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Laurent Cappelletti
Maître de conférences, IAE de Lyon, Iséor
Pascal Levieux
Associé In Extenso, Groupe Deloitte
Introduction
Le contrôle de gestion socio-économique (CDGSE) présente l’originalité d’être une
méthode globale de contrôle de gestion développée par un laboratoire de recherche,
l’Iséor1, au travers des recherches-interventions menées au sein de 1200 entreprises et
organisations de 34 pays différents. La méthodologie vise à mesurer et développer la
performance durable des entreprises et des organisations en conciliant les dimensions
économiques et les dimensions sociales. Elle s’appuie sur la méthode des coûts cachés
qui est un exemple plutôt rare de méthode française de calcul des coûts exportée à
l’international (Savall, 1974, 1975 ; Cappelletti, 2005, 2006 ; Savall, Zardet, 1987,
2008).
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Institut de Socio-Economie des Entreprises et Organisations, laboratoire de recherches en gestion
associé à l’IAE de Lyon, Université Jean Moulin Lyon 3.
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Figure 1 : Modèle du contrôle de gestion socio-économique
© Iséor
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La durée moyenne d’implantation du CDGSE est de 8 mois dans les entreprises de
moins de 100 salariés, et de 12 mois au-delà (Savall et Zardet, 2008 ; Cappelletti, 2008).
Son organisation repose sur le principe de « décentralisation synchronisée » qui signifie
que tous les managers utilisent ses outils (principe de décentralisation) avec l’assistance
du contrôleur de gestion, lui-même piloté par la direction de l’entreprise (principe de
synchronisation). Chaque manager de l’entreprise est impliqué dans ce système de
contrôle de gestion dont le slogan directeur pourrait être « tous contrôleur de gestion ».
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socio-économique, outre le contrôleur de gestion, rassemble le Directeur Général assisté
de deux à trois cadres directeurs, tels que le Directeur des ressources humaines et le
Directeur financier. Le groupe de pilotage définit le cahier des charges du contrôleur de
gestion et il intervient si nécessaire pour aider le contrôleur de gestion à réduire des
résistances, par exemple en instaurant un dialogue avec des managers qui n’utilisent pas
les outils (Cappelletti, 2008).
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Tableau 1 : Modèle général de calcul des coûts cachés
sursalaires surtemps surconsom- non non création de risques
mations productions potentiel
absentéisme
accident du
travail
rotation du
personnel
défauts de
qualité
écarts de
productivité
directe
© Iséor
Puis les coûts cachés sont évalués au travers le coût des conséquences des
dysfonctionnements appelées « actes de régulation ». L’évaluation se fait au moyen de
six composants :
- les surconsommations qui correspondent à des biens ou des services consommés
en excès ;
- les sursalaires qui sont utilisés lorsqu’une activité est réalisée par une personne
titulaire d’une fonction mieux rémunérée que celle qui devrait l’assumer, ou
lorsque des salaires sont versés à des personnes absentes.
- les surtemps qui correspondent à des activités de régulation qui prennent du
temps supplémentaire ;
- les non productions qui surviennent en cas d’absence d’activité ou d’un arrêt de
travail ;
- les non créations de potentiel et les risques qui correspondent à des régulations
futures (non création de potentiel) ou probables (risques).
Les régulations des dysfonctionnements sont de deux types : les activités humaines
(surtemps et non productions) et les consommations de biens ou services (sursalaires,
surconsommations, non créations de potentiel et risques). Les temps humains sont
valorisés à la contribution horaire à la valeur ajoutée sur coût variable (CHVACV) qui
est égale au rapport de la marge sur coûts variables sur le nombre d’heures de travail
attendue. La marge sur coût variable est égale à la différence entre le chiffre d’affaires
réalisé et les charges variables. Les consommations de biens ou services sont évaluées à
partir des coûts effectifs des biens et des services (prix d’achat, taux horaire salarial…).
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la situation de gestion. La présentation du diagnostic est l’occasion d’un débat sur les
dysfonctionnements, éclairé par le contrôleur de gestion (Cappelletti, 2006, 2008).
Les outils du CDGSE sont utilisés par tous les managers de l’entreprise. Ils sont diffusés
au travers des séances de formation animées par le contrôleur de gestion. Six outils
structurent le CDGSE : la gestion du temps, la grille de compétences, le plan d’actions
stratégiques internes et externes, le plan d’actions prioritaires, le contrat d’activité
périodiquement négociable, le tableau de bord de pilotage (Savall, Zardet, 1992 ; 2008).
• La gestion du temps
L’outil est un ensemble cohérent d’instrumentation de la gestion du temps pour
améliorer la planification et la programmation des activités.
• La grille de compétences
L’outil sert à évaluer les compétences disponibles dans une équipe. Il permet de repérer,
pour y remédier, les opérations vulnérables d’une équipe, c’est-à-dire celles réalisées
par des personnes insuffisamment compétentes, ou en nombre insuffisant.
• Le plan d’actions stratégiques internes et externes
Il s’agit d’un outil de formalisation de la stratégie tourné aussi bien vers des cibles
externes (le couple produits-marchés, les clients, les fournisseurs…) que vers des cibles
internes (les investissements matériels et immatériels, l’adéquation formation-
emploi…). Il est réactualisé chaque année pour une projection stratégique de trois à cinq
ans.
• Le plan d’actions prioritaires
L’outil est l’inventaire réactualisé semestriellement des actions prioritaires à réaliser par
les équipes pour atteindre les objectifs stratégiques. Il sert aussi à piloter les actions
d’amélioration définies en groupe de projet, qui peuvent être insérées dans les plans
d’actions prioritaires des équipes concernées.
• Le contrat d’activité périodiquement négociable
L’outil concerne toutes les personnes de l’organisation en déclinant les plans d’actions
prioritaires au niveau des individus. Il formalise les objectifs individualisés et les
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moyens mis à disposition pour les atteindre. Sa mise en place est faite au travers d’une
concertation semestrielle entre chaque acteur et son supérieur hiérarchique. L’outil
prévoit une rétribution économique individualisée en cas d’atteinte des objectifs.
• Le tableau de bord de pilotage
L’outil regroupe les indicateurs qualitatifs, quantitatifs et financiers utilisés par les
managers pour piloter les personnes et les activités dans le sens des objectifs définis
dans le plan d’actions stratégiques et les plans d’actions prioritaires.
Après cet exposé du cadre général d’utilisation du CDGSE, une bonne façon de
comprendre comment les trois axes qui le structurent contribuent à la performance de
l’entreprise et à la qualité du dialogue professionnel, est de présenter quelques
illustrations concrètes de son utilisation.
défauts de 5 600 € 264 600 € 99 100 € 87 600 € N.E. N.E. 456 900 €
qualité
écarts de 49 400 € 648 000 € 116 400 € 144 000 € N.E. N.E. 957 800 €
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productivité
directe
Total 93 900 € 969 200 € 215 800 € 288 300 € N.E. N.E. 1 567 200 €
Soit 31 000 € par personne et par an (50 personnes en équivalent temps plein)
© Iséor
Les coûts cachés sont assez facilement réductibles à hauteur de 50% grâce à des outils
et un processus adaptés. Aussi, le problème des coûts cachés n’est pas celui de leur
existence, puisque les activités humaines en produisent naturellement. Par exemple le
recrutement d’un nouveau salarié demande à celui-ci un temps d’apprentissage qui
engendre une sous efficacité temporaire. Le problème posé par les coûts cachés est celui
de leur accumulation au fil du temps. Combien de dysfonctionnements existent dans les
organisations depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, sans que l’on s’en occupe ?
Par exemple les réunions mal faites, les bugs informatiques récurrents, les pannes de
photocopieurs, un niveau élevé d’absentéisme etc. Or, le fait même de mesurer les coûts
cachés relève d’une pédagogie des coûts qui suscite dans l’entreprise une prise de
conscience pour réduire les dysfonctionnements. Le cas d’une étude similaire dans un
cabinet d’expertise comptable a permis de calculer que 12 % des travaux effectués par
les collaborateurs n’étaient pas facturés aux clients, soit 720 000 € pour un effectif de 60
personnes (12 000 € par personne et par an). Ce constat a déclenché une étude
approfondie pour rechercher les causes :
- réponses aux demandes des clients avant même d’avoir pris le temps de formuler une
offre,
- difficultés internes et externes pour déterminer si la consultation est comprise ou non
dans le contrat annuel,
- mauvaise organisation de la mission en amont provoquant des surtemps.
Les actions correctives ont consisté à mettre en œuvre très rapidement les processus
suivants :
- envoi d’un « bon d’intervention » ou devis pour toute consultation d’un client
nécessitant une réponse écrite,
- refonte des contrats ou lettres de mission en détaillant le plus possible le contenu et les
modalités d’exécution de la mission,
- mise en œuvre d’outils de planification des missions.
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réduire les dysfonctionnements et les coûts cachés qu’ils engendrent (voir une
illustration de l’outil ci-après en 2.3 b).
Les coûts cachés annuels de l’absentéisme s’élevaient à 960 000 € composés des
montants suivants (voir tableau 3) :
- 183 000 € par an correspondant aux salaires versés aux absents par l’entreprise compte
tenu des régimes sociaux en vigueur ;
- 15 000 € de surtemps correspondant à des actes de régulation supplémentaires réalisés
par les présents en raison des absences ;
- 15 000 € de surconsommations en raison d’achats supplémentaires de services
externes pour pallier les absences ;
- 747 000 € de non-productions correspondant au travail des absents non pris en charge
par les présents et laissées en suspens.
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Après un an de mise en œuvre du projet, sa rentabilité effective a été mesurée par le
contrôle de gestion montrant une réduction de l’absentéisme d’environ 40%, pour un
coût du projet sensiblement égale à celui prévu, soit un gain net de 200 000 € environ
pour une rentabilité effective de l’ordre de 100%.
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LA
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AD
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ZB
-
◪ ■ ◪ □ □
DR
-
© Iséor
L’évaluation des compétences est faite par le chef des ventes avec l’assistance du
contrôleur de gestion si nécessaire. La lecture de la grille se fait de façon verticale et
horizontale. Au plan vertical, elle permet de repérer les opérations vulnérables sur
lesquelles les compétences doivent être développées. C’est le cas de l’opération
« Recevoir les clients dans le showroom » puisqu’un seul commercial « AD » est
parfaitement compétent sur cette opération. C’est le cas également de l’opération
« Gérer le portefeuille de clients acquis » ou aucun commercial n’est aujourd’hui
compétent. Au plan horizontal, elle permet de repérer le degré de polyvalence d’un
collaborateur et de discuter avec lui de sa progression possible. Par exemple, le
commercial « AD » est très polyvalent puisqu’il maîtrise toutes les opérations sauf
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« Gérer le portefeuille de clients acquis ». En revanche DR est peu polyvalent puisqu’il
ne maîtrise bien que l’opération « Décrire et promouvoir les qualités du carton ».
Dans le cabinet pris en exemple, chaque manager négocie avec son supérieur
hiérarchique (Chef de Département) au début de chaque semestre cinq objectifs déclinés
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de la stratégie du cabinet. Derrière chaque objectif se trouvent des dysfonctionnements
et des coûts cachés qui seront réduits si ces objectifs sont atteints.
• Chaque objectif fait l’objet de la détermination d’un indicateur qui servira à
évaluer l’atteinte ou non de l’objectif.
• Puis les niveaux à atteindre par objectif sont définis. Trois niveaux sont définis à
3/3, 2/3 et 1/3. L’intérêt de ces niveaux est de ne pas démotiver le manager si au
cours du semestre il se rend compte qu’il ne pourra pas atteindre le niveau 3/3. Il
a encore des possibilités de valider le niveau à 2/3 ou 1/3.
• Puis les moyens sont négociés s’il y a lieu.
• Enfin, chaque objectif fait l’objet d’une pondération en %, le total des
pondérations devant faire 100%.
• Une fois l’outil renseigné, la formule de versement des incitations est écrite dans
le contrat. Dans le cas de ce cabinet d’audit, le montant d’incitations en cas
d’atteinte des objectifs à 3/3 est de 15% du salaire brut mensuel sur le semestre
payable le premier mois du semestre suivant, soit dans le cas du manager pris en
exemple : 5 000 € brut x 6 mois = 30 000 € x 15% = 4 500 € à 3/3 (et donc 2/3
de 4 500 € en cas d’atteinte du contrat à 2/3, 1/3 de 4 500 € à 1/3, 0 à moins
d’1/3).
• L’ensemble des principes du contrat d’objectifs est formalisé dans une charte
validée par les associés du cabinet et qui s’applique à tous les salariés du cabinet
via les responsables hiérarchiques. Il revient à chaque manager de s’assurer que
le contrat d’objectifs qu’il négocie avec ses équipiers est largement autofinancé
par la réduction des coûts cachés des dysfonctionnements traités par l’atteinte
des objectifs, avec l’aide si nécessaire du contrôleur de gestion.
• Une copie de tous les contrats signés au début du semestre puis évalués en fin de
semestre est adressée vers la DRH et le contrôle de gestion. Le contrôle de
gestion audite régulièrement la qualité des contrats signés selon une méthode
d’échantillonnage aléatoire pour s’assurer de leur fiabilité (détection des excès
de complaisance ou d’une dureté excessive de l’évaluation).
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• Planning des rendez-vous commerciaux X
2-Résultats commerciaux
• Chiffre d’affaires (écart avec n-1) X
• Nombre de rendez-vous réalisés (mois) X
3-Communication avec les clients
• Messages téléphoniques (clients à rappeler) X
• Cartes de visites et plaquettes commerciales X
4-Processus de changement
• Liste des dysfonctionnements et des coûts cachés X X X
• Balance économique : recyclage des coûts en valeur ajoutée X X
• Rotation du personnel commercial X X X
5-Stratégie de l’entreprise
• Plan d’actions prioritaires budgétées du semestre en cours X X X
• Plan d’actions stratégiques internes et externes X
6-Communication avec les autres régions commerciales
• Liste des directeurs de régions (avec téléphone et courriel) X
• Fiche de résolutions des réunions de direction commerciale X
7-Références juridiques et comptables
• Coefficient d’érosion (non renouvellement d’abonnement) X X X
• Circuit de traitement du contrat commercial X
8-Gestion des compétences
• Grilles des compétences des directeurs d’agence X
• Plan de formation intégrée de la région X
© Iséor
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Bibliographie
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