
ilia scientia sit peregrina ab ordine et aliéna, in- de l’ordinaire de la messe, le prélude de la préface et
excmplaris et curiosa. En 1582,1a même prohibition du Pater, les Dominus vobiscum, les chants direc-
atteint la musique figurée : Instrumenta musica tanés et certaines cadences psalmodiques,le TeDeum,
librosque universos discantus seu cantus figurati les récitatifs, etc. Ce qui est déjà plus grave, c’est que
inlerdicimus universis 1 de nouvelles théories sur l’exécution du chant s’in
.
Les questions grammaticales ne sont point exclues troduisent, devant amener la ruine complète du
de la sollicitude de l’ordre, en tant qu’elles ont des rythme. De plus,il semble que certaines maisons aient
rapports avec l’office; elles furent même vivement besoin d’être stimulées pour le chant; car en 1509
agitées au début du xiv e siècle. De fait, ce sont elles on décrète que partout où il y a huit moines, le prieur
qui réglaient la prononciation des mots, l’accentua compris, l’office tant de jour que de nuit doit être
tion, l’orthographe. Parmi les différentes autorités chanté en entier 5
dont l’ordre se réclame, il faut citer le célèbre réfor Toutefois, sur la. fin du xvi e siècle, le mal n’était
mateur Alexandre de Ville-Dieu et son Doctrinal 2 pas encore officiellement consommé. La première
Lorsqu’on examine les manuscrits cartusiens. de édition du graduel, qui est de l’année 1578 ", est
chant, on est frappé par la vue, dans beaucoup d’entre fidèle encore à l’ancien système de notation, qui
eux, d’un grand nombre de traits verticaux qui tra conserve les éléments rythmiques, et aujourd’hui
versent la portée 3 Ces traits se trouvent dans plu
.
même il faudrait y faire bien peu de retouches pour
sieurs des plus anciens manuscrits de l’ordre, mais y trouver un bon exemplaire en vue d’une restau
seulementquand ils ont servi pendant plusieurs siècles, ration de l’ancien chant cartusien. Il faut en dire
et alors ils sont toujours de seconde main. Une étude autant des offices de la Trinité et de la Transfigura
comparative, faite sur une grande échelle et sur des tion, imprimés à Paris en 1583, et de l’hymnaire paru
manuscrits de différentes époques, montre que ces à Lyon en 1588. Ce sont les derniers témoins du chant
traits distinguent entre eux, tantôt les groupements rythmé tel que l’avait transmis le moyen âge. Mais
neumatiques, tantôt chacun des éléments constitutifs en 1612 on imprime à Pavie l’antiphonaire en deux
de ces groupements, souvent les mots du texte, par gros volumes in-folio 7 . Or, l’ancienne notation y
fois même chacune des syllabes; enfin, il est des ma est presque totalement abandonnée. On y voit bien
nuscrits où, dans la partie syllabique, chaque note est encore des caudées et des losanges, mais plus de for
suivie d’une barre verticale. La conclusion qui se mules rythmiques. Du reste, des atteintes plus, nom
dégage de l’ensemble de ces observations, c’est que breuses sont portées à l’intégrité même des mélodies.
l’idée première qui avait inspiré l’emploi de ces Ce sont, d’une part, les changements introduits dans
barres était d’aider à la lecture soit du texte, soit les textes par suite de la révision du missel et du bré
de la mélodie, et, par suite, à la bonne exécution de viaire, changements qui amènent des modifications
cette dernière; or, comme le remarque avec raison correspondantes dans les mélodies; or, ceci, surtout
la Paléographie musicale, t. i, p. 142, à propos de à une pareille époque, ne saurait aller sans de réels
l’un de ces manuscrits,la répartition de ces traits dommages 8 Puis ce sont des séries entières de notes
s’accordait généralement assez bien avec les grou .
qui disparaissent dans les fubilus et les slrophicus,
pements neumatiques. Malheureusement, ù une toujours dans l’exécution,et parfois dans leslivreseux-
époque de décadence du chant, au début du xvn e mêmes où l’on ne se fait point scrupule de supprimer
siècle, alors que la véritable exécution de ce dernier ce qui l’est déjà dans la pratique. En 1674,on imprime
était perdue, on donna aux barres une signification à Lyon le graduel où Ton ne voit plus que des notes
qu’elles n’avaient pas eue primitivement et on en uniformément carrées 9 ; et le mal n’est pas seulement
lit des barres de pause, d’où ce morcellement de la dans la forme extérieure des notes, où Ton ne trouve
phrase qui est depuis cette époque une des principales plus que l’élément matériel du chant, et plus rien de ce
caractéristiques du chant cartusien 4 Toutefois, la qui en constitue l’âme, mais les mélodies elles-mêmes
.
routine, qui dans certains cas est plus forte que les dé vont être gravement altérées. De fait, en 1689, la
crets les plu ; officiels, a conservé jusqu’à nos jours Grande-Chartreuse fait paraître un Antiphonarium
un témoin de l’ancienne destination des traits ver diurnum dans lequel les mélodies sont modifiées
ticaux dans le missel cartusien où, dans les parties d’après les principes qui régnaient alors 10 . Entre
notées à l’usage du célébrant, chaque mot et, par autres réformes désastreuses, on reporte sur la syllabe
suite, souventchaquenote est suivied’un trait vertical. accentuée les mélismes qui, dans le chant grégorien,
IV. LE CHANT DANS LES TROIS DERNIERS SIÈCLES. se déroulent si souvent et avec un art si parfait sur
— Nous venons de prononcer le mot de décadence. celle qui la suit. C’est ce qu’on annonce dans la pré

1 Nova collectio stalutorum, part. II, c. xxxiv, 20, in-4°, sents au chœur. Ordinarium Cartusiense, c. xvm, 10, Pari
Parisiis, 1582, 1° 102 v°. — 2 Pour la prononciation de siis, 1582, f° 47. — 6 Graduale ordinis Cartusiensis, Parisiis,
certains mots et la manière de lire les nombres, voir Slat. ex officina G. Chaudière, 1578. — 7 Antiplionarii ordinis
nov., part. I, c. v, 25 sq., et Terlia compilatio slatutorum, Carlusiensis pars hgemalis (pour le deuxième volume :
c. i, 61. — 3 Voir Paléographie musicale, t. I, pl. 12, 13, pars estioa) cura et expensis monachorum Cartusiæ Pa-
14; t. il, pl. 41, 47; t. ni, pl. 95, 105, 106, 205, 210. piensis, 1612, 2 vol. gr.in-fol. — 8 Voir à ce sujet: D. Victor
l’introduction officielle de ces barres, voir Le
— 4 Sur Ephemerides Maurice, La revisione del leslo liturgico delle parte di canto,
Vasseur, ordinis Carlusiensis, t. iv, p. 109. dans Rassegna gregoriana, 1905, fasc. 2, 3, 4. — 8 Gradu
— 6 Tertia compilalio stalutorum, c. i, 1. En 1581, ale... ad usum sacri ordinis Cartusiensis, in-4°, Lugduni,
cette prescription est renouvelée, et on ajoute ce détail 1(574. — 10 Antiphonariumdiurnum ad usum ordinis Cartu
précis, qu’elle oblige, dès qu’il y a six moines valides pré- siensis, in-fol,, Correriæ Cartusiæ, 1689.
1072

face par cet aveu qui n’est que trop significatif : Quan- sans doute, avec une légère sollicitation, désigner les
titatem vitialam, ubi commode fteri potuit, correximus... pièces rentrant dans l’objet propre de la présente
maxime in o fldis diurnis, qui bus non raro assislunt dissertation, mais ils ne nous apprendraient rien de
exlranei, ne aures eorum nimis lædantur. Heureuse certain ni même d’utile et surtout rien de précis. Ce
ment cette innovation des plus regrettables n’alla que pouvaient être les actes publics concernant les
Églises,
pas sans amener plus tard des protestationsdont la tout ce qui vint
se classer dans la suite sous
conséquence fut la restauration, dans l’édition sui la dénomination très compréhensive de cartæ, nous
vante, des passages altérés par ce faux principe. pouvons le supposer plus aisémentque nous ne pour
Dans ces conditions,l’exécution ne pouvaitplus être rions l’inventorier. Titres de propriété, titres de dona
autre que celle qui dès lors s’était introduite partout. tions, titres d’échange,tout a disparu; cependant, il
Le xvn e et le xvm e siècle nous montrent dans l’ordre est clair que, si on en appelle à un texte de Lampride,
une véritable invasion de traités de chant qui tous on verra que les fidèles sont mis en possession d’un
se font gloire d’emprunter ouvertementleurs théories bien-fonds que leur disputait la corporation des popi- i
les plus bizarres à celles qui avaient cours alors. Ce narii 6 à Rome; de même, par Eusèbe, nous savons
fut la prise de possession officielle et définitive de que la communauté d’Antioche logeait son évêque
cette exécution lourde et monotone qui remplaça dans une maison d’où, à un moment donné, Paul de
ce rythme si vivant et si alerte que les Statula Samosate ne veut pas sortir; à Carthage encore, la
aniiqua avaient admirablement défini en deux mots vie et la correspondance de saint Cyprien nous font
empruntés aux Instiluta Patrum : rotunda et viva connaître l’existence de biens personnels vendus par
voce cantemus. Cette disparition de l’élément ryth l’évêque, rachetés par ses admirateurs et donnés à
mique est d’autant plus regrettable que, chez les l’Église, voilà autant de raisons de posséder des titres
chartreux, les textes mélodiques n’ont subi que des de propriété bien en règle. Un paragraphe, une simple
altérations relativement peu importantes. Nous phrase, quelques mots, peuvent ainsi nous mettre sur
avons vu d’ailleurs qu’une des conséquences de cette la voie d’actes à jamais détruits et perdus, dont on
nouvelle manière de chanter, où les offices prirent pourrait dresser une sorte de catalogue et recon
une longueur démesurée, fut d’amener, par une stituer au moins le sommaire. A quelque opinion qu’on
inévitable loi de compensation,une réduction considé se range sur le régime domanial imposé aux commu
rable dans l’étendue des leçons de matines 1 . nautés par les lois romaines 7 on ne peut nier le fait
,
Au xix e siècle parut, en 1868, une méthode de de la capacité de posséder,de trafiquer. Quand l’édit de
chant qui, à cette époque où la restauration des mé Galien et celui de Galère rétablissent les Églises dans
lodies grégoriennes était à peine entrevue, ne pouvait leur situation antérieure, les relèvent de la confisca
que recueillir les enseignements des traités des siècles tion, il est clair que celles-ci ont des titres écrits à faire
de décadence 2 , de même que les livres de chœur ac valoir pour rentrer dans leurs droits 8 En cela, on
.
tuellement à l’usage de l’ordre sont la reproduction ne faisait que se conformer à l’exemple de l’adminis
servile de ceux qui ont paru au xvm e siècle. tration impériale et municipale, qui donnait dès lors
A. Degand. l’exemple de cette paperasserie si profondément ancrée
CH ARTRIERS.Saint Jérôme, discutant avec Rufin dans la conception latine de gouvernement et d’orga
d’Aquilée,lui dit : Si a me fictam epistolam suspicaris, nisation 9
.
cur cam in romanæ Ecclesiæ chartario non requiri 3 ? Ne sont-ce pas déjà de véritables chartes qui vont
Chez les auteurs du moyen âge, il
n’est pas rare de s’entasser dans les bureaux ecclésiastiques à mesure
rencontrercctrtulariumouchartularium pour charlarium que les évêques procèdent à la manumissioin ccclesia 10
avec le sens de chartrier, d’archives. Il est arrivé aussi et à l’affranchissement des esclaves,conformément à la
que les érudits ont employé mal à propos charlarium loi et aux formules juridiques 11 ? C’est bien, en effet,
pour chartularium. On a dit aussi chartologium*.Nous les actes rédigés officiellement et déposés dans l’ar
avons étudié déjà les bibliothèques et les chancelleries chive épiscopale que vise le pape Jules I er (337-352)
(voir ces mots), les chartriers représentent une orga quand il parle de manumissionibus celebrandis in
nisation moins réfléchie et moins active. Les chartriers ecclesia per scrinium sanctum. Voici, d’ailleurs,
peuvent être considérés comme le prolongement des le texte du Liber pontificalis : Hic constitutum fecit
archives et nous avons eu occasion de montrer à quel ut nullus clericus causant quamlibet in publico ageret,
degré se compénétraient chez les anciens deux sec nisi in ecclesia, et notitia quæ omnibus pro fide eccle-
tions que nous distinguons si nettement aujourd’hui : siastica est per notcirios colligereliir, et omnia monu-
bibliothèque et archives. Les municipes, ou du menta in ecclesia per primicerium notariorum confeclio
moins les cités et les Églises possèdent leur ap/era s , celebraretur, sive cauliones vel extrumenla aut dona-
où s’entassent livres, rouleaux, ouvrages littéraires, tiones vel commutations vel traditions aut testamenta
paperasse administrative. Nous ne croyons pas qu’il vel allégations aut manumissions, clerici in ecclesia
y ait lieu ici de revenir sur des textes qui pouvaient, per scrinium sanctum celebrarenlur 13 . Afin de ne paraître

1 Dès le milieu du xvi e siècle, Sutor, dans son traité Collèges. — 8 Aussi J.-B. De Rossi, De origine, historia,
De vita Cartusiana, 1. II, tr. II, c. ni, se fait, avec d’autres indicibus scrinii et bibliothecæ Sedis apostolicæ, dans Co-
encore, l’écho des protestations soulevées par les défor dices palatini latini, in-8°, Romæ, 1886, t. I, p. xvm, dit
mations dont le chant commençait à être l’objet à cette avec raison : Præter codices sacros, publicæ potissimum
époque. — 8 Méthode de plain-chant selon le rite et les leciioni adhibendos, præter opéra patrum et doctorum charlæ
usages cartusiens, in-8°, Avignon, 1868. — 3 Forcellini, quam plurimœ rerum pertinentium ad administralionem
Lexicon, au mot Chartarium, renvoie à S. Jérôme, Apol. ecclesiarum acta, epistolœ, quemadmodumsalutatoriæ, mul-
adv. Rufinum, 1. III, n. 6; Saglio, Dictionn. des antiquités tiplicatis christianorum numéro et opibus, valde multipli-
grecq. et romaines, t. I, au mot Chartarium, copie cette cabantur. — 8 H. Bresslau, Die Commentarii der rômischen
référence; enfin l’Index generalis de l’édition Vallarsi Kaiser und die Registerbiicher der Papste, dans Zeitschrift
renvoie à t. n, col. 559; en réalité, le texte se trouve dans der Savigng-Stiftung fiir Rechtsgeschichte, rôm. Abtheil.,
Apol. adv. Rufinum, 1. III, n. 20, P. L., t. xxm, col. 414, et 1885, t. vi, p. 242-260; Lôwenfeld, Geschichte des papsl-
dans Vallarsi, t. n, col. 549. — * A. Giry, Manuel de diplo lichen Arcliivs, dans Historische Taschenbuch, Leipzig,
matique, in-8°, Paris, 1894, p. 28, note 1. — 6 Opéra Patrum 1886, p. 308. — 18 S. Augustin, Serm., xxi, P. L., t. xxxvm,
apostolicorum, édit. F.-X. Funk, in-8°, Tubingæ, 1881, col. 135. — 11 M. Fournier, Essai sur les formes et les effets
t. i, p. 230; Dareste, Le /çsuoùlaytov dans les villes grecques, de Vaffranchissementdans le droit gallo-romain,dans Bibl. de
dans Bulletin de correspondance héllénique, 1882, t. vi, YÊc. des hautes études, t. lx, p. 79 sq. — 13 Liber pontifi-
p. 241-245. — • Voir Cabaretiers,t. n, col. 1526. — 7 Voir calis, édit. Duchesne, t. i, p. 205.

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