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Methodos

Savoirs et textes 
19 | 2019
Dire et vouloir dire dans les arts du langage anciens et
tardo-antiques

Microhistoire et casuistique historique : autour de


la méthode de Carlo Ginzburg
Présentation
Microhistory and historical casuistry: about Carlo Ginzburg's method

Laurent Cesalli

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/methodos/5771
DOI : 10.4000/methodos.5771
ISSN : 1769-7379

Éditeur
Savoirs textes langage - UMR 8163

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Référence électronique
Laurent Cesalli, « Microhistoire et casuistique historique : autour de la méthode de Carlo Ginzburg »,
Methodos [En ligne], 19 | 2019, mis en ligne le 29 janvier 2019, consulté le 19 mars 2020. URL : http://
journals.openedition.org/methodos/5771  ; DOI : https://doi.org/10.4000/methodos.5771

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Microhistoire et casuistique historique : autour de la méthode de Carlo Ginzburg 1

Microhistoire et casuistique
historique : autour de la méthode de
Carlo Ginzburg
Présentation
Microhistory and historical casuistry: about Carlo Ginzburg's method

Laurent Cesalli

1 Le dossier de textes que l’on présente ici offre une structure assez inhabituelle. Deux
textes de Carlo Ginzburg fournissent la matière première de ce dossier, mais seul l’un de
ces deux textes, « Anomalies conjonctives. Une réflexion sur les loups garous », est ici
donné (il est pour la première fois traduit en français, traduction due à Martin Rueff). Le
second texte, issu d’une conférence donnée à Genève en 2016, a en effet déjà été publié en
français, dans une version librement accessible en ligne ; il n’était donc pas pertinent de
le publier à nouveau dans Methodos ; il s’agit de l’article « Ethnophilologie : deux études de
cas », publié dans Socio-anthropologie 36 (2017)1.
2 Le présent dossier est constitué du premier texte de Carlo Ginzburg, auquel font suite
trois contributions, dues respectivement à Martin Rueff, Irène Rosier-Catach et Denis
Thouard. Chacune offre à sa manière une réflexion portant sur le projet intellectuel et la
méthode qui animent l’œuvre de Ginzburg. « Anomalies conjonctives » et
« Ethnophilologie » sont en effet des illustrations éloquentes de la manière dont la
« microhistoire » et la « casuistique historique » peuvent conduire celles et ceux qui la
pratiquent à dégager, en s’appuyant sur des cas bien déterminés et apparemment
anecdotiques, des perspectives ou des clés de lecture d’une portée paradoxalement très
générale.
3 Dans « Anomalies conjonctives », Carlo Ginzburg offre une illustration spectaculaire de ce
que peut la microhistoire, et du type de résultats que l’on est en droit d’en attendre. Un
cas – ou plutôt un couple de cas – sont mis sous la loupe. Les benandanti du Frioul des XVI e
et XVIIe siècles d’un côté ; un (possible) loup garou letton (« le vieux Thiess ») de la fin du
XVIIe siècle, de l’autre. Cette étude « casuistique » conduit le lecteur à réfléchir sur les

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Microhistoire et casuistique historique : autour de la méthode de Carlo Ginzburg 2

rapports entre « morphologie et histoire », sur la possibilité de démontrer la transmission


de formes culturelles (ou plus exactement, de traits constitutifs de formes culturelles – en
l’occurrence, le fait de « naître coiffé », commun aux benandanti, aux loups-garous, lettons
ou viennois) en l’absence de preuves directes de filiation. En recombinant de manière
ingénieuse des idées et exemples empruntés à Galton (photographie) et Maas
(codicologie), Ginzburg défend l’idée que, de même qu’une erreur commune à deux
témoins manuscrits peut servir à « prouver » l’existence d’une source tierce s’il est
hautement improbable que les deux témoins aient pu commettre « spontanément » cette même
erreur, de même le trait de la « naissance coiffée » légitime la comparaison des cas italiens
et lettons. Ce trait est une anomalie conjonctive, elle jette un pont par-dessus l’absence de
preuves documentaires.
4 Dans sa « Note analytique », laquelle, en dépit de son titre, relève davantage de l’essai que
de la note, Martin Rueff présente de façon lumineuse et autour d’un résumé de l’article
« Ethnophilologie », le projet intellectuel et les démarches de Ginzburg : la microhistoire,
la casuistique historique et l’art d’en dériver des perspectives ou des clés de lecture d’une
portée très générale, la question de la traduction et de la translittération, la question des
cas, de l’exemplarité et du paradigme, etc. Il met en lumière l’importance décisive de la
« part des voix », la recherche par Ginzburg de la voix des dominés recouverte par celle
des dominants, l’entente des « voix de l’autre ». Pour faire droit à la part des voix,
l’historien doit apprendre à lire entre les lignes. Cette « Note analytique » est en réalité
une très précise et utile présentation synthétique de la (ou des) méthode(s) mises en
œuvre par Carlo Ginzburg, ainsi que des thèses principales qu’il défend.
5 Dans « L’historien, les mots, les traductions », Irène Rosier-Catach discute la critique par
Ginzbug de la démarche du Vocabulaire européen des philosophies (2004), dirigé par Barbara
Cassin. Ginzburg perçoit l’entreprise comme marquée du sceau du relativisme, et donc du
scepticisme. La thèse d’Irène Rosier-Catach consiste au contraire à insister sur le fait que
le foisonnement des traductions et la dissolution du rêve de l’univocité ne conduisent pas
à une forme de relativisme, mais à quelque chose qui est profondément en accord avec les
valeurs défendues par Ginzburg lui-même dans l’ensemble de son œuvre : le refus de tout
ethno-, ou pire encore, de tout européocentrisme.
6 Dans « Réflexions sur le principe d’asymétrie. L’ethnophilologie selon Carlo Ginzburg »,
Denis Thouard part du caractère « hybride » de ce que désigne le composé savant
« ethnophilologie ». Il met le doigt sur le « principe d’asymétrie », au cœur de l’approche
de Carlo Ginzburg. L’asymétrie est celle de la comparaison. « Comparer » ne veut pas dire
mettre en regard des produits intellectuels finis (des hypothèses, par exemple), mais
explorer le terrain des faits singuliers pour en dégager quelque ligne de force éclairante
du point de vue historique, culturel et politique. C’est une comparaison sans tertium
comparationis, ou plus exactement, une comparaison dont le troisième terme est le lecteur
lui-même, ainsi mis sur la voie.
7 On l’a dit en ouverture de cette présentation, la longue « Note analytique » de Martin
Rueff, ainsi que les deux commentaires, plus brefs, d’Irène Rosier-Catach et de Denis
Thouard, portent principalement sur un texte (« Ethnophilologie : deux études de
cas ») qui ne fait pas partie du dossier ici présenté. Cette structure pour le moins
inhabituelle pourrait sembler donner au dossier un caractère composite, voire
hétéroclite. Il n’en est rien. Comme s’en convaincront facilement les lecteurs, le présent
dossier porte sur la démarche méthodologique de Carlo Ginzburg dans son ensemble,
laquelle se trouve illustrée, à la manière de variations sur un thème unique, aussi bien

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dans de très nombreux textes de Carlo Ginzburg. En ce sens, le présent dossier s’inscrit
harmonieusement dans la ligne « Savoirs et textes », qui est celle de Methodos.

NOTES
1. https://journals.openedition.org/socio-anthropologie/3174.

INDEX
Mots-clés : casuistique, microhistoire, anomalies conjonctives, Ginzburg Carlo

AUTEUR
LAURENT CESALLI
Université de Genève

Methodos, 19 | 2019

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