Arellano (2012) La Reconfiguration Du Domaine de La Lithotripsie Extracorporelle PDF

LA RECONFIGURATION DU DOMAINE DE LA LITHOTRIPSIE
EXTRACORPORELLE
Interdisciplinarité, objet-frontière et traduction
Antonio Arellano Hernández
S.A.C. | Revue d'anthropologie des connaissances
2012/2 - Vol. 6, n° 2
pages 59 à 86
ISSN 1760-5393
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Arellano Hernández Antonio, « La reconfiguration du domaine de la lithotripsie extracorporelle » Interdisciplinarité,
objet-frontière et traduction,
Revue d'anthropologie des connaissances, 2012/2 Vol. 6, n° 2, p. 59-86. DOI : 10.3917/rac.016.0059
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Anthropologie des connaissances
en Amérique latine
La reconfiguration
du domaine de la lithotripsie
extracorporelle
Interdisciplinarité, objet-frontière
et traduction
Antonio ARELLANO HERNÁNDEZ
resume
Dans ce travail, il s’agit d’avancer l’étude de la reconfiguration
des collaborations dans la production de connaissances
technoscientifiques, à partir d’une double approche : sur un plan
conceptuel et méthodologique, on analyse la capacité épistémologique
de trois approches représentatives pour aborder des mutations de

la production scientifique, à savoir : l’idée de l’interdisciplinarité,
celle d’objet-frontière et celle de traduction. Sur le plan empirique,
on analyse les données d’une étude ethnographique d’un cas de
travail collaboratif, entre une équipe de physiciens des ondes de
choc et une équipe de médecins urologues, pour l’intégration d’un
domaine technoscientifique nommé lithotripsie extracorporelle
au regard de la capacité épistémologique de ces approches,
afin d’améliorer la compréhension du travail technoscientifique
collaboratif.
Mots cles : interdisciplinarité, objet-frontière, traduction,

lithotripsie extracorporelle, ethnographie des laboratoires
Revue d’anthropologie des connaissances – 2012/2 59

60 Revue d’anthropologie des connaissances – 2012/2
INTRODUCTION
À grands traits, les études de laboratoire se sont déroulées autour de trois axes
de recherche : la compréhension du fonctionnement des laboratoires (Vinck
et Zarama, 2007 ; Louvel, 2005) et de l’élaboration technocognitive de faits
scientifiques, de la validité, de l’argumentation, de l’efficience technologique,
etc. (Latour et Woolgar, 1979 ; Lynch, 1985 ; Knorr-Cetina, 1981) ;
l’illustration empirique, grâce aux observations de laboratoire, de diverses
problématiques de la reconstruction du monde contemporain telles que, entre
autres, la numérisation (De Kerckhove, 2000), les micro- et nanotechnologies
(Vinck et al., 2007), le « cyborg » (Haraway, 1995) ou le « biomoléculaire »
(Jasanoff, 2006) ; et, enfin, l’exploration empirique d’aspects de la sociologie
de la connaissance scientifique et de la philosophie de la science (Hess, 2007).
Évidemment, ces axes ne sont pas purs et infranchissables, mais correspondent
à des traits conceptuels et épistémologiques importants ; d’ailleurs, ils ne
sont pas constitués par des chercheurs ou des équipes de recherche qui s’y
consacreraient de manière exclusive. Pour nous, les deux derniers axes sont
les plus intéressants, car ils s’apparentent à l’appel de Lynch pour aborder
des sujets conceptuels et épistémologiques avec des méthodes empiriques :
« rechercher des topiques familiers de la philosophie et de l’épistémologie
de la science de manière empirique » (Lynch et McNally, 2006). En ce sens,
mon intérêt de recherche porte sur le thème de la reconfiguration du travail
collaboratif technoscientifique considéré en tant qu’un sujet épistémologique à
étudier d’un point de vue ethnographique.
Le problème de la reconfiguration de la collaboration technoscientifique est
un thème récurrent des études sociales des sciences et des techniques, car il fait
partie des noyaux explicatifs de la socialité de la connaissance. Il a été formulé

diversement : en tant que coopération au plan institutionnel (Merton, 1973) ;
sociologiquement, sous le terme de contribution cognitive sujette à controverse
dans un collectif de recherche (Bloor, 1982 ; Barnes, 1996 ; Callon et Latour,
1991), comme circulation de connaissances (Arvanitis et al., 2008) ; depuis
l’économie et la gestion, en tant que capital social (Field, 2003 ; Fountain, 1997 ;
Granovetter, 1973) ; dans la gestion, comme coordination intergroupe (Casas,
2001) ; en tant que plan disciplinaire dans le travail interdisciplinaire (Piaget,
1970), ou comme objet-frontière (Star, 1989 et 2010) ; comme action réticulaire
dans l’analyse de réseaux sociotechniques (Callon, 1986a et 1986b), etc.
Avec ce travail1, je prétends avancer dans l’étude de la reconfiguration de la
production en équipe de la connaissance technoscientifique, sur deux dimensions :
une dimension conceptuelle-méthodologique où j’analyse de manière critique la
capacité épistémologique de trois approches représentatives des études de la
1 Par le passé, j’ai étudié l’expérience collaborative d’un groupe de recherche qui s’auto-désignait
« interdisciplinaire ». Alors, nous montrions comment « le Centre de recherche en sciences agricoles
a été propulsé par de profondes et continuelles controverses et négociations technoscientifiques
entre ses membres, qui sont en vieille épistémologique permanente » (Arellano, 1997, 72).
recherche en équipe ; et une dimension empirique où j’illustre analytiquement

la reconfiguration du travail collaboratif entre deux équipes de recherche de
domaines différents dans l’intégration d’un domaine technoscientifique. Avec cette
double approche, je vise à trouver des éléments de démonstration épistémologique
pour décrire un cas de travail collaboratif entre physiciens et médecins dans le
domaine de la lithotripsie extracorporelle ; et, simultanément, à analyser, par
l’étude ethnographique d’un cas de travail collaboratif, l’intérêt épistémologique de
notions comme interdisciplinarité, objet-frontière et traduction, afin d’améliorer
la compréhension du travail technoscientifique collaboratif.
Je souhaite en particulier analyser la reconfiguration de la production
de la connaissance technoscientifique à partir de trois approches influentes
et représentatives portant sur les mutations de la production scientifique, à
savoir : la notion d’interdisciplinarité abondamment mise en avant et réitérée
comme la forme postdisciplinaire standard de production de connaissances
technoscientifiques (UNESCO, 1998) ; l’idée d’objet-frontière employée
originairement pour étudier la nature du travail scientifique collaboratif en
absence de consensus (Star et Griesemer, 1989) et déployée dans l’étude de
diverses formes de collaboration ; et, finalement, l’idée de traduction mobilisée
pour étudier l’activité scientifique « telle qu’elle se fait » (Akrich, 2006), dans un
sens très large, qui comprend la reconfiguration de l’activité de recherche.
À propos des classifications, hiérarchisations et reconfigurations des pratiques
du travail scientifique collaboratif, malgré l’existence de bibliothèques entières
dédiées à ces questions, l’étude des pratiques elles-mêmes n’est pas épuisée.
C’est pourquoi j’ai préféré montrer les capacités analytiques des approches
citées ci-dessus à travers l’étude de situations où des équipes de recherche
de domaines et traditions différents essaient d’intégrer leurs pratiques de
recherche pour résoudre leurs problèmes respectifs. Cette voie me permettra
d’illustrer les formes et les mutations concrètes de l’organisation d’une équipe

de chercheurs en physique des ondes de choc et d’une équipe de médecins-
urologues à travers la quête de solutions à leurs problèmes respectifs à la
recherche d’une thérapeutique de la lithotripsie extracorporelle.
Le cas de la lithotripsie extracorporelle est intéressant parce que sa capacité
heuristique permet d’illustrer les trois explications épistémologiques – ainsi
que leurs contenus conceptuels et méthodologiques – de la collaboration
technocognitive entre deux collectifs liés par des défis communs de recherche.
LA RECONFIGURATION
DE LA PRODUCTION
DE LA CONNAISSANCE SCIENTIFIQUE
La reconfiguration des sciences et des techniques est un thème cher à la
modernité dont l’importance s’est accrue ces dernières décennies. Au cours
de l’instauration et du développement de la modernité, l’autonomisation d’un

domaine de la connaissance par rapport à la philosophie ou à un corpus cognitif
général était consensuellement compris comme faisant partie du processus
normal de l’évolution des connaissances. Chaque progrès dans l’établissement
d’un champ disciplinaire était célébré comme une réussite indépendantiste et
l’évaluation de la maturité d’un domaine dépendait du degré de consolidation
de son objet, de la spécificité de sa méthode et de sa distinction par rapport au
corpus duquel il était une dérivation.
Foucault a étudié les grandes mutations des formes occidentales de la
volonté du savoir (Foucault, 1971) et de l’épistémologie, produites à la fin du
XVIIe siècle, particulièrement pendant la Réforme, mutations exprimées comme
l’émergence des disciplines scientifiques (Foucault, 1966). Les transformations
de la connaissance scientifique abordées par Foucault dans Naissance de la clinique
(Foucault, 1963) et dans Surveiller et punir (Foucault, 1975) correspondent aux
nouvelles dispositions des sujets et des objets d’étude, aux nouvelles matérialités,
laboratoires et organisations institutionnelles de recherche et de l’enseignement,
ainsi qu’aux nouvelles valeurs cognitives et pratiques discursives.
Si l’origine du terme « discipline scientifique » date des origines de la
modernité, durant le premier tiers du XXe siècle, il était d’usage courant dans
les rapports officiels des gouvernements (Carles, 1933). Le sens actuel de l’idée
de discipline scientifique est influencé, en grande partie, par le travail foucaultien
sur la naissance de la psychiatrie (1963) selon lequel la discipline émergerait du
traitement discipliné du corps en correspondance symétrique avec l’exercice,
discipliné, des pratiques discursives.
Dans le même sens, Comte considérait que la philosophie positive se
transformait selon un ordre encyclopédique de ramification des connaissances
caractérisé par le passage de la « généralité décroissante à la complication
croissante » (Comte, 1905, 10) couronné avec l’établissement et le développement

de la « physique sociale » (Comte, 1905). Bernal, par ailleurs, se servait du terme
de « champ » pour décrire le « progrès de la science » à partir de la constitution
de nouveaux « domaines scientifiques » (Bernal, 1981, 551) différenciés de ceux
déjà établis dans les universités. L’émergence et le développement de la géologie
et de la chimie (Vinck, 2000) en seraient un exemple notoire.
Le processus de formation des disciplines est bien illustré par le travail très
cité de Ben-David où il montre le développement rapide dans les universités
allemandes, durant le XIXe siècle, de différentes branches académiques ainsi
que leur diversification en disciplines définies par une méthodologie spécialisée
et des contenus systématiques (Ben-David et Collins, 1966 ; Ben-David et al.,
1966). Une telle prolifération de disciplines est expliquée par l’effort des jeunes
chercheurs pour obtenir des positions de professeur universitaire dans un
système limité à l’existence d’une seule chaire par discipline.
Habermas examine ces processus de croissance disciplinaire dans ses
dissertations sur la modernisation de la culture. Pour lui, la modernité culturelle
est exprimée par la dissociation des images religieuses des images métaphysiques
du monde, d’où découlerait une différenciation entre la science, la morale et
l’art (Habermas, 1987, 277), processus de dissociation qui se poursuivrait :

« La différenciation culturelle moderne tardive conduit à l’hyperdisciplinarité
jusqu’au point de renoncer à une interprétation de la nature et de l’histoire
dans son ensemble » (Habermas, 1987, 278).
Dans l’après-guerre, pourtant, la grandissante spécialisation cognitive des
disciplines dans le milieu académique2 (Bush, 1945), ainsi qu’une limitation
accélérée de leur portée explicative, ont coïncidé avec l’apparition de nouveaux
arrangements disciplinaires et de reconfigurations cognitives, tels que les projets
de Big-Science (Price, 1966), la conception d’un nouveau mode de production
de la connaissance – le mode 2 de la production de la connaissance – (Gibbons
et al., 1994), et aussi l’apparition de nouveaux domaines technoscientifiques
comme la biotechnologie (Herrera et al., 1983), la biomédecine (Cambrosio,
Keating et Bourret, 2006) ou la neuroendocrinologie (Latour et Woolgar,
1979), pour n’en citer que quelques exemples3.
En outre, les reconfigurations des sciences et des techniques ont été
accompagnées de mutations dans le domaine des études des sciences et des
techniques. Le mouvement de la sociologie des sciences bloorienne et la nouvelle
sociologie et anthropologie des sciences développée par les chercheurs de l’ainsi
nommée Théorie de l’acteur-réseau, constitueraient une reconfiguration de la
production de connaissances scientifiques sur la connaissance et la technicité
et conséquemment de l’objet d’étude de ces productions. En ce sens, on
peut reprendre l’appel à articles de ce numéro de la Revue d’anthropologie des
connaissances : « Pendant longtemps, l’épistémologie, la logique, la psychologie,
et la philosophie de la science ont dominé la compréhension exclusivement
rationnelle des connaissances et des techniques » (RAC, 2011) ; le tournant
anthropologique de l’étude de la science et de la technologie a montré que celles-
ci « se situent dans des conditions historiques spécifiques, sont employées de
manière particulière et sont reproduites et transmises de manière circonstancielle

dans des institutions concrètes » (RAC, 2011). En général, ce tournant a apporté
trois changements : la redécouverte du laboratoire comme objet d’étude, la
mise en scène de l’épistémologie sociale comme approche de la socialité
des connaissances et de la technicité, et l’actualisation du constructivisme en
différentes acceptions du constructivisme social (Arellano, 2010).
Les approches mobilisées dans cette recherche (interdisciplinarité, objet-
frontière et traduction) en tant qu’appareil critique ont émergé du mouvement
décrit plus haut et abordent spécifiquement l’étude des mutations dans
l’organisation scientifique et technologique.
2 Dans la recherche industrielle, le regroupement de plusieurs experts de disciplines variées

autour de certains défis ou projets technologiques était déjà courant depuis le début du XXe siècle.
L’interdisciplinarité aurait été inventée alors comme une nouvelle manière de travailler dont les
conséquences auraient été la reconfiguration de quelques disciplines académiques dans la physique
(Pestre, 2004).
3 Dans Le futur de la nature humaine, Habermas, au lieu d’analyser la formation de nouveaux
domaines de la connaissance, ne voit dans ces changements que les mutations morales introduites
par l’instrumentation de nouveaux domaines de la connaissance (voir Habermas, 2002), au lieu
d’analyser la formation des nouveaux domaines de connaissance.
L’interdisciplinarité
Piaget a montré les changements apportés par la reconfiguration, à la fin
des années 1960, de l’activité scientifique. En 1970, au Séminaire de Nice
sur l’interdisciplinarité (Piaget, 1975), il a défini le terme de multidisciplinarité
comme la solution d’un problème à l’aide d’informations d’autres disciplines ;
l’interdisciplinarité comme l’interaction entre disciplines ; et la transdisciplinarité
comme un système scientifique unifié, sans frontières stables entre disciplines
(Piaget, 1970). Dans ses réflexions sur la logique scientifique, il considérait
que la reconfiguration épistémologique alors en cours évoluerait, dans le
cas des disciplines sans hiérarchie, des pratiques disciplinaires aux pratiques
interdisciplinaires, mouvement qu’il exemplifiait par l’émergence de la
sociolinguistique, la théorie des jeux – constituée par la psychologie et
l’économie – et le structuralisme ethnographique de Lévi-Strauss composé de
l’étude des structures juridiques, linguistiques et de parenté (Piaget, 1979)4.
Quant à la transdiscipline, elle n’était qu’un projet de reconfiguration de la
production des connaissances.
Avec les trois catégories analytiques sur les mutations de l’activité
scientifique qu’il avait développées en 1970, Piaget cherchait à rendre compte
de l’état de l’art de la reconfiguration de la production de la connaissance des
années récentes. Cependant, assez tôt, ces catégories perdirent leur capacité
explicative et leur actualité analytique ; elles ont été, ensuite, utilisées en tant
qu’instruments normatifs pour moderniser les pratiques traditionnelles de
recherche, autrement dit, disciplinaires. De nombreux adeptes des catégories
piagetiennes se sont transformés ainsi en gardiens des préceptes de la production
scientifique « interdisciplinaire ».
L’acception normative des termes interdisciplinaristes a été reprise par
les bureaucraties scientifiques pour stimuler l’extrapolation d’expériences

collaboratives de recherche réussies ainsi que pour prévenir « l’erreur »
consistant à éviter la collaboration académique. L’édification normative des
termes piagétiens a commencé presque immédiatement à la suite du Séminaire
de Nice. En 1970, l’UNESCO a organisé en Afrique un séminaire sur la
« formation de professeurs par et pour l’interdisciplinarité » (UNESCO, 1970),
et l’OCDE le colloque « L’interdisciplinarité, problèmes d’enseignement et de
recherche dans les universités » (OCDE, 1972). À la fin des années 1990, la
terminologie piagétienne dans sa version normative était en pleine expansion
mondiale. Un constat apparaît dans la Déclaration mondiale sur l’enseignement
supérieur pour le XXIe siècle : vision et actions (UNESCO, 1998), particulièrement
dans l’article 5 sur la promotion du savoir par la recherche :
« a) Faire progresser les connaissances par la recherche est une fonction
essentielle de tous les systèmes d’enseignement supérieur, qui se doivent de
promouvoir les études de troisième cycle. L’innovation, l’interdisciplinarité
4 Au cours du Séminaire de Nice, Piaget a cité les exemples de la topologie algébrique et de la

praxéologie (Piaget, 1970).
et la transdisciplinarité devraient être encouragées et renforcées dans les

programmes, avec des orientations à long terme vers des objectifs et des
besoins sociaux et culturels. Un équilibre judicieux devrait être trouvé entre
recherche fondamentale et recherche ciblée » (UNESCO, 1998 : s/p).
Dès lors, les documents et incitations de la politique scientifique, tels que

ceux du Programme spécial de science et de technologie du Mexique (PECyT, 2008),
font l’apologie des catégories de la recherche interdisciplinaire au détriment
d’autres formes de recherche.
Quarante ans après l’évocation des catégories piagétiennes, les auteurs qui
traitent de l’interdisciplinarité sont divisés « entre ceux qui voient une révolution
et ceux qui dénoncent la panacée épistémologique » (Vinck, 2003, 3). Cependant,
il est possible de reprendre la démarche analytique de Piaget pour enquêter
sur la production et la reconfiguration de la connaissance scientifique actuelle ;
partant d’une attitude analytique, on analysera, libérés des atavismes normatifs,
un cas de reconfiguration de la connaissance scientifique collaborative.
L’instrumentation administrative des termes interdisciplinaristes a facilité
le remplacement de la recherche scientifique par l’expertise et celui de
l’épistémologie par la prescription épistémologique. Pourtant, la prolifération
des reconfigurations de domaines scientifiques se dispense des modèles
promus par les épistémologues interdisciplinaristes et de la normativité de
leurs prescriptions. Dans la pratique, les scientifiques produisent des mutations
disciplinaires non identifiées comme interdisciplinaires par ces préceptes.
En décalant la discussion sur l’interdisciplinarité, l’élargissement du
paysage analytique permet d’examiner de réels changements dans le milieu
des communautés scientifiques, les institutions scientifiques, l’épistémologie
sociale, les laboratoires ou la recherche industrielle. Ainsi, des approches
telles que les études des objets-frontière ou ceux qui se nourrissent de la

notion méthodologique de la traduction, pourraient offrir des éléments
épistémologiques pour la recherche des mutations technoscientifiques.
Les objets-frontière
La notion d’objet-frontière (O-F) a été introduite pour analyser le contenu du
travail collaboratif en absence de consensus (Star et Griesemer, 1989). Pour
Susan L. Star, l’objet-frontière « est utilisé pour désigner un espace partagé, le
lieu précis où le sens de l’ici et du là-bas se rejoignent. Ces objets communs
constituent des frontières entre groupes grâce à la flexibilité et à la structure
partagée ; ils sont des ingrédients de l’action » (Star, 2010, 20). Elle précise les
deux termes de la notion. L’objet est défini « à la fois dans le sens informatique
et pragmatiste et dans le sens matériel. Un objet est quelque chose sur et avec
lequel des personnes (ou, en informatique, d’autres objets et logiciels) agissent.
Sa matérialité provient de l’action et non d’un sens préfabriqué de la matière
ou de sa qualité de chose » (Star, 2010, 20). De la frontière, elle décrit l’idée :
« Les objets-frontière sont à la fois temporels, encastrés dans l’action, sujets à
réflexion et à l’adaptation locale, mais aussi distribués dans chacune de ces trois
dimensions. En ce sens, ils sont n-dimensionnels » (Star, 2010, 20).
La notion d’objet-frontière s’est déployée dans diverses disciplines des
sciences sociales, de l’information, de la gestion et de l’ingénierie (Trompette et
Vinck, 2009). Les O-F cernent ce que Star et Griesemer appellent « l’écologie
de l’espace de travail », comprise comme tout ce qui concourt à la médiation
des connaissances (Star, 2010).
À l’inverse des études ethnométhodologiques, proches des travaux entrepris
par Lynch qui étudient l’élaboration de la société concrète devenue routinière
(Lynch et McNally, 2006), dans les O-F, tous les phénomènes d’étrangeté ou de
singularité détectés au sein des groupes de recherche sont considérés comme
importants. La recherche d’anomalies chez Star est en rapport inverse à la
recherche de conformité aux standards chez Lynch.
L’approche des O-F par Star présente un intérêt nomologique puisqu’elle
aspire à produire des descriptions plus amples et plus riches du contenu du
travail collaboratif scientifique, matériel et procédural, portant sur des thèmes
à l’identité ambiguë de par son architecture, ses dimensions, ses formes et
ses types (Star, 2010). Ainsi, en abordant les anomalies, elle rend compte du
travail invisible, de la connaissance distribuée, de la caractérisation des objets
utiles par ses qualités médiatiques (un aspect par ailleurs directement lié à la
flexibilité interprétative), de la connaissance non standardisée, etc. Elle liste
aussi neuf caractéristiques de l’infrastructure par rapport à la connaissance des
communautés de pratiques particulières (Star, 2010). Ses adeptes, au reste, ont
essayé, comme elle le dit, de « contrôler ce mouvement d’alternance propre
aux objets-frontière et, en particulier, de standardiser et de rendre équivalents
les aspects bien structurés et mal structurés de l’objet-frontière en question »
(Star, 2010, 31-32).
Les objets-frontière, tels que définis par Star, sont des cycles de catégorisation

qui surviennent lors de la rencontre entre des communautés de recherche et
dont les dimensions sont la standardisation, les méthodes et les catégories
résiduelles. En ce sens, les O-F ne sont pas épistémologiques, car le désir de
collaboration n’est pas suffisant pour y mener.
L’idée d’un cycle d’O-F représente l’envers de la notion callonienne
de stabilisation d’une traduction – un moment qui marquerait le début de
nouvelles controverses technoscientifiques –, car « avec le temps, tous les
systèmes standardisés rejettent ou génèrent des catégories résiduelles. […]
Plus ces catégories sont envahies par l’extérieur ou par ce qui est autre, plus
les éléments de ces catégories sont amenés à inventer de nouveaux objets-
frontière et c’est ainsi qu’un cycle est né » (Star, 2010, 32).
Dans le vaste mouvement d’étude des O-F, on trouve une tentation normative
pour les instrumentaliser conceptuellement (Verchère et Anjemebe, 2010) ou,
comme le reconnaît Star (2010), pour contrôler, dans la gestion, leur alternance.
Pourtant, il faut admettre qu’à la différence de l’idée d’interdisciplinarité, celle
des O-F n’est pas devenue une maxime performative ni un idéal pour avancer
dans la recherche scientifique.
La traduction
Nombre de sociologues et d’anthropologues des sciences, en particulier
ceux qui ont adopté l’approche de la Théorie de l’acteur-réseau, étudient
depuis longtemps une multitude de thèmes portant sur l’activité scientifique
dont, indirectement, les formes d’organisation de l’activité technoscientifique.
Les publications de référence de Latour et Woolgar (1979), Knorr-Cetina
(1981), et Lynch (1985), ainsi que les travaux de sociologie de la traduction du
courant d’études de « la science telle qu’elle se fait » (Callon et Latour, 1991),
ont produit un répertoire conceptuel et épistémologique différent de ceux
des interdisciplinaristes qui a inspiré l’idée d’objet-frontière de Star. Parmi les
termes récurrents mis au point par ces chercheurs, nous trouvons ceux de
situation de recherche, controverses et négociations, réseaux sociotechniques
et construction simultanée de connaissances et artefacts.
Le rejet répandu d’une position normative par rapport à la reconfiguration
des disciplines permet à ces sociologues et anthropologues des sciences une
liberté de recherche grâce à laquelle ils peuvent mettre en tension cognitive
permanente les cas de reconfiguration disciplinaire ainsi que leur théorisation.
La description des réseaux sociotechniques est si vaste qu’on pourrait même
ne pas penser que le terme de recherche sociotechnique corresponde à un
style de pratique de recherche discernable et limitée.
Malgré les nombreuses contributions à la notion de traduction qui ont
abouti à l’idée de la Théorie de l’acteur-réseau, je pars de l’idée de « sociologie
de la traduction », telle qu’elle a été décrite par Callon dans son célèbre
texte sur la domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins-pêcheurs
(Callon, 1986b). Dans celui-ci, il révise le principe bloorien de la symétrie des
controverses sur la nature en l’étendant aux controverses sur la société et
proposant ainsi la construction d’un cadre d’interprétation commun et général

du caractère incertain de la nature et de la société, appelé « principe de symétrie
généralisée » (Callon, 1986b, 176-177)5.
Dans son texte, Callon a présenté les négociations menées par trois
chercheurs avec les coquilles St-Jacques et avec les marins-pêcheurs, les
institutions finançant les recherches, la police qui surveille et fait respecter
la discipline de la pêche, les collègues scientifiques, etc. Il a décrit et illustré
comme un processus de traduction, la transformation d’un monde naturel et
social inconnu en un monde connu et contrôlé par l’action des scientifiques.
La collaboration entre groupes, du style de ce qui est traité avec les notions
d’O-F et d’interdisciplinarité, est absente dans l’article ; on glisse d’un monde
incertain à un monde vérifié empiriquement. Quant aux trois chercheurs, leurs
actions et leurs opinions scientifiques sont unitaires ; tous trois affrontent de
5 Ce principe a été formulé par Michel Callon (1986) à partir du principe de symétrie de
Bloor (1982). Selon Callon, le principe de symétrie bloorien considère que ce n’est pas la nature,
mais la société (les scientifiques), qui expliquerait le vrai ou le faux. Dans le principe de symétrie
généralisée, la nature et la société deviennent des catégories à expliquer à partir des interprétations
sur les objets.
manière monolithique les recherches sur les coquilles ainsi que les négociations
avec les autres acteurs sociaux (Arellano, 1995).
La valeur méthodologique de ce texte de Callon réside dans la méthode
démonstrative de la traduction. Ainsi, la méthode de sociologie de la traduction
proposée par Callon, et adaptée par Arellano (1995) pour l’étude de
l’hybridation du maïs, déploie un cours d’action qui parcourt la mise en scène
des acteurs initiaux, la conception d’un problème commun, la formulation
d’hypothèses, la définition des acteurs, les rapports entre les hypothèses et les
acteurs, l’instrumentalisation pour la manipulation des acteurs, l’intervention
instrumentale sur les acteurs, sur les controverses, et sur les négociations, ainsi
que, dans certains cas, la consolidation sociotechnique des alliances (Arellano,
1995 ; Arellano, 1999).
Force est de noter que ce cours d’action est une voie épistémologique
heuristique et générale du déploiement des actions de recherche par les
chercheurs. À l’instar de la notion de réseau sociotechnique, ce qu’il faut saisir
de l’idée de traduction est sa valeur méthodologique et non pas une définition
nosologique d’une quelconque réalité6. C’est d’ailleurs pourquoi, dans ce texte,
je n’emploie pas l’idée standard d’« acteur-réseau », car elle est devenue une
définition a priori d’une action sociotechnique où les acteurs construiraient
des réseaux techniques au lieu de penser qu’ils agissent en réseau. Si l’idée
standard était appliquée, la tâche consisterait à décrire encore un autre réseau
sociotechnique construit par les chercheurs. Au contraire, dans ce travail, il
s’agit d’expliquer le type de reconfiguration cognitive, matérielle et collective
qu’entreprennent les entités qui participent dans une recherche en mutation.
Avec cette nuance, on peut considérer que l’idée de « traduction » passe outre
des ambitions normatives de la notion d’interdisciplinarité ; elle nous ouvre une
voie pour analyser la capacité explicative de l’application concrète de l’idée de
traduction dans son sens méthodologique.

DÉCRIRE ET CARACTÉRISER
L’ORGANISATION DE LA RECHERCHE
EN LITHOTRIPSIE EXTRACORPORELLE
Une fois exposées les approches analytiques de la recherche collaborative,
j’analyse les résultats des observations que j’ai menées au cours des dernières
années sur l’intégration et le développement de la lithotripsie extracorporelle.
La reconfiguration des pratiques et des domaines de recherche survient
quand au moins deux groupes s’efforcent de reconstruire leurs traditions de
recherche pour développer en collaboration de nouvelles connaissances et de
6 Justement, la perte de capacité méthodologique de la notion de réseau a été critiquée par

Latour dans une quête de nouveaux réseaux sociotechniques (Latour, 1998).
nouveaux artefacts dans leurs dimensions sociale, matérielle et symbolique de

la pratique scientifique. Cela peut être décrit empiriquement par l’observation
ethnographique, mais l’explication requiert un corps analytique ex professo. Dans
le cas présent, le propos de la description est d’explorer, depuis les catégories
d’interdisciplinarité, d’objet-frontière et de traduction, les explications et les
illustrations du processus de recherche collaborative.
Dans cette section7, je décris de manière critique les pratiques et les résultats
de recherche accomplis par deux équipes ; je dépeins aussi la reconfiguration
de la recherche en considérant comme un seul faisceau, les pratiques sociales,
épistémologiques et institutionnelles et comme des mouvements synchroniques
la production de nouveaux collectifs, connaissances et artefacts. Il s’agit de
rapporter l’observation ethnographique de l’organisation de la recherche
survenue lors de la rencontre inédite entre deux groupes de recherche de
disciplines distinctes dont l’objectif était l’étude et l’amélioration de la lithotripsie
extracorporelle au Mexique.
J’examine particulièrement comment les actions et les résultats écrits de
deux groupes de chercheurs ont organisé et constitué un axe de recherche sur
la relation entre valeurs d’atténuation et coefficients de fragmentation de calculs
rénaux soumis aux ondes de choc produites par des appareils lithotripteurs
appartenant à de laboratoires expérimentaux de physiciens acoustiques et à
des blocs opératoires d’urologie dans un hôpital universitaire.
Le suivi ethnographique, long de quelques années, de la recherche en
lithotripsie extracorporelle, parmi des physiciens et des urologues, m’a fourni
une histoire empirique de collaboration qui peut être expliquée par des
catégories surgies de différentes traditions d’études sur la technoscience afin
d’explorer l’heuristique explicative de chacune d’entre elles. En ce sens, j’ai divisé
la démonstration en trois moments marquants mis en évidence par les équipes
elles-mêmes : l’élaboration collégiale du problème de recherche ainsi que de

ses antécédents disciplinaires ; l’étude collective de la faisabilité des prédictions
de fragmentation des calculs rénaux, à partir de données tomographiques,
utiles pour la clinique et la thérapeutique urologiques ; et la production ainsi
que la publication abondante de résultats et d’analyses des expériences sur la
lithotripsie extracorporelle.
La construction du problème de la fragmentation

des calculs rénaux à partir de la physique des ondes
de choc et l’urologie
Jusqu’à présent, les urologues ne disposent pas d’indicateurs ou de paramètres
qui les guident dans la détermination de la quantité et de l’intensité exacte des
ondes de choc – produites par des appareils lithotripteurs – à appliquer aux
patients afin de fragmenter leurs calculs rénaux ou bilieux sans endommager
7 Voir note 1.
le tissu rénal. Les urologues abordent le problème à partir d’une érudition

empirique basée sur la typologie des patients, leurs âges ainsi que la taille et la
position des calculs, déterminées par radiographie. Au Mexique, la lithotripsie
extracorporelle est une thérapeutique employée en hôpital depuis 1990
(Garduño, Castell et Almanza, 1999).
Par ailleurs, les physiciens acoustiques ont étudié la fragmentation de cristaux
par l’application d’ondes de choc produits par des lithotripteurs expérimentaux ;
une de leurs spécialités est la prédiction de la fragmentation de cristaux à partir
de formules portant sur l’application d’ondes de choc constituées par le nombre
d’ondes, la fréquence, l’amplitude et la localisation du point d’énergie maximale
(Observations de terrain, 1997). Depuis 1995, un groupe de physiciens mexicains
intéressés à l’acoustique appliquée a étudié la génération d’ondes de choc et la
construction de lithotripteurs expérimentaux (Loske, Prieto et López, 1996 ;
Prieto et Loske, 1999 ; Loske, Méndez et Prieto, 2003) et, depuis 1996, ils ont
défini, comme leur objet d’étude, la physique de la lithotripsie extracorporelle
(Loske et Prieto, 1998 et 2002 ; Arellano, 2011 ; Martínez, 2006).
Jusqu’en 1999, les urologues intéressés à la lithiase et employant
des lithotripteurs dans leurs thérapeutiques, étaient dans un paradigme
incommensurable par rapport aux physiciens des ondes de choc qui employaient
des lithotripteurs expérimentaux dans l’étude de la fragmentation de cristaux.
Ainsi, cette année-là, les physiciens Fernando Prieto et Achim Loske,
chercheurs au Centre de physique appliquée et technologie avancée de l’UNAM
(CFATA) à Querétaro, publiaient, dans le Journal of Endourology, un article sur
l’amélioration d’un réflecteur bifocale pour un lithotripteur (Prieto et Loske,
1999). Ils produisaient de la science « révolutionnaire » dans le domaine qui liait
l’acoustique et l’ingénierie d’appareils générateurs d’ondes de choc.
Ailleurs, la même année, l’urologue Jorge Gutiérrez, à la tête d’un groupe
réduit d’urologues du Service d’urologie du Nouvel hôpital civil de l’Université

de Guadalajara (NHCG), menait des recherches « normales » sur la thérapie
de la lithotripsie extracorporelle. Il documentait la gestion thérapeutique de la
contradiction entre la destruction efficace de calculs rénaux et les dommages au
tissu rénal. Il améliorait ainsi la justification de cette thérapeutique par rapport
à l’extraction traditionnelle des calculs par chirurgie invasive.
À la fin de l’année, Gutiérrez découvrit le travail des chercheurs du CFATA
et s’est proposé de l’étudier avec ses résidents et d’entrer en contact avec
Prieto et Loske.
Dans cette histoire, l’approche de l’interdisciplinarité ne fournit pas d’éléments
analytiques pour l’étude en détail du processus de la collaboration puisqu’elle
ne fait qu’en projeter une lecture finaliste au niveau de résultats généraux et
qualitatifs de la collaboration des disciplines ; l’instrumental est insuffisant pour
expliquer sa mise en route, ainsi que pour comprendre la construction des
collaborations qui ont émergé entre les groupes de recherche.
On peut considérer que l’article scientifique de Prieto et Loske, mobilisé
pour être discuté par les résidents, intéressait et impliquait les urologues dans
le problème définit par des physiciens des ondes de choc (Callon, 1986b) ;
autrement dit, l’article devenait un objet intermédiaire (Vinck et Segretin, 2002 ;

Vinck, 2009) entre les résultats de la génération et de l’application des ondes
de choc des physiciens et leurs applications potentielles pour le traitement de
la lithiase des urologues.
Sur la base de maints travaux ethnographiques, les sociologues de la
traduction soutiennent que la recherche technoscientifique se déclenche avec
l’intéressement des entités participantes, entités dont les formes sont diverses
et incluent les non humaines, telles que le texte de Prieto et Loske imprimé en
noir et blanc sur du papier. On peut ainsi dire que Gutiérrez a été intéressé par
l’acteur article et ainsi impliqué dans le sujet de la physique des ondes de choc ;
mais aussi que dans l’article était exprimé l’intérêt de Prieto et Loske pour la
lithotripsie extracorporelle des urologues.
Au préalable, et indépendamment de la tentative de qualification de la
collaboration entre les groupes, les urologues devenaient des lecteurs d’une
affaire qui les concernait à travers l’acteur article et, en contrepartie, par son
écriture, les physiciens devenaient les auteurs d’une affaire dont ils savaient
quelque chose et qu’ils communiquaient ainsi à un public. Cet agencement
prenait la forme d’une trame d’entités hétérogènes, identifiée par leurs aspects
symbolique et artéfactuel comme « l’application d’ondes de choc dans la lithiase
urologique », organisée en lecteurs, auteurs et moyens de lecture. Ce moment
ressemble à l’idée d’O-F si on le considère comme l’esquisse d’un schéma de
collaboration entre les urologues-lecteurs et les physiciens-auteurs ouvert à
des possibilités de recherche, mais, paradoxalement, chargé d’ambiguïtés et
d’inexactitudes.
Depuis l’approche de la traduction, il n’est pas possible, a priori, d’affirmer
qu’il s’agissait à ce moment de la constitution d’un réseau sociotechnique.
Cependant, comme nous le montrons, il se produisait alors une série de
déplacements et de circulations qui modifient l’identité et l’avenir des entités ;

des échanges et des interprétations flexibles entre les éléments modifiant
leurs formes originelles dans leurs aspects symboliques, sociaux, matériels et
intersubjectifs. Il en est ainsi des catégories sociales d’article, lecteur, auteur,
chercheur, médecin et physicien qui se modifient par la matérialité de l’encre et
du papier de l’article et des appareils lithotripteurs que chaque groupe possédait
et affichait comme référence de ses évocations. L’article Bifocal Reflector for
Electrohydraulic Lithotripters met en situation d’intersubjectivité et de grande
flexibilité interprétative propre aux O-F, la compréhension des significations et
des signifiants du contenu des réflecteurs bifocales des appareils lithotripteurs.
Entre 1999 et 2005, le travail collaboratif a progressé lentement. D’une part,
un long temps d’apprentissage fut nécessaire au groupe de Loske pour maîtriser
le mécanisme des lithotripteurs employés dans les blocs opératoires (Prieto et
Loske, 1999) et a eu besoin d’en modifier un pour l’utiliser expérimentalement
(Loske et al., 2003) avant de commencer les essais des ondes de choc (Loske
et Prieto, 2001 ; Loske et al., 2004a). D’autre part, le groupe de Gutiérrez a
maintenu, jusqu’en 2003, la pratique thérapeutique ordinaire pour traiter les
patients lithiasiques et n’a pas produit de publications importantes.
En 2000, les physiciens et les urologues entament une recherche conjointe

sur le décentrage des ondes de choc comme thérapeutique protectrice du
tissu rénal ; ils la terminent en 2003 et la publient en 2005 (Favela et al., 2005).
À cette étape, les recherches des membres des deux groupes de travail
ont commencé à s’intégrer de manière coopérative. Dans les pratiques de
recherche, on observe qu’une part de la recherche était menée dans les blocs
opératoires du NHCG, avec la participation de Loske et des membres de son
équipe, et qu’une autre part se déroulait dans les laboratoires du CFATA avec
la présence de Gutiérrez, de manière telle que les recherches de chaque groupe
se complétaient (Arellano, 2011)8.
Entre 1991 et 2005 se passent de longues années d’interpénétration mutuelle,
d’expériences ratées, d’apprentissage de Loske dans la salle d’opération du
NHCG et de Gutierrez dans les environnements du laboratoire CFATA.
Si, du point de vue des discours de l’interdisciplinarité, ceci pouvait être
considéré comme une recherche interdisciplinaire ou transdisciplinaire, les deux
termes sont en réalité bien pauvres pour décrire, tel que je l’ai fait jusqu’ici,
les activités développées par le nouveau groupe de recherche. En revanche,
rattacher ce moment au contenu de l’objet-frontière est opportun, car il est
au commencement d’une conformation cognitive qui dépasse les domaines de
chaque groupe de recherche isolé pour devenir un nouveau domaine n’ayant
pas encore d’appellation stable9. De plus, on ne peut affirmer ni l’existence de
consensus conceptuels et méthodologiques, ni l’absence de valeur consensuelle
dans la recherche pour la protection du tissu rénal par le décentrement de la
force de choc de l’onde. Enfin, avec la sociologie de la traduction, ce moment
correspond à la mise en scène des entités initiales et au processus de formulation
de problèmes communs de recherche.
Même si les recherches décidées collectivement se déroulaient en réalité
sur plusieurs fronts, je n’ai retenu, afin d’illustrer au mieux les défis auxquels

faisait face le nouveau groupe de recherche, que les recherches qui ont persisté
longtemps et qui ont produit des résultats conjoints.
En 2005, pendant une période d’observation ethnographique, les chercheurs
ont défini un problème conjoint. Ainsi, au CFATA, au mois de juin, au cours
d’une réunion du groupe de recherche pour déterminer les nouveaux axes de
travail, Loske affirmait : « Le rapport qui existe entre la dureté des cristaux et le
nombre d’ondes de choc nécessaire pour parvenir à leur fracture pourrait être
“traduit” [sic] en un traitement de lithotripsie extracorporelle urologique... en
tant que recherche du rapport entre dureté du cristal, à partir de données
tomographiques des calculs, et du nombre d’ondes de choc nécessaires pour
8 Sur les détails de ces recherches, voir l’article « Representación matemática de una terapéutica »
dans Arellano (2011).
9 Pour éprouver l’inédit de la situation, il faut se situer au moment de l’embauche au CFATA de
nouveaux résidents du NHCG : les étudiants se retrouvent dans un centre de physique appliquée
et pas à l’hôpital ; ils sont dans une salle de cours où un physicien leur parle de lithiase et non au
tour de consultations en écoutant les avis d’un médecin sur les afflictions et les traitements des
patients.
fracturer le calcul puis achever avec l’expulsion des fragments par l’urine »
(Arellano, notes de terrain, 2005).
À partir de ces formulations, Loske et Gutiérrez ont défini un problème de
recherche : « déterminer la quantité et l’intensité d’ondes de choc nécessaires
pour fragmenter les calculs rénaux et obtenir des fragments capables d’être
expulsés par voie urinaire, sur la base de la détermination du coefficient de
fragmentation à partir de la densité tomographique des cristaux ». Dans ce
problème, les paramètres d’intensité et de quantité d’ondes de choc devant
être produites par un lithotripteur dépendaient de l’hypothèse selon laquelle
l’identification de la densité tomographique d’un calcul pourrait être employée
comme indicateur de son coefficient de fragmentation.
Le rapport entre la visualisation des calculs en tant que valeurs tomographiques
et leur possible fragmentation avait au moins deux antécédents. Aux débuts
des études sur la lithotripsie extracorporelle, on avait rapporté qu’« il est
improbable de fracturer des pierres si leur radiodensité est plus importante
que celle de la colonne vertébrale » (Loske, 2005, cp). Dans la pratique clinique,
on a ensuite découvert que « les pierres moins radioopaques étaient plus faciles
à rompre que celles qui étaient plus radioopaques » (Hurtado et al., 2007).
Loske et Gutiérrez avaient appris, de manière indépendante, que le degré
d’opacité d’une pierre, visualisé dans les images de rayons X, varie selon sa
composition, sa taille et sa position par rapport aux organes et tissus abdominaux,
et que la variabilité dans le contenu des pierres compliquait l’application du
traitement par lithotripsie extracorporelle, augmentant sa probabilité d’échec.
En conséquence, la prédiction de la fragmentation, sur la base des paramètres
tomographiques10, était de grand intérêt pour les médecins et les physiciens.
Ils supposaient que l’analyse d’images tomographiques leur permettrait de
spécifier les caractéristiques des calculs et de leur environnement tissulaire et,
par conséquent, améliorer la prédiction de la fragmentation.

À la suite de ces délibérations, Loske et Gutiérrez ont rédigé conjointement le
problème officiel dans le projet de recherche Relación de los Valores de Atenuación
con los Valores de Fragmentación de cálculos (Hurtado et al., 2006) : « comment
prédire la fragmentation de calculs à partir de leur densité tomographique ? »
En 2005, l’entrelacement de thèmes, laboratoires, personnes, animaux de
laboratoire, urologues et physiciens était beaucoup plus ferme qu’en 1999,
quand n’existaient, pour le dire selon l’approche des O-F, que des liens d’intérêts
partagés. Désormais, les frontières officielles des disciplines s’étant dissipées en
faveur d’activités inédites pour les deux groupes de recherche, la circulation
d’éléments dans la trame s’intensifiait et s’orientait vers la solution du problème
de la densité tomographique et du coefficient de fragmentation.
À ce stade, du point de vue de l’interdisciplinarité, on pourrait arguer que
les groupes avaient dépassé la frontière de l’interdisciplinarité pour arriver
10 Dans la pratique médicale, la connaissance de la structure des calculs ne provient pas en

exclusivité des techniques d’imagerie ; sont utilisés aussi des tests de pH et des tests d’identification
de cristaux dans l’urine (Hurtado et al., Protocolo de investigación 2006).
dans le domaine de la transdisciplinarité, car ils partageaient les termes, les

méthodes et les concepts et qu’ils pouvaient formuler conjointement de
nouveaux projets de recherche. Il en était sans doute ainsi, mais les éléments
démonstratifs que j’ai avancés – articles, projets, actions de recherche, par
exemple – surpassent l’emploi du terme transdisciplinarité, le rendant superflu
étant donné la complexité des actions. Le projet de recherche qui découlait
de la problématisation conjointe peut tout à fait être considéré comme
un problème-frontière, c’est-à-dire une définition heuristique à vérifier
empiriquement puisque dans la littérature du moment, il n’existait pas de
preuve de la capacité de la densité tomographique à prévoir la fragmentation
de calculs.
La constitution du groupe de recherche

et la reconfiguration de la recherche
Pendant la période de 2005 à 2009, Loske et Gutiérrez ont travaillé sur
ce projet de recherche ; les rapports entre physiciens et urologues associés
autour d’un problème commun de recherche ont donné lieu à une nouvelle
forme de recherche qui intégrait la physique des ondes de choc et l’urologie
de la lithiase.
En employant leur expérience conjointe précédente, les chercheurs ont
identifié des entités et des éléments qu’ils trouvaient intéressant d’intégrer au
processus de recherche. À cette fin, Loske et Gutiérrez ont fait coïncider les
intérêts de ces entités et les ont fait circuler pour les pousser à intervenir dans
le projet. L’hypothèse de ces chercheurs était que, au fur et à mesure qu’ils
identifieraient les entités liées au problème de recherche, elles y participeraient
activement et elles circuleraient de manière contrôlée durant la recherche

(Loske, 2005 : cp 30/sept/2005).
Ces chercheurs ont ainsi identifié les entités et éléments suivants
qui circuleraient au cours du processus de recherche : a) l’entité sujets
expérimentaux, incarnés par les éléments porcs et humains lithiasiques ; b)
l’entité modèles de calcul rénal, constituée par les éléments HMT, U-30, A et B ;
c) l’entité appareils, concrétisée par les artefacts tomographe et lithotripteur ;
d) l’entité scientifiques, personnifiée par les physiciens, les urologues, les
vétérinaires, l’actuaire et le spécialiste du tomographe.
Loske et Gutiérrez ont assigné des fonctions à ces entités avant de les
faire circuler. Ils voulaient mobiliser divers modèles de calculs rénaux aux
compositions chimiques et physiques différentes11 puis leur appliquer un
traitement fixe d’ondes de choc12 pour trouver un rapport entre leur coefficient
de fragmentation et la valeur de leur atténuation affiché dans le tomographe.
11 Leur composition physique était associée à trois caractéristiques techniques : volume (léger,
lourd), forme (sphérique, cylindrique, rectangulaire) et taille (petit, moyen, grand) (Fernández,
10/10/04).
12 Tous les calculs ont reçu la même dose d’ondes de choc de 21kV (Hurtado et al., 2007).
Ils ont comparé trois modèles de calculs rénaux : les HMT, commercialisés par
High Medical Technology ; les U-30, produits par l’Université de l’Indiana ; et les
A et B, élaborés par eux-mêmes.
Aux porcs, ils ont assigné le rôle de patients ayant des calculs rénaux
puisque leurs reins sont, en taille et en anatomie, similaires à ceux des humains.
Les vétérinaires se chargeraient de les transporter lors des différents trajets
effectués pendant la recherche car les anesthésistes non vétérinaires n’ont pas
les compétences pour maintenir les signes vitaux des porcs. Les urologues
deviendraient des chirurgiens, transformant ainsi les porcs en patients avec
des calculs. Certains urologues participeraient avec les physiciens des ondes de
choc à l’écriture d’articles scientifiques. Le technicien du tomographe assurerait
la médiation entre l’appareil et les chercheurs en capturant les images des
modèles de calculs et en inscrivant les valeurs d’atténuation. L’actuaire jouerait
le rôle de statisticien pour corréler le degré de fragmentation des modèles
avec la valeur d’atténuation. En somme, en définissant et en assignant ces
rôles à chaque entité, Loske et Gutiérrez s’assumaient comme un groupe de
scientifiques capables d’étudier l’utilisation de la tomographie comme moyen
pour prédire la fragmentation des calculs rénaux.
À partir du moment où ils avaient attribué ces fonctions, les chercheurs
ont pu mettre en circulation les entités, tout au long de plusieurs années,
dans le HCUG, le Laboratoire d’ondes de choc du CEFATA, le laboratoire
du pathologiste où ont été évalués les reins des porcs, et dans le bureau de
l’actuaire où ont été produites les corrélations des valeurs de fragmentation.
Ces mouvements ont abouti à la construction d’un arrangement unique de
chercheurs, instruments, animaux, collègues et d’aspects épistémologiques, qui
pourrait très difficilement être transposé en norme de collaboration ou en
prescription de bonnes recettes de collaboration pour d’autres cas.
On peut remarquer que les interactions entre physiciens et médecins-

urologues n’étaient pas définies de manière hiérarchique a priori ; cependant, on
peut discerner une hiérarchisation dynamique du groupe dans son ensemble,
car chaque personne, objet, appareil ou porc, collaborait à la résolution de
problèmes très concrets du processus de recherche.
En gros, la procédure expérimentale mettait en évidence que le modèle
thérapeutique imaginé par les scientifiques résulterait de la recherche. Ainsi, les
vétérinaires ont manipulé, contrôlé et stabilisé les porcs avant de les introduire
dans le bloc opératoire expérimental. Là, les urologues préparaient l’implantation
des modèles de calcul, ils recevaient l’animal, intervenaient chirurgicalement
sur lui, manipulaient le rein, et y inséraient un calcul artificiel, transformant ainsi
le porc en un patient lithiasique, ensuite le porc était amené au laboratoire de
tomographie où le technicien calculait le degré d’atténuation du modèle de
calcul. Alors, à nouveau dans le bloc opératoire, on le traitait à la lithotripsie
extracorporelle. Les urologues surveillaient l’uniformité de la dose appliquée à
tous les porcs. Puis, ils incisaient le rein pour extraire les débris et les recueillir
très soigneusement. Finalement, on passait à la codification et à l’analyse des
résultats.
Ailleurs, dans le Laboratoire d’ondes de choc du CEFATA, selon une modalité

différente, se développait une autre facette du travail commun. Les physiciens,
Loske et collaborateurs, manipulaient rigoureusement les débris : ils les séchaient,
les pesaient et établissaient le coefficient de fragmentation pour chacun des
calculs utilisés. Une fois obtenus les coefficients, Loske se déplaçait au bureau
de l’actuaire Castaño-Tostado à la faculté de chimie de l’Université autonome
du Querétaro. L’actuaire comparait alors les coefficients de fragmentation avec
les valeurs d’atténuation et produisait un modèle mathématique comparatif qui
établissait le standard du coefficient de fragmentation des calculs rénaux. Cette
activité, menée dans une autre situation locale et avec d’autres instruments,
devenait décisive pour la recherche, car elle construisait la statistique qui
soutiendrait l’argumentation et la justification du rapport entre les entités et
les éléments de la thérapeutique expérimentale.
L’état des recherches à cette étape n’a pas de référence dans la perspective
de l’interdisciplinarité si ce n’est l’affirmation irréfutable de l’opération
transdisciplinaire du groupe de recherche. À partir de la perspective O-F, et
comme pourrait le dire Star, l’objet devenait moins frontière et davantage un
objet défini et standardisé. En effet, à mesure que les recherches avançaient,
la prédiction du coefficient de fragmentation devenait un objectif standardisé
pour que tout médecin-urologue puisse connaître les doses d’ondes de choc à
partir d’un rapport de densité tomographique. Du point de vie de la traduction,
la construction des correspondances du comportement de chaque acteur par
rapport aux autres entités contribuait à la constitution d’un réseau hétérogène
d’entités alignées et concentrées tantôt chez les scientifiques, tantôt dans les
calculs ou chez un autre acteur temporellement relevant.
La consolidation de la trame physico-urologique

de la lithotripsie extracorporelle
Une fois terminée la partie expérimentale de leur recherche, Loske,
Gutiérrez et leurs collaborateurs ont établi une formule mathématique qui
prédisait le coefficient de fragmentation des cristaux si leur poids et leur densité
tomographique étaient connus. Tel qu’ils l’expliquent dans leur article « In vivo
Relationship between CT Attenuation Value and Shockwave Fragmentation »13
(Hurtado et al., 2007)14, pour certains modèles de calculs rénaux aux propriétés
mécaniques déterminés, une solution thérapeutique est viable : l’application de
2 500 ondes de choc générées avec 21kiloVolts.
13 Rapport in vivo entre la valeur d’atténuation tomographique et la fragmentation des ondes de

choc.
14 Publié comme : Fernando Hurtado, Jorge Gutiérrez, Eduardo Castaño-Tostado, Julio Bustos,
Enrique Mues, María Del Sol Quintero, Ar-turo Méndez, Achim M. Loske. In-Vivo Relation
between CT Attenuation Value and Shockwave Fragmentation. Journal of Endourology. Mar 2007,
21 (3), 343-346.
Les articles scientifiques seraient une forme de preuve de la force des liens
entre les groupes de recherche. Ils ont permis à Loske, Gutiérrez et leurs
collaborateurs de mettre en valeur le rôle de la tomographie15 ; les résultats
de la recherche ont établi son importance, du point de vue physique, pour
discriminer les candidats aptes à être traités par lithotripsie extracorporelle.
L’idée cyclique des objets-frontière est très intéressante pour comprendre
les expressions épistémologiques de Loske quand il attirait l’attention sur la
capacité de trouver des solutions négociées aux problèmes de recherche entre
son groupe et celui de Gutiérrez, mais aussi quand il évoque le sens inépuisable
de l’émergence de nouveaux problèmes de recherche : « S’ils n’ont pas réussi à
obtenir une manipulation précise de cette technique clinique-thérapeutique, ils
ont considéré qu’ils se “perfectionnent chaque fois plus”, qu’ils “s’approchent
chaque fois plus” de la réalité dans chaque projet, même si on ne l’atteindra
jamais » (Loske, cp : 28/09/09).
En fait, ces articles soulignent la participation de toutes les entités du réseau
sociotechnique : sujet expérimental, modèles de calculs, appareils, professionnels,
etc. Ils matérialisent, en plus, l’action des physiciens, vétérinaires, urologues et
mathématiciens dans un mouvement de « rupture cognitive » par rapport à
leurs formations scientifiques originelles16.
Le titre de l’article « Percutaneous Renal Access : The Learning Curve of a
Simplified Approach » (Negrete, Molina, Castaño, Loske et Gutiérrez, 2010)17,
est révélateur de l’accomplissement de la recherche conjointe. Il représente
une halte sur le chemin de la collaboration et conclut, temporairement,
l’organisation de la trame sociotechnique de la lithotripsie extracorporelle et
des activités communes de recherche. Désormais, les deux équipes scientifiques
partagent l’idée qu’il est indispensable de comprendre la structure physique des
calculs avant de recommander aux patients la lithotripsie extracorporelle avec
des paramètres prouvés expérimentalement.

En répondant au défi d’enquêter sur les limites et les possibilités de détection
de certaines caractéristiques des calculs à partir de tomographies, Loske et
Gutiérrez projettent maintenant de nouvelles recherches orientées vers
l’analyse des rapports et des paramètres de prédiction de la fragmentation de
calculs rénaux ; dans le futur, la préalable dichotomie entre physique et urologie
pourrait se dissoudre en théorie et dans les faits. Agissant de façon collégiale,
des médecins et des physiciens tenteront de résoudre le problème de la
fragmentation physique des calculs rénaux, de développer l’alternative médicale
15 Techniquement, le terme employé par les chercheurs a été celui de « tomographie axiale »
(Notes de terrain).
16 Dans le but de résoudre un des obstacles qui s’interposent entre les disciplines, Morin prescrit
la rupture des frontières disciplinaires. À la différence de cet auteur, nous avons décrit une situation
exempte de résistance disciplinaire, aucune discipline n’a été brisée (seulement des calculs rénaux) ;
au contraire, ainsi qu’ils l’ont exprimé dans nos entretiens, tous les chercheurs se sont enrichis de
la collaboration mutuelle.
17 Voir le texte antérieur : Enrique Mues, Jorge Gutiérrez & Achim M. Loske. Percutaneous renal
access: a simplified approach. J. Endou-rol 21(11),1271-5 (2007) PMID 18042013.
de la lithotripsie extracorporelle et de consolider un nouveau domaine de la

connaissance qui pourrait être évoqué comme la physico-urologie (différente
de la médecine physique déjà bien stabilisée).
D’ailleurs, les identités de Loske et Gutiérrez se sont aussi complexifiées :
le premier publie dans des revues d’acoustique (Loske, 2009) et modifie des
lithotripteurs (Fernández, Fernández et Loske, 2009a et 2009b) ; le dernier
maintient sa pratique urologique et publie dans des revues de médecine et
d’urologie.
Envisagée du point de vue de l’objet-frontière, l’écologie de la collaboration
entre urologues et physiciens des ondes de choc est très riche et génère de
nouveaux cycles d’objets-frontière (des recherches sur les bactéries dans les
calculs rénaux, par exemple ; Gutiérrez et al., 2008) ; les nouvelles certitudes
et standardisations des résultats promettent de nouvelles catégories et des
pratiques de recherche innovantes. Après quelques résultats préliminaires,
Loske et Gutiérrez ont poursuivi ce projet ; ils ont proposé ensuite la
recherche d’autres facteurs associés à la structure des calculs, comme leur
porosité, leur rugosité et leur géométrie. De nouveaux objets-frontière ont
aussi émergé, comme l’idée du décentrage des ondes de choc pour protéger
le tissu rénal publiée dans « Out-of-focus shockwaves: a new tissue-protecting
therapy? » (Loske et al., 2004b) ou comme l’interaction des ondes de choc
avec des calculs infectés par des bactéries tel que publié dans « Interaction
of shockwaves with infected kidney stones: is there a bactericidal effect? »
(Quintero et al., 2008).
À partir de la sociologie de la traduction, j’ai montré que l’étude des étapes
de la recherche et de la construction d’une trame sociotechnique permet la
détection de la constitution d’un problème d’intérêt commun ; de la mise
en équivalence des intérêts des entités à partir de la sélection, la définition,
l’assignation de fonctions et de la mise en action des entités participantes ; et de

l’organisation de tout le dispositif de recherche pour résoudre les problèmes de
recherche tels qu’ils sont exprimés dans les articles publiés par les chercheurs
étudiés dans notre cas.
L’action de recherche, mise en scène par l’équipe scientifique, apparaît
comme un continuum d’élaboration d’équivalences ou comme une série de
cycles de transformations d’ambiguïtés en certitudes et en standardisations qui
produisent de manière résiduelle de nouveaux objets-frontière, et non comme
une série de suggestions sur des formes de recherche et sur des accords
extérieurs aux communautés scientifiques.
LECTURE D’ENSEMBLE ET PROPOSITION

L’étude du thème de la reconfiguration de l’organisation collaborative de la
production scientifique à partir de la lecture critique et empirique (Lynch et
McNally, 2006), de l’intégration de la lithotripsie extracorporelle surgie de la
physique des ondes de choc et de l’urologie de la lithiase, par l’emploi analytique

des approches portant sur l’interdisciplinarité, les O-F et la traduction, nous
permet une évaluation de ces approches.
À la différence des visions inspirées par les modèles de l’interdisciplinarité,
l’étude du cas présenté ici nous montre combien la construction de la
recherche obéit aux rapports non décrits par les aspirations des apologistes
de ces modèles. L’approche interdisciplinaire fournit des maximes de type
organisationnel qui empêchent la captation de la diversité de dimensions
pratiques, cognitives et conceptuelles en jeu dans la recherche. Comme nous
l’avons vu, la maxime de l’interdisciplinarité comprise en tant que besoin de
collaboration entre des physiciens et des médecins n’a pas émergé de leur
contexte ; au contraire, physiciens et urologues se sont intéressés et impliqués
dans un processus de recherche pour mettre en avant leurs propres questions
physiques et urologiques, où la collaboration était une pratique et non une
ressource pour produire un résultat. En tout cas, l’interdisciplinarité devrait
être une pratique collaborative à expliquer et non l’établissement normatif
d’actions collaboratives vidées d’orientation épistémologique.
L’interdisciplinarité, identifiée par Piaget en 1970, pourrait être continuée
en termes méthodologiques et typologiques, mais, pour cela, il serait important
de substituer la posture normative venant de ses promoteurs par une posture
analytique qui privilégie l’étude de la reconfiguration de la recherche menée
par les chercheurs eux-mêmes. Dans ces analyses, il faudrait aussi faire face au
fait que la reconfiguration de la production technoscientifique suit des chemins
différents de ceux signalés par Piaget il y a plus de quarante ans et que de
nouvelles mutations et mécanismes voient le jour.
Par contre, la notion d’objet-frontière a permis de mettre clairement en
évidence un cycle d’objets-frontière dans le processus d’amélioration des
connaissances sur les ondes de choc appliquées pour fragmenter des calculs

rénaux ainsi que l’instrumentalisation de ces connaissances dans l’amélioration
de la performance des appareils lithotripteurs utilisés dans la lithotripsie
extracorporelle. En l’absence de consensus conceptuels et de pratiques partagées,
les groupes de Loske et de Gutiérrez ont commencé leur rapprochement pour
collaborer dans leurs recherches. Au long des collaborations, il s’est produit une
reconfiguration de la production des connaissances qui a conduit à la formulation
d’un problème-frontière situé entre la physique acoustique et l’urologie exprimée
comme l’hypothèse selon laquelle, à partir de la densité tomographique des
calculs rénaux, il serait possible d’en prédire le coefficient de fragmentation. Au
fur et à mesure qu’avançaient les recherches de l’équipe élargie de médecins-
physiciens, une connaissance standard qui annulait l’incertitude initiale était en
train de s’établir, fondant la certitude et validant la prédictibilité du coefficient de
fragmentation. Dans cette écologie collaborative, avec la publication d’articles,
l’établissement de standardisations thérapeutiques, ainsi qu’inversement, avec
la diminution de la flexibilité interprétative, se clôturait le cycle de cet objet-
frontière né en 1999, mais non sans qu’émerge, au cours de ce cycle, d’autres
objets-frontières qui prolifèrent sur d’autres thèmes frontaliers.
Depuis la traduction, cette histoire représente, de même que pour les O-F,
un cycle, mais cette fois celui d’une mise en relation d’éléments et d’entités
au moyen d’opérations de traduction qui commencent par l’identification
des éléments et continuent par la construction de la problématique traduite
en problème commun, la formulation d’hypothèses, la définition de l’identité
des entités, la connexion entre les hypothèses et les acteurs, l’interposition
des scientifiques par l’instrumentalisation des liens et la consolidation des
connexions. Mais il faut toutefois nuancer cette dernière phrase, car Star et
Griesemer (1989) ont reproché à la notion de traduction l’impérialisme dont
elle dote les acteurs humains placés au-dessus du reste des acteurs de l’écologie
collaborative. À la fin du cycle, les diverses entités convoquées ont été mises en
contact entre elles, ce qui a résulté dans un réseau hétérogène inédit. Tel quel,
dans l’idée d’O-F, de nouveaux domaines et champs de recherche émergent
sur lesquels d’autres traductions produiraient de nouveaux réseaux d’entités.
Du point de vue de la traduction, la lecture de cette reconfiguration
coopérative de connaissance est plus riche que les possibilités offertes par les
O-F puisqu’elle les inclut et présente des mécanismes de mise en équivalence et
de correspondance entre les plans de la « nature » des pierres, des reins, des
ondes de choc et du « social » des chercheurs et des équipes de recherche. L’idée
méthodologique de la traduction est relativement ancienne, mais son utilisation
nomologique (dans les textes qui décrivent les acteurs sociaux en train de tisser
des réseaux sociotechniques) n’a pas épuisé son utilisation méthodologique
et épistémologique. En utilisant méthodologiquement la notion de traduction,
j’ai montré, dans ce travail sur les recherches collaboratives, le processus
d’imbrication entre la physique des ondes de choc et l’urologie dans l’intégration
de la lithotripsie extracorporelle, grâce au mélange des pulsions des ondes de
choc avec la prédiction de la fracture de cristaux chez des malades de lithiase.
En suivant l’approche de l’interdisciplinarité, on hypostasie le sujet de la

connaissance, car on accentue l’organisation sociale dans la collaboration des
équipes de recherche. En utilisant la notion d’O-F, on hypostasie l’objet de
la connaissance en soulignant le manque permanent de clarté et précision
des problèmes, des concepts et des méthodes de recherche à la base de la
collaboration scientifique. Mais en employant l’approche de la traduction, nous
pouvons observer comment les sujets, les objets et les méthodes de recherche
entrent en relation et s’interpénètrent sans avoir besoin de n’en hypostasier a
priori ou a posteriori aucun d’entre eux.
Je considère que la notion d’interdisciplinarité est devenue un instrument
de prescription à faible niveau explicatif de la reconfiguration technocognitive,
de sorte que lui faire regagner sa vigueur signifierait repousser son aspect
normatif. L’idée d’objet-frontière est très intéressante pour rendre compte
de l’émergence et du développement de nouveaux domaines de recherche et
pourrait être fortifiée avec l’inclusion d’aspects épistémologiques sur son rôle
associatif. Finalement, la notion de traduction, qui repose sur un mécanisme de
mélange d’entités et d’élaboration de tiers inédits, permet de rendre compte,
de manière épistémologique, de la reconfiguration sociale de la connaissance
et de la technologie. Dans les schémas analytiques et explicatifs venant des

approches en termes d’O-F et, surtout, de traduction, les chercheurs ont en
main des instruments épistémologiques de base qui doivent être améliorés pour
étudier la reconfiguration de la connaissance, en particulier, et de la production
de la technoscience, en général.
Si, comme je l’ai montré, l’idée analytique et épistémologique de
l’interdisciplinarité s’est épuisée dans des pays comme le Mexique et si elle
représente un obstacle pour penser la reconfiguration du travail scientifique, il
faut être vigilant à ce que les notions d’objet-frontière et de traduction ne perdent
pas leur caractère épistémologique dans l’étude des mutations scientifiques
et qu’elles ne soient pas cooptées et transformées par les bureaucraties
scientifiques en normes et politiques de production et accréditation scientifiques
et technologiques.
Remerciements
Cette recherche a été rendue possible par le financement du CONACyT
du projet « Etnografía de la Investigación de la Física Aplicada en México:
el Caso de la Red Sociotécnica Asociada al Centro de Física Aplicada y Tecnología
Avanzada de la UNAM » (projet S41385). Laura María Morales Navarro,
boursière du projet, a participé à la préparation de ce document.
L’auteur tient à remercier Dominique Vinck pour ses critiques
qui ont permis d’améliorer l’argumentation de ce texte.
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Arellano Hernández A. Observations de terrain, composées d’enregistrements audio, des
photographies et des notes écrites entre 1997 et 2009.
Fernández F. Entretien realisée le 10 octobre 2004.
Loske A. M., Entretiens realisées le 28 et le 30 septembre 2005.
Loske A. M., J. Gutiérrez et éstudiants boursieurs: Notes du meeting de recherche sur la
lithotripsie extracorpo-relle, le 25 mai 2005.
Antonio ARELLANO HERNÁNDEZ est docteur en anthropologie

(Université Laval). Il a réalisé des études postdoctorales à l’École Nationale
Supérieure des Mines de Paris et l’École des Hautes Études en Sciences
Sociales (France). Chercheur à l’Institut d’Études sur l’Université et
chercheur national de niveau II. Il est membre de l’Académie Mexicaine
des Sciences. Ses recherches font partie de l’anthropologie des sciences
et technologies et de l’épistémologie et de la technologie sociale à partir
d’une approche ethnographique. Auteur de cinq livres et le coordinateur
de neuf autres ouvrages, il a publié plus de 60 articles et chapitres de livres.
Son dernier ouvrage s’intitule Tramas de redes sociotécnicas. Conocimiento,
Técnica y Sociedad en México (Ed. Miguel Ángel Porrúa, 2011) et l’un de
ses articles récents est « Capital colaborativo socio-técnico e innovación
antigraffiti », publié dans la Revista Mexicana de Sociología, 74 (1), 2012,
99-132.

Adresse : Universidad Autonoma del Estado de Mexico
Toluca (Mexico)
Courriel : aah@uaemex.mx
Abstract: Reconfiguration the field

of extracorporeal lithotripsy: Interdisciplinarity,
boundary object and translation
In this paper, we try to advance the study of the reconfiguration
of collaborative production of technoscientific knowledge, from
a dual strategy: on a conceptual and methodological dimension,
we analyse the capacity of three representative epistemological
approaches usefull for the study of the scientific production
mutations, namely : interdisciplinarity, boundary-object and
translation. On an empirical dimension, we analyse the results
of an ethnographic study of a case of collaboration between a
team of physicists specialized on shock waves and another
team of urologist, working together for the integration of a

technoscientific field called lithotripsie extracorporeal, vis-à-vis
the epistemological capacity of those approaches to improve
understanding of technoscientific collaborative work.
Keywords: interdisciplinarity, object-border, translation,

extracorporeal lithotripsy, laboratory studies
Resumen: Reconfigurando el dominio

de la litotripsia extracorporal: interdisciplina,
objeto-frontera y traducción
En este trabajo, se pretende avanzar el estudio de la
reconfiguración de la producción colaborativa del conocimiento
tecnocientífico, a partir de una doble estrategia: en una dimensión
conceptual-metodológica, se analiza la capacidad de tres enfoques
epistemológicos representativos sobre las mutaciones de la
producción científica, a saber, la idea de interdisciplinariedad, la
de los objetos-frontera y la de la traducción. En una dimensión
empírica, se analizan los resultados de un estudio etnográfico de un
caso de colaboración entre un equipo de ondas de choque físicos
y otro de urólogos en la integración de un dominio tecnocientífico
sintético denominado litotripsia extracorporal, a la luz de la
capacidad epistemológica de aquellos enfoques para mejorar la
comprensión del trabajo de colaboración tecnocientífico.
Palabras claves: interdisciplinariedad, objeto-frontera,

traducción, litotripsia extracorporal, etnografía de laboratorios

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Antonio ARELLANO HERNÁNDEZ

de trois approches représentatives pour aborder des mutations de

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Mots cles : interdisciplinarité, objet-frontière, traduction,

Revue d’anthropologie des connaissances – 2012/2 59

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recherche en équipe ; et une dimension empirique où j’illustre analytiquement

d’illustrer les formes et les mutations concrètes de l’organisation d’une équipe

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de l’instauration et du développement de la modernité, l’autonomisation d’un

croissante » (Comte, 1905, 10) couronné avec l’établissement et le développement

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l’art (Habermas, 1987, 277), processus de dissociation qui se poursuivrait :

manière particulière et sont reproduites et transmises de manière circonstancielle

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2 Dans la recherche industrielle, le regroupement de plusieurs experts de disciplines variées

les bureaucraties scientifiques pour stimuler l’extrapolation d’expériences

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4 Au cours du Séminaire de Nice, Piaget a cité les exemples de la topologie algébrique et de la

et la transdisciplinarité devraient être encouragées et renforcées dans les

Dès lors, les documents et incitations de la politique scientifique, tels que

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proposant ainsi la construction d’un cadre d’interprétation commun et général

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traduction dans son sens méthodologique.

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6 Justement, la perte de capacité méthodologique de la notion de réseau a été critiquée par

nouveaux artefacts dans leurs dimensions sociale, matérielle et symbolique de

elles-mêmes : l’élaboration collégiale du problème de recherche ainsi que de

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La construction du problème de la fragmentation

le tissu rénal. Les urologues abordent le problème à partir d’une érudition

réduit d’urologues du Service d’urologie du Nouvel hôpital civil de l’Université

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autrement dit, l’article devenait un objet intermédiaire (Vinck et Segretin, 2002 ;

déplacements et de circulations qui modifient l’identité et l’avenir des entités ;

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En 2000, les physiciens et les urologues entament une recherche conjointe

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par conséquent, améliorer la prédiction de la fragmentation.

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10 Dans la pratique médicale, la connaissance de la structure des calculs ne provient pas en

dans le domaine de la transdisciplinarité, car ils partageaient les termes, les

La constitution du groupe de recherche

activement et elles circuleraient de manière contrôlée durant la recherche

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On peut remarquer que les interactions entre physiciens et médecins-

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Ailleurs, dans le Laboratoire d’ondes de choc du CEFATA, selon une modalité

La consolidation de la trame physico-urologique

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13 Rapport in vivo entre la valeur d’atténuation tomographique et la fragmentation des ondes de

des paramètres prouvés expérimentalement.

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de la lithotripsie extracorporelle et de consolider un nouveau domaine de la

l’assignation de fonctions et de la mise en action des entités participantes ; et de