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PENSER L’ICONOTEXTE DE L’EFFONDREMENT : UNE IMAGE DE

L’IMMINENCE

Laurent Gerbier et Raphaële Bertho


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Association Multitudes | « Multitudes »

2019/3 n° 76 | pages 114 à 119


ISSN 0292-0107
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-multitudes-2019-3-page-114.htm
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Penser l’iconotexte
de l’effondrement : une
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image de l’imminence
Laurent Gerbier et Raphaële Bertho

« Je me figurais aussi que la Nature s’invitant ainsi à la porte de l’Histoire des
humains, toute en majesté, devait faire un sérieux tapage. Mais d’une certaine façon, le voyage
est un heureux apprentissage de la déception. Ce que l’on pensait voir et entendre, ce que
l’on croyait devoir être manifeste et bruyant cède alors la place à des sensations ténues, ainsi
qu’à une lente infusion, dans la perception, de réalités éthérées et muettes. On a affaire à des
spectres, pas à des icônes. »

Matthieu Duperrex, Voyages en sol incertain, Enquête dans les deltas du Rhône
et du Mississippi, Wildproject, 2019, p. 36

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Les travaux d’artistes cherchant à « mettre en forme » l’anthropocène, ses causes


et ses effets, se multiplient depuis une dizaine d’années ; les photographes participent à ce
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mouvement, comme en témoignent l’exposition « Anthropocène » présentée au Canada en
2018 et prolongée en ligne1, ou la fresque « Sur Terre. Image, technologies & monde naturel »
présentée lors des Rencontres internationales de la photographie d’Arles à l’été 2019. Toutes
deux revendiquent un « visual activism2 » qui fait de l’image un « catalyseur à de nouvelles
manières d’interagir avec notre environnement3 ».
La nécessité d’un tel engagement repose sur un constat brutal : le message
d’alerte environnemental constamment diffusé depuis vingt ans ne passe pas. Pourquoi ?
Peut-être parce que l’urgence n’est plus l’objet possible d’un contenu représentationnel :
les perturbateurs endocriniens, la qualité de l’air, l’eutrophisation de la Méditerranée, se
dérobent à la visualisation. On cherche pourtant à voir quand même, à « présentifier » de
force le futur en une image capable de déclencher une réaction commune : on cherche à
incarner le changement lent et long dans des icônes crispées, à contracter le trend dans une
épiphanie ponctuelle. Or ce n’est peut-être pas la bonne piste : la recherche de l’icône doit
laisser place à la construction d’une image de l’imminence, qui implique l’avènement d’un
nouvel iconotexte de l’effondrement.

L’icône de la catastrophe ou la pulsion scopique


En août 2015, la photographe Kerstin Langenberger poste sur Facebook une photographie
représentant un ours polaire décharné et sale, visiblement moribond, sur une langue de
glace à la dérive. Pris dans l’archipel de Svalbard, entre la Norvège et le Groenland, le cli-
ché témoigne selon la photographe des effets catastrophiques du réchauffement climatique.
Dans le petit texte qui accompagne le cliché, elle écrit : « I do not have scientific data to prove
my observations, but I have eyes to see – and a brain to draw conclusions4 ». C’est là une manière
de passer du visible au lisible, en court-circuitant la médiation d’une science rigoureusement
quantifiée et argumentée : le travail de regard, complété par le bon sens commun, suffit. En
ligne, les premiers commentaires de l’image valident ce saut du visible pathétique au lisible
prophétique (qui confère à l’ours, depuis vingt ans, son statut d’emblème du réchauffement
climatique) : tous font de l’ours décharné de Langenberger une sorte de « pionnier de la
catastrophe », une figure de l’avant-garde de l’effondrement, qui cristallise la temporalité
lente du processus dans l’instantané d’une image.
L’ours décharné fournit ainsi une image de la catastrophe déjà accomplie, de la
fatalité déjà nouée. L’image devient alors obscène, véritable « photo-choc » où le pathos vient

1 L’exposition est présentée conjointement à l’Art Gallery of Ontario et à la National Gallery of Canada entre sep-
tembre 2018 et février 2019. Voir le site : https://theanthropocene.org.
2 Nicholas Mirzoeff, How to See the World, Pelican Books, 2015.
3 Texte de présentation de l’exposition « Sur Terre » : www.rencontres-arles.com/fr/expositions/view/782/sur-terre.
4 URL : www.facebook.com/kerstin.langenberger.photography/posts/1045109095501030:0.

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« frapper le spectateur au visage5 ». Elle relève de cette catégorie de la fiction apocalyptique


que l’on nomme parfois le « disaster porn6 », et qui touche à la fois à une forme de pulsion
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scopique (faite du désir morbide de voir la catastrophe déjà advenue) et à une contraction de
la chaîne causale : le futur possible, pris comme effet déjà réalisé, est transformé en présent
nécessaire. La « photo-choc » dispense le regardeur de tout doute et de toute interrogation,
instaurant ainsi une paradoxale tranquillité : le pire, décidément, est sûr.
Allan Sekula a souligné qu’une telle image pouvait dangereusement conforter
l’indifférence et le désengagement, « flattant l’inertie idéologique de ses contemplateurs
peu soucieux d’en déchiffrer l’arrière-plan politique et social7 », et encourageant ainsi
une forme de mélancolie désarmée. Il est peut-être au contraire nécessaire de tourner le
dos au spectaculaire tout en le laissant « flotter » aux lisières du visible, stimulant chez le
regardeur une interrogation inquiète, une intranquillité qui appelle le discours, le récit,
l’exercice de la pensée.
Rompre avec le spectaculaire, c’est aussi rompre avec une certaine manière de
traiter visuellement la causalité : l’ours décharné rend le futur sensible dans le présent comme
un effet déjà réalisé, lourd de la série des causes qui l’ont produit. Cependant cette effectualité
est fragile, et ouvre l’espace de la polémique : de nombreux internautes ont contesté la lecture
de l’image de Langenberger, en renvoyant notamment à un article du Wall Street Journal8 qui
montre que les dix-neuf populations d’ours polaires ont connu, depuis les années 1970, un
net redressement de leurs effectifs. Refusant à l’image de l’ours sa valeur emblématique au
motif que les causes qui peuvent expliquer son état sont multiples, les adversaires de Langen-
berger réduisent sa lamentation au statut de « mantra apocalyptique ». Or, s’il y a bien là deux
manières affrontées de lire la chaîne causale, elles s’accordent en revanche pour saisir l’image
de l’ours comme effet déjà réalisé d’une série de causes : c’est de ce mécanisme même qu’il
s’agit de sortir.

L’image de l’imminence, une image inquiète


Les images de l’imminence qui nous intéressent ne sont donc pas spectaculaires, parce
que ce ne sont pas des images d’effets : elles n’importent dans notre présent nulle re-
présentation de la catastrophe dérobée à l’avenir qui la porte. Au contraire, ce sont des
images présentes, et du présent ; elles ne donnent pas à voir leur objet comme un résul-
tat, mais comme un commencement : partant, elles ne sont pas anxiogènes, mais plutôt
intranquilles, in-quiètes. De telles images n’ont plus pour contenu leur propre objet, et

5 Roland Barthes, « Photo-chocs », Mythologies, Paris, Seuil, coll. « Points », 1957, p. 105-107.
6 Sur les différents sens de cette expression forgée à la fin des années 1980, voir Timothy Recuber, « Disaster Porn! »,
Contexts, vol. 12, n° 2, 2013, p. 28-33. URL : https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1536504213487695.
7 Allan Sekula, « Dismanting Modernism, Reinventing Documentary (Notes on the Politics of Representation) », in
Terry Dennett et Jo Spence (dirs.), Photography/politics: One, Londres, Photography Workshop, 1980.
8 « Are Polar Bears Really Disappearing ? », The Wall Street Journal, 8 février 2013. URL : www.wsj.com/articles/SB10
001424127887323452204578288343627282034.

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la clef de leur fonctionnement réside dans cette incomplétude : elles se présentent par ce
qu’elles ne représentent justement pas et qui, comme un trou d’air, appelle en elles un
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récit, et aspire un affect.
Un tel mécanisme est à l’œuvre dans les écritures photographiques qui se déve-
loppent en réaction au tropisme patrimonial et au « devoir de mémoire » qui à la fin du
xxe siècle s’incarnent dans les « images-monuments9 », telles le milicien de Robert Capa
(1936) ou la petite fille de Nick Ut (1972) : largement diffusés, ces clichés sortis de leur
contexte et dépouillés de leur signification historique sont devenus des emblèmes surchargés.
On a pu appeler images « en creux10 » ces images qui, à l’inverse, travaillent à l’évocation des
grands événements contemporains en évacuant leur représentation explicite, interrogeant
par là la mémoire collective iconologique. L’événement n’investit plus alors l’image elle-
même : il reste dans une présence latente, dans un « hors-champ temporel ».
L’image de l’imminence reprend ce mécanisme de « surlecture » aveugle, tout
en inversant le tropisme, l’« image de l’après » devenant cette fois une « image de l’avant »
– avant la catastrophe annoncée de ce début de xxie  siècle. Il s’agit de s’intéresser à ces
images qui ne donnent pas à voir l’à-venir, mais qui le laissent transparaître dans son
absence même : images dont l’ordinarité présente semble grosse de l’extraordinaire qui
rôde à leur lisière, images qui forgent ainsi notre capacité à raconter visuellement les bou-
leversements environnementaux, économiques et sociaux qui nous guettent.
Une série de clichés produits par Sylvain Duffard dans la basse vallée de l’Arve
(2015) offre un matériau qui permet d’approfondir cette idée. Commanditées par le CAUE de
la Haute-Savoie, ces photographies ont été réalisées dans le cadre d’un observatoire photogra-
phique du paysage, dispositif initié dans les années 1990 à l’aune du paradigme du dévelop-
pement durable et qui se propose d’user de la qualité testimoniale du relevé photographique
pour rendre lisibles les mouvements lents des paysages11. La série documente un site parti-
culièrement touché par une pollution invisible, celle de l’air. À l’opposé de l’instant décisif et
de l’emblème, chaque image s’inscrit ici dans une séquence : elle participe de la description
d’un territoire et appelle, par définition, sa reconduction (entendue comme une reprise de
vue selon un cadrage identique dans un intervalle temporel variable). Elle participe ainsi
d’un écosystème visuel qui la projette hors d’elle-même, dans l’espace et dans le temps : les
images initient l’observatoire, ce sont des images « débutantes », au sens où elles sont le point
de départ présent d’une série de transformations à venir. Chaque image se livre donc sous
une modalité qui n’est pas celle du visible mais au contraire celle de l’opacité, puisqu’il est
infiniment plus compliqué de lire la série des effets enveloppés dans leur cause que la série des
causes impliquées par l’avènement de leur effet. L’image est alors un point de départ et non

9 Vincent Lavoie, L’Instant-monument. Du fait divers à l’humanitaire, Montréal, Dazibao, 2001.


10 Raphaële Bertho, « Retour sur les lieux de l’événement : l’image «en creux» », Images Re-vues [En ligne], 5 | 2008.
URL : http://journals.openedition.org/imagesrevues/336
11 Raphaële Bertho, « À propos de trente-sept images de la basse vallée de l’Arve », in Michael Jakob (dir.), Prises de
vue, Un paradigme pour l’observation du paysage, Genève, MétisPresses, 2019, p. 107-114. Voir les images sur le site du
photographe: https//:syslvainduffard.com, rubrique  « OPP de Haute Savoie »

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un point d’arrivée : elle ne donne rien à voir que l’état zéro d’une série à venir, et déclenche un
travail de projection qui n’a pas du tout la même forme que celui de l’anticipation.
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Ainsi saisie, l’image est sans légende, dans les deux sens du terme : parce qu’elle
est impossible à légender dans le sens où l’on ne saurait pas saisir en une formule simple
ce qu’elle représente (puisque rien, précisément, n’y est effectivement visible) ; mais aussi
parce qu’elle se trouve ainsi vidée de toute puissance « légendaire », c’est-à-dire de tout effet
de choc pathétique, ou, au sens étymologique, de tout impératif d’avoir à la lire en raison
de son caractère extraordinaire (puisqu’au contraire il n’y a rien à y voir, rien qui relève du
grand récit ni du drame spectaculaire). L’opacité des images de la vallée de l’Arve tient para-
doxalement à leur transparence : elles sont trop proches, trop ordinaires, elles ne semblent
rien montrer, et pourtant leur puissance tient à l’intranquillité qu’elles parviennent à laisser
flotter dans l’infravisible et qui vient creuser leur familiarité de surface. Tout le travail de leur
lecture repose désormais sur la projection de la pensée.

De l’opacité à l’iconotexte
Cette manière de lire les images comme « omineuses », leur apparente insignifiance lourde
d’une valeur de présage confus, offre un exemple de compétence de lecture culturellement
construite : il y faut un observateur instruit, qui sache lire l’image de paysage dans ses valeurs
de prospection, ou bien un regard informé par la prolifération des figurations médiatiques
de la catastrophe environnementale en cours, ou encore un habitus de lecture pétri de cou-
tumes visuelles issues du cinéma, de la science-fiction, de la série TV, de la littérature, qui
nous apprennent collectivement à lire des images du calme comme tendues vers l’immi-
nence de la catastrophe – ou peut-être faut-il la synthèse des trois. Inversant le principe de
fonctionnement des indispensables diagrammes savants des experts du GIEC, ces images
d’imminence ne proposent pas la visualisation d’un discours de savoir déjà mis en forme :
leur visibilité n’est pas corrélée à la lisibilité d’un texte préalable ; au contraire, leur intran-
quillité est fondée sur le fait qu’en elles le visible ne dise rien par lui-même, mais appelle la
composition d’un discours non encore formalisé, ou d’un texte seulement possible. Car ces
images d’imminence sont bien des « iconotextes », mais dans un sens particulier, qui assimile
à la « textualité » de l’image tous les dispositifs sémantiques qui conditionnent sa déchiffrabi-
lité. En ce sens, une image intranquille, qui ne donne rien à voir de la catastrophe à venir mais
qui semble constamment solliciter l’enquête inquiète et l’interrogation inconfortable, peut
tout à fait avoir pour « texte » le récit produit, même intérieurement et sur un mode mutique,
par celui qui la regarde et qui y conduit son investigation de l’œil.
Il ne s’agit pas ici d’évaluer la pertinence relative de modalités possibles d’un
« visual activism » : il s’agit au contraire de diagnostiquer littéralement le manque d’un ico-
notexte précis, que l’on peut décrire pour ainsi dire à tâtons, parce que certaines formes s’en
esquissent – mais qui n’a pas encore pris toute sa place, pas fini d’émerger. On peut pourtant
le décrire d’avance, du point de vue formel, comme le lieu encore vide, ou pas intégralement
occupé, d’une image à venir. Un des principaux problèmes formels qu’affronte ce régime
iconotextuel en cours de constitution touche à la question des seuils et des effets de seuil :

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montrer la catastrophe déjà advenue, même par anticipation, c’est se situer « de l’autre côté »
du seuil, c’est le saisir comme déjà franchi, là où au contraire les images en creux, les images
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de l’imminence, se définissent comme visualisations du seuil non encore franchi.
Les images de l’imminence sont ainsi des images inquisitrices, des images que
l’on fouille du regard à la recherche de cette chose impossible : des traces de ce qui n’a pas
encore eu lieu, et qui n’a donc pas pu entailler la surface du visible. Dans une telle « archéolo-
gie du futur12 », l’image tout entière devient vestige, prise dans une sorte de rétrospection qui
la voit déjà comme le souvenir fané d’une tranquillité contemplée depuis sa destruction ou
son effondrement : le visible est saisi dans toute sa précarité quand il est recouvert de l’ombre
portée de ce futur qui ne s’y est pas encore imprimé.

12 Irène Langlet, Science-fiction et présentisme, chap. 5, Limoges, PULIM, coll. Médiatextes, 2019 (à paraître).

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