Rep 017 0073

Psychanalyse freudienne et épistémologie
Disputes politiques
Monah Winograd, Marcia Davidovich
Dans Recherches en psychanalyse 2014/1 (n° 17), pages 73 à 88
Éditions Association Recherches en psychanalyse
ISSN 1965-0213
DOI 10.3917/rep.017.0073
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Recherches en Psychanalyse – Research in Psychoanalysis 17│2014
17│2014 – Varia 2014

Miscellanea 2014
Psychanalyse freudienne et épistémologie

Disputes politiques
Freudian Psychoanalysis and Epistemology
Political Disputes
Monah Winograd
Marcia Davidovich
Résumé :
Cet article problématise la prise de position de Freud concernant la perspective de la psychanalyse en
tant que science naturelle, ainsi que les discussions épistémologiques ultérieures. Après la distinction
entre sciences de l’esprit et sciences de la nature, il s’agira d’évaluer ce qui pourrait être une
épistémologie freudienne. Puis seront présentés quelques débats au sujet de la scientificité de la
psychanalyse, et notre conclusion esquissera une proposition qui articule cette discussion à quelques
idées de Latour.
Abstract:
This article problematizes the position that Freud took with respect to the perspective of psychoanalysis
as a natural science, as well as the later epistemological discussions. Following the distinction between

sciences of the mind and sciences of nature, we evaluate what a Freudian epistemology might be. Then,
we present some debates on the subject of the scientificity of psychoanalysis, and our conclusion
sketches out a proposition that articulates this discussion to some of B. Latour’s ideas.
Mots-clefs : science, psychanalyse, épistémologie

Keywords: science, psychoanalysis, epistemology
Plan :
Pour une épistémologie freudienne ?
La psychanalyse est-elle une science ?
Considérations finales
Freud envisageait la psychanalyse comme une des méthodes renvoie à une période où le champ
science de la nature, ce qui ne fait sens que si épistémique se trouvait en pleine révolution
l’on tient compte de la distinction entre sciences grâce à l’assomption des sciences de l’esprit.
de la nature (Naturwissenschaften) et sciences L’irruption d’un savoir revendiquant un objet et
de l’esprit (Geisteswissenschaften), dans le une méthode propres impliqua une véritable
monde germanique de la fin du XIXe siècle, scission épistémologique dans la communauté
profondément marqué par ladite querelle des scientifique, ce qui résulta surtout en la
méthodes. Ayant eu lieu en Allemagne à la fin production d’un nouveau couple fondateur : les
du XIXe siècle et début du XXe siècle, la querelle Naturwissenschaften et les Geisteswissenschaften.
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Journal of Psychoanalytic Studies.
Hosted by the Department of Psychoanalytic Studies, Paris Diderot at Sorbonne Paris Cité University.
La thèse capitale selon laquelle la psychanalyse l’Histoire et l’Économie ont affaire à des réalités
serait une Naturwissenschaft doit être ainsi culturelles, distinctes du point de vue qualitatif
confrontée à la connotation que ces termes de celles des corps physiques ou des organismes
suggèrent dans le contexte et face aux défis de vivants, objets de l’Astronomie, la Chimie et la
l’époque. Dans les textes freudiens, il est même Biologie. Ainsi, s’il y a une différence ontolo-
rare de rencontrer le terme Geisteswissenschaften gique entre l’humain et le naturel, pour la
puisque, selon l’auteur, la psychanalyse serait respecter, il faut des méthodes diverses dans
sans aucun doute une Naturwissenschaft. l’étude de chacune de ces régions du réel
Comme le souligne Assoun (1981), Freud en (Mezan, 2007).
effet ignorait la querelle des méthodes : pour En ce qui concerne les êtres naturels, ce qu’on
lui, une science était nécessairement une apprend sur un individu donné est valable pour
Naturwissenschaft. Par conséquent, pour bien toute la classe des êtres à laquelle il appartient.
assimiler les raisons qui incitaient Freud à situer Ce qui importe n’est pas la singularité du
la psychanalyse parmi les sciences, il faut spécimen, mais ce qui, en lui, existe d’universel.
comprendre ce que signifiait cette opposition Et, pour subsumer le particulier dans l’universel,
dans le contexte allemand de l’époque. Il est on utilise des procédés inductifs et l’on formule
important de signaler que, de nos jours, le des lois à partir desquelles il soit possible de
partage des domaines du savoir n’est plus le déduire ensuite d’autres propriétés vérifiables
même, ce qui rend possible de placer la par l’observation et l’expérience. On remarquera
psychanalyse, comme le fait Mezan (2007), dans que cette démarche est tout à fait inhérente au
le champ des sciences humaines à côté de travail de Freud dans la construction de sa
disciplines comme l’Histoire, l’Ethnologie, etc. discipline (Mezan, 2007). Par ailleurs, dans le
C’est Dilthey (1883), dans son Introduction aux domaine de l’humain, celui des sciences de
Sciences de l’Esprit, qui systématisa l’opposition l’esprit, les procédés cités plus haut ne sont pas
entre les deux types de science, en légitimant la pertinents car chaque objet présente des
science de l’esprit à travers la méthode hermé- singularités irréductibles à une classe ou à un

neutique. Cette méthode consistait à interpréter universel. Les civilisations, leurs rituels, leurs
les réalités sur lesquelles elle était appliquée, croyances et valeurs, les œuvres d’art, les
éclairant ainsi leurs significations. Pour atteindre normes religieuses, etc. sont autant d’exemples
une compréhension suffisamment claire, dans d’objets de ce type. La connaissance et
un premier temps, le sens d’une réalité était l’investigation de tels objets renvoient non pas à
comparé avec d’autres facettes d’un même leur classement dans des catégories universelles
système culturel. Ensuite, on cherchait des diffé- mais à leur compréhension, ce qui équivaut à
rences par rapport à des réalités équivalentes saisir leur sens et en révéler la signification
en des systèmes culturels différents, pour avoir (Mezan, 2007) – démarche très proche aussi du
ainsi une compréhension de l’homme plus éten- procédé psychanalytique. Mais pourquoi donc
due, donc scientifique. Rappelons que Freud ne Freud affirmait-il que la psychanalyse était une
concevait pas la psychanalyse comme une science naturelle ?
discipline s’insérant en une telle définition. Dans le texte Autoprésentation, Freud (1925)
Bref, la distinction entre les deux classes de écrit :
science peut être comprise de la façon suivante : J’ai déjà entendu dire plusieurs fois avec
face au savoir, il y aurait à la base deux types mépris qu’il est impossible d’accepter sérieu-
d’objets, les objets naturels, existant sans que sement une science dont les concepts plus
l’homme prenne part à leur avènement, et ceux généraux manquent d’exactitude, comme
en psychanalyse ceux de libido et d’instinct
historiques ou culturels, c’est-à-dire tout ce qui (pulsion). Mais cette censure s’appuie sur
résulte de la vie en société et caractérise une conception totalement erronée des
l’existence humaine. Des disciplines comme faits. Des concepts de base clairs et des
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définitions rigoureusement dessinées ne celui du scientifique, allant jusqu’à déclarer leur

sont possibles, dans les sciences mentales, ressemblance comme une identité : l’analyste
que si ces définitions cherchent à ajuster
une terrain de faits dans le cadre d’un
est un scientifique. De là procède son affir-
système logique […]. Parmi les sciences natu- mation selon laquelle le progrès du travail
relles, dont la […] (psychanalyse) fait partie, scientifique est le même que celui qui a lieu lors
de tels concepts généraux et nets sont d’une analyse. Au départ, l’analyste serait plein
superflus, en réalité impossibles. La zoologie d’expectatives qui doivent être écartées, il doit
et la botanique n’ont pas commencé par
des définitions correctes et suffisantes d’un
renoncer à des convictions précoces pour ne pas
animal ou d’une plante ; jusqu’à présent la être conduit à négliger des facteurs inattendus.
biologie a été incapable de donner un Pendant le processus analytique, il n’est pas
signifié précis au concept de la vie. En rare que surgissent des éléments nouveaux ou
vérité, la physique elle-même n’aurait imprévus, d’où les difficultés à monter les
jamais fait de progrès si elle avait eu à
attendre que ses concepts de matière,
pièces. Des conjonctures et des hypothèses sont
force, gravitation entre autres aient atteint alors créées (et abandonnées lorsque non
le degré requis de clarté et de précision. confirmées), alors qu’en toute occasion il faut
(p. 73) beaucoup de patience et de sagacité pour qu’à
Par conséquent, Freud affirmait que, dans les la fin, les efforts soient récompensés par le
sciences de la nature, les représentations de montage des éléments dispersés et par la
base (Grundvorstellungen) ou les concepts gé- production d’un insight sur toute une partie des
néraux manquent de netteté. Seule l’analyse processus psychiques.
ultérieure du matériel recueilli dans l’obser- Il importe de souligner que ce à quoi Freud
vation et les expériences conférera quelque renvoyait dans son autobiographie (1925) comme
précision à ces Grundvorstellungen. Et ce à la appartenant aux Geisteswissenschaften corres-
différence donc des sciences de l’esprit qui ont pondait à ce que, dans la Conférence 35 (1932),
affaire au domaine des faits dans le cadre d’une il nomma Weltanschauung (vision du monde),
construction intellectuelle systématique. Or, la c’est-à-dire une construction dans laquelle les faits

psychanalyse étant fondée sur la clinique et devaient être inclus dans les positions qui leur
donc sur l’observation, il ne lui reste qu’à correspondent, quand bien même il y ait en eux
élaborer ses résultats tels qu’ils se présentent – des éléments qui résistent à une telle opération.
c’est-à-dire nécessairement fragmentés – et à Cela revient à dire que l’a priori prévaut sur
résoudre les problèmes pas à pas. Freud (1925) l’observation, le désir de complétude sur la
prétendait que la psychanalyse n’était rien tolérance face au non savoir, l’arrogance sur
d’autre qu’une Ergebnisse herauszuarbeiten, c’est- l’humilité devant les faits – observation, non
à-dire littéralement l’élaboration de résultats, savoir et humilité caractérisant l’esprit scientifique
dont on extrait des hypothèses (herausen). En (Mezan, 2007). Il n’est pas surprenant que le
ce sens, Freud soulignait que les hypothèses métapsychologue ait fui la compagnie des
étaient virtuellement contenues dans les philosophes de l’esprit, leur préférant les
résultats, mais il suggérait aussi la mise en scientifiques de la nature : Freud considérait
valeur de la capacité d’imagination du scien- qu’une Weltanschauung correspondait à une
tifique lui permettant d’arbeiten (travailler) ces attitude anti-investigatrice caractéristique du
résultats pour en extraire des concepts et des psychisme infantile (omnipuissance de la
hypothèses. On trouvera ici une parenté entre pensée) et responsable de l’avènement des
cette méthode freudienne et le mode selon religions qui visent à minimiser le sentiment de
lequel Darwin a construit son argument dans détresse par la supposition que des êtres
L’origine des espèces. supérieurs veillent sur nous. C’est-à-dire que,
Dans l’un des passages de la Conférence 35, pour Freud, aussi bien la religion, que les construc-
Freud (1932) compare le travail de l’analyste à tions intellectuelles systématiques – soient elles
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Geisteswissenschaften ou Weltanschauung – pluralité et à la plasticité des tendances

seraient du même côté de la frontière, tandis érotiques infantiles (qui peuvent à la rigueur se
qu’à l’opposé se situeraient la science et donc la prolonger tout au long de la vie).
psychanalyse. De toute façon, lorsque Freud considéra la
Il est possible encore de comprendre que Freud psychanalyse parmi les sciences de la nature, le
ait refusé de concevoir la psychanalyse en tant modèle de Naturwissenschaft était sans cesse
qu’une Geistwissenschaft du fait que les sciences celui de la Physique, ayant été constamment
de l’esprit sont imprégnées de jugements de présent dans le discours freudien manifeste : il
valeur. Il suffit de rappeler l’importance attri- en découle l’idée de forces psychiques, aussi
buée à la neutralité, autrement dit, au refus de bien que l’emploi constant de la notion de
proférer des jugements moraux sur les désirs et mécanisme et des innombrables métaphores
les fantasmes du patient. Une explication à la mécaniques, hydrauliques et électriques qui
manière des Naturwissenschaften dispense des traversent sa description des processus
jugements moraux : des fantasmes meurtriers, psychiques. En cela, Freud ne se distingue pas
comme ceux qui apparaissent dans l’analyse de de ses contemporains : immense était le
l’Homme aux Rats sont étudiés avec la même prestige de cette discipline dont les progrès
exemption que n’importe quels autres et sont spectaculaires semblaient confirmer à chaque
associés à des causes considérées seulement du nouveau défi la véracité de la doctrine
point de vue de leur efficacité pour produire de newtonienne. Néanmoins, si la Physique
tels effets (Mezan, 2007). Cela est spécialement apparaît dans le discours freudien manifeste, on
visible lorsque Freud se penche sur des thèmes a peu exploité la présence latente du style
traités par les Geisteswissenschaften, comme darwinien de faire de la science – divergeant du
dans Totem et Tabou : dans cet ouvrage n’appa- modèle newtonien par différents aspects
raît aucune trace de jugements dépréciatifs, si importants, étant donné que l’évolution par
courants à l’époque, concernant l’infériorité sélection naturelle ne peut être prouvée à la
intellectuelle ou morale des peuples primitifs. À manière d’une hypothèse en Physique ou en

l’opposé, l’argumentation est soutenue précisé- Chimie. Ainsi, les stratégies argumentatives de
ment par les ressemblances entre la vie psychique Darwin et de Freud pour défendre leurs théories
des sauvages et celle des névrosés, aussi bien se ressemblaient puisque tous deux rencontraient
que des enfants occidentaux. On a peu le même problème : l’impossibilité de prouver
remarqué cette position – franchement progres- au moyen d’évidences immédiates et
siste – face aux préjugés de son époque, qui conclusives la véracité des inférences qu’ils
refuse toute forme de racisme et affirme l’unité retiraient des données. Dans le cas de Darwin,
du genre humain. Cela est également valable cette impossibilité provient du fait que son
pour la position freudienne face à l’homo- hypothèse exige des intervalles de temps bien
sexualité : lorsqu’il considère celle-ci comme supérieurs à la durée d’une vie humaine, ainsi
résultat de la fixation à des stades prégénitaux que du caractère infinitésimal des variations
du développement, il la retire du catalogue des adaptatives et de l’échelle monumentale de
crimes (comme lorsqu’elle était indexée dans le temps exigé pour qu’elles se sédimentent.
Code Pénal allemand) la situant dans le terrain Quant à la psychanalyse, l’impos-sibilité de
des possibilités ouvertes à la pulsion sexuelle. Il prouver des hypothèses à partir d’évidences
est bien vrai qu’elle est incluse parmi les immédiates et conclusives découle du fait que
perversions, mais ce terme n’est pas connoté de l’explication causale fait appel à des facteurs qui
perversité : il s’agit uniquement du caractère ne peuvent qu’être supposés et non strictement
infantile de la vie sexuelle et c’est pour cette démontrés (qu’il s’agisse de l’action actuelle des
raison que Freud peut parler de l’enfant comme motivations inconscientes, ou de
d’un pervers polymorphe faisant référence à la développements passés résultant dans le cadre
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psychique en cause). Par conséquent, ce qui reconnaître la psychanalyse dans l’Olympe des
produit la conviction de la véracité de quelque Sciences, les mauvaises formulations en
chose c’est la consistance intérieure de l’argu- psychanalyse découleraient du fait même d’un
ment ajouté à la simplicité et à la plausibilité de éloignement par rapport à l’empirie. Pour cette
l’hypothèse centrale (action de la sélection raison, il insistait pour que les scientifiques ne
naturelle chez Darwin, existence et efficacité de considèrent pas l’ensemble des concepts psy-
l’inconscient dynamique chez Freud) et encore à chanalytiques comme un système spéculatif : il
l’immense pouvoir explicatif de la théorie prise s’agissait de les convaincre qu’à l’opposé, la
en son ensemble. S’il en est ainsi, Darwin était psychanalyse dérivait de l’empirie, soit comme
beaucoup plus présent chez Freud que ne étant une expression directe de l’observation,
laissent supposer les treize seules références soit en fonction d’un processus fiable où les
explicites en son œuvre : c’est leur compré- hypothèses sont investiguées et testées exhaus-
hension du mode de faire de la science qui les tivement. D’après lui, si ce travail exhaustif était
rapproche (Mezan, 2007). exécuté d’une manière adéquate et fondée, il
Dans Pour introduire le narcissisme (1914), Freud aboutirait à des progrès. D’un autre côté,
marqua sa position en tant qu’empiriste et nia la lorsqu’il cherchait à légitimer la science des
présence du facteur spéculatif en sa méthode rêves dont l’interprétation est la méthode
d’investigation, même s’il l’a reconnue ouverte- appropriée pour la production d’un savoir,
ment dans divers passages : « Sans un spéculaire Freud assumait que la science qu’il avait créée
et une théorisation métapsychologique – je fus ne pouvait se soumettre au dogme scientificiste,
sur le point de dire : fantasmer – on ne fait bien qu’il l’eût considérée lui-même comme une
aucun pas en avant », écrit-il. C’est pour cela Naturwissenschaft. Malgré sa croyance dans le
qu’il se réfère à la métapsychologie comme la caractère scientifique de la psychanalyse, Freud
sorcière (Freud, 1937) : c’est elle, par des a reconnu, dans un article de 1913, que son
moyens parfois obscurs et par les chemins de ouvrage inaugural, L’Interprétation des rêves
l’imagination, qui permet le pas en avant vers la (1900) a couronné le premier conflit de la

création, nous éloignant de l’idiotie du donné psychanalyse face au scientificisme, scellant le
tout en empêchant le formalisme théorique de destin de la première.
nous paralyser. Cependant, le fait est, qu’en Freud déclarait que les rêves étaient des actes
1914, en raison des changements apportés à la psychiques porteurs de sens, malgré leur
théorie de la libido, il fait la distinction entre étrangeté, leur incohérence et leur absurdité
une science érigée à partir de l’interprétation apparentes :
empirique et une théorie spéculative : alors que
J'ai été amené à constater qu'il s'agissait
celle-ci est privilégiée car elle présente un une fois de plus d'un de ces cas, assez
fondement irréfutable du point de vue de la fréquents, où la vieille et tenace croyance
logique, dans le cas de l’interprétation populaire serrait la vérité de plus près que
empirique, les concepts de départ ne sont pas le nos doctrines actuelles. Je prétends que le
fondement sur lequel l’ensemble reposerait. Ce rêve a une signification et qu'il existe une
méthode scientifique pour l'interpréter.
fondement est l’observation. On part de (Freud, 1900, p. 93).
concepts nébuleux qui seront tracés plus
clairement – ou substitués – au cours de l’inves- L’interprétation, en psychanalyse, n’est pas la
tigation. De même pour la Physique : des même chose que l’herméneutique (Grünbaum,
notions de base comme celles de matière, 1984) – méthode interprétative utilisée dans les
centres de force, attraction, etc., sont presque sciences de l’esprit. L’interprétation psychanaly-
aussi contestables que certaines notions tique est orientée par le principe du déterminisme
psychanalytiques que l’on accuse également de présent aussi dans les Naturwissenschaften.
l’être. Pour Freud (1916-1917) soucieux de faire Autrement dit, la Deutung (interprétation) vise à
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rencontrer la Bedeutung (signification) d’un littéraire parviendrait d’une libération de

événement psychique sans que cette opération tension dans le psychisme. Peut-être même
soit du type herméneutique. Il ne s’agit pas qu’une grande partie de cet effet soit dû à la
d’attribuer le sens d’un rêve ou d’un acte possibilité que l’écrivain offre au lecteur d’avoir
manqué à quelque chose qui en soi s’exprime du plaisir avec ses propres rêveries, ce qui
comme équivalant à un principe saisissable à conduirait la lecture au seuil même de
travers ses manifestations. Dans le cas de la l’investigation psychanalytique des processus
Deutung, interpréter c’est construire un sens, inconscients (Freud, 1908).
expliquer. Enfin, nous observerons quelques caracté-
C’est pour cette raison qu’il ne faut pas négliger ristiques importantes dévoilées par le projet
la corrélation proposée par Freud entre sa mené à terme par Freud. La première renvoie au
science des processus psychiques inconscients fait que le discours freudien a prétendu
et l’approche des manifestations culturelles. Si englober quelque chose qui va du psychisme
d’un côté il reconnaissait en son épistémologie individuel aux organisations sociales, des
le lien entre la psychanalyse et la recherche aspects quantitatifs et psychodynamiques à
biologique, de l’autre, il trouvait dans les ceux qualitatifs et subjectifs. Pour cette raison,
créations culturelles un écho pour la confir- quoique Freud ait déclaré qu’il n’y avait de
mation de ses hypothèses. C’est dire que Freud science que naturelle, sa conception de la
opérait exactement de la même façon lorsqu’il science s’est modifiée au long de son parcours
abordait des questions historiques ou culturelles d’investigation : interpréter est devenu syno-
(rappelons qu’une bonne partie de ce qu’il a nyme d’expliquer et les sens (motivations,
écrit concerne la religion, la vie sociale, les raisons) ont été considérés comme cause
œuvres d’art, le théâtre et la littérature de (Simanke, 2009). De ce fait, le concept de nature
fiction). Chacun de ces objets était considéré présupposé par le naturalisme freudien n’a pas
comme étant produits par des causes été suffisamment exploité. La nature, pour le
percevables : par exemple, la religion comme métapsychologue, semble renvoyer à l’idée de

une réponse à la détresse infantile, les normes processus et d’histoire, plutôt qu’à celle de
morales comme conséquence du meurtre du mécanisme – dans une conception proche peut-
père primitif, les œuvres d’art comme fruit de la être de celle de Whitehead. De sorte que le
sublimation, et ainsi de suite. rapprochement entre Darwin et Freud
En ce qui concerne spécialement la littérature, probablement est plus profond que l’on ne
Freud (1908) pensait que les « écrivains l’imagine habituellement.
créatifs », dénués de toute intention scienti-
fique, présentaient des théories valables sur la Pour une épistémologie freudienne ?
vie humaine. Freud s’étonnait de la coïncidence
entre les trouvailles de la science empirique et Nous devons au départ suspecter toute tenta-
l’appréhension des processus psychiques véhi- tive voulant promouvoir une étude de l’édifice
culée par les œuvres littéraires, les considérant théorique freudien à partir d’une appréhension
ainsi comme des alliées précieuses dont le de la psychanalyse en des schémas épisté-
témoignage devait être pris très au sérieux. Le mologiques trop établis et restrictifs au
grand intérêt que provoque la littérature chez préalable. Assoun (1981) suggère également de
les humains adviendrait justement du fait que problématiser, avec un soupçon d’illégitimité le
les romans sont capables d’exposer, quoique de croisement entre le terme épistémologie et le
façon voilée, les aspects inconscients de la vie nom de Freud. Autrement dit, il s’agirait de
psychique. En ce sens, tout le plaisir esthétique proposer en ce projet quelque chose qui
qu’un écrivain créatif apporte, la vraie pourrait mener à un certain freudisme
satisfaction qu’on ressent à lire une œuvre théoriciste avec tous ses risques et ses limites.
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Néanmoins, il faut reconnaître que c’est Freud problème mais comme détermination. Bien que
lui-même qui, dans une certaine mesure, a l’inventeur de la psychanalyse eût dépassé les
revendiqué l’établissement de ce type d’inves- modèles épistémologiques de son temps
tigation. En effet, le métapsychologue élabora lorsqu’il introduisit un nouvel objet dans le
un discours épistémologique sui generis ayant champ des sciences naturelles, son naturalisme
formulé à des moments clés une espèce de aurait été en fait une restriction reléguant à un
plateforme épistémologique en même temps deuxième plan la dimension proprement
extraordinairement explicite et excessivement existentielle de l’homme.
concise. Cela peut être observé dans le manifeste En France, tout un courant philosophique
épistémologique (Mezan, 2007) contenu dans aborda la question de l’identité phénoméno-
les premiers paragraphes du texte Les Pulsions logique freudienne. Par exemple, Jean Hyppolite
et leurs vicissitudes (Freud, 1914). (1955) assumait son ambivalence par rapport à
Une des premières tentatives pour établir une l’œuvre freudienne : en même temps qu’il
épistémologique freudienne fut entreprise par nourrissait le sentiment d’une découverte
Maria Dorer en Allemagne, en 1932. Cherchant perpétuelle, d’un travail en profondeur qui ne
les origines historiques du freudisme, Dorer pouvait s’empêcher de remettre en question ses
(1932) a montré la filiation de la psychanalyse à propres résultats pour ouvrir de nouvelles
la psychologie issue d’Herbart1 – elle nommait perspectives, il éprouvait également le senti-
cela l’herbartisme de Freud – que celui-ci avait ment d’une déception. Pour lui, quoique dans
connu par l’intermédiaire de ces maîtres l’œuvre de Freud on trouvât le caractère de
viennois, principalement Meynert. Dorer (1932) recherche et de découverte, cet aspect con-
conclut que la psychanalyse serait une forme de trastait avec le langage positiviste issu de la
matérialisme ingénu, c’est-à-dire le prolonge- méthodologie des Naturwissenschaften. L’on ne
ment d’une théorie antérieure, matérialiste et pouvait ainsi sauver la précieuse contribution de
naturaliste, complètement inadéquate à l’étude Freud qu’en la retraduisant dans le langage struc-
de l’objet humain. Dans ce sens, Dorer (1932) turé de la Phénoménologie, grâce au supplément

exagéra l’influence des modèles scientifiques apporté par une psychanalyse existentielle : il
herbartiens dans les formulations théoriques, fallait civiliser son langage grossièrement
quant à la pratique de Freud, cherchant dans positiviste (Assoun, 1981).
l’histoire un alibi pour ne pas avoir à apprécier Présentées ici brièvement, ces analyses peuvent
les nouveautés que Freud engendrait. être considérées selon les termes de disputes
Un mouvement similaire, mais en direction politiques dans le terrain des sciences :
opposée, peut être observé dans les appré- psychanalyse freudienne X psychanalyse phéno-
ciations que Ludwig Binswanger (1936) proposa ménologique. La première, contaminée par le
sur le freudisme. Tenant compte de la soi-disant positivisme des sciences naturelles, et la
opposition entre sciences naturelles et sciences seconde, purifiée, renouvelée, bref, supérieure !
de l’esprit, Binswanger (1936) affirmait que le Il nous semble que dans l’épisode Hyppolite,
mode de connaissance dérivé des sciences nous pouvons appréhender non seulement une
naturelles – qu’il identifie au freudisme – serait partie importante des débats autour de
absolument inapproprié à l’étude de la réalité l’épistémologie de la psychanalyse, mais aussi la
humaine, proposant l’alternative d’une approche dispute incessante et les jeux de pouvoir
phénoménologique. Toutefois, Binswanger (1936) observés dans le domaine des sciences en vue
reconnaissait que Freud ne pouvait échapper de la détention du savoir par un groupe donné
aux déterminations historico-épistémologiques et non par tel autre. Qui va s’emparer de la
qui lui avaient fait concevoir la psychanalyse théorie freudienne ? Les médecins, fils des
comme une Naturwissenschaft, de sorte que sciences naturelles, ou les philosophes, héritiers
l’épistémologie ne se poserait pas en tant que des sciences de l’esprit. Cela nous renvoie à la
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hiérarchisation des modèles en jeu. Autrement celle-ci fut prise en flagrant délit de handicap
dit : il semble ici qu’un certain présupposé épistémique. Les discussions conduites par Ernst
théorique ainsi que la méthodologie qui en Nagel (1959) se résument essentiellement à la
découle furent considérés plus valides qu’un critique des prétentions de scientificité de la
autre présupposé. psychanalyse dont les résultats ne pourraient
Ne s’agirait-il pas exactement du même enjeu être vérifiés. Il dénonça alors une soi-disant
lorsque les neurosciences, en fonction de leur misère épistémologique de la psychanalyse :
innocence et de leur pauvreté épistémologique, non seulement elle ne posséderait pas les
se présentent comme étant le salut de la moyens objectifs de validation empirique,
psychanalyse ? Ce qui, avant, se présentait comme comme elle ne serait pas capable de constituer
sciences de l’esprit essayant de sauver la des processus de vérification acceptables pour
psychanalyse, de nos jours, correspondrait à ce une science naturelle qui mériterait ce titre –
que les sciences naturelles – neurosciences – autrement dit, la psychanalyse se serait arrêtée
prétendent apporter : sa validation. Autrement dans le temps, apparaissant tout au plus comme
dit, ainsi qu’Hyppolite (1955) l’exposa pour une forme vieillie de science. Les arguments
Heidegger et Sartre qui se chargèrent de centraux développés par Ernst Nagel (1959) et
corriger le langage incorrect de Freud, Eric son groupe comprennent l’idée que la psycha-
Kandel (1999) se chargera de présenter ce qu’il nalyse ne reposerait pas sur des faits et des
nomma des insights biologiques, susceptibles de procédés, étant connotée de métaphysique,
valider la théorie psychanalytique. Il s’agirait, à jusqu’à l’idée que l’interprétation freudienne
la manière des phénoménologues, de reformu- serait arbitraire, car ne s’appuyant pas en des
ler les concepts psychanalytiques, les substituant procédés capables d’objectiver la configuration
par ceux des neurosciences cognitives dont les des énoncés. Il est notoire que cette approche
recherches sont plus fiables. La conclusion ouvre surtout un chemin vers le vaste domaine
s’impose d’elle-même : les acteurs changent, le des recherches proposées par la formalisation
scénario est le même. Certes, il ne s’agit pas de des énoncés dans la perspective du Cercle de

refuser la phénoménologie ou les neuroscien- Vienne ou de la philosophie analytique anglaise.
ces : nous savons que la philosophie On constate simultanément que la question de
phénoménologique peut enrichir l’esprit du l’idiosyncrasie épistémique freudienne est
psychanalyste, ainsi que les connaissances laissée de côté. Autrement dit, l’idiosyncrasie
neuroscientifiques récentes le pourraient tout freudienne est donc soumise au tribunal
aussi bien. La question est ailleurs : lorsqu’un épistémologique et condamnée en fonction
domaine tente de rendre un autre domaine d’une loi définie par une rationalité extérieure à
conforme à sa manière de penser et de produire cette idiosyncrasie. Elle ne serait rien d’autre
une connaissance, c’est là que le soupçon se qu’un résidu historique surmonté pas l’évo-
pose. lution scientifique : voilà ainsi le freudisme
Dans les années 50, le problème épistémo- réduit à un conglomérat de notions dépassées
logique de la psychanalyse fut abordé de face. À et de faits invérifiables.
ce sujet, l’événement décisif fut le symposium Cette démarche épistémologique engendra aux
réalisé dans la ville de Washington en 1958 sur États-Unis un mouvement de révision des
le thème « Psychanalyse, Méthode scientifique concepts psychanalytiques dans le sens de leur
et Philosophie ». Lors de ce symposium, la conformité aux paramètres épistémologiques
psychanalyse fut remise en question, étant la établis préalablement sous la forme de sciences
cible d’interpellations sous la perspective d’une naturelles. La question consistait – et consiste
épistémologie générale. Parallèlement au fait encore – à décider si elle remplit les conditions
d’avoir pris en compte l’exigence de Freud lui- énoncées comme des caractéristiques de la
même quant à la scientificité de la psychanalyse, théorie, ou encore si elle peut être subsumée
80
sous des catégories qui définissent la formalité En outre, en sa critique des observations
d’une théorie digne de ce nom, c’est-à-dire, cliniques de la psychanalyse, il déclara qu’elles
susceptible de validation empirique et de étaient des théories susceptibles d’interpréter
procédés de vérification donnés. David Rapaport les données et que, dans la meilleure des
(1958) fut l’un des artisans de l’adaptation de la hypothèses, elles tomberaient dans les anciens
psychanalyse à l’épistémologie positiviste par sa vices des processus inductifs. Si ce critère peut
tentative de traduire les concepts psychana- être accepté, l’on s’étonne néanmoins que
lytiques en des traits observables : conduite, toute une gamme de production scientifique
structure et organisme. Si l’on s’en tient aux assez vaste soit reléguée à une pseudo-science
processus directement et positivement obser- dans un limbe épistémologique hétérogène :
vables, la psychanalyse se rapprocherait du psychanalyse, astrologie, théorie de la sélection
behaviorisme de façon à surmonter toute naturelle de Darwin, etc. Cela provient du fait
dimension spéculative. On peut dire qu’avec cet que le critère poppérien de démarcation entre
auteur, la métapsychologie freudienne se trou- science et pseudo-science est excessif – ce qui,
verait finalement soulagée de sa mythologie. d’une certaine façon, aurait été remarqué par
Cette fois-ci on voit comment la purification des Popper lui-même (1963) le conduisant à la
principes serait menée à terme : la dynamique méthode de conjectures et de réfutations et à
du refoulement serait pluralisée en une somme l’analyse ou à la logique situationnelle (ce qui
de manifestations vérifiables, la topique se donnerait à la psychanalyse un autre traitement
briserait en un puzzle hypothétique et l’énergé- tout aussi insuffisant).
tique serait quantifiée avec obstination grâce à Selon les critères de scientificité strictement
des indicateurs. Converti en une objectivité poppériens, malgré cette pseudo-reformulation,
opérationnelle, le freudisme se volatiliserait à la théorie psychanalytique ne se maintiendrait
l’instant même de sa purification (Assoun, pas en tant que science, mais seulement en tant
1981). que démarche rationnelle. Cela veut dire qu’elle
Les discussions exposées ci-dessus montrent le se constitue comme un ensemble d’hypothèses

rapport délicat des questions concernant la qui permet la discussion critique de ses
psychanalyse et l’épistémologie, dévoilant au propositions et ses implications, qu’il soit ou
plus profond et au-delà la problématique non susceptible de testabilité et de réfutabilité.2
épistémologique, des questions politiques liées Par conséquent, la psychanalyse devrait trouver
aux jeux de pouvoir manifestes dans les disputes sa rationalité en tant que Programme de
au nom de la souveraineté d’un modèle Recherche Métaphysique qui, malgré le fait
scientifique donné au détriment d’un autre. d’être non scientifique, serait utile à la science.
Autrement dit, la psychanalyse pourrait avoir
La psychanalyse est-elle une science ? des prétentions de rationalité, quoique n’étant
pas scientifique. Lorsque Popper (1963) rappro-
Quelques objections parmi les plus notoires cha Freud de Darwin, sous l’argument que la
portées contre la scientificité de la psychanalyse théorie freudienne, de même que la
furent formulées par Popper (1963) à partir des darwinienne, offrirait ce qu’il nomma une
vues développées dans la première phase de logique des situations, il reconnut ouvertement
son épistémologie. Lorsqu’il se consacre à le caractère rationnel de la théorie freudienne –
établir un critère de démarcation entre science et rien d’autre.
et pseudo-science, Popper voit la psychanalyse C’est dans le premier chapitre de Conjectures et
– ainsi que l’astrologie – comme un bon réfutations (1963) que Popper a exposé de
exemple de cette deuxième catégorie, eu égard façon étendue et incisive ses critiques de la
qu’elle n’offre pas la possibilité d’être testée par psychanalyse. Deux critiques semblent les
un énoncé de base quelconque qui l’eût réfutée. principales : la capacité excessive d’explication
81
et le manque de critères de réfutation, en pratiquement tout en leurs champs respectifs.

faveur desquels il présente une série d’argu- Lorsqu’on peut voir des exemples se confirmer
ments et conçoit que le modèle psychanalytique de toute part, le monde devient plein de
d’investigation ne s’établit pas en tant que vérifications de la théorie. De telles théories ne
démarche scientifique susceptible de valider ses sont donc pas testées avec pour base l’expé-
hypothèses. En ce qui concerne la première rience : ce sont les résultats qui s’interprètent à
critique, il déclare qu’il n’imagine aucun type de la lumière de la théorie. Alors que la théorie de
comportement humain qui ne puisse être la relativité pourrait être faussée ou confirmée
expliqué par les théories de Freud. Son grâce à la testabilité, les théories de Freud et de
argument est que les observations cliniques, Marx ne sont pas susceptibles d’être soumises
comme tout type d’observation, seraient des au critère de la fausseté. D’où le fait que la
interprétations entreprises à la lumière des psychanalyse ne pourra jamais être une science,
théories, raison pour laquelle elles ne semblent car elle ne pourrait être réfutée que par le sujet
que confirmer les théories à la lumière analysé lui-même et les modifications sur ce
desquelles elles ont été interprétées. sujet ne sont pas toujours observables par des
Par rapport à la deuxième critique, Popper tiers. En conséquence, il serait impossible
(1963) souligna le manque d’observations d’attribuer à la psychanalyse un caractère pré-
entreprises sous forme de tests (tentatives de dictif, transformateur ou encore de vérité.
réfutation) capables d’établir des conditions Si les critiques de Popper sont devenues
pour que la théorie (non pas un diagnostic en célèbres, c’est Grünbaum (1984) qui effectua la
particulier) puisse être réfutée. L’épistémologue critique épistémologique la plus minutieuse et
critiqua aussi l’idée d’une confirmation de la consistante de la théorie psychanalytique dont
théorie à partir d’expériences antérieures, étant nous ayons connaissance. À plusieurs reprises, il
donné que les analystes freudiens affirment que manifesta son désaccord quant au critère de
leurs théories sont constamment vérifiées dans démarcation poppérien entre science et
la clinique. Sur ce point, il relata un entretien pseudo-science, soutenant la psychanalyse en

avec Adler au sujet d’un cas clinique, où le tant que théorie testable et, davantage, que les
psychanalyste n’aurait eu aucun mal à analyser tests (basés sur l’expérience clinique) la
celui-ci dans les termes de sa théorie du réfuteraient. D’après lui, la réfutabilité de la
sentiment d’infériorité quoique n’ayant pas vu psychanalyse serait mise en évidence dans
l’enfant en question. Il l’interrogea alors sur le diverses citations de Freud, dans lesquelles ont
fait qu’il ait tant de certitude, ce à quoi Adler été proposées des possibilités de cas cliniques
répondit qu’il avait déjà connu mille expériences qui invalideraient la théorie psychanalytique.
de ce type. Popper argumenta qu’avec ce Pour autant, malgré les désaccords apparem-
nouveau cas, le chiffre s’élèverait à mille et un, ment si sévères de la part de Grünbaum (1984),
de sorte que ses observations préalables ne son principal interlocuteur a toujours bien été
mériteraient guère plus de certitude que la Popper : sa notion de scientificité s’est basée sur
dernière : chaque observation avait été celle de la réfutabilité, et les modèles de base
examinée à la lumière de l’expérience anté- de rationalité et de scientificité chez ces deux
rieure venant s’ajouter aux autres comme une auteurs sont pratiquement les mêmes. Cette
simple confirmation complémentaire (Popper, influence se présenta avec une grande clarté
1963). lorsque Grünbaum (1984) soutint que, dans la
Popper (1963) soutenait que si la science mesure où l’évidence en psychanalyse provenait
commettait souvent des erreurs, la pseudo- des productions des patients en analyse, cela ne
science, elle, ne rencontrait la vérité que par pouvait qu’assurer une moindre garantie. Il y
accident. Ainsi, des théories comme celles de aurait, par conséquent, des failles épistémologi-
Marx et de Freud paraissent pouvoir expliquer ques inhérentes à la méthode psychanalytique,
82
et la validation des hypothèses freudiennes ne des raisons pour lesquelles le petit Hans craint
pourrait venir si possible et principalement que les chevaux et non les araignées, des motifs
d’études extra cliniques, épidémiologiques ou selon lesquels Schreber délire ainsi qu’il délire et
expérimentales Voici que ressurgit de nouveau non d’une autre forme ou avec d’autres
l’ancienne critique réitérée par les épistémo- contenus. L’originalité de Freud consisterait
logues de la psychanalyse, selon laquelle la alors à effectuer cette tâche avec les recours de
validation de la théorie psychanalytique ne l’explication et non ceux de la compréhension –
pourrait se faire qu’à partir de l’adéquation de dans le sens défini antérieurement, selon la
son modèle épistémologique. méthodologie de la Naturwissenschaft, c’est-à-
Nous savons que la psychanalyse théorise en dire, sans aucun jugement de valeur sur ce qui a
deux niveaux (Mezan, 2007). Le premier renvoie été observé. Ainsi, par la combinaison des
au domaine de l’universalité et de la généralité, théories générales (inconscient, conflit psychique,
tel que Freud le conçoit. À ce niveau, la théorie Œdipe, défenses) avec les circonstances uniques
présente une vision de l’être humain comme mû de la vie d’un sujet (expériences infantiles,
par des forces qu’il méconnaît, qu’il a, à la fois, à traumas, fixations évolutives, intensité des
promouvoir, et dont il doit restreindre la forces en présence) l’on arriverait à une
décharge (satisfaction) en fonction des limites reconstruction plausible (Mezan, 2007).
imposées par la vie en société. La répression des Il est important de comprendre que, malgré les
désirs les plus intenses et primordiaux provoque différences entre les niveaux d’explication –
des effets nuisibles qui vont de la « nervosité celui du psychisme humain en général et, chez
courante » jusqu’aux psychoses. L’énorme comple- une personne, celui d’une réalisation donnée de
xité de la construction freudienne ne doit pas ses potentialités –, les procédés employés sont
nous faire perdre de vue qu’elle met en jeu un les mêmes : avec l’usage de la raison, l’on
nombre très limité de facteurs (à la base des entreprend essentiellement la recherche aussi
pulsions et des défenses) et un nombre assez bien des causes que du mode selon lesquels
petit d’opérations qui incident sur eux (les elles se combinent pour produire leurs effets.

processus primaires et secondaires) : c’est le C’est pourquoi la méthode psychanalytique se
caractère propulsif de ces facteurs qui constitue de la façon suivante : partant de
détermine les combinaisons très diversifiées de l’observation du discours du patient en séance,
ce qu’on appelle la vie psychique. l’analyste relève des données et y réfléchit tout
Quant à l’autre plan de théorisation, plus proche en formulant des hypothèses théoriques. À leur
de la pratique thérapeutique, il vise à construire tour, de telles hypothèses orientent les inter-
une théorie au sujet d’un individu en particulier, ventions de l’analyste visant à modifier l’équilibre
le patient qui cherche un traitement. Cette entre les facteurs en jeu, produisant une plus
théorie s’appuie sur ce que le patient rapporte grande mobilité psychique à travers, par
concernant sa vie et ce qui s’y manifeste dans exemple, la levée du refoulement ou la
les conditions du transfert. Ces sur ces données restitution de la capacité d’aimer et de
que va opérer l’imagination de l’analyse. Il lui travailler. Pour aller vite, il s’agit d’investiguer ce
revient non seulement d’interpréter un à un les qui structure l’expérience d’un individu à deux
éléments qui surgissent peu à peu, mais aussi de niveaux, celui de la généralité et celui de la
reconstruire la chaîne probable des événements particularité.
qui aboutissent aux systèmes, aux fantasmes et C’est pour cette raison que Calazans (2006) peut
à d’autres particularités du sujet. De même, ici soutenir que l’irréductibilité de la psychanalyse
le but est de construire une hypothèse idiogra- à l’objectivation ne la rendrait pas incompatible
phique de façon à rendre compte, par exemple, avec le monde scientifique. À l’opposé, il y
des raisons pour lesquelles l’Homme aux Rats aurait exactement une compatibilité logique
est obsédé par des rats et non par des mouches, entre la pensée psychanalytique et la pensée
83
scientifique de telle sorte que celle-ci serait la servira de référence à la psychanalyse, ce n’est
condition de possibilité de celle-là. En outre, la que par l’abandon du réalisme en épistémologie
pensée scientifique aussi bien que la que l’on pourra légitimer la praxis psycha-
psychanalytique refuserait le réalisme en toutes nalytique.
ses nuances pour penser ce qui structure une Quant à Chavarelli (2003), il chercha à
expérience. Pour Calazans (2006), il faut élargir contextualiser la psychanalyse dans le cadre des
le concept de réalité car la donnée – toujours écoles épistémologiques à partir de la pensée de
pour un sujet (par conséquent subjective ?) – ne Thomas Kuhn. Par rapport à l’épistémologie du
serait suffisante dans la mesure où la réalité processus scientifique, Kuhn (1998) établit
renvoie à l’objet indépendamment de la l’ordre suivant :
sensation. Ainsi, faut-il prendre en compte que 1) en un premier moment, la prescience serait
la constitution d’un savoir va au-delà de marquée par une activité désorganisée et
l’expérience, car elle renvoie à la médiation que incohérente ainsi que par le désaccord et les
la pensée établit, produisant une relation entre débats constants concernant les fondements
les données. C’est en fonction de cette relation d’une pratique, posés avant la structuration
calculée que la pensée déterminerait chaque d’une science ;
donnée ou variable en fonction des autres 2) ensuite, surviendrait la science normale dans
données. Seule la pensée serait capable la phase la plus cohérente de l’activité
d’établir des relations entre les données en vue scientifique, lorsque la communauté scientifique
de constituer des faits, de sorte qu’un fait serait convergerait vers un unique paradigme qui
une œuvre de la pensée. Il n’y aurait pas de aurait la fonction d’orienter la science pendant
données pures, car une donnée ne serait un certain temps ;
donnée que dans un système spécifique de 3) cette science normale traverserait une crise
pensée qui puisse la considérer en tant que lorsque surgissent des anomalies – des résultats
telle. La pensée à son tour ne pourrait pas être expérimentaux non assimilés par la théorie –
elle-même une réalité objective car celle-ci que l’on tente ardûment de résoudre à la

serait justement le résultat de l’opération de la lumière du paradigme en vigueur ;
pensée. Par conséquent, la pensée serait une 4) une révolution se déclencherait, engendrant
condition de production d’un réel et, ainsi, on un autre paradigme. Ainsi, la séquence recom-
devrait renoncer à la conception d’une appré- mencerait avec un changement de paradigme.
hension de la réalité existant par soi-même.
Notons que l’un des présupposés de la science Rappelons qu’au stade de la science normale, la
traditionnelle est qu’une certaine proposition ne science progresserait de façon cumulative, et le
reçoive le critère de vérité ou de scientificité paradigme règlerait toutes les pratiques (théo-
que si la répétition de l’expérience obtient le riques et expérimentales) de la recherche, y
même résultat. Calazans (2006) contredit cet compris des manières standard d’application
aspect en se référant à la psychanalyse, rehaus- des lois fondamentales à une variété de types
sant le langage, dans l’étude du psychisme, au d’actions. Autrement dit, le paradigme serait en
statut de matrice principale. Selon cet auteur, un seul temps un modèle pratique et théorique
lorsqu’on tient compte de quelqu’un qui pense, imposé au scientifique par la force de
on ne peut plus le situer – le sujet – dans une l’évidence, définissant également quels faits
expérience qui puisse se répéter. On doit le possèderaient une plus grande importance ou
traiter comme une fonction qui évalue – et nous une priorité parmi tous ceux qui pourraient
arrivons là au registre du langage. Un sujet ne renvoyer à une science (Stengers, 2002). Le
peut évaluer quelque chose qu’étant affecté par paradigme serait alors un ensemble de valeurs
le langage et perdant, par conséquent, toute partagées par une communauté scientifique, à
orientation naturelle. De la sorte, le langage partir duquel on décide quelles recherches
84
seront mises en cours, quels problèmes Bien que Kuhn (1998) ait considéré la
importent et quelles solutions sont acceptables, psychanalyse comme une prescience, Chavarelli
ceux qui seront promus, qui publiera des articles (2003) trouva dans la théorie des paradigmes
et même qui restera dans l’anonymat. des subsides pour la compréhension du signifié
Il est de fait que l’on peut appliquer la théorie de la psychanalyse en tant que science dans la
des paradigmes proposée par Kuhn au cadre de modernité, l’inscrivant comme science postpa-
l’avènement de la psychanalyse. En un moment radigmatique, c’est-à-dire une pensée qui
de crise paradigmatique dans lequel les mala- produit des ruptures et des transcendances
dies mentales et principalement les hystéries permanentes. Socialement parlant, la
mettaient en évidence diverses anomalies dans psychanalyse aurait causé un impact profond en
le paradigme en vigueur, la psychanalyse ébranlant la croyance préalable selon laquelle
proposa un nouveau découpage des phéno- l’homme, à partir de la conscience et de la
mènes. Elle établit un autre paradigme rendant raison, serait capable de gouverner pleinement
possible des solutions qui semblaient sa vie et la société. Lorsqu’elle introduit la
préalablement impossibles. Selon le critère notion de processus psychiques inconscients, la
kuhnien, elle fit en sorte que toute une psychanalyse aurait institué l’irrationalité
communauté scientifique se formât autour de humaine comme un phénomène agissant sur la
ce nouveau paradigme donnant origine à de vie de l’être humain. De même, cette irratio-
diverses recherches basées en une idée nalité instituée par la psychanalyse provoquerait
commune : la psychanalyse correspondrait donc des ébranlements dans la vie privée de
au stade de la science normale. Un argument l’individu, engendrant des résistances
qui renforce la conception de la psychanalyse en personnelles qui peuvent être identifiées, non
tant que science normale se trouve dans la seulement chez ceux qui se soumettent au
contribution apportée par Biebel (1999), quoique processus de l’analyse, mais aussi chez ceux qui
cet auteur ne fasse pas d’allusion explicite à se montrent contraires à la légitimation de la
Kuhn. Biebel (1999) affirme que les trouvailles psychanalyse en tant que champ de savoir –

cliniques en psychanalyse, du fait qu’elles argument utilisé par Freud lui-même.
présentent un certain degré de consistance et
de cohésion, auraient rendu possible un progrès Considérations finales
concernant la compréhension et le traitement
de structures psychopathologiques comme Notre propos, ici, n’est pas de classer la
l’hystérie, les névroses obsessionnelles, les psychanalyse en une catégorie de science, ni de
phobies, les troubles narcissiques de la prouver (ou non) son statut de science, mais de
personnalité et les structures borderline, entre comprendre l’enjeu de ce débat. Au-delà de la
autres. Il semble évident que tout ce progrès discussion épistémologique, il faudrait analyser
s’est structuré à partir d’un perfectionnement les alliances qui s’établissent entre les différents
de certaines méthodes cliniques et extra pouvoirs impliqués dans la production de
cliniques d’investigation du psychisme, de connaissance et la façon par laquelle ces
concepts, d’hypothèses et d’articulation logique alliances sont capables de construire des
entre celles-ci, encourageant l’apparition de réseaux sociotechniques. Autrement dit, à la
règles de correspondance qui puissent place de la conception traditionnelle de science
engendrer des généralisations. qui prend la distinction sujet/objet pour
C’est pour cette raison que Biebel (1999) affirma présupposé et réduit la connaissance à un seul
que le chemin parcouru par la psychanalyse au pôle, il faut la considérer à partir des alliances
cours du XXe siècle et jusqu’à nos jours ne peut établies en un réseau au sein duquel un discours
être écarté ou dissocié de la méthode donné est légitimé au détriment d’un autre
scientifique. (Stengers, 1989).
85
Selon Latour (2000), la caractéristique la plus son avènement, elle se répandit non seulement
importante d’une science, c’est le fait d’être une sur le plan géographique – étant de nos jours
pratique collective. En sa théorie acteur-réseau, présente sur tous les continents – mais aussi
la notion de réseau renvoie à des flux, des dans des domaines de savoir au-delà de ses
circulations, des alliances, des mouvements irré- limites, établissant des alliances avec différents
ductibles à un unique acteur ou réseau. Une savoirs et étant à l’origine de nouvelles pra-
science ainsi définie comme réseau d’acteurs ne tiques et de discussions avec d’autres domaines.
serait pas caractérisée par sa rationalité, son En appliquant les idées de Latour (2000),
objectivité ou par la véracité des faits engendrés spécialement aux débats entre psychanalyse et
par elle. En vérité, un fait scientifique n’existe neurosciences, on peut noter certaines corres-
que s’il est soutenu par un réseau d’acteurs : pondances. Latour (2000) remarque que la
l’on ne peut affirmer ou nier les faits vérité d’un énoncé est établie par sa circulation
scientifiques de façon isolée. et, pour cette raison, on cherche à accroître les
Latour (2000) introduit le concept de boîte noire alliances entre les membres de la communauté
pour désigner les moments où un énoncé scientifique. On remarque, sur cet aspect, qu’un
atteint la solidité d’un fait, c’est-à-dire, lorsqu’il groupe de neuroscientifiques et de psychana-
est introduit en de nouvelles formulations lystes a promu la circulation, par des articles
comme une prémisse indéniable sans contro- scientifiques, de l’énoncé d’après lequel la
verse majeure. À chaque nouvelle formulation, psychanalyse devait se mettre à l’épreuve de
la solidité d’un fait s’accroît à une telle mesure, l’expérimentation pour devenir scientifique et
que celui-ci dépend plus de ceux qui le chaque fois plus, des scientifiques diffusent
maintiennent en mouvement – humains et non cette soi-disant vérité par l’intermédiaire, par
humains, alliés mis en relation – que d’une exemple, de la présentation de données
vérité intrinsèque. Les textes scientifiques sont obtenues lors d’expériences en des laboratoires
d’excellents recours : plus une idée est citée en – qu’Éric Kandel désigna comme insights
d’autres articles, plus importante elle devient. biologiques. Ceux-ci, que l’on suppose plus

Une boîte noire serait ainsi le terme d’une valides en tant qu’énoncés vrais, seraient à
discussion et l’établissement d’un fait à travers même de démontrer « ou non » l’efficacité de la
la citation continue d’un texte donné. Tel est le psychanalyse.
cas, par exemple, de l’Évolution des Espèces, de Néanmoins, ce qu’ils ne font point circuler, c’est
Darwin. La sélection naturelle est devenue un le projet qui soutient leurs idées, projet selon
fait à la suite d’innombrables citations, déplace- lequel il s’agit de purifier les sciences du mental
ments, traductions et répétitions – même si, du leur ôtant toute trace de subjectivisme – de là
point de vue de certains épistémologues, elle ne l’impératif de l’expérimentalisation comme
peut être considérée comme un fait critère de démarcation entre science et non
scientifique, n’ayant pas pu être démontrée sur science – et de réduire le subjectif au cérébral
le plan empirique. De même que la théorie de la selon une manœuvre ontologique plutôt qu’une
sélection naturelle de Darwin, la psychanalyse simple exigence méthodologique. Ils repro-
de Freud malgré les critiques initiales concer- duisent le projet, hégémonique entre les années
nant sa scientificité, n’a pas été empêchée de 1930 et 1960, du naturalisme scientifique
s’étendre dans le domaine de la science, et l’on proposé par le néopositivisme : purifier les
observa ainsi la prolifération de la théorie, sciences par l’élimination d’une métaphysique
condition préalable pour qu’elle entre dans le quelconque, trouver des régularités naturelles
réseau. Dans le parcours de la psychanalyse, la qui puissent être considérées comme des
pensée de Freud s’est déployée en différentes causes, exclure toute proposition concernant
écoles, telles que la kleinienne, bionienne, des processus qui ne peuvent se soumettre à
lacanienne, kohutienne, winiccottienne, etc. Dès l’observation, à l’articulation déductive des
86
énoncés (du particulier à l’universel). Tout ce qui tiellement le terrain du politique, on peut
n’est pas en accord avec de telles lignes considérer que la proposition de ce groupe
directrices ne mériterait pas le nom de renvoie plutôt à une exigence sociopolitique qu’à
scientifique. proprement parler scientifique. Voilà ce que
Étant donné que la vérité ne dépend point d’une l’anthropologue de la science a appelé les jeux de
définition rationnelle, mais implique essen- pouvoir inhérents à la construction scientifique.
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com a psicanálise (1915). ESB, XIV. Rio de Janeiro: Imago. Stengers, I. (1997). Sciences et pouvoirs. Faut-il en avoir
Freud, S. (1967). O estado neurótico comum (1917). ESB, peur ? Paris: La Découverte.
XVI. Rio de Janeiro: Imago.
Freud, S. (1967). Um estudo autobiográfico (1925). ESB, Notes :
XX. Rio de Janeiro: Imago.
1
Freud, S. (1967). Análise terminável e interminável (1937). On remarque dans l’œuvre d’Herbart les échos des
ESB, XXIII. Rio de Janeiro: Imago. concepts freudiens de représentation (Vorstellung),
Freud, S. (1969). Über eine Weltanschauung. 35ª refoulement (Verdränung) etc. À ce sujet, Cf. Assoun
Conferência (1932). Frankfurt: Fischer Verlag. (1981).
2
Freud, S. (1977). A interpretação das afasias: um estudo Un bon exemple de la possibilité du caractère de
crítico (1891). Lisboa: Edições 70. réfutabilité se trouve dans Freud (1915). Un cas de
Freud, S. (1980). L'interprétation des rêves (1900). Paris : paranoïa en contradiction avec la théorie psychanalytique,
PUF. p. 263-272.
87
Les auteurs : Référence électronique
Monah Winograd Monah Winograd & Marcia Davidovich,

Psychanalyste « Psychanalyse freudienne et épistémologie –
Enseignante-chercheuse auprès du Disputes politiques », Recherches en
Département de Psychologie de la PUC-Rio. Psychanalyse [En ligne], 17|2014, mis en ligne le
Coordinatrice du groupe de recherche « Du 20 juin 2014.
cerveau à la parole : aspects subjectifs de la
maladie cérébrale ». Auteur du livre Texte intégral
Genealogias do Sujeito Freudiano (ArtMed).
Droits d’auteur
Marcia Davidovich Tous droits réservés
Psychanalyste
Maître en Psychologie Clinique – PUC-Rio.
Doctorante en Psychologie Clinique – PUC-Rio.
Chercheuse auprès du groupe de recherche
« Du cerveau à la parole : aspects subjectifs de
la maladie cérébrale ».
Université pontificale catholique de Rio de

Janeiro
Rua Marquês de São Vicente 225,

Edifício Padre Leonel Franca - 8o andar, Gávea
CEP 22451-900
Rio de Janeiro – RJ
Brésil
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Psychanalyse freudienne et épistémologie

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Psychanalyse freudienne et épistémologie

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Mots-clefs : science, psychanalyse, épistémologie

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définitions rigoureusement dessinées ne celui du scientifique, allant jusqu’à déclarer leur

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Geisteswissenschaften ou Weltanschauung – pluralité et à la plasticité des tendances

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rencontrer la Bedeutung (signification) d’un littéraire parviendrait d’une libération de

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et le manque de critères de réfutation, en pratiquement tout en leurs champs respectifs.

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Bibliographie : Grünbaum, A. (1984). The foundations of psychoanalysis,

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Les auteurs : Référence électronique

Monah Winograd Monah Winograd & Marcia Davidovich,

Université pontificale catholique de Rio de

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