29.07.2016 Une France de plus en plus rurale ?

 ­ Futuribles ­ Veille, prospective, stratégie

Une France de plus en plus rurale ?
Par DÉSAUNAY Cécile

21 Jul 2016

© Stephane Bidouze / Shutterstock

Les enquêtes dans ce domaine se succèdent, pour mieux se renforcer : une majorité de Français
a rment qu’ils aimeraient vivre à la campagne [1]. Cette aspiration, qui tend à croître avec l’âge,
apparaît comme une réponse aux inconvénients ressentis de la vie en ville : pollution, insécurité, bruit,
coût de la vie, etc.

Pourtant, selon les données de l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques),
77,5 % des Français sont aujourd’hui urbains. Mais ce taux, qui a fortement augmenté depuis le XIXe
siècle, a progressivement ralenti. En e et, l’exode rural est terminé depuis les années 1970, et le taux de
croissance démographique des communes peu denses est, depuis, supérieur à celui des communes
densément peuplées (voir encadré).

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Deux approches de l’urbanisation et quatre catégories de communes

Selon l’approche morphologique, l’urbain correspond à une unité urbaine, c’est‐à‐dire à une commune
ou un ensemble de communes qui comporte sur son territoire une zone bâtie d’au moins 2 000
habitants où aucune habitation n’est séparée de la plus proche de plus de 200 mètres. Toutes les

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communes n’appartenant pas à une unité urbaine sont considérées comme rurales.

La deuxième approche, proposée par la Commission européenne et adaptée par l’INSEE à la France,
n’oppose pas rural et urbain, mais prend en compte di érents degrés d’urbanisation (en agrégeant des
carreaux d’un kilomètre carré). Elle permet de répartir les communes françaises en quatre catégories :
densément peuplées ; de densité intermédiaire ; peu denses ; très peu denses. Entre 2006 et 2011, ce
sont ces communes peu denses qui ont enregistré le taux de croissance démographique le plus élevé :
+ 5,2 % (soit presque deux fois plus que la croissance démographique nationale). 
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 Sur la période récente, la tendance serait notamment le fait de classes moyennes, voire de classes
aisées qui, grâce au télétravail et / ou au travail indépendant, choisiraient de s’installer au vert. Un
phénomène de « gentri cation » rurale serait ainsi en cours : par exemple, le collectif Mutinerie a créé en
2014 un « village » au cœur du Perche, pour proposer à de jeunes Parisiens un espace de coworking [2].
Un projet de recherche internationale est aussi en cours sur cette question [3].

Selon le rapport du sénateur Jean‐Pierre Sueur, d’ici 2050, près de 90 % de la population française sera
urbaine [4]. Mais pourrait‐on au contraire envisager, à l’avenir, un mouvement de désurbanisation en
France ?

L’analyse des données les plus récentes de l’INSEE apporte deux éléments de réponse à cette question.

Part de la population urbaine en France (en %) : rétrospective et projections

Source : Sénat.

Une simple question d’approche statistique ?
D’une part, la France est peut‐être e ectivement moins urbaine que ne l’a rme l’INSEE, mais il s’agit

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moins d’une évolution des migrations que d’une évolution statistique...

En France, il n’existe pas de dé nition unique de l’espace rural, deux approches cohabitent, (voir
encadré supra) [5]. Selon la première, majoritairement utilisée depuis les années 1950, 77,5 % des
Français sont urbains. Mais elle est critiquée, car elle conduit à surestimer le territoire urbain et sa
population, en ne prenant pas en compte les di érents degrés d’urbanisation. Selon la deuxième, le
taux d’urbanisation de la France n’est que de 41,7 %… [6]

La gentri cation rurale, une hypothèse encore à véri er
Par ailleurs, les données les plus récentes de l’INSEE, analysées par le démographe Pierre Pistre,
amènent à relativiser le phénomène de gentri cation rurale [7]. Dès les années 1980, les zones en dehors
de l’in uence des villes ont béné cié de l’arrivée de nouvelles populations, majoritairement des
retraités. Depuis une dizaine d’années, ces populations se sont diversi ées : aujourd’hui, les néoruraux
sont, d’une part, des 30‐50 ans qui s’installent en priorité à proximité des grandes aires urbaines et des
aires multipolarisées [8] et, d’autre part, des actifs plus âgés qui, à l’approche de la retraite, privilégient
les communes peu et très peu denses. Si un phénomène de gentri cation s'observe, c’est toujours et
avant tout le fait de jeunes retraités aisés qui s’installent près de petites et moyennes aires urbaines
o rant des services de proximité.

En termes quantitatifs, les actifs migrants vers des zones peu denses sont d’abord des professions
intermédiaires, des employés, des ouvriers, plus que des cadres. Depuis 2005, dans toutes les zones
peu denses, sauf à proximité des grandes aires urbaines, les arrivées de cadres et de professions
intellectuelles supérieures sont stables voire en baisse.

Vers un nouvel exode urbain ?
L’exode rural va‐t‐il se poursuivre en France ? Depuis 2008‐2009, l’INSEE enregistre un ralentissement
de la croissance démographique des communes peu denses. Les di érences entre les territoires se
creusent : la croissance se maintient dans les espaces peu denses sous in uence directe des grandes
aires urbaines et des communes multipolarisées ; à l’inverse, elle se stabilise dans les petites et
moyennes aires urbaines, et dans les communes isolées. Ces évolutions sont néanmoins trop récentes
pour savoir si elles sont purement conjoncturelles ou si elles marquent le début d’une rupture. Elles
devront être con rmées par les données du recensement de 2013, qui seront publiées d’ici la  n de
l’année par l’INSEE.

En attendant, il est possible de s’intéresser aux deux facteurs principaux qui motivent a priori les
néoruraux : le coût du logement dans les zones les plus denses, et la recherche d’un meilleur cadre de
vie. Or, sur ces deux critères, le rural pourrait perdre en attractivité par rapport aux villes.

Ainsi, alors que les prix des logements anciens ont quasiment doublé (en indice) en France entre 2000
et 2005, ils se sont stabilisés avant de commencer à diminuer en 2011, y compris dans le périurbain et
les villes‐centres [9]. Il s’agit bien sûr de moyennes, qui cachent des disparités parfois importantes
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selon les régions et les territoires. Parallèlement, depuis 2010, la mise en chantier de logements
collectifs est supérieure à celle des logements individuels, traduisant a priori une demande accrue dans
les zones plus denses (volontaire ou contrainte, l’aspiration pour la maison étant encore la norme en
France).

Parallèlement, en dépit de leur attrait pour le grand air, les Français se montrent aussi très attachés aux
avantages de la ville : proximité et diversité des commerces, des transports, des services publics… [10]
Or, les trois quarts des communes très peu denses sont à plus de 10 minutes (en voiture) des services
quotidiens (commerces, écoles, santé…). Les zones rurales restent donc plus attractives
nancièrement, mais pourraient attirer toujours plus de ménages peu aisés.

Pour les territoires ruraux, l’enjeu sera donc peut‐être moins celui d’une gentri cation que d’un
appauvrissement de leurs populations. Se posera alors la question des moyens politiques et  nanciers
à leur disposition pour o rir à leurs habitants les services dont ils ont besoin, et pour lutter contre les
risques de précarité énergétique (qu’elle soit liée au logement ou à la mobilité).

[1] « Pour vivre heureux, vivons… en ville ou à la campagne ? », sondage de l’institut CSA pour
l’Observatoire du bonheur, juin 2015. URL :
http://www.csa.eu/multimedia/data/sondages/data2015/CSA‐pour‐Observatoire‐du‐Bonheur‐
Bonheur‐et‐urbanisme‐avec‐synthese‐VF.pdf. Consulté le 22 juin 2016.

[2] Voir le site Internet http://www.mutinerie.org/village‐homepage/

[3] iRGENT (International Rural Gentri cation). URL : http://www.i‐rgent.com/.

[4] Villes du futur, futur des villes : quel avenir pour les villes du monde ?, Paris : Sénat, rapport d’information n°
594, 2011. URL : http://www.senat.fr/rap/r10‐594‐1/r10‐594‐14.html. Consulté le 22 juin 2016.

[5] ALIAGA Christel, EUSEBIO Pascal et LEVY David, « Une nouvelle approche sur les espaces à faible et
forte densité », dossier in La France et ses territoires, éd. 2015, INSEE Références. URL :
http://www.insee.fr/fr/ c/docs_ c/ref/FST15_b_D1_Densite.pdf. Consulté le 22 juin 2016.

[6] Degree of Urbanisation Classi cation ‐ 2011 Revision, Eurostat. URL :
http://ec.europa.eu/eurostat/statistics‐
explained/index.php/Degree_of_urbanisation_classi cation_‐_2011_revision. Consulté le 22 juin
2016.

[7] PISTRE Pierre, « Recensements de la population pour l’étude des reprises démographiques et des
migrations résidentielles dans l’espace peu dense (1975?2011) », Économie et statistique, n° 483‐484‐485,
avril 2016. URL : http://www.insee.fr/fr/ c/docs_ c/ES483H.pdf. Consulté le 22 juin 2016.

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[8] Voir les dé nitions de l’INSEE, URL : http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?
page=de nitions/commune‐multipolarisee.htm. Consulté le 12 juillet 2016.

[9] « Le prix de l’immobilier d’habitation sur le long terme », dossier du CGEDD (Conseil général de
l’environnement et du développement durable), 20 juin 2016. URL :
http://www.cgedd.developpement‐durable.gouv.fr/prix‐immobilier‐evolution‐1200‐a1048.html.
Consulté le 22 juin 2016.

[10] « Pour vivre heureux, vivons… en ville ou à la campagne ? », op. cit.

https://www.futuribles.com/en/article/une­france­de­plus­en­plus­rurale/ 5/5