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T Il A D U I T I' 1\ H A M Y 1) T
Les Vies
des hommes illustres
Ce volume contient
VIE DE THÉSÉE
VIE DE ROMULUS - VIE DE LYCURGUE
VIE DE NUMA POMPILIUS
VIE DE SOLON - VIE DE PUBLICOLA
VIE DE THÉMISTOCLE
VIE DE CAMILLE - VIE DE PÉRICLÈS
VIE DE FABlllS MAXIMUS
VIE D'ALCIBIADE - VIE DE CORIO LAN
VIE DE TIMOLF:ON - VIE DE PA li L-ÉMILE
VIE DE Pf:LOl'IDAS
VIE DE MARCELLUS - VIE WAHISTIDE
VIE DE CATON LE CENSEUH
VIE DE PHILOl'f:MEN
VIE DE T. Q. FLAMINIUS - VIE DE PYRRHUS
VIE DE CAÏUS MAHIUS
VIE DE LYSANDHE
VIE DE SYLLA - VIE DE CIMON
VIE DE LUCllLLUS
Introduction
Notes
Les Vies
des hommes
illustres
I
GALLIMARD
Tous droits de lradu{lion, de reprod11flio11 el d'adaptation
réservés pour tous les pays.
© Éditions Gallimard, 19 J 1.
INTRODUCTION
L'HOMME
guidait les pèlerins dans les détours de l'enceinte sacrée, leur mon
trait les ffatues et les trophées accumulés dans les chapeUes par
la. piété des dévots d'autrefois ; revêtu de sa robe sacerdotale, le
front ceint d'une couronne, il offrait des sacrifices, menait les
processions, dirigeait les chœurs, interpeUait l'oracle. Les jour
nées pMsaient som les portiques de marbre en entretiens édifiants,
à l'ombre des grands rochers, dans des promenades à travers des
bosquets sacrés. Entre deux cérémonies, il retournait dans sa
petite viUe, et on l'y voyait, sur la place du marché, en train de
mesurer le blé ou de suf'tleiUer les travaux publics. Q}j_and on
lui demandait pourquoi n' aUait-il PM vivre dans une grande
viUe, à Athènes ou à Corinthe, par exemple, il se plaisait à
répondre : << Né dans une petite viUe, j'aime à m'y tenir afin
que, sans moi, eUe ne devienne encore plm petite. » Les prêtres
d' ApoUon étaient nommés pour une Pythiade, autrement dit
pour quatre ans. Mais ils pouvaient reller en font!ions tant q11'il
leur plaisait. Plutarque y rella jmqu' à la fin de sesjours. Dans
les dernières années de sa vie, les habitants de Delphes lui
confièrent la charge d'épimélète qui faisait de lui le direfleur des
travaux de rellauration du sant!uaire. C'efl dans l'exercice de ces
font!ions qu'il put avoir l'occMion de s'adresser à Trajan, ,naù
la prétendue lettre-consultation qu'il aurait écrite à cet empereur
efl évidemment apocryphe. Il ne semble PM avoir survécu de
beaucoup à l'année I 2 0 . La cité de Delphes l'honora d'un monu
ment. Une tête trouvée aux environs par la suite pa.rsait pour être
son effigie.
L'Œ UVRE
à Rome qui ait commis tel crime l'espace de six cents ans
durant : et fut le premier parricide Lucius Ostius, après
la guerre d'Annibal. Mais à tant est-ce assez parlé de
ce propos.
XXXVI. Au demeurant, la cinquième année du règne
de Tatius, aucuns de ses parents et amis rencontrèrent
d'aventure en leur chemin quelques ambassadeurs venant
de la ville de Laurentum à Rome, sur lesquels ils se
ruèrent, et tâchèrent à leur ôter leur argent : et parce que
ces ambassadeurs ne leur voulurent pas bailler, mais se
mirent en défense, ils les tuèrent. Ce vilain cas ayant été
ainsi commis, Romulus était d'avis que l'on en devait
faire sur-le-champ punition exemplaire ; mais Tatius le
remettait de jour à autre, et lui usait toujours de quelque
défaite ; ce qui seul fut cause qu'ils entrèrent en dis
sension apparente l'un contre l'autre, car au demeurant
ils s'étaient toujours comportés le plus honnêtement qu'il
était possible l'un envers l'autre, en conduisant et gou
vernant toutes choses ensemble d'un commun accord
et consentement. Mais les parents de ceux qui avaient
été occis, voyant qu'ils ne pouvaient avoir justice à cause
de Tatius, l'épièrent un jour qu'il sacrifiait en la ville de
Lavinium avec Romulus, et le tuèrent sans rien demander
à Romulus, mais le louèrent comme prince juste et droi
turier. Romulus fit bien emporter le corps de Tatius, et
l'inhuma fort honorablement au mont Aventin, environ
l'endroit qui s'appelle maintenant Armilustrium2� ; mais
au reste, il ne montra aucun semblant de vouloir venger
sa mort. Il y a quelques historiens qui écrivent que ceux
de la ville de Laurentum effrayés de ce meurtre, lui
livrèrent ceux qui l'avaient commis, mais que Romulus
les laissa aller, disant qu'un meurtre avait été justement
vengé par un autre. Cela donna occasion de dire et de
penser qu'il était bien aise d'être délivré de compagnon ;
toutefois les Sabins pour cela ne s'en émurent ni ne s'en
mutinèrent point, mais les uns pour amitié qu'ils avaient
déjà conçue envers lui, les autres pour sa puissance qu'ils
redoutaient, et les autres parce qu'ils l'adoraient comme
un dieu, persévérèrent à lui porter toujours tout honneur
et obéissance.
XXXVII. Plusieurs étrangers même révéraient aussi
la vertu de Romulus, comme entre les autres ceux que
l'on nommait alors les anciens Latins, lesquels envoyèrent
ROMULUS
nant trois mille écus qu'il perdit : car o n trouva qu'il lui
en était autant dû, et fut le premier qui les remit et
donna à ses débiteurs, suivant la teneur de son édit ; les
autres disent qu'il y en avait neuf mille entre lesquels
est Polyzelus Rhodien ; toutefois on ne cessa jamais
d'appeler depuis ses amis Créocopides, comme qui dirait
retrancheurs de dettes.
XXVI. Cette ordonnance ne fut agréable ni aux uns
ni aux autres, parce qu'elle offensa grandement les riches
en cassant les contrats et déplut encore plus aux pauvres,
parce qu'elle ne remettait pas en commun toutes les
terres, ainsi comme ils avaient espéré, et n'égala pas tous
les citoyens en facultés et en biens, comme Lycurgue avait
fait les Lacédémoniens. Mais Lycurgue était l'onzième
descendant en droite ligne après Hercule, et avait été
plusieurs années roi de Lacédémone, où il avait acquis
très grande autorité, et avait fait beaucoup d'amis, toutes
lesquelles choses lui aidèrent grandement pour mettre à
exécution ce qu'il avait sagement imaginé pour l'établis
sement de sa chose publique ; et néanmoins encore y usa
t-il plus de force que de remontrance, témoin ce, qu'il y
eut un œil crevé en voulant mettre sus un point, qui à la
vérité est le principal et de la plus grande efficace, pour
longuement maintenir une cité en union et en concorde,
c'est de faire, qu'il n'y ait ni pauvre ni riche entre les
citoyens. A quoi Solon ne put pas parvenir, parce qu'il
était né de race populaire, et n'était pas des plus riches
de sa ville, mais des moyens bourgeois seulement. Mais
bien fit-il tout ce qui était possible de faire, avec le peu
de puissance qu'il avait, n'étant aidé que de son bon
sens, et de la confiance que ses citoyens avaient en lui.
Et qu'il soit vrai que pour cet édit il eût encouru la
male grâce de la plupart des habitants de la v i lle, il le
témoigne lui-même en disant
Ceux qui devant me parlaient en amis,
Ores me sont courroucez ennemis.
Me regardant de mal œil en travers,
Comme si j'eusse envers eux cœur pervers.
Et toutefois il dit aussi après, que personne avec la
même autorité et puissance qu'il avait,
N'eut oncques su le peuple contenir.
Ni du tumulte ému à bout venir 1 4 •
SOLON
l.
vacation de l'étude et congé de s'ébattre, il ne jouait
amais, ni jamais ne demeurait oisif, comme faisaient
es autres enfants, mais le trouva �t-on touj �urs appre
nant par cœur, ou composant a part sot quelques
harangues, le sujet desquelles était le plus souvent, qu'il
défendait ou accusait quelqu'un de ses compagnons, à
T H É M I S T O CLE 2. 4 7
louant son bon sens, alla devers les autres capitaines des
galères les prêcher et inciter à vouloir combattre ; toute
tois encore ne croyait-on point du tout ce qu'il disait,
jusques à ce qu'il arriva une galère ténédienne, dont
était capitaine un nommé Panétius, s'étant dérobée de
l'ost des Barbares, laquelle apporta certaines nouvelles,
comme le détroit assurément était fermé, tellement que,
outre la nécessité, le dépit encore que les Grecs en
conçurent les incita à vouloir essayer le hasard de la bataille.
XXV. Le lendemain au point du j our, le roi Xerxès
s'assit en un lieu haut élevé, dont il voyait la flotte
de ses vaisseaux et l'ordonnance de son armée navale,
au-dessus du temple d'Hercule, ainsi comme écrit Pha
nodémus, qui est l'endroit où le canal d'entre l'île de
Salamine et la côte de l'Attique a moins de largeur,
ou, comme dit Acestodore, sur les confins du territoire
de Mégare, au-dessus de la pointe que l'on appelle vul
gairement les Cornes, où il fit dresser un trône d'or,
et avait autour de soi plusieurs secrétaires, pour rédiger
par écrit tout ce qui se ferait en la bataille.
XXVI. Mais ainsi comme Thémistocle sacrifiait aux
dieux dessus la galère capitainesse, on lui amena trois
jeunes prisonniers fort beaux de visage, et richement
parés de vêtements et de joyaux d'or, lesquels on disait
être enfants de Sandace, sœur du roi et d'un prince
nommé Autarél:us. Incontinent que le devin Euphran
tide les eut aperçus, ayant aussi observé qu'il était à leur
arrivée sailli du sacrifice une grande et claire flamme, et
qu'en même instant quelqu'un des assistants à main
droite avait éternué, il prit Thémistocle par la main, et
lui commanda de sacrifier tous ces trois prisonniers au
dieu Bacchus surnommé Omestès, qui vaut autant à dire
comme cruel : parce qu'en ce faisant, non seulement les
Grecs se sauveraient, mais emporteraient la viél:oire
sur leurs ennemis. Thémistocle fut bien ébahi d'ouïr un
si étrange et si terrible commandement du devin ; mais
la commune suivant sa coutume, qui est de se promettre
plutôt salut aux grands dangers et affaires presque déses
pérées, par moyens étranges, et hors d'apparence de
raison, que par les raisonnables et ordinaires, se prit à
invoquer le dieu tout d'une voix, et en approchant les
trois prisonniers de l'autel, le contraignit de parfaire le
sacrifice en la manière que le devin l'avait ordonné ;
2.62 THÉM I S TOCLE
Pausanias ni Léotychydès,
Ni Xantippus auprès Ariftidès,
Ne me sont point louables capitaines
C'eft le meilleur qui sortit one d'Athènes.
Thémiftoclès point je ne mentionne,
Il eft haï à bon droit de Latone
Car c'eft un traître, un méchant, un qui ment,
Q!!i, pour un peu de deniers, lâchement
A refusé à son hôte ancien
Timocréon, retour au pays sien,
En Ialise ; et, pour la somme et prix
De trois talents d'argent qu'il a mal pris,
T H É M I S T O CL E
ont été depuis, sous lesquels les affaires des Perses furent
bien plus mêlées avec celles des Grecs qu'elles n'avaient
été auparavant, quand ils voulaient retirer à leur service
quelque personnage de la Grèce, lui promettaient et lui
écrivaient qu'ils le feraient plus grand auprès d'eux, que
n'avait été Thémistocle auprès de Xerxès. A quoi se
rapporte ce que l'on conte aussi, que lui-même ayant déj à
grand crédit, et étant suivi de beaucoup de gens qui lui
faisaient la cour pour l'autorité qu'il avait, comme il se
trouvait un jour à table servi fort magnifiquement, et
de toutes viandes exquises, il se tourna devers ses enfants,
et leur dit : « Mes enfants, nous étions perdus, si nous
» n'eussions été perdus. » Si écrivent la plupart des his
toriens qu'il lui fut donné le revenu de trois villes pour
son pain, son vin et sa pitance, savoir est Magnésie,
Lampsaque et Myunte ; mais Néanthe, Cyzicénien, et
Phanias y en aj outent encore deux autres, Percote et
Palescepsie, l'une pour son vêtir, l'autre pour son
coucher.
LIV. Depuis, quand il descendit dans les basses pro
vinces vers la mer, pour entendre aux affaires de la Grèce,
il y eut un seigneur persien nommé Épixyes, gouver
neur de la haute Phrygie, qui lui dressa embûche, ayant
de longue main attitré quelques meurtriers pisidiens,
pour le tuer quand il serait arrivé en un bourg de son
gouvernement qui s'appelle Tête-de-Lion ; mais ainsi
comme il dormait un j our en son logis sur le midi, la
mère des dieux s'apparut à lui, qui lui dit : « Thémis
» tacle, n'arrive pas à Tête-de-Lion de peur que tu ne
» trouves le lion ; et pour cet avertissement je te demande
» ta fille Mnésiptolème pour ma servante. » Thémis
tocle, s'éveillant là-dessus en sursaut, fit sa prière à la
déesse, et, se détournant du grand chemin, prit un autre
circuit ; puis ayant passé le bourg se logea qu'il était
déjà nuit ; mais il y eut un des sommiers qui portaient
sa tente qui tomba par cas d'aventure en une rivière,
au moyen de quoi ses gens étendirent les tapisseries,
qui étaient toutes mouillées, à la lune pour les sécher,
et les Pisidiens n'ayant pas pu discerner de loin à la lune
que c'étaient tapisseries que l'on avait tendues pour les
sécher, pensèrent que ce fût la tente propre où logeait
Thémistocle, et s'y en allèrent droit les épées traites aux
poings, espérant l'y trouver dormant ; quand ils furent
280 T H É M I S TOCLE
VI. Mais celui qui fréquenta J?lus avec lui, et qui lui
donna cette gravité et cette digmté qu'il gardait en tous
ses faits et ses dits, plus seigneuriale que ne comporte
la condition et l'état de ceux qui ont à haranguer devant
P ÉRICL È S 337
u n peuple libre, e t qui bref lui éleva ses mœurs j usqu'à
une certaine majesté qu'il avait en toutes ses façons de
faire fut Anaxagoras le Clazoménien, lequel par les
hommes de ce siècle-là était communément appelé Nus,
c'est-à-dire l'entendement, fût ou parce qu'ils avaient en
singulière admiration la vivacité et subtilité de son
esprit à rechercher les causes des choses naturelles, ou
parce que ce fut le premier qui attribua la disposition
et le gouvernement de ce monde, non à la fortune ni à
la nécessité fatale, mais à une pure et simple intelligence
ou entendement, lequel sépare, comme cause première
agente, les substances de parties semblables, qui sont en
tous les autres corps de l'univers mêlés et composés de
diverses substances.
VII. Périclès donc ayant ce personnage en singulière
admiration, par lequel il avait à plein été instruit en la
connaissance des choses naturelles, mêmement de celles
qui se font en l'air et au ciel, en prit non seulement une
grandeur et hautesse de courage, et une dignité de lan
gage où il n'y avait rien d'affeté, de bas, ni de populaire,
mais aussi une constance de visage qui ne se mouvait
pas facilement à rire, une gravité en son marcher, un ton
de voix qui j amais ne se perdait, une contenance rassise,
et un port honnête de son habillement, qui j amais ne se
troublait pour chose quelconque qui lui advînt en par
lant, et autres semblables choses, qui apportaient à tous
ceux qui les voyaient et considéraient un merveilleux
ébahissement.
VIII. Auquel propos on conte qu'il y eut quelquefois
un méchant effronté qui fut tout un j our à l'outrager
de paroles diffamatoires en pleine place, et à lui dire
toutes les injures dont il se pouvait aviser : ce qu'il
endura patiemment sans j amais lui répondre un seul
mot, dépêchant ce pendant quelque affaire de consé
quence, jusqu'au soir qu'il se retira tout doucement en
son logis, sans se montrer altéré en façon quelconque,
combien que cet importun-là le suivît touj ours en lui
disant tous les outrages qu'il est possible de dire ; et
comme il fut prêt à entrer dans son logis, étant déj à
nuit toute noire, il commanda à l'un de ses serviteurs
qu'il prît une torche, et qu'il allât reconduire cet homme,
et l'accompagner jusques en sa maison ; toutefois le poète
Yon écrit que la fréquentation de Périclès était superbe
PÉRICLÈS
parce que c'étaient tous les plus grands et les plus p uis
sants hommes qui fussent en chaque ville de qui elle
s'accointait. Mais quant à Aspasie, les uns disent que
Périclès la hanta comme femme savante et bien entendue
en matière de gouvernement d'état ; car Socrate même
!'allait aussi voir quelquefois avec ses amis, et ceux qui
la hantaient y menaient aucunefois leurs propres femmes
pour l'ouïr deviser, combien qu'elle menât un train
qui n'était guère beau ni honnête, parce qu'elle tenait
en sa maison de jeunes garces qui faisaient gain de leur
corps. Et Eschine écrit que Lysiclès, un revendeur de
bétail qui auparavant était homme de basse et vile nature,
se fit le premier homme d'Athènes par la fréquentation
qu'il eut avec cette Aspasie depuis la mort de Périclès ;
et au livre de Platon intitulé Menexenra, encore que le
commencement soit écrit par manière de jeu et de risée,
il y a cela comme de véritable histoire, que cette femme
avait le bruit d'être hantée par plusieurs Athéniens pour
apprendre d'elle l'art de rhétorique.
XLVII. Toutefois il semble plus vraisemblable que
l'affeél:ion que lui portait Périclès vint plus d'amour que
d'autre cause ; car il avait bien épousé une femme qui
était sa parente et qui auparavant avait été mariée à
Hipponicus, duquel elle avait eu Callias, surnommé le
Riche, et eut depuis Xantippe et Paralus de Périclès ;
mais ne lui étant point sa compagnie agréable, il la
bailla, du bon gré et consentement d'elle-même, à un
autre, et prit Aspasie, laquelle il aima singulièrement ;
car toutes les fois qu'il sortait de sa maison pour aller
en la place, ou qu'il en retournait, il la saluait en la
baisant. Au moyen de quoi dans les anciennes comédies
elle est appelée en plusieurs lieux la nouvelle Omphale,
et quelquefois Déjanire, et aucunefois Junon ; mais
Cratinus l'appelle tout ouvertement putain en ces vers :
Elle lui a sa Junon enfantée
Aspasia la putain effrontée.
Mercure répond :
De m'en garder j'aurai soin, ne te chaille ;
Car je ne veux être cause qu'on baille
A l'étranger Teucer, maudit voleur,
Le prix d'argent promis au déceleur 1 7 •
les biens qu'ils avaient en dépôt, et, qui plus est, firent
encore alliance avec lui.
LXI. Cela fait, il alla mettre le siège devant la ville
de Chalcédoine, laquelle il emmura tout à l'entour,
depuis un bout du rivage de la mer jusques à l'autre.
Pharnabaze y vint pour lui cuider faire lever le siège;
et Hippocrate, capitaine lacédémonien, gouverneur de
la ville, assemblant tout ce qu'il avait de forces dedans,
au même temps fit une saillie sur les Athéniens. Parquoi
Alcibiade, ordonnant ses gens en bataille, de manière
qu'ils pussent faire tête à ces deux assaillants tout à un
coup, fit si vaillamment qu'il contraignit Pharnabaze
de prendre la fuite honteusement, et occit Hippocrate
sur-le-champ avec bon nombre de ses gens; puis monta
lui-même sur mer pour s'en aller au pays de !'Hellespont
amasser de l'argent, et là surprit la ville de Sélibrée pour
avoir hardiment hasardé sa personne avant le temps qui
lui était préfix, parce que quelques particuliers de dedans
avec lesquels il avait intelligence lui avaient donné assi
gnation à quand ils lèveraient en l'air un flambeau
allumé environ la minuit; mais ils furent contraints de
lever leur signe avant heure pour la crainte de l'un des
consorts de leur conjuration, lequel soudainement se
repentit; ainsi fut le flambeau levé avant que toute sa
troupe fût prête. Ce que lui voyant, prit environ trente
hommes en sa compagnie, et avec eux s'en courut vers
les murailles de la ville, ayant commandé au demeurant
de sa troupe qu'on le suivît à la plus grande diligence
qu'il leur serait possible. La porte lui fut ouverte à lui
et aux trente hommes qu'il avait amenés quant et lui,
outre lesquels encore en survint-il vingt autres armés à
la légère seulement; mais ils ne furent pas plus tôt entrés
qu'ils entendirent ceux de la ville qui leur venaient en
armes au-devant, de manière qu'il n'y avait aucun moyen
qu'il en pût échapper s'il les attendait; et néanmoins
s'étant toujours maintenu invincible jusques à ce jour-là
en toutes les rencontres où il avait été capitaine, il lui
faisait fort grand mal de fuir; parquoi il se va soudai
nement aviser de faire faire silence par un trompette;
et, le bruit apaisé, il fit crier à haute voix par un de ceux
qui étaient autour de lui que les Sélibrianiens ne prissent
point les armes contre les Athéniens. Ce cri refroidit un
peu la chaleur de ceux qui avaient bonne envie de corn-
ALCIBIA D E
Et en un autre lieu,
Il s'en était de lui-même avisé,
Ou quelque dieu lui avait devisé ...
LII. Plusieurs y en a qui méprisent ces passages
d'Homère, comme si son intention fût d'attribuer au
discours de la raison humaine, et à l'éleB:ion de l'arbitre
d'un chacun, des choses impossibles, et des fables où
il n'y a point de vérisimilitude; ce qu'il ne fait pas ;
mais fait dépendre de notre libéral arbitre les choses
vraisemblables, et qui ordinairement adviennent par
discours de raison; car il dit bien souvent de telles
paroles,
Je l'ai pensé en mon cœur magnanime.
Et en un autre lieu,
L'ayant oui Achilles ainsi dire,
En eut le cœur d'âpre douleur et d'ire
En son velu e�omac tout brûlant,
Et entre deux di\'ers \'Ouloirs branlant.
Et de rechef en un autre endroit,
Elle ne sut mouvoir par son langage
Bellérophon, tant fut honnête et sage".
Mais aux choses étranges et extraordinaires, où il y a
besoin de quelque inspiration et instigation divine,
encore ne fait-il pas que Dieu ôte le franc arbitre à
l'homme; mais, plutôt qu'il l'incite, non pas qu'il
engendre en nous la volonté, mais bien quelque imagi
nation qui tire et pousse la volonté; ainsi ne rend-il pas
cette imagination, qu'il offre à la volonté, l'opération
non volontaire ni forcée, mais plutôt donne commen
cement à la volonté, et lui ajoute l'assurance et la bonne
espérance. Car ou il faut dire totalement que les dieux
n'ont part quelconque aux causes mouvantes et aux
principes des opérations humaines, ou confesser qu'il
n'y a autre moyen par lequel ils puissent aider aux
hommes, ni coopérer avec eux; car il est bien certain
qu'ils ne manient pas nos corps, ni ne remuent pas nos
mains et nos pieds, ainsi que le besoin le requiert, à
chaque fois qu'il faut besogner, mais excitent la partie
aB:ive de notre âme et notre libéral arbitre, ou, au
CORI OLAN
contraire, le détournent et le retiennent par quelques
imaginations et appréhensions qu'ils nous inspirent.
LIII. Or allaient lors les dames romaines par tous
les temples des dieux, faire leurs prières et oraisons;
mais la plus grande partie et les plus notables étaient
continuellement à l'entour de l'autel de Jupiter Capi
tolin, entre lesquelles nommément se trouva Valérie,
sœur de Publicola, celui qui fit tant de services aux
Romains et en paix et en guerre; il était déjà mort, quant
à lui, quelque temps auparavant, ainsi comme nous
avons écrit en sa vie; mais Valérie sa sœur était grande
ment honorée et estimée dans Rome, se gouvernant si
sagement, qu'elle ne faisait point de honte à la maison
dont elle était issue; si lui prit soudainement une émo
tion de volonté pareille à celles dont nous parlions
naguères, et s'avisa, non sans quelque inspiration divine,
comme je crois, d'un bon expédient; car, elle se leva,
et fit aussi lever les autres dames, et s'en alla avec elles
droit à la maison de V olumnie mère de Coriolan, où
elle entra dedans, et la trouva avec la femme de son fils,
assise, et tenant en son giron les petits enfants de Corio
lan. S'étant donc toutes ces dames arrangées en rond à
l'entour d'elles, Valérie commença la première à parler
en cette manière : « Nous venons devers vous, ô Volum
» nie et Virgilie, dames vers autres dames, sans ordon
» nance du sénat, ni commandement d'aucun magistrat,
» mais par inspiration, à mon avis, de quelque dieu,
» lequel, ayant regardé en pitié nos prières, nous a
» incitées à nous en venir devers vous, pour vous
» requérir de faire une chose qui sera salutaire à nous
» et à tous les autres citoyens de cette ville, mais à vous,
» si vous me voulez croire, apportera une gloire plus
» grande et plus illustre que celle que les filles des
» Sabins acquirent jadis, quand, au lieu de guerre mor
» telle, elles mirent la paix entre leurs pères et leurs
» maris. Venez-vous-en donc avec nous toutes ensemble
» devers Coriolan, pour le supplier qu'il ait pitié de
» nous, et aussi pour lui porter témoignage de vérité,
» comme vous devez en faveur de vos citoyens, que
» combien qu'ils aient souffert beaucoup de maux et de
» dommages par lui, jamais toutefois ne vous en ont
» fait, ni pensé de vous en faire par vengeance, pire
» traitement, mais vous rendent saines et sauves entre
5 10 C ORIOLA N
» ses mains, encore qu'ils n'en dussent avoir en récom
» pense, de rien plus gracieuse composition de lui27 • »
LIV. Ces paroles de Valérie furent approuvées et
accompagnées par une commune clameur de toutes les
autres dames, et adonc Volumnie lui répondit : « Dames,
» nous avons part, comme vous, aux publiques misères
» et calamités de notre pays, et outre cela, sommes
» encore surchargées de ce malheur propre, que nous
» avons perdu la gloire et la vertu de Coriolan, voyant
» maintenant sa personne environnée des armes de nos
» ennemis, plutôt pour s'assurer de lui que pour le
» garder; mais encore le plus grief de nos malheurs
» nous est de voir notre pays réduit à tels termes, que
» toute son espérance gise et consiste en nous; pour
» autant que je ne sais quel compte il fera de nous, puis
» qu'il n'en fait aucun de sa chose publique et de son
» pays, qu'il a, par ci-devant, toujours eu plus cher que
» sa mère, sa femme, ni ses enfants. Ce néanmoins,
» servez-vous de nous en tout ce que vous voudrez,
» et nous menez à lui; car, si nous ne pouvons faire
» autre chose, à tout le moins pouvons-nous bien mourir
» et rendre l'esprit en le suppliant pour le bien de notre
» pays. » Cela dit, elle prit sa belle-fi.lie et ses enfants
avec elle, et, avec toutes les autres dames romaines, s'en
alla droit au camp des Volsques, lesquels eurent eux
mêmes une compassion mêlée de révérence quand ils
la virent, de manière qu'il n'y eut personne d'eux qui
lui osât rien dire.
LV. Or était lors Coriolan assis en son tribunal avec
les marques de souverain capitaine, et, de tout loin qu'il
aperçut venir des femmes, s'émerveilla que ce pouvait
être. Mais peu après, reconnaissant sa femme 28 , qui
marchait la première, il voulut du commencement per
sévérer en son obstinée et inflexible rigueur; mais à la
fi.n, vaincu de l'alfeél:ion naturel le, et étant tout ému de
les voir, il ne put avoir le cœur si dur que de les attendre
en son siège, mais en descendant plus vite que le pas,
leur alla au-devant, et baisa sa mère la première, et la
tint assez longuement embrassée, puis sa femme et ses
petits enfants, ne se pouvant plus tenir que les chaudes
larmes ne lui vinssent aux yeux, ni se garder de leur
faire caresses, mais se laissant aller à l'alfeél:ion du sang,
ni plus ni moins qu'à la force d'un impétueux torrent.
CORIO L A N
parce qu'il eût été ainsi ordonné, mais par le juste regret
qu'ils avaient de sa mort, et pour une libérale affeaion
de vrai amour et bienveillance qu'ils lui portaient.
LIII. Finalement, le lit étant posé sur le bûcher où il
devait être brûlé, Démétrius, l'un des hérauts, qui avait
la plus forte voix et la plus hautaine, prononça le décret
lequel avait été ordonné par le peuple, dont la substance
était telle : « Le peuple de Syracuse a ordonné que ce pré
» sent corps de TIMOLÉON, Corinthien, fils de Timodé
» mus, serait inhumé aux dépens de la chose publique,
» jusques à la somme de deux mille écus", et a honoré
» sa mémoire de jeux, de prix de musique, de courses de
» chevaux, et d'exercice de corps, lesquels se célébreront
» annuellement au jour de son trépas, à toujours et à
» jamais ; et ce, pour avoir chassé les tyrans de la Sicile,
» défait les Barbares, repeuplé plusieurs grandes cités,
» qui étaient demeurées désertes et désolées par les
» guerres, et finalement pour avoir restitué aux Siciliens
» la franchise et liberté ae vivre à leurs lois. » Depuis,
sa sépulture fut édifiée sur la place, à l'entour de laquelle
on édifia quelque temps après des cloîtres et portiques
à exerciter la jeunesse aux exercices de la personne, et en
fut le parc et pourpris appelé Timoléontium ; et tant
qu'ils observèrent les lois et la police qu'il leur avait
établies, ils vécurent longuement en grande et conti
nuelle prospérité46 •
VIE DE PAUL-ÉMILE
1·
ni sous couleur d'aller sacrifier à Hercule, que Persée s'en
alla de la bataille, mais parce que le our de devant il avait
reçu un coup de pied de cheval en a cuisse, et qu'encore
qu'il ne se pût pas bien aider, et que tous ses amis
essayassent de le détourner qu'il ne se trouvât au corn-
PAUL-ÉMILE
les firent ébahir plus que jamais, d'où pouvait être venu
cet avant-coureur messager qui avait semé cette nouvelle,
laquelle ne pouvait être lors naturellement que controu
vée, et néanmoins depuis, était apparu qu'elle contenait
vérité.
XL. Il se lit aussi semblablement d'une bataille qui
fut donnée en Italie près de la rivière de Sagra30, que le
même jour la nouvelle en fut sue au Péloponèse; et que
d'une autre, au cas pareil, qui fut donnée en Asie contre
les Médois devant la ville de Mycale, la nouvelle en vint
le même jour au camp des Grecs étant devant la ville de
Platée. Et en cette grande journée où les Romains défirent
les Tarquins et l'armée des Latins, incontinent après le
fait on vit deux beaux grands jeunes hommes venant tout
fraîchement du camp, qui apportèrent la nouvelle de la
viél:oire à Rome, et estima-t-on que ce fussent Castor et
Pollux. Le premier qui parla à eux sur la place, devant la
fontaine, là où ils rafraîchissaient leurs chevaux tout
trempés de sueur, leur dit qu'il s'émerveillait comment
ils pouvaient avoir sitôt apporté cette nouvelle, et eux en
riant lui manièrent tout doucement la barbe avec les
deux mains, et sur-le-champ le poil, qui devant en était
noir, lui devint blond. Ce miracle fit que l'on ajouta foi
au rapport qu'en fit ce personnage, qui depuis en fut
surnommé Enobarbus, c'est-à-dire ayant barbe blonde
comme cuivre.
XLI. Un autre pareil cas advenu de notre temps rend
toutes telles nouvelles croyables : car quand Antoine se
rebella contre l'empereur Domitien3 1, la ville de Rome
en fut en grand trouble, parce que l'on y attendait une
grosse guerre du côté de l'Allemagne; mais en cet effroi,
il se leva soudainement de soi-même un bruit de viél:oire
parmi le peuple, et courut la nouvelle par toute Rome
qu'Antoine lui-même avait été tué, et son armée telle
ment défaite qu'il n'en était du tout rien demeuré. Si en
fut le bruit si grand que plusieurs des principaux de la
ville y ajoutèrent foi, et en sacrifièrent aux dieux, en leur
rendant grâces de la viél:oire; mais quand on vint à enqué
rir qui en avait été le premier auteur, il ne s'en trouva
point, parce que l'un !'allait toujours rejetant à l'autre,
tant qu'à la fin elle s'allait perdre en la multitude infinie
du peuple, comme en une mer vaste où il n'y a ni fond
ni rive, et n'y trouva-t-on jamais commencement ni fon-
PA U L -ÉMIL E
fut substitué en son lieu par ceux que l'on appelle entre
rois9; et, entré qu'il en fut en possession, on lui donna
pour son compagnon Cnéus Cornélius 10 , là où l'on dit
que les Gaulois, inclinant à vouloir faire appointement,
et le sénat romain même étant bien content d'entendre
à la paix, Marcellus irrita le peuple, et le disposa à vouloir
plutôt la guerre. Ce nonobstant, la paix fut bien faite pour
lors; mais, incontinent après, les Gaulois Gessates renou
velèrent la guerre; car ils passèrent les monts des Alpes
en nombre de bien trente mille combattants, et se vinrent
joindre aux Insubriens, qui étaient plusieurs fois autant;
et au moyen de quoi, le cœur leur étant crû, ils allèrent
incontinent mettre le siège devant la ville d'Acerres, qui
est assise sur la rivière du Pô, durant lequel siège le roi
Briomate, prenant dix mille Gessates, alla courir et piller
le plat pays d'alentour du Pô.
VII. Ce qu'entendant, Marcellus laissa son compagnon
avec tous les gens de pied armés, et le tiers de la cheva
lerie au camp, près d' Acerres, et lui, avec le reste des gens
de cheval et six cents hommes de pied des plus légère
ment armés, se mit en chemin pour aller trouver les
ennemis, sans reposer ni jour ni nuit, jusques à ce qu'il
eut atteint ces dix mille Gessates auprès d'un bourg de la
Gaule de deçà les monts, qui se nomme Clastidion, qui
de naguère était en l'obéissance des Romains. Si n'eut
pas loisir de reposer ni refaire un peu ses gens, parce que
les Barbares surent incontinent sa venue, et le tinrent
pour déjà tout déconfit, à cause qu'il avait bien peu de
gens de pied; et quant à sa chevalerie, les Gaulois ne la
mettaient en aucun compte; car, outre qu'ils sont fort
bons hommes d'armes, et qu'ils valent plus en cela qu'en
nulle autre sorte de combat, encore passaient-ils de beau
coup lors en nombre ceux de Marcellus; et pour ce mar
chèrent incontinent droit à lui d'une grande fureur et
avec terribles menaces, comme si d'arrivée ils eussent dû
foudroyer tout. Leur roi marchait le premier devant
toutes ses troupes.
VIII. Et Marcellus, craignant qu'ils ne l'envelop
passent et ne l'environnassent par-derrière, parce qu'il
était en si petit nombre, étendit le plus qu'il put les ailes
de sa gendarmerie, pour embrasser plus de pays, de
manière que les deux pointes venaient à être fort grêles,
jusques à ce qu'il fût bien près des ennemis. Et comme
MARCELL U S
déjà il était prêt à se mettre au galop pour aller choquer,
il advint que son cheval, effrayé du bruit de la braverie
des ennemis, se tourna, et emporta Marcellus en arrière
en dépit qu'il en eut; mais lui, craignant que les Romains
ne prissent superstitieusement cela à mauvais présage, et
n'en entrassent en quelque frayeur qui leur troublât l'en
tendement, tirant la bride à main gauche, lui fit soudai
nement retourner la tête devers l'ennemi, et à même ins
tant adora le soleil, comme si ce n'eût pas été par accident
qu'il eût tournoyé, mais expressément pour cet effet, à
cause que les Romains ont accoutumé de faire ainsi un
tour quand ils saluent et adorent les dieux; et sur le point
que la mêlée commença, il fit vœu à Jupiter Férétrien de
lui offrir les plus belles armes que les ennemis eussent,
s'il demeurait vainqueur. Et à l'heure même le roi des
Gaulois 1 1 , l'ayant aperçu, se douta bien, à voir les
marques et enseignes qu'il avait, que ce devait être le chef
des ennemis; si lança son cheval bien loin devant sa
troupe, droit à lui, en lui criant un cri de défiance, que
c'était à lui qu'il en voulait, et branlant une grosse jave
line de barde qu'il portait en la main. C'était le plus bel
homme et le plus grand de tous les Gaulois, et si avait
son harnais tout doré et argenté, et tant enrichi de toutes
sortes d'ouvrages et de couleurs, qu'il en reluisait comme
l'éclair; parquoi Marcellus, ayant jeté sa vue sur toute la
bataille des ennemis, et, n'y ayant point aperçu de plus
belles armes que celles de ce roi, jugea incontinent que
c'était donc celui contre lequel il avait fait sa prière et
son vœu à Jupiter. Si piqua droit à lui, et lui donna un
tel coup de javeline, aidant la force et la roideur de la
course du cheval, qu'il lui faussa sa cuirasse, et le porta
par terre, non encore mort pourtant, mais il redoubla
soudain deux ou trois coups, dont il l'acheva de tuer;
puis se jeta aussitôt à bas de dessus son cheval, et, en tou
chant les armes du mort, leva les yeux au ciel en disant :
« 0 Jupiter Férétrien, qui regardes du ciel et diriges les
» hauts faits d'armes et les prouesses des capitaines, je
» t'appelle à témoin comme re suis le troisième capitaine
» romain qui, étant chef d'armée, ai défait et occis de ma
» propre main le roi et chef de l'armée des ennemis, et
» te promets offrir et dédier les plus belles et les plus
» riches dépouilles des ennemis; toi, daigne nous donner
» pareille fortune au demeurant de cette guerre. »
M A RCELLUS
1
arrêtant ceux qui les poursuivaient, et tirant toujours
Cléomène après lui, tellement u'il eut à la fin beaucoup
d'affaire à se sauver lui-même e dernier, bien blessé, et
son cheval lui ayant été tué sous lui.
Or quelques jours après, Cléomène, étant averti que
les Mégalopolitains s'étaient retirés en la ville de Messène,
leur envoya faire entendre qu'il était prêt de leur rendre
leur ville, leurs héritages et tous leurs biens ; et Philo
pémen, voyant que ses citoyens étaient fort joyeux de
cette nouvelle, et que chacun s'apprêtait pour s'y en
retourner à grande hâte, il les en détourna par les remon
trances qu'il leur fit, en leur donnant à entendre que
Cléomène ne leur voulait pas tant rendre leur ville que
les prendre eux-mêmes avec leur ville, prévoyant bien
qu'il ne pourrait pas toujours demeurer là pour garder
des murailles et maisons toutes vides, et que lui-même
à la fin serait contraint d'en partir. Cette remontrance fit
P H ILOPÉMEN
1·
» nous n'avons pas été malheureux en tout et partout », et
sans amais j eter autre voix, ni dire autre parole, il but
tout e poison, et puis se recoucha comme devant ; si ne
fit pas sa nature grande rési:ftance au poison, tant son
corps était débile, mais en fut tantôt étouffé et éteint.
XXXVI. La nouvelle de cette mort en alla incontinent
par toutes les villes d' Achaïe, lesquelles universellement
y eurent grand regret, et en menèrent grand deuil ; mais
aussitôt tous les jeunes hommes et les conseillers de cha
cune ville s'assemblèrent en la ville de Mégalopolis, là
où ils conclurent et arrêtèrent que, sans aucun délai, il
fallait venger cette mort. Si élurent Lycortas pour leur
capitaine, sous la conduite duquel ils entrèrent en armes
dans le pays des Messéniens, où ils mirent tout à feu et à
sang ; de sorte que les Messéniens, effrayés de cette fureur
se rendirent et reçurent d'un commun accord les Achéens
en leur ville ; mais Dinocrate ne leur donna pas loisir de
le faire mourir par ju:ftice ; car il se défit lui-même, et tous
ceux qui avaient été d'avi� qu'il fallait faire mourir Phi
lopémen se défirent aussi eux-mêmes ; mais ceux qui
avaient dit qu'il lui fallait donne r la géhenne, Lycortas
les fit tous p rendre pou r les faire eux-mêmes puis ap rès
PHILOPÉMEN
teux, parce que tantôt les uns fuyaient et les autres chas
saient, tantôt ceux qui avaient chassé fuyaient eux
mêmes, et ceux qui avaient fui chassaient, parce que des
deux camps on envoyait toujours nouveau renfort à ceux
qui étaient pressés et contraints de se retirer. Déjà com
mençait le brouillard à tomber, et l'air à s'éclaircir, de
sorte que les deux capitaines pouvaient voir à l'œil clai
rement ce qui se faisait entre leurs deux camps ; au
moyen de quoi ils tirèrent l'un et l'autre toutes leurs
forces aux champs en bataille.
XIII. Si eut Philippe l'avantage en la pointe droite de
son armée, laquelle était dessus le haut d'une pente, dont
elle venait tout à un coup fondre sur les Romains par
telle impétuosité, que les plus forts et plus vaillants ne
purent onques soutenir le faix de ce front de bataille si
fort serré, ni cette haie de piques si furieuse; mais en la
pointe gauche il ne fut pas ainsi, parce que les files du
bataillon ne s'y purent serrer de près, ni joindre écu
contre écu, à cause que c'était entre les mottes et rochers
qu'elle se trouvait rangée, et était force pour l'inégalité
et malaisance des lieux qu'elle fût entr'ouverte et désunie
en plusieurs endroits. Ce que Titus apercevant, aban
donna la pointe gauche de sa bataille, qu'il voyait forcée
par la droite de celle des ennemis, et, passant soudain à
l'autre, alla charger de ce côté-là les Macédoniens, qui ne
purent serrer leurs files en front, ni approcher leurs rangs
en fond, ce qui est toute la force d'une bataille rangée à
la macédonienne, à cause que le champ était haut et bas ;
et pour combattre d'homme à homme, ils étaient arrière
si pressés qu'ils s'entreheurtaient et s'entr'empêchaient
les uns les autres; car la bataille macédonienne a cela,
que, tant qu'elle se maintient en son ordonnance jointe
et serrée, il semble que ce ne soit, par manière de dire,
qu'un corps d'une bête de force invincible; mais aussi
depuis qu'elle est une fois entr'ouverte et déjointe, elle
perd non seulement la force et puissance de son corps
entier, mais aussi celle de chaque particulier combattant,
partie à raison de la sorte des armes dont ils com
battent, et partie aussi à raison que l'effort du total
consiste plus en la disposition et liaison des files et des
rangs qui s'enforcissent les uns les autres, qu'il ne fait en
la prouesse et valeur de chacun homme à part.
XIV. Q!!and donc ceux de cette pointe gauche furent
T. Q. F L A M I N I U S
1
passé et autorisé par les voix du peuple, et envoya-t-on
des ambassadeurs en Épire ui portèrent des présents à
Pyrrhus, non seulement de a part des Tarentins, mais
aussi des autres peuples grecs habitant en Italie, disant
qu'ils avaient besoin d'un capitaine avisé et expérimenté,
et qui eût réputation au fait de la guerre seulement, parce
qu'au demeurant, quant au nombre de bons combattants,
ils en avaient assez en Italie même, et qu'ils pourraient
mettre ensemble des Lucaniens, Messapiens, Samnites et
Tarentins, jusques au nombre de vingt mille chevaux,
et de gens de pied, quand ils seraient tous assemblés,
jusques à trois cent cinquante mille combattants.
XXIX. Ces propos des ambassadeurs, non seulement
élevèrent le cœur à Pyrrhus, mais aussi imprimèrent aux
cœurs des Épirotes une grande volonté et grande affec
tion de faire cette expédition. Mais il y avait en la cour de
Pyrrhus un personnage thessalien nommé Cinéas, homme
de bon entendement, et qui, ayant ouï l'orateur Démos
thène, semblait seul, entre tous ceux qui étaient tenus de
ce temps-là pour éloquents, renouveler en la mémoire
des écoutants comme une image et une ombre de la
véhémence et vivacité de son éloquence ; Pyrrhus le
tenait auprès de soi, et s'en servait à l'envoyer çà et là en
ambassade vers les peuples et les villes, là où il confir
mait cc que dit Euripide en u n passage
Tout cc que peut force mettre à effet
Par fer tranchant, éloq uence le fait 1 1 •
P Y R RHUS
Pourtant soulait dire Pyrrhus que : « Cinéas avait pris et
» gagné plus de villes avec son éloquence, que lui avec
» ses armes » ; à l'occasion de quoi il lui faisait très grand
honneur, et l'employait en ses principales affaires.
XXX. Icelui donc, voyant que Pyrrhus était fort affec
tionné à cette guerre d'Italie, le trouvant un jour de
loisir, le mit en tels propos : « L'on dit, sire, que les
Romains sont fort bons hommes de guerre, et qu'ils
commandent à plusieurs vaillantes et belliqueuses
nations ; si donc les dieux nous font la grâce d'en venir
au-dessus, à quoi nous servira cette viél:oire ? » Pyrrhus
lui répondit : « Tu me demandes une chose qui est de soi
même tout évidente ; car quand nous aurons dompté
les Romains, il n'y aura plus en tout le pays cité grecque
ni barbare qui nous puisse résister ; mais conquerrons
incontinent sans difficulté tout le reste de l'Italie, la gran
deur, bonté, richesse et puissance de laquelle personne
ne doit mieux savoir ni connaître que toi-même. » Cinéas,
faisant un peu de pause, lui répliqua : « Et quand nous
» aurons pris l'Italie, que ferons-nous puis après ? »
Pyrrhus, ne s'apercevant pas encore où il voulait venir,
lui dit : « La Sicile, comme tu sais, est tout joignant, qui
nous tend les mains, par manière de dire, et est une île
riche, puissante, et abondante de peuple, laquelle nous
sera très facile à prendre, parce que toutes les villes sont
en dissension les unes contre les autres, n'ayant point
de chef qui leur commande, depuis qu'Agathoclès est
décédé, et n'y a que des orateurs qui prêchent le peuple,
lesquels seront fort faciles à gagner. - Il y a grande appa
rence en ce que tu dis, répondit Cinéas ; mais quand nous
aurons gagné la Sicile, sera-ce la fin de notre guerre ?
- Dieu nous fasse la grâce, répondit Pyrrhus, que nous
puissions atteindre à cette viél:oire, et venir à bout de
cette entreprise ; parce que ce nous sera une entrée pour
parvenir à bien plus grandes choses. Car qui se tiendrait
de passer puis après en Afrique et à Carthage, qui seront
conséquemment en si belle prise, vu qu'Agathoclès s'en
étant secrètement fui de Syracuse, et ayant traversé la
mer avec bien peu de vaisseaux, fut bien près de la
prendre12 ; et quand nous aurons conquis et gagné tout
cela, il est bien certain qu'il n'y aura plus pas un des
ennemis qui nous fâchent et qui nous harcèlent mainte
nant, qui ose lever la tête contre nous. - Non certes,
P YRRHUS
répondit Cinéas; car il est tout manifeste qu'avec si
grosse puissance nous pourrons facilement recouvrer le
royaume de Macédoine, et commander sans contradic
tion à toute la Grèce; mais quand nous aurons tout en
notre puissance, que ferons-nous à la fin ? » Pyrrhus adonc
se prenant à rire, « Nous nous reposerons, dit-il, à notre
aise, mon ami, et ne ferons plus autre chose que faire
fefüns tous les jours, et nous entretenir de plaisants
devis les uns avec les autres, le plus joyeusement et en la
meilleure chère qu'il nous sera possible. » Cinéas adonc,
l'ayant amené à ce point, lui dit : « Et qui nous empêche,
sire, de nous reposer dès maintenant, et de faire bonne
chère ensemble, puisque nous avons tout présentement,
sans plus nous travailler, ce que nous voulons aller cher
cher, avec tant d'effusion de sang humain, et tant de dan
gers ? encore ne savons-nous si nous y parviendrons
jamais, après que nous aurons souffert, et fait souffrir à
d'autres aes maux et travaux infinis. »
XXXI. Ces dernières paroles de Cinéas offensèrent
plutôt Pyrrhus qu'elles ne lui firent changer de volonté;
car il entendait bien quel heur et quelle félicité il aban
donnait, mais il ne pouvait ôter de son entendement
l'espérance de ce qu'il désirait. Si envoya devant eux aux
Tarentins Cinéas avec trois mille hommes de pied, puis
lui étant venus de Tarente force vaisseaux plats, force
galères, et de toutes sortes de bateaux passagers, il
embarqua dessus vingt éléphants, trois mille hommes de
cheval, et vingt mille de pied, avec deux mille archers et
cinq cents tireurs de fronde. Puis, quand toutes choses
furent prêtes, il fit voile; mais il ne fut pas plus tôt en
haute mer, qu'il se leva un vent du nord, impétueux, hors
de saison, qui l'emporta malgré lui; toutefois le vaisseau
auquel il était, moyennant la bonne diligence et l'effort
que firent les pilotes et mariniers, se revint, et gagna la
côte de l'Italie à toute peine, et avec un très grand péril;
mais le demeurant de sa flotte fut forcé et les vaisseaux
écartés çà et là, dont les uns, ayant failli la route d'Italie,
furent jetés en la mer de Libye et de Sicile; les autres,
n'ayant pu monter la pointe de l'Apouille, furent surpris
de la nuit, et la mer, qui était haute et courroucée, les
jeta à grands coups de vague contre la côte en lieux
âpres et pierreux, de manière qu'elle les brisa tous,
excepté le navire capitaine, lequel, pendant que les vagues
P YRRHUS 88j
r
XXV. Marius donc, ayant nouvelles que les Barbares
approchaient, passa les monts en diligence, et, fortifiant
son camp au long de la rivière du Rhône, mit dedans
grande provision de tous vivres, afin qu'i ne pût être
contraint à faute de vivres de venir à la bataille, sinon à
son bon point quand il lui semblerait expédient; et là où
auparavant la voiture des vivres en son camp l?.ar la mer
était longue, dangereuse et de grande dépense, il la rendit
aisée et courte par tel moyen : la bouche de la rivière du
Rhône avait accueilli tant de vase et si grande quantité de
sable, que les ondes de la mer y amassaient et entassaient
avec la fange haute et profonde, que les bancs rendaient
l'entrée de la rivière étroite, difficile et dangereuse pour
les grands vaisseaux de charge, qui venaient de la mer.
O!:!oi considérant, Marius employa là son armée pendant
qu'elle ne faisait rien, et lui fit caver une grande tranchée
et canal, dans laquelle il détourna bonne partie de l'eau
de la rivière, et la tira jusques à un endroit opportun de la
côte, là où l'eau s'écoulait en la mer par une embouchure
profonde et capable des plus grands navires, et avec cela
tranquille et plate, sans être tourmentée des vents ni des
vagues de la mer. Cette fosse retient encore aujourd'hui
son nom, s'appelant la fosse Mariane1'.
XXVI. Or se divisèrent les Barbares en deux armées
pour passer en Italie, dont il échut à l'une, qui était celle
des Cimbres, d'aller par les hautes Allemagnes 16 , et forcer
ce passage-là que défendait Catulus; et à l'autre, qui était
celle des Teutons et Ambrons, de passer par le pays des
Génois le long de la marine contre Marius 16 • Or les
Cimbres, ayant plus grand circuit à faire, arrêtèrent davan
tage et demeurèrent derrière; mais les Teutons et
Ambrons, partant les premiers, eurent en peu de jours fait
le chemin qu'ils avaient à faire jusques là où était le camp
des Romains, auquel ils se présentèrent en nombre infini,
les visages hideux à voir, et la voix et le cri tout différent
des autres hommes; si embrassèrent grande étendue de la
campagne d'alentour pour se camper, et vinrent défier
Marius et le provoquer à sortir en champ de bataille.
Marius ne fit compte de toutes leurs défiances, mais tint
934 CAIUS MARIUS
rivière, portant les uns des cognées, les autres des haches,
les autres des épées et des lances, avec leurs cruches pour
apporter de l'eau, en délibération de combattre les Bar
bares, si autrement ils n'en pouvaient avoir. Il y eut
quelque petit nombre des Barbares, q11i s'attacha à eux
du commencement, parce que la plupart étaient à table
à dîner après s'être lavés, et les autres étaient encore dans
les bains à se laver, parce qu'en ce lieu-là y a force sources
de bains naturels d'eaux chaudes ; et trouvèrent les
Romains une partie de ces Barbares faisant grande chère,
et se donnant du bon temps à l'entour de ces bains, pour
le grand plaisir qu'ils prenaient à considérer la beauté du
lieu; mais quand ils ouïrent le bruit de ceux qui combat
taient, ils se prirent à courir à la file en la part dont il
venait.
XXXIII. Au moyen de quoi il était bien malaisé à
Marius de plus retenir les soudards romains qu'ils n'y
allassent, parce qu'ils craignaient que leurs valets n'y
demeurassent, outre ce que les plus belliqueux des enne
mis qui se nommaient les Ambrons, ceux qui auparavant
avaient défait Manlius et Cép ion, deux capitaines romains
avec leurs exercites, et qui faisaient eux seuls plus de
trente mille combattants, couraient à grande hâte aux
armes, étant bien appesantis de leurs corps pour avoir
mangé à panse pleine ; mais au demeurant bien délibérés
en leurs courages, et plus gais que de coutume, pour le
vin qu'ils avaient bu. Si ne vinrent point courant furieu
sement au combat sans garder ordre, ni ne jetèrent
point un cri confus, mais, faisant bruire leurs armes par
mesures, et marchant tous ensemble à la cadence, allaient
souvent répétant leur propre nom : « Ambrons,
» Ambrons, Ambrons », soit que ce fût pour s'entr'appeler
les uns les autres, ou pour étonner leurs ennemis par
cet avertissement.
XXXIV. De l'autre côté aussi les premiers des Italiens
9.ui descendirent en bataille contre eux furent les Lygu
riens, qui sont ceux de la côte de Gênes, lesquels, leur
oyant Jeter ce cri, et l'entendant disl:inél:ement, leur
répondirent aussi le même cri, parce qu'ils disaient que
c'était le vrai surnom � énéral de toute leur nation, de
sorte que, premier qu'ils s'entrechoquassent, ce cri fut
d'une part et d'autre redoublé par plusieurs fois, et le
faisaient les capitaines tant de çà que de là crier à leurs
CAI US MARI US 93 9
l.
après souper se reposèrent. Le lendemain au point du
our, Marius les tira aux champs hors de son fort, devant
equel il les rangea en bataille, envoyant devant sa cheva
lerie pour cirer les ennemis à l'escarmouche ; ce que
voyant les Teutons, ils n'eurent pas la patience d'attendre
que les Romains fussent descendus en p laine campagne
pour les combattre sans avantage, mats, s'armant à la
hâte en chaude colère, les allèrent trouver j usques à la
motte sur laquelle ils étaient en bataille ; quoi considé
rant, Marius envoya çà et là aux particuliers capitaines les
avertir qu'ils ne bougeassent, et qu'ils temporisassent
j usques à ce que les ennemis approchassent d'eux d'un
j et de main, et que lors ils lançassent leurs j avelots, et
puis tirassent leurs épées et heurtassent et repoussassent
les Barbares avec leurs écus, à cause que, quand ils mon
teraient contremont la motte sur le pendant de laquelle
étaient les Romains en bataille, il prévoyait bien que
Jeurs coups n'auraient point de force, ni leur ordonnance
serrée vertu ni efficace quelconque, parce qu'fü ne pour-
CAIUS MARIUS
tua seize de ses gens, qui étaient sortis avec lui pour
prendre de l'eau; parquoi Marius, se partant de là à
grande hâte, traversa la mer, tant qu'il arriva en l'île de
Menynge, là où il entendit premièrement que son fils
s'était sauvé avec Céthégus, et qu'ils s'en étaient allés
ensemble devers le roi des Numides, Hiempsal, le sup
plier de leur vouloir être en aide; cela lui fit reprendre
un peu de courage, et lui donna hardiesse de passer de
cette île en la côte de Carthage. Or était lors gouverneur
de l'Afrique un préteur romain, nommé Sextilius, auquel
Marius n'avait jamais fait ni mal ni bien, et à cette cause
espérait que. par pitié seulement, il lui pourrait faire
quelque secours; mais il ne fut pas plus tôt descendu en
terre avec peu de ses gens, qu'il lui vint au-devant un
sergent, lequel, s'adressant à lui-même, lui dit : « Sexti
» lius, préteur et gouverneur de la Libye, te défend de
» mettre le ried en toute sa province, autrement il te
» déclare qu il obéira aux mandements du sénat, et te
» poursuivra comme ennemi du peuple romain. »
LXXIII. Marius, ayant ouï cette défense, eut le cœur
si serré de courroux et de douleur qu'il ne sut que
répondre promptement, et demeura un espace de temps
sans dire mot, regardant le sergent de mauvais œil,
jusques à ce qu'il lui demanda qu'il voulait répondre à la
défense du préteur; et alors Marius lui répondit avec un
soupir tranchant, tiré du profond du cœur : « Tu diras
» à Sextilius que tu as vu Caïus Marius, banni de son
» pays, assis entre les ruines de la ville de Carthage »; par
laquelle réponse il mettait sagement au-devant des yeux
de ce Sextilius l'exemple de la ruine de cette puissante
cité, et la mutation de sa fortune, pour l'avertir qu'il lui
en pouvait bien autant advenir.
LXXIV. Cependant Hiempsal, roi des Numides, ne
sachant à quoi se résoudre, faisait bien honneur et bon
traitement au jeune Marius et à ceux de sa compagnie,
mais, quand ils s'en voulaient aller, il controuvait tou
jours quelque nouvelle occasion pour les retenir, et était
aisé à voir qu'il ne reculait point ainsi pour occasion
quelconque qui fût bonne ; toutefois il advint une chose
qui leur servit à eux sauver. C'est que le jeune Marius,
étant beau de visage, fit pitié à l'une des concubines de
ce roi, le voyant en tel état. Cette pitié fut un commen
cement et une couverture de l'amour qu'elle lui portait;
CAlUS MARIUS
I. Famille et fortune de Sylla. II. Son amour pour les bons mots et
pour la table. IV. Sylla sous les ordres de Marius. V. Origine de
la haine entre Marius et Sylla. VI. Sylla nommé préteur. VII. Il
dt envoyé dans la Cappadoce en qualité de légat. X. Ses succès
dans la guerre des alliés. XII. Événement qui lui présage l'autorité
souveraine. XIV. Il dt nommé consul. Ses mariages. XV.
Commencement de la guerre civile. XIX. Préteurs outragés par
les soldats de Sylla. XX. Présages qui décident Sylla à marcher
vers Rome. XXI. Ambassadeurs envoyés à Sylla par le sénat.
XXII. Il entre dans la ville, Marius s'enfuit. XXIII. Sylla met sa
tête à prix. XXIV. Il part pour aller faire la guerre à Mithridate.
XXVI. Siège d'Athènes. XXVII. Sylla fait enlever les richesses
du temple de Delphes. XXXI. Prise et sac d'Athènes. XXXIV.
Sylla passe dans la Béotie. XXXVI. Il sauve la ville de Chéronée.
XXXVIII. Il se campe auprès d'Archélaüs. XXXIX. Il déloge
les ennemis de Thurium, et remporte une viaoire complète.
XLIII. Il fait célébrer des jeux. XLIV. Dorylas, général de
Mithridate, vient l'attaquer en Thessalie. XLVI. Nouvelle vic
toire remportée par Sylla. XL VIII. Il conclut la paix avec
Archélaüs. L. Entrevue de Sylla et de Mithridate. LI. La
paix e!U ratifiée entre eux. LII. Sylla ruine l'Asie Mineure. LVI.
Il défait le consul Norbanus. LIX. Il donne bataille au jeune
Marius. LX. Il remporte la viaoire. LXIII. Il assemble le sénat,
et, pendant ce temps, fait égorger six mille hommes. LXIV.
Réflexions sur le changement qui parut dans les mœurs de Sylla,
lorsqu'il fut devenu le maître. LXV. Horribles proscriptions
ordonnées par Sylla. LXVIII. Il se nomme diaateur. LXIX. Il se
démet de la diaature. LXXII. Il épouse Valéria. LXXIII. Il e!U
attaqué de la maladie pédiculaire. LXXV. Sa mort. LXXVI. Ses
funérailles.
De l'an 61 6 à l'an 676 de Rome ; avant J.-C., 78.
force, non pas par vertu, et ayant plus affaire d'armes les
uns contre les autres que contre les étrangers ennenùs,
étaient contraints de caresser et flatter ceux à qui ils
devaient commander, en achetant les peines de leurs sou
dards par les grandes dépenses qu'ils faisaient à les tenir
bien aises et les contenter; en quoi faisant ils ne se don
nèrent de garde qu'ils rendirent leur pays serf, et se
firent eux-mêmes esclaves des plus méchants hommes du
monde, en cherchant par tout moyen de commander à
ceux qui valaient nùeux qu'eux.
XXIX. Cela fut ce qui chassa Marius, et après le fit
retourner contre Sylla. Cela fit que Cinna tua Oél:ave, et
Fimbria occit semblablement Flaccus, auxquels maux
Sylla fut un des prenùers et principaux qui donnèrent les
commencements, en dépensant sans mesure, et donnant
largement aux gens de guerre pour plus gagner la bien
veillance de ceux qu'il avait sous lui, et attirer à soi ceux
qui étaient sous les autres; au moyen de quoi, tant pour
induire les étrangers à trahison, comme pour fournir à la
dissolution des siens, il avait besoin de grand argent,
même en ce siè�e où il était, car il avait une si grande et si
véhémente envie de prendre la ville d'Athènes, qu'il était
impossible de la lui faire passer, fût ou par une vaine
ambition de combattre contre l'ancienne réputation de
cette ville, dont elle ne retenait plus rien qu'une ombre
seulement, ou pour un courroux des brocards et traits de
moquerie que le tyran Ari§tion jetait à tout propos de
dessus les murailles contre lui et contre Métella, pour lui
faire plus grand dépit.
XXX. Ce tyran était un homme qui avait l'âme com
posée de cruauté et de toute dissolution, ayant recueilli
toutes les imperfeél:ions et les pires qualités du roi Mithri
date, qui, toutes ensemble, étaient coulées en lui, au
moyen de quoi cette pauvre cité, qui jusques alors avait
échappé tant de guerres, tant de tyrannies et tant de sédi
tions civiles, fut r ar lui, comme par une maladie incu
rable, conduite à I extrémité; car le minot de blé y valait
cent écus 18, et étaient les personnes contraintes par la
famine de manger l'herbe de l'espargoute17 qui croissait
à l'entour du château, et faisaient bouillir de vieux sou
liers et de vieilles burettes à huile pour en tirer quelque
saveur qu'ils mangeaient, pendant que lui ne faisait autre
chose tout le long du jour que boire et ivrogner, baller,
SYLLA 1037
mant tout tel que les peintres et les imagers les figurent23 •
Si fut mené à s na, et interrogé par toutes sortes de tru
chements qui i7 était ; mais il ne répondit rien que l'on
pût entendre, et seulement jeta une voix âpre, mêlée du
hennissement d'un cheval et du beuglement d'un bouc,
de quoi Sylla s'émerveillant l'eut en horreur, et le fit
ôter de devant lui comme chose monstrueuse.
LVI. Au reste, quand il fut prêt à embarquer ses gens
pour passer la mer, il eut crainte que, sitôt qu'ils auraient
un pied en Italie, ils ne se débandassent incontinent, s'en
retournant chacun en sa ville ; mais ils jurèrent et pro
mirent d'eux-mêmes premièrement qu'ils demeureraient
et se tiendraient ensemble, et qu'ils ne feraient de leur
volonté aucun mal en Italie, et outre cela, voyant qu'il
avait affaire de beaucoup d'argent, lui en offrirent du
leur, et en contribuèrent chacun selon le moyen qu'il
avait, et selon sa puissance ; toutefois Sylla ne le voulut
point prendre, mais les remercia tous de leur bonne
volonté; et, après les avoir prêchés et exhortés de bien
faire, passa contre quinze chefs d'armée de ses ennemis,
qui avaient quatre cent cinquante enseignes de gens de
pied en armes, ainsi que lui-même l'écrit en ses commen
taires. Mais les dieux lui promettaient par plusieurs évi
dents signes heureuse fortune en ses affaires ; car en un
sacrifice qu'il fit aussitôt qu'il eut traversé la mer, auprès
de Tarente, le foie de l'hostie se trouva tout formé en
manière d'une couronne ou chapeau de laurier, duquel
dépendaient deux banderoles. Et peu avant son pass�e
en la Campanie près du mont Éphéon, en plein -jour
apparurent deux grands boucs, faisant tout ni plus ni
moins que font deux hommes qui combattent; toutefois
ce n'était pas chose vraie, mais une vision apparente seu
lement, laquelle se levant de la terre petit à petit s'épandit
çà et là en l'air, et à la fin s'évanouit comme des nuages
qui disparaissent ; et peu de temps après en ce même lieu,
le jeune Marius et le consul Norbanus, qui amenaient
contre lui deux puissantes armées, furent par lui défaits
avant qu'il eût rangé ses troupes en bataille, ni ordonné à
chacun l'endroit où il devrait combattre, employant seu
lement l'affeél:ion de bien faire que ses $ ens montraient
avoir, et l'ardeur de leur courage. Puis suivant sa viétoire,
il contraignit le consul de s'enfermer dans la ville de
Capoue, après lui avoir tué six mille de ses gens.
SYLLA
lui lancer leurs javelines, sans que lui les aperçût; mais
son écuyer donna un coup de fouet au cheval, qui le fit
passer outre si à point, que les fers des javelines lui
passèrent rez à rez de la queue, et se plantèrent en terre.
L'on dit qu'il avait une petite image d'Apollon d'or,
qu'il avait apportée de la ville de Delphes, laquelle il
soulait toujours porter en son sein à la guerre; il la prit
lors en sa main et la baisa, en disant : « 0 l Apollon
» Pythien, as-tu si hautement élevé Cornélius Sylla, le
» bien fortuné jusques ici par tant de glorieuses viél:oires,
» pour le renverser maintenant en terre tout à un coup,
» si honteusement, aux portes mêmes de son pays, avec
» ses citoyens ? » En invoquant ainsi Apollon à son aide,
Sylla se jeta parmi ses gens, en priant les uns, et menaçant
les autres jusques à mettre les mains sur aucuns pour les
arrêter; mais, nonob�ant cela, toute cette pointe gauche
de son armée fut rompue et mise en fuite par les ennemis,
et lui-même, parmi la foule des fuyants, fut contraint de
regagner son camp de vitesse, ayant perdu plusieurs de
ses familiers et amis; et y eut aussi plusieurs de la ville
qui, étant sortis pour voir le combat seulement, y mou
rurent, et furent foulés aux pieds par les hommes et par
les chevaux, de manière que l'on pensait déjà que ce fût
fait de la ville. Et s'en fallut bien peu que ceux qui
tenaient Marius assiégé ne levassent leur siège, parce que
plusieurs fuyants de cette déroute donnèrent jusques là,
qui dirent à Lucrétius Offela, lequel avait la surinten
dance de ce siège, qu'il délogeât le plus tôt qu'il pourrait
de là, parce que Sylla était mort, et la ville de Rome prise
par les ennemis.
LXIII. Mais étant déjà fort avant dans la nuit, il arriva
au camp de Sylla quelques gens <J Ue Crassus y envoyait,
qui demandaient à souper pour lui et pour ses gens, parce
qu'ayant chassé les ennemis, qu'il avait rompus, jusques
à la ville d'Antemna, où ils s'étaient retirés, il s'était
aussi campé là; ce qu'entendant Sylla, et étant aussi averti
comme la plupart des ennemis avaient été défaits en la
bataille, s'en alla lui-même le lendemain matin à Antemna
là où trois mille hommes des ennemis envoyèrent devers
lui, pour savoir s'il les voudrait recevoir à merci, et qu'ils
se rendraient à lui, auxquels il fit réponse qu'il leur don
nerait la vie, si , premier que de s'en venir devers lui, ils
faisaient quelque dommage à leurs compagnons. Parquai
SYLLA 1061
VIE DE LYCURGUE
(Rép., III) que pDf'I" un ,hapeau entrait dans les ordonnances des
médecins à cette époque. - r 3 . Plutarque donne de cc début une
version plus sobre : « Je suis un héraut qui vient vers vous de
l'agréable Salamine, après avoir composé pour cette assemblée ce
beau discours en v ers. » - 14. Plut. : « Va apaiser par des sacri
fices les mânes des héros qui ont gouverné leur pays et qui sont
enterrés près de l'Asope face au soleil couchant, » - I j , Iliade, II,
s n -5 5 8 . - r6. Plut. : « archonte. » Le crime �ylonien eut lieu vers
600 avant J .-C. Après s'être emparé de la citadelle d'Athènes, Cylon
fut obligé de se sauv er par la fuite. Ses complices furent égorgés
près de l'autel des Euménides. -- q. A Rome les lois des douze
tables s'inspiraient des mêmes principes. L'une d'elles spécifiait
que le débiteur défaillant était adjugé à ses créanciers qui le gar
daient chez eux en prison, ou le vendaient. La loi leur permettait
même de le couper en morceaux et de se les partager. - r 8. Plut. :
« Sieds-toi au milieu de la poupe du vaisseau, et prends en main le
gouvernail, la plupart des Athéniens te seront favorables. » - r9.
Plut, : « Si j 'ai épargné ma patrie, et que je n'aie pas voulu m'en
rendre le tyran, ni m'élever par la force et par la violence, en me
déshonorant et en souillant toute la gloire que j 'avais acquise, je
n'en ai point de honte et je ne m'en repens point ; au contraire, je
prétends avoir surpassé par là tous les hommes. » - 2.0. Plut. : « Le
bon esprit, dit-on, et la prudence ont bien manqué à Solon, d'avoir
refusé le beau présent que les dieux lui faisaient. Après qu'il a eu
enfermé une grosse proie dans son filet, il n'a su le tirer, faute
d'esprit et de courage : car si l 'un et l 'autre ne lui eussent manqué,
pour être maître de tant de trésors, et pour régner un seul jour à
Athènes, il ne se serait pas soucié d'être égorgé le lendemain et de
voir sa descendance exterminée, » - 2 I . Cf. Guiraud, La propriété
foncière en Grèce (1 893), Beauchet, Le Droit privé de la rép, Athén.
(1 897), Gernet, La création du teflament (in Rev. des St. Gr., r 92.o),
Vue d'ensemble chez Meyer, Gesch. d. Ali., II (1 893), Busolt, Gr.
Gmh., II (r 8 9 5 ), Beloch, Gr. Gesch., I-II ( r 9 r 2- 1 9 1 3), - 2.2, Amyot
n'avait pas compris le sens de ce passage. Il ne s'agit pas des
« bornes qui faisaient les séparations des héritages » comme il traduit,
mais des écriteaux qui marquaient que ces héritages étaient engagés.
En Grèce, à cette époque, les propriétaires qui avaient engagé
leurs terres ou leurs maisons étaient obligés de mettre des pan
cartes portant l'indication des sommes pour lesquelles ces terres
ou ces maisons étaient engagées. - 2 3 . Aristide (De para
phthegmate ) cite le texte intégral de ce poème de Solon. - 24.
Plut. : « Ceux qui étaient auparavant enflés de j oie et d'espérance,
dit-il, me regardent présentement de travers comme un ennemi.
Cependant tout autre à ma place, et avec aussi peu d'autorité,
n'aurait pu venir à bout du peuple, ni le réduire, qu'il n 'eût ôté
tout le gras lait auparavant, » - 2. 5 , Dracon qui fut le premier des
Grecs qui décréta la peine de mort en cas d'adultère voulut, pour
accentuer la répression du meurtre, qu'on fît le procès aux choses
N O TE S
inanimées qui avaient tué quelqu'un. Une �atue qui était tombée
sur un passant fut condamnée au bannissement perpétuel. - 26.
Plut. : « cinq cents médimnes. » - 27. Plut. : « J 'ai donné au peuple
tout pouvoir qui était ju�e et raisonnable, sans trop augmenter ni
diminuer son autorité. Pour les riches, j 'ai aussi pourvu à leur
sécurité, je les ai mis à couvert de toute insulte, et j 'ai également
armé les deux partis de manière que l'un ne puisse jamais opprimer
l'autre. » - 2 8 . Ce fruit était e�imé par les anciens pour son odeur
et pour ses effets salutaires (cf. Pline, XV, 2 ; XXIII, 6) . - 29.
Dans la tragédie de Sophocle. - 30. La drachme avait six oboles.
On pouvait acheter un mouton pour une drachme. Pour deux
drachmes on avait un médimne de blé. Un bœuf ne valait que cinq
drachmes. - 3 I . Selon Diogène Laërce, Solon diminua les prix
en espèces qu'on décernait aux champions des olympiques, car il
trouvait que c'était une chose honteuse de donner à des athlètes
et à des lutteurs des récompenses plus fortes, qu'il fallait garder
pour ceux qui étaient tués à la guerre et dont il était j u�e de nourrir
et d'élever les enfants. - 3 2 . Cf. Hérodote, V, 66. - 3 3 . Euripide
partage cette opinion, confirmée par une inscription découverte à
Cyziques (Caylus, Recueil d'Antiquités, t. I, pages 207 et suiv.). Stra
bon se prononce dans le sens contraire. - 34. Le droit romain s'e�
inspiré des mêmes principes dans ce domaine. Cf. la loi XIII au
Dige�e, tit. Finium regendorum. - 3 5 . Le terme e� re�é solidement
incru�é. - 3 6 . Id. en tant que sub�antif. Et pourtant dans les
premiers temp'S le nom de paraûte était vénérable et particulière
ment honoré car il signifiait exallement commensal de la table des
sacrifices. - 3 7 . La phrase citée de Cratinos semble suggérer qu'on
se moquait alors des lois de Solon, et qu'on faisait du feu de ses
rouleaux. - 3 8 . C'était un vœu plutôt hyperbolique, pour pouvoir
l'exécuter il fallait posséder une fortune fabuleuse. Les défaillants
devaient être bannis et leurs biens confisqués, ce qui arrivait habi
tuellement dans ce cas. - 39. Otfyssée, XIV, 1 62 . - 40. Plutarque
reproduit ainsi les propos de Solon : « Dans les grands desseins
il e� difficile de plaire à tout le monde. » - 4 1 . Canope s'appelle
aujourd'hui Aboukir. - 42. Platon acheva ce conte en utilisant le
récit de Solon, ainsi qu'il résulte du Timée et du CritiaJ. - 43. Il
s'agit de la ville de Soli, dans l'île de Chypre. Solon invoque Vénus
parce qu'elle était la patronne de cette île. - 44. Cf. sur ce pro
blème l'étude de Fréret dans les Mémoires de i'Acad. des lnscrip.,
V, p. 1 76 et s. - 44 biJ. Plut. : « à changer la tragédie. » Autre
ment dit, apporter des améliorations dans l'art de la mise en scène.
La tragédie exi�ait longtemps avant Thespis mais ce n'était qu'un
chœur de gens qui chantaient ou s'injuriaient. Thespis fut le pre
mier qui fit sortir de la foule un personnage qui, pour laisser à
celle-ci le temps de respirer un peu, récitait une aventure miri
fique arrivée à quelque personnage illu�re. Cf. Horace, la Poétique,
V, 27 5 . - 45 . Plut. : « tu t'es blessé. » - 46. Plut. : « cinquante
hommes portant massues. » - 47. Le dernier vers manque dans
PU BLICOLA I I 97
VIE DE CAMILLE
1 . L' « accident » en question eut lieu en l'an de Rome 3 5 6, lorsque
ce lac, aujourd'hui de Castelgandolfe, s'enfla au-delà de toute
mesure, après avoir accueilli sans doute une quantité inaccoutumée
des eaux venant de la montagne voisine. - 2.. Ces fêtes, instituées
par Tarquin le Superbe, étaient célébrées par tous les peuples latins
qui se rendaient alors sur Je mont d' Albe en apportant chacun
sa portion destinée à contribuer au festin commun. Les Romains
présidaient au sacrifice. On immolait à Jupiter Latialis un tau
reau, après quoi tout le monde se mettait à table. Chacun recevait sa
portion de la bête immolée. Si par hasard quelqu'Wl s'en trouvait
CAMILLE 1 2.0 1
1 . 479 avant J .-C. - 2 . Cf. les Fra?,ments édités par Th. Kock
( 1 8 80) : fr. 42 et 44 ; Berck, De Teledide ( 1 8 3 8 , in Reliquiœ Com.
Ali., p. 3 2 7- 3 3 1 ) , Sauppe, Zum Komiker Telekleides (in Philo/.,
1 863), l\[uhl, Z11r Gesrh. d. alten altùchen Komœdie ( 1 8 8 1 ) . - 3 . Cf.
les I'mg,111enls édités par Gœttling ( 1 8 5 3) ; Raspe, De Eupolidù
Sr,µo,ç ( 1 8 3 2) ; 13ergk, De E11polide ( 1 8 3 8). - 4. Cf. les Fragments
édités par Kock ( 1 8 80) ; Cabet, Observa. critica in Platonù Comici
Reliqui.is ( 1 840) ; Diels, Plato com. ( 1 8 8 8 , in MiUer, mél. 2 1 7) . -
5 . Cc qui suit dt un peu confus chez Amyot. Plutarque dit : « ce
poète Yon qui voudrait que de même qu'une représentation tra
gique, la vertu eût aussi une partie satirique. » On sait qu'une
représentation théâtrale comprenait à cette époque en même temps
qu'une tragédie une pièce où l'élément comique dominait. - 6. Ne
pas confondre avec l'hi!ftorien. (Voir Répertoire.) - 7. Plut. : « beau
frère de Cimon. » - 8. Plut. : « huit mois durant. » - 9. Ils tra
vaillaient sous la direél:ion de Phidias qui fit exécuter toutes les
sculptures qui décorent la frise, les métopes et les frontons, par ses
élèves ou par ses rivaux. Ce temple dédié en 43 8 avant J .-C. fut
con!ftruit en une dizaine d'années et coûta plus de 2 . 000 talents
fournis par les Athéniens et leurs alliés. - 1 0 . C'e!ft-à-dire le dôme
et la coupole. - 1 1 . Elle avait 40 !ftades. Sa largeur permettait à
deux chariots d'y passer de front. Elle embrassait le Pirée et le joi
gnait à la ville. - 1 2 . Le plus ancien odéon d 'Athènes e!ft antérieur
aux théâtres de pierre. Il n'avait pas de toit et servait entre-temps
aux di!ftributions de blé, aux séances d'un tribunal, etc. Périclès bâtit
le premier odéon de pierre. Tl fut brûlé lors de la prise d'Athènes
par Sylla, et Pausanias dit que lorsqu'on le rebâtit, on lui donna
la forme de la tente de Xerxès. Beaucoup d'autres villes grecques
possédaient des odéons. Rome en eut deux. - 1 3 . Les Propylées.
Une étude de re!ftitution faite en 1 845 par Titeux et Chaudet e!ft
conservée à la bibliothèque de !'École des Beaux-Arts. En 1 862 la
ville de Munich a fait élever sous le même nom un portique reliant
la Glyptothèque au palais de !'Exposition des Beaux-Arts. a. Bœhn
Die Propylœen der Akropolù zu Athen (1 8 8 2) et les articles de
W. Dorpfeld in Mittheil11ngen d. d. Infl. Athen. ( 1 8 8 5 ). - 1 4.
Une plante nommée Parthenium. Cf. Pline, XXII, 1 7. - 1 5 . Par
la suite on en fit une déesse spéciale, Hygieia. - 1 6. Il s'agit de
l'A théna Parthénos qui passait pour le chef-d'œuvre de l'arti!fte
(ne pas confondre avec sa formidable A théna Promachos qui se
dressait de toute sa hauteur au sommet de l'Acropole) . Toute en
or et en ivoire l' A théna Parthénos était, contrairement à la Combat
tante ( Promachos ) , pacifique par l'attitude bien que munie d'attributs
guerriers. Cf. Conze, Die Athenaflatue des PhidiOJ im Parthenon. -
1 7. Allusion aux gardes qu'on avait donnés à Pisi!ftrate. - 1 8 .
Plut. : « une puissance et une autorité que n'avaient point les archontes
1 204 NOTES
précipita avec toutes ses troupes sur ce corps qui était campé en
face de lui, et en fit un grand carnage. » - 1 9. A cinq rangs de
rames. - 2.0. Cf. Heiberg, Geometrical Solutions derived from Mecha
nics (trad. angl. 1 909) ; Midolo, Archimede e il suo tempo ( 1 9 1 2) ;
Winter, Der Tod des Archimedes (1 9 24). - 2 1 . Ce pont mobile
était jeté sur la muraille de la _ville attaquée du haut d'une tour
d'attaque qui pouvait s'avancer sur des roues. On trouve des
modèles de sambuques dans Thévenot, Mathematici veteres ( 1 68 1 ) .
A u moyen âge ce mot désignait aussi une selle de femme (Sambue
chez Beaumanoir, Froissart, Eust. Deschamps) . L'ensemble
d'échelles et de cordages passant par-dessus les mâts avait suggéré à
Polybe un rapprochement avec la Sambyce (dont la forme ressemble
à une harpe) . - 22.. Plut. : « du poids de dix talents . » Le talent
pesait soixante livres. Ainsi dix talents faisaient le poids de six
cents livres. - 2 3 . Cf. Polybe, VIII, qui a servi de source à Plu
tarque. - 24. Ce fut la découverte de ce monument qui fit recon
naître à Cicéron le tombeau d'Archimède lorsqu'il alla à Syracuse
pour informer contre Verrès (7 5 avant J .-C., Cf. Tusc. Difp., V,
2 3 , 64). - 2. 5 . Appelée Galiagra. Cf. Cavallari et Holm, Topografia
archeologica di Siracusa ( 1 8 8 3) . - 2.6. Certains traduisent cadrans. -
2.7. Cybèle, Junon et Cérès sont les principales. Il y en avait bien
d'autres. - 2. 8 . 2• Pythique. - 2.9. Fragment de la tragédie de
Lirymnius. - 30. Ovi4. De là ovo (avoir les honneurs de l'ovation),
ovatus (cri de viél:oire). Ne pas oublier que pour appeler quelqu'un
un imbécile les Romains se servaient du même terme. - 3 1 . Plut. :
« onze tribuns militaires. » - 3 2 . XXVII, 2 . - 3 3 . Édits des
préteurs à leur entrée en charge. (Cf. Cicéron, De Off., III, 7 1 ; Sefl.,
LXXXIX ; Verr., I, 1 09). Plutarque qui vivait encore au temps de
l'empereur Adrien a-t-il connu le ediélum perpetuum publié par
celui-ci (1 3 1 après J.-C.) ? - 34. C'était la punition ordinaire
qui signifiait que les lâches devaient être traités non pas en hommes
mais en bêtes. - 3 5 . Plut. : « tribun militaire. » Amyot traduit par
colonel indistinél:ement tribun militaire et chef d'un corps de troupe
en général. On lit chez Pierre Matthieu (1 5 6 3 - 1 6 2. 1 ) : « Le mari e:ft
le chef, le colonel, le roi de sa femme. » - 3 6 . Bibulus fait allusion
aux bains de Capoue. L'usage des bains chauds s'était tellement
généralisé dans toutes les provinces de l'Empire romain qu'il n'e:ft
pas une ruine de leurs villes ou de leurs établissements, où l'on
ne retrouve des traces de bains appartenan t au serv ice public ou
à des particuliers. - 37. Ce prodige serait arrivé non pas à Rome
mais à Capoue et à Cumes. Cf. Cicéron, De Divin., II. - 3 8 . Cette
explication, ajoutée par Amyot, est inexaél:e. Le nom de cc:s Locriens
venait de cc qu'ils habitaient les environs du promontoire Zephy
rium. - 3 9 . Ce qui était j ugé comme de bon augure. Plus les dimen
sions étaient considérables plus le présage devenait favorable. -
40. Plut. : « Ni feu, ni murs d'airain ne peuvent arrêter le cours de
la destinée. » - 4 1 . An de Rome 5 46. - 42. Il voulait s'en servir
pour surprendre la ville de Salapia en écrivant des lettres sous le
A R I S TIDE 12q
1 . Ces vers font partie des fragments d'Euripide qui nous sont
parvenus. Cf. Christ, Griuh. Lit., p. 270.
VIE DE PYRRHUS
r. Cette guerre commença après la mort d'Alexandre le Grand.
Elle prit son nom de Lamia, ville de Thessalie, où Antipater, suc
cesseur d'Alexandre au trône de Macédoine, fut assiégé par les
Athéniens. - z. Cf. Justin, XVII. - 3 . Pline affirme que l 'orteil
de Pyrrhus fut mis dans un reliquaire et conservé dans un temple
(VII, 2). - 4. An 3 0 1 avant J.-C. - 5 . La phalange macédonienne.
- 6. Cf. Plutarque, traité De la flatterie. - 7. Elle n'existe plus que
dans la version latine de Donat Acciaioli. - 8. Euripide, les Phé
niciennes, v. 68. - 9. La réputation des chevaux niséens s'était
maintenue à travers les siècles. C'est cette belle prairie, proche des
Portes Caspiennes, qui fournissait les chevaux pour les écuries des
rois de Perse. Cf. Strabon, XI. - 1 o. Iliade, I, 49 r . - 1 r . Les
Phéniciennes, v . 5 26. - 1 2 . Trente ans avant cet entretien. - 1 3 .
Plut. : « l'infanterie passa à gué e t l a cavalerie partout o ù elle
pouvait. » - 1 4. Plut. : « 300 stades. » - 1 5 . Les Saturnales qui
se célébraient en décembre. - 1 6. Ptolomée Céraunus (le Fou
droyant) avait été fait prisonnier dans une bataille contre les
Gaulois en l'an de Rome 474 et supplicié ensuite. La défaite
dont parle ici Plutarque est celle de son successeur Sosthène,
lorsque les Gaulois firent une nouvelle irruption dans la Macé
doine, l'an de Rome 476, sous le commandement de Brennus. -
1 7 . Cornélius Merenda, consul en l'an de Rome 480. -- 1 8 . Ce nom
d'ltonide est venu à la déesse d'ltonus, fils d'AmphiByon, qui
lui bâtit un temple près de Larisse. - 1 9 . Plut. : « Pyrrhus, roi des
Molosses, consacre à Minerve ltonienne ces boucliers des fiers
Gaulois, après avoir défait l'armée entière d'Antigonus. Et ce
n'est pas merveille qu'il ait remporté une si grande viBoire : les
Éacides sont encore aujourd'hui ce qu'ils étaient autrefois, les plus
vaillants hommes du monde. » - zo. Plut. : « les unes ayant leurs
robes retroussées avec des courroies, et les autres revêtues d'une
simple tunique. » Les jeunes filles lacédémoniennes portaient, en
effet, pour tout vêtement une sorte de chemise ouverte des deux
côtés, ce qui, on le sait, indignait fort l'austère Euripide. - 2 1 .
C e vers parodie l'Iliade (XII, 443) : L e meilleur de tom les présages
efl de prendre les armes et de combattre pour la patrie. - 22. Plut. :
« tombé tout de travers au milieu de la porte et restait étendu en
rugissant effroyablement. » - 2 3 . Le récit de Plutarque doit être
C Al U S M A R I U S 1 22 1
VIE DE CIMON
1 . Ne pas confondre ce Damon avec le musicien Damon dont
il dt queftion dans la Vie de Périclès, ni avec le philosophe de
CIMON
Cimon, et s e tenant serrés les uns contre les autres ils se firent
tous tuer. » - 27. La Fontaine emploie ce terme pour désigner
la femelle d'un chien de chasse. Au xv1• siècle c'était également
le sobriquet des prostituées. - 2 8 . Cf. Corn. Nepos, Cimon, III.
D'après cet auteur Cimon mourut d'une maladie contraél:ée pen
dant le siège. - 29. A CONSULTER : Meyer, Die Biographie Kimons
(in Forsch. zur alten Geseh., II, 1 8 99), Ekker, Plutarchi Cimon (1 843) ;
Rühl, Die QgeUen des Plutarchs im Leben des Kimon (1 867) ; Rich
ter, z,, Plutarchs Kimon (in Jahrb. f. clau. Phil., 1 8 66) ; Rumm
ler, De fontibm et au{/orilale Plularchi in vila Cimonâ ( 1 8 67) .
VIE DE THÉSÉE . . . . . . . . . .
VIE DE ROMULUS . . . . . . . . . 37
COMPARAISON D E THÉSÉE AVEC ROMULUS 79
VIE DE LYCURGUE . . . . . . . . . . 85
VIE DE N u11A POMPILIUS . . . . . . . 1 30
COMPA RAISON DE LYCURGUE AVEC NUMA POMPI-
LIUS . . • . . . 163
VIE DE SOLON . . . . . . . . . . . . . 171
VIE DE PUBLICOLA . • . . . . . . . . • 2I3
COMPARAISON DE SOLON AVEC PUBLICOLA . 240
VIE DE THÉMISTOCLE . 245
VIE DE CAMILLE . . . . 283
VIE DE PÉRICLÈS . . . . 332
VIE DE FABIUS MAXIMUS 3 79
COMPARAISON DE PÉRICLÈS AVEC FABIUS MAXI-
MUS . . . . • . 414
Vrn D'ALCIBIADE . . • . • . . . . . . . 41 8
VIE DE CORIOLAN . . . . • . . . • • . 471
COMPARAISON D 'ALCIBIADE AVEC CORIOLAN p8
VIE DE TIMOLÉON . . . • . . . • . . . 5 24
VIE DE PAUL-ÉMILE . . . . . . . . . • • 5 66
COMPARAISON DE TIMOLÉON AVEC PAUL-ÉMILE . 614
VIE D E PÉLOPIDAS . . . • • . . . • . . . 617
VIE DE MARCELLUS . • . . • . • . . . • • 66 3
COMPARAISON DE PÉLOPIDAS AVEC MARCELLUS . 7 04
VIE D'ARISTIDE . . . . . . . . . 708
VIE DE CATON LE CENSEUR . . • 75 1
COMPARAISON D'ARISTIDE AVEC CATON LE CEN-
SEUR . . • · · · 79 3
VIE DE PHILOPÉMEN • • . • • • • • 801
T A B L E D E S M A TI È R E S
VIE D E T . Q . FLAMINIUS . . 83 1
COMPARAISON DE PHILOPÉMEN AVEC T . Q. FLA-
MINIUS . . . . . . • 862
VIE DE PYRRHUS • . • 865
VIE DE CAÏUS MARIUS 916
VIE DE LYSANDRE • • 9 77
VIE DE SYLLA . 1017
COMPARAISON DE LYSANDRE AVEC SYLLA 1 0 70
VIE DE ÜMON . • . . . . 1 0 76
VIE DE LUCULLUS I I 06
COMPARAISON DE CIMON AVEC LUCULLUS l 1 74
NO TES :