Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Dans la deuxième homélie sur la Dormition, Jean Damascène Oh ! comment la source de la vie est-elle conduite à la vie
se penche sur le paradoxe de Marie qui, en tant que Mère de en passant par la mort ? Ô surprise ! Celle qui dans l’enfan-
Dieu, a enfanté la Vie, mais ne peut échapper à la mort. Mais tement a surmonté les limites de la nature, maintenant se
puisque, comme nous l’avons dit, chaque fois que Damascène courbe sous ses lois, et son corps immaculé est soumis à la
parle de Marie, il le fait en lien avec l’incarnation du Verbe de mort ! Il faut en effet déposer ce qui est mortel pour revêtir
Dieu, il explique ce paradoxe en montrant que le Fils de Dieu, l’incorruptibilité, puisque le Maître de la nature lui-même
étant la vie elle-même, n’y a pas échappé : n’a pas refusé l’expérience de la mort. Car il meurt selon
la chair, et par sa mort il détruit la mort, à la corruption il
Car celle qui fut la source de la vraie vie, comment confère l’incorruptibilité, et fait du trépas la source de la
tomberait-elle au pouvoir de la mort ? Mais elle obéit résurrection 42.
à la loi établie par son propre enfant, et comme fille du
vieil Adam, elle acquitte la dette paternelle, puisque son On retrouve cette même approche et cette même idée dans le
Fils même, qui est la vie en personne, ne l’a pas reniée. canon de la fête :
Mais comme Mère du Dieu vivant, il est juste qu’elle soit
emportée auprès de lui 39 Ode 6, 1er tropaire : De toi la vie a pu resplendir sans
rompre les scellés de ta virginité, comment ton corps pur et
On retrouve la même idée dans le canon que Damascène a vivifiant a-t-il pu participer à l’épreuve de la mort ?
composé pour la fête :
40. PG 96, 1364B.
38. EUSTRATIADÈS, Poiètai kai Ymnographoi tès Orthodoxou Ekklèsias, t. I, pp. 136-137. 41. PG 96, 1364C.
39. JEAN DAMASCÈNE, Homélie sur la Dormition II, 2, SC 80, p. 131. 42. JEAN DAMASCÈNE, Homélie sur la Dormition I, 10, SC 80, p. 107.
Ainsi, la richesse à la fois poétique et théologique de l’hymno- I. JEAN DAMASCÈNE, THÉOLOGIEN DE L’ICÔNE
graphie du Damascène vient attester son rôle dans la première
grande synthèse, à la fois théologique et liturgique, que connut Jean Damascène s’est, en effet, illustré dans la lutte contre les
l’Église byzantine au VIIIe siècle, et qui avait pour but de nous iconoclastes, qui ébranla le VIIIe siècle, et qui mettait en ques-
centrer sur le mystère de l’Incarnation, du Verbe fait chair, réalisé tion l’art chrétien, et plus précisément, cet art spécifique, celui
pour notre salut à Jérusalem, « au milieu de la terre » (Ps 74, 12). de l’icône. Il défendit, alors, par sa parole et ses écrits le culte des
Il n’est donc pas étonnant que la tradition ecclésiastique byzan- images. À la suite de S. Basile et avant le concile de Nicée II de
tine ultérieure, en ayant fait un héros de l’orthodoxie, lui ait 787, il explique que l’honneur rendu à l’icône n’est pas synonyme
attribué la composition de l’Octoèque, livre de l’office dominical, d’idolâtrie, mais qu’il va au prototype, au saint représenté sur
tout comme elle lui a attribué à juste titre la composition des l’icône. Il souligne également la légitimité des icônes à partir de
principales hymnes pour les grandes fêtes de l’année liturgique. l’Incarnation. Il explique qu’à partir du moment où Dieu s’est
C’est pourquoi l’étude de la patrologie ne saurait aucunement rendu visible dans le Christ, il est possible de le représenter et de
ignorer l’œuvre hymnographique du Damascène tout comme dépasser l’interdit, d’ailleurs relatif, de l’Ancien Testament. Ainsi
elle ne saurait négliger son œuvre dogmatique et homilétique. écrit-il : « Je représente Dieu, l’Invisible, non pas en tant qu’il est
invisible mais dans la mesure où il est devenu visible pour nous
Job GETCHA en participant à notre condition 1. » Dès lors, en vénérant l’image
qui en est donnée, nous rejoignons celui qui y est représenté.
Il précise, d’ailleurs : « Je ne vénère pas la matière, je vénère le
Archimandrite. Professeur à l’Institut d’études supérieures en créateur de la matière […], qui a daigné habiter la matière 2. »
théologie orthodoxe à Chambésy-Genève. Enseignant à l’Institut C’est la présence de « l’humanité glorifiée et déifiée tout d’abord
catholique de Paris.
dans le Christ et, à travers lui et l’Esprit Saint, dans la Vierge Marie