Vous êtes sur la page 1sur 6

paire ˆCˆ˙<M<˙ˆYˆˆBˆ

4300

Renaissance
La Renaissance ne jaillit pas brusquement d’une prétendue nuit médiévale<;
DOSSIER

des signes avant-coureurs existent dans les siècles précédents.


De leur côté, lassés d’en entendre chanter les louanges,
les artistes du XX siècle en ont minimisé le rôle.
Malgré les nuances qu’apportent la science historique récente
et la réaction des créateurs contemporains,
la Renaissance reste une période fondatrice
de la civilisation occidentale.
Elle élabore un sens nouveau de la beauté
et ordonne le monde à la mesure de l’homme.

M ouvement artistique né en Italie à la


fin du XIV siècle et qui s’est répandu
dans toute l’Europe aux XV et XVI siècles,
1448, l’humanisme gagna rapidement toute
l’Europe, jusqu’aux Pays-Bas, où enseigna
Érasme (Éloge de la folie, 1511).
en liaison avec l’essor de l’humanisme, la <Les humanistes imposèrent l’idée que la
Renaissance a été favorisée par d’intenses chute de l’Empire romain d’Occident en 476
transformations sociopolitiques. Elle avait entraîné une décadence de la pensée
commença à la fin du XIV siècle à Florence, et des arts, et qu’un âge obscur («<gothique<»)
où des sculpteurs (Lorenzo Ghiberti, Dona- prenait fin avec l’avènement d’une «<renais-
tello), des architectes (Filippo Brunelleschi) sance<» culturelle et artistique. L’exode des
et des peintres (Masaccio) rompirent avec penseurs et artistes byzantins après la chute
le gothique international pour créer un art de Constantinople (1453) constitua un repère
nouveau. Celui-ci s’étendit d’abord en Italie commode pour dater le début de ce mouve-
du Nord, gagna Venise dans les années 1470, ment. En fait, les historiens de l’art ont
puis Rome et toute l’Italie. Il connut, entre depuis longtemps rejeté la thèse d’un renou-
1480 et 1525, un âge d’or, illustré par trois veau soudain. Ils ont ainsi mis en avant
figures exceptionnelles : Léonard de Vinci, l’existence d’une période semblable au
Raphaël et Michel-Ange. La décennie 1520 VIII siècle (la «<renaissance carolingienne<»).
Détail du portail nord marqua la fin de l’élan novateur de la Ils ont également insisté sur la continuité
du baptistère de Renaissance. Alors que celle-ci pénétrait en avec l’art des XIII et XIV siècles, en
Florence, de Ghiberti. France et dans les pays de l’Europe centrale, particulier les œuvres de Cimabue (vers
Florence fut le berceau de l’Italie sombra, en effet, dans l’anarchie. Le 1240-1302) ou de Giotto (1266-1337). Mais
la Renaissance. sac de Rome par les mercenaires allemands la notion d’un «<Moyen Âge<» barbare
/ Scala<-<Archives Photeb
du connétable de Bourbon (1527) et l’échec séparant l’Antiquité de la Renaissance devait
de la dernière République florentine (1527- rester profondément ancrée dans notre
1530) symbolisèrent cet effacement des conception de l’histoire.
foyers primitifs de la Renaissance. L’art en
Europe évolua alors vers un autre style : le ¡ Les principes artistiques
maniérisme, illustré en particulier par l’école de la Renaissance
vénitienne.
Les humanistes formulèrent, à partir
¡  L’humanisme et l’idée des écrits antiques, une conception de
de Renaissance
l’homme et de ses rapports avec la nature qui
a bouleversé les arts. C’est l’homme qui fut
La Renaissance artistique est insépa- pris comme un exemple de perfection à partir
rable de l’humanisme. Ce mouvement intel- duquel les artistes devaient travailler. Les
lectuel apparut en Italie dans l’entourage de canons de la beauté devinrent de plus en
Pétrarque (1304-1374). Il se caractérisa plus précis, car la reproduction de la réalité
d’abord par un désir de rompre avec le latin était un principe de base que résuma Giorgio
scolastique pour retrouver la pureté du latin Vasari : «<L’imitation de la nature permet à
classique. Puis le philologue Lorenzo Valla un artiste de devenir d’autant plus parfait
(1407-1457) fut l’initiateur d’une lecture qu’il s’approche plus d’elle<» (Vies des plus
moderne des Anciens qui permit une rupture grands architectes, peintres et sculpteurs ita-
avec l’esprit médiéval. À la fin du XV siècle, liens, 1550). Peintres et sculpteurs cherchè-
Peinture attribuée à l’hébreu et surtout le grec furent également rent par conséquent à introduire dans leurs
Paolo Uccello. redécouverts. Marsile Ficin (1433-1499), tra- œuvres la réalité de la vie. Ils enrichirent les
Elle représente les bustes ducteur de Platon et de Plotin, et Pic de La détails, les expressions et les arrière-plans.
de grands artistes Mirandole (1463-1494) fondèrent à Florence Une attention particulière fut portée à l’ana-
de la Renaissance
florentine : Giotto, Uccello, une académie platonicienne qui allait influen- tomie, qui se développa avec les progrès de
Donatello, Manetti et cer Michel-Ange et Raphaël. Grâce à la mise la dissection. En 1509, le De divina proportione
Brunelleschi. au point de l’imprimerie par Gutenberg en de Luca Pacioli exposa les résultats des
/ Hubert Josse<-<Archives
Photeb

4300
ˆCˆ˙<M<˙ˆYˆˆBˆ impaire
Œ

4301

Renaissance
de Pline. Le De re aedificatoria de l’architecte

Suite du DOSSIER
Leon Battista Alberti (1404-1472), inspiré de
Vitruve, influença toute l’architecture de la
Renaissance. Quant à Léonard de Vinci
(1452-1519), il fut l’archétype de l’homme
de la Renaissance. Élève de Verrochio, il
introduisit en peinture la perspective aé-
rienne et le procédé du sfumato. Ce léger
voile qui lie le personnage au paysage qui
l’entoure donne à ses toiles un mystère
incomparable. Ses cartons d’esquisses et ses
traités théoriques révèlent que son esprit
universel a brillé aussi bien en anatomie, en
musique, en mathématique et en physique.

¡ L’Europe de la Renaissance
et le mécénat
L’éclosion et l’essor de la Renaissance
durent beaucoup à la transformation de la
notion même d’État. Les petites principautés
italiennes au début du XV siècle, puis le
royaume de France et l’Espagne des Habs-
bourg au début du XVI siècle, connurent une
première expérience de centralisation admi-
nistrative. Le pouvoir y fut affermi par
l’existence d’un large consensus national et
Détail de la Vision de saint l’apparition de la raison d’État (Machiavel,
Augustin (1502), de le Prince, 1516). Les moyens financiers des
Carpaccio. L’évêque humaniste princes furent décuplés par l’impôt et l’em-
d’Hippone est représenté dans son prunt. Le mécénat devint alors pour eux un
cabinet de travail. L’inspiration moyen de satisfaire leur passion pour la
sacrée n’est perceptible que dans
l’attitude du saint qui reste la beauté (collections, galeries) et leur désir de
plume suspendue et le visage gloire posthume. Les deux principaux foyers
tourné vers la fenêtre. de la Renaissance furent la Florence des
/ Scala, Florence<-<Archives Médicis et la Rome des papes Alexandre VI
Photeb (1492/1503), Jules II (1503/1513) et Léon X
(1513/1521).
<Laurent le Magnifique (1469/1492) fut
longtemps la figure emblématique de ces
mécènes, même s’il lui arrivait de ne pas
payer ses artistes. La plupart des cours de
l’Italie du Nord soutinrent et favorisèrent
l’inspiration. Les Gonzague attirèrent à
Mantoue des artistes aussi célèbres que
Andrea Mantegna, qui y finit ses jours, ou
l’architecte Jules Romain (1492-1546), qui y
édifia le palais du Te. La République de
Venise, les Montefeltro, ducs d’Urbino, les
Visconti, maîtres de Milan et de la Lombar-
die, les Este à Ferrare et les Malatesta à
Rimini eurent une politique artistique sem-
blable et encouragèrent les maîtres locaux.
À Florence même, les familles du patriciat
(Strozzi, Pitti) rivalisèrent avec les Médicis.
Le rôle traditionnel de l’Église et des
confréries religieuses demeura important.
Ainsi, c’est pour la Scuola di Sant’Orsola que
le Vénitien Carpaccio (vers 1465-1525) exé-
cuta son chef-d’œuvre, le cycle de l’Histoire
Portrait d’Érasme (1523), de sainte Ursule. Au début du XVI siècle, les
d’Holbein le Jeune. Ce cours du roi de France et de l’empereur
célèbre portrait immortalise assumèrent l’essentiel de ce rôle de mécène.
la figure de l’humaniste. Ce Les ambitions italiennes de François I et
visage concentré sur son les rêves hégémoniques de Charles Quint,
travail représente maître des Pays-Bas, roi d’Espagne (1516)
parfaitement l’homme et empereur (1519), eurent également des
confiant dans ses ressources conséquences dans le domaine des arts.
intellectuelles et dans la François I accueillit en Touraine un Léo-
possibilité de comprendre nard de Vinci vieillissant. Charles Quint
l’univers. conféra au Titien le titre de comte palatin
/ Hubert Josse<-<Archives et l’invita à deux reprises à sa cour
Photeb d’Augsbourg.
<À cet essor du mécénat et des commandes
privées s’ajouta un changement du statut de
l’artiste. Il semble que sa situation, longtemps
recherches mathématiques sur les propor- flamandes) et le génie propre des maîtres, qui marquée par une étroite dépendance vis-à-vis
tions harmonieuses du corps humain (la surent concilier tradition et nouveauté, don- du commanditaire, ait progressivement évo-
«<règle d’or<»). Surtout, la Renaissance pro- nèrent naissance à un art réellement original. lué à son profit. Jouant de sa célébrité et
clama le retour aux principes esthétiques de <Les artistes furent souvent aussi des d’une puissante émulation artistique entre les
l’Antiquité, sans que celui-ci fût jamais réduit théoriciens. Lorenzo Ghiberti (1378-1455) princes, l’artiste put alors, dans une certaine
à une copie servile. Les survivances gothi- écrivit, vers 1450, des Commentaires à mesure, choisir lui-même les thèmes et les
ques, les influences étrangères (byzantines, propos de sculptures antiques et de l’œuvre modes de réalisation des œuvres. Les dé-

4301
paire ˆCˆ˙<M<˙ˆYˆˆBˆ
œ

4302

Renaissance
La Renaissance marque une mutation des
Suite du DOSSIER

consciences. Le monde ne fut plus perçu


de la même façon<; les anciens tabous et
les vieilles frayeurs tombèrent. La nature
devint un objet d’observation et d’expéri-
mentation. L’anatomie et la physique
apparurent<; les artistes étudièrent les corps
dont ils comprenaient le fonctionnement<;
ils découvrirent les principes qui permet-
tent de donner l’illusion de l’espace et du
volume. Ils ne figurèrent plus des idéo-
grammes, mais l’épaisseur, la résistance et
la pesanteur de la réalité extérieure.

Étude d’un mécanisme à mouvement perpétuel, par Léonard de Vinci.


La peinture ne fut pour Léonard de Vinci qu’une illustration de son génie
universel. Ses carnets révèlent un penseur, un scientifique qui s’intéressait aussi
bien aux mathématiques qu’à l’optique, à l’anatomie, à la mécanique et
à la cartographie.
/ Archives Snark<-<Edimedia

Illustration extraite des Vues d’optique (1551),


de Jacques Androuet Du Cerceau. Très important,
l’œuvre gravé de cet architecte propose un répertoire
du vocabulaire architectural de la Renaissance française.
/ Bibliothèque Jacques Doucet

Étude des muscles d’homme, gravure d’après Titien.


La Renaissance connut une profonde mutation des savoirs qui
toucha tous les domaines. Dans le domaine artistique, l’étude
des phénomènes et l’observation du réel devinrent la règle.
/ Collection Viollet

placements devinrent fréquents, surtout entre prééminence certaine. Le premier à étudier <En peinture, l’introduction de la perspec-
Florence et Rome. Le cadre municipal de les vestiges de l’architecture latine fut le tive fut l’un des apports majeurs du XV siècle.
la corporation éclata et les artistes s’organisè- Florentin Filippo Brunelleschi (1377-1446). Par la création d’un réseau de lignes de fuite,
rent en ateliers (ou botteghe à Florence). Il D’un long séjour à Rome, il ramena à l’œil du spectateur est amené vers un point
s’agissait à la fois d’écoles et d’entreprises Florence des principes architecturaux tels de convergence situé à l’infini. Le peintre
spécialisées dans les chantiers culturels. Un que l’arc en plein cintre, la colonne classique donne ainsi l’illusion de la profondeur et peut
maître y instruisait les apprentis et y répartis- aux chapiteaux ioniens et les frontons géomé- développer les arrière-plans. Masaccio (1401-
sait le travail, avec les disparités d’exécution triques. Il sut cependant ne pas se contenter 1428) fut sans doute le premier à maîtriser
que cette organisation entraînait. Padoue de les reproduire et créa un style architectural cette technique dans les fresques de la
devint ainsi un des centres de l’art nouveau original et novateur. Il s’en servit pour édifier chapelle Brancacci à Florence. L’étude et
grâce à l’atelier d’un peintre mineur : San Lorenzo sur le modèle des basiliques l’application des règles mathématiques de la
F. Sequarcione, qui adopta Andrea Mante- romaines et pour dresser les plans de la perspective devinrent alors une obsession
gna (1431-1506). Fils d’un maître du gothi- coupole de Santa Maria del Fiore ou du pour les peintres italiens. Paolo Uccello
que courtois, Gentile Bellini (vers 1429-1507) palais Pitti. Ses élèves florentins appliquèrent (1396-1475), dans la Bataille de San Romano,
introduisit la Renaissance à Venise. Il forma son enseignement à la construction de palais et Piero della Francesca (1416-1492) poussè-
en effet, dans son atelier, son demi-frère privés. Donato Bramante (1444-1514) trouva rent à la limite de ses possibilités le jeu de
Giovanni (1430-1516) et Titien, et il y reçut également son inspiration dans les monu- la perspective.
Mantegna, qui devint son beau-frère. ments romains. Architecte officiel du Saint- <Le second grand acquis de cette période
Siège sous Jules II, il conçut les plans de la fut l’usage de la peinture à l’huile. Il semble
nouvelle basilique Saint-Pierre. Son influence qu’elle ait été importée des Flandres par
¡ Les quattrocento et marqua en particulier Palladio (1508-1580), Antonello da Messina dans le troisième quart
cinquecento (vers 1400- auteur des Quatre Livres de l’architecture du XV siècle. Surtout employée par les
vers 1550) en Italie (vers 1570), dont les œuvres les plus impor- Vénitiens, elle permit une meilleure utilisa-
L’architecture fut peut-être l’art ma- tantes furent les villas privées qu’il édifia dans tion de la lumière et un plus grand jeu des
jeur de la Renaissance. Maître d’œuvre de la région de Vicence (villa Rotonda) et les couleurs. Elle alla de pair avec l’adoption de
l’ensemble d’une réalisation, des fondations églises qu’il construisit à Venise (S. Giorgio la toile comme support du tableau, de
à la décoration, l’architecte jouissait d’une Maggiore). préférence au panneau de bois.

4302
ˆCˆ˙<M<˙ˆYˆˆBˆ impaire
Œ

4303

Renaissance
La chapelle des Pazzi,

Suite du DOSSIER
construite par
Brunelleschi à Santa
Croce, à Florence (milieu
du XV). Très simple et
très pure, cette façade
constitue une des
premières et des plus
importantes manifestations
de la Renaissance.
/ G. Dagli Orti

San Giorgio Maggiore,


œuvre de Palladio
édifiée à Venise de 1566
à 1580. Une grande
connaissance des
monuments et des théories
antiques a permis à cet
architecte d’ordonner
clairement le vocabulaire
antique dans des
bâtiments nouveaux, et en
particulier dans des églises.
/ Scala

<Parallèlement, les sujets profanes firent l’éclosion d’un style romain, représenté par <La sculpture fut le domaine où l’influence
leur apparition dans la peinture. Les thèmes deux adversaires : Michel-Ange (1475-1564) antique se fit le plus sentir. Les copies de
allégoriques ou mythologiques se multi- et Raphaël (1483-1520). La décoration de la l’art grec ou romain datant du Bas-Empire
plièrent, prétextes de moins en moins dissi- chapelle Sixtine par le premier et celle des étaient en effet aisément accessibles. La
mulés pour des études de nus. Abandonnant appartements de Jules II (l’École d’Athènes) sculpture au XV siècle fut un phénomène
les madones à l’enfant, Botticelli peignit ainsi par le second furent immédiatement considé- essentiellement florentin. La production fut
le Printemps (vers 1478), inspiré de quelques rées comme des chefs-d’œuvre. Au même dominée par l’écrasante personnalité de
vers des Stances pour le tournoi de Politien. moment, à Venise, Giorgione (vers 1478- Donatello (1386-1466). Comme son ami
L’art du portrait se répandit et prit une 1510), le maître de Titien, posait les premiers Brunelleschi, il sut intégrer les leçons for-
dimension politique. Ainsi, Mantegna peignit jalons d’une école vénitienne. Il fit, dans les melles de l’art romain, et en particulier la
le duc Ludovic Gonzague et son épouse dans cinq toiles qui lui sont attribuées (dont la composition, tout en les pliant à ses exigences
une salle du palais de Mantoue. Au tournant Tempête, vers 1508), un usage audacieux de esthétiques. Il exécuta la plupart des grandes
du siècle, le déclin des arts à Florence, dû la couleur et de la lumière, première étape commandes religieuses et privées de Flo-
au rigorisme du moine Savonarole, permit vers le maniérisme. rence, dont le Saint Georges de l’Orsan-
michele et un David de bronze. À la fin du
XV siècle, des découvertes archéologiques
relancèrent à Rome l’intérêt pour la sculpture
antique. L’Apollon du Belvédère ou le
Laocoon, déterré en 1506 en présence de
Michel-Ange, furent des exemples dont les
sculpteurs s’inspirèrent ouvertement et qui
permirent de définir un canon de proportions
et une attitude conventionnelle, le hanche-
ment (l’Esclave mourant, de Michel-Ange,
1513-1515). Le nu viril apparut avec le David
de Michel-Ange. L’utilisation du bronze
permit des réalisations monumentales,
comme les portes du baptistère de Florence
par Ghiberti ou les statues équestres, tel le
Condottiere Colleoni par Verrocchio (1435-
1488).

¡  La Renaissance en France


Traditionnellement, on considère que
les guerres d’Italie permirent la découverte
de la Renaissance italienne par les rois de
France. La France des Valois s’affirmait alors
comme une des puissances majeures de
l’espace européen. La royauté était sortie
renforcée de la guerre de Cent Ans et de sa
confrontation avec les grandes principautés
féodales. L’Aquitaine (1453), la Bourgogne
(1477), puis la Bretagne furent réunies au
territoire national. Surtout, les guerres remo-
Les Stanze du Vatican, décorées par Raphaël. Tandis que Michel-Ange travaillait au delèrent la monarchie et la société françaises,
plafond de la chapelle Sixtine, Raphaël fut appelé à Rome en 1508 pour décorer les au point de permettre l’instauration d’un
appartements personnels du pape Jules II au Vatican (appelés les Stanze). Cette scène absolutisme valois. La nécessité d’une armée
représentant la bataille d’Ostie est l’œuvre d’un élève d’après les dessins du maître. permanente (les compagnies d’ordonnance)
/ Scala avait entraîné celle d’un impôt permanent (la

4303
paire ˆCˆ˙<M<˙ˆYˆˆBˆ
œ

4304

Renaissance
Bacchus et Ariane, (1523) de Titien.
Suite du DOSSIER

Les personnages mythologiques au corps nu


évoquent les joyeuses troupes de bacchantes de
certains bas-reliefs de l’Antiquité. Cette œuvre
illustre parfaitement la joie de vivre et la
sensualité qui accompagnent la Renaissance.
/ Focus

taille). Pour gérer ces nouveaux pouvoirs, la


royauté utilisa donc une bureaucratie pari-
sienne et provinciale de plus en plus efficace
(chancellerie, chambre des comptes). Celle-ci
devint la matrice d’une nouvelle noblesse,
dite de robe ou de service, qui s’agrégea
lentement à la noblesse militaire éprouvée
par les conflits. Elle permit au souverain de
faire appliquer sa volonté sans l’aide des états
généraux, qui ne furent pas réunis de 1484
à 1560. Au même moment, surmontant les
crises démographiques successives nées de
la peste de 1348, le pays entrait dans le
«<beau XVI siècle<». La paix intérieure, la
croissance de la population, les progrès
agricoles (introduction du maïs) et l’essor des
échanges commerciaux apportèrent en effet
une relative prospérité qui dura jusqu’aux
années 1560.
<En France, l’humanisme avait trouvé un
terrain fertile, préparé par l’humanisme
chrétien de Jean de Gerson (1363-1429). En
outre, les Valois intégrèrent l’essor de la
nouvelle littérature dans leur système de
glorification de la monarchie. Le secrétaire-
bibliothécaire de François I, Guillaume
Budé, fut à l’origine du Collège des lecteurs
royaux, où l’on enseignait le latin, le grec et
l’hébreu. Clément Marot, Joachim Du Bellay

Le Condottiere Colleoni
(1481-1488), de
Verrochio.
La République de Venise
fit appel au sculpteur
florentin pour modeler le
portrait équestre de son
condottiere. L’expression
farouche, le mouvement
du corps, l’allure martiale
expriment la puissante
énergie d’un guerrier
indomptable.
/ SEF, Turin

Statue de Saint Georges (vers 1415), de Donatello. Placée à l’origine dans


la niche de la corporation des armuriers à l’Orsanmichele de Florence, cette statue
possède une calme grandeur. La précision des formes et la recherche du caractère
révèlent l’idéal classique retrouvé.
/ Scala, Florence<-<Archives Photeb

4304
ˆCˆ˙<M<˙ˆYˆˆBˆ impaire
Œ

4305

Renaissance
présence eut donc peu de conséquences sur
l’art local. Ainsi, Ivan III le Grand fit venir

Fin du DOSSIER
à Moscou l’architecte bolognais Aristotele
Fioravanti, qui reconstruisit la cathédrale de
la Dormition. De même, le roi de Pologne
Sigismond commanda à Francesco Fioren-
tino le palais royal de Cracovie. Malgré la
force de ses liens commerciaux et politiques
avec l’Italie, les immenses richesses que lui
apporta la découverte du Nouveau Monde
et la présence de grands seigneurs mécènes,
l’Espagne demeura longtemps dominée par
la tradition gothique. Elle n’évolua que dans
la seconde moitié du XVI siècle avec le
maniérisme (le Greco). Quant aux pays du
Nord (Pays-Bas, pays rhénans), leur art
propre s’était lui-même en partie dégagé du
gothique (Van Eyck, Bruegel, Memling,
Dürer). Sa force fut telle que les conceptions
italiennes n’y pénétrèrent que lentement.
Enfin, l’Angleterre se tint à l’écart de tous
ces mouvements artistiques, en dépit des
séjours de Piero Torriegano (1472-1528) à
Westminster, où il édifia les tombeaux du roi
Henry VII et d’Élisabeth d’York.
¡  La Renaissance : un âge d’or<?
L’escalier et la salle des gardes du château de Chambord. Ce château, construit à La Renaissance est rapidement deve-
partir de 1519 pour François I, est l’un des chefs-d’œuvre de la Renaissance et témoigne nue un mythe pour les sociétés occidentales.
superbement des influences italiennes<; le célèbre escalier à double révolution, que l’on doit
peut-être à Léonard de Vinci, fait du château un édifice de plan centré et souligne L’idée d’un âge d’or de l’esprit s’est imposée
le souci de symétrie et d’harmonie de l’ensemble. d’autant plus facilement que les contempo-
/ Rozine Mazin - Agence Top rains avaient été frappés par le grand nombre
de maîtres qui brillèrent simultanément dans
tous les arts. Lorenzo Valla ne déclarait-il pas
qu’il n’avait jamais imaginé connaître «<une
ou encore Rabelais furent protégés par ère nouvelle. Leur œuvre maîtresse fut la si riche moisson de bons artistes et de bons
François I et par sa sœur Marguerite de décoration des appartements de François I écrivains<»<? Tous notèrent également que
Navarre. Dans les arts, l’architecte italien le au château de Fontainebleau (galerie cette floraison concerna aussi les arts mi-
Boccador (?-1549) fut parmi les premiers à d’Ulysse, galerie de François I). Le Prima- neurs. Ainsi, Florence, entre 1460 et 1520,
céder aux avances françaises. Arrivé en tice effectua également de nombreuses mis- devint le centre européen d’une marqueterie
France en 1496, il travailla aux plans du sions d’achat en Italie pour François I. Tous que l’utilisation de la perspective et du
château de Chambord et à ceux de l’hôtel deux sont à l’origine de l’école de Fontaine- trompe-l’œil transforma complètement. En
de ville de Paris. Il introduisit en France les bleau (voir ce nom). Italie, seule la musique ne fut pas touchée
travaux de Vitruve, sur lesquels s’appuyèrent par ce mouvement. La polyphonie flamande
les maîtres du classicisme architectural fran- surpassa ses rivales européennes jusqu’au
çais : Philibert Delorme et Pierre Lescot. Si ¡ La Renaissance en Europe milieu du XVI siècle, lorsque s’épanouit
les trois années que passa Léonard de Vinci Au XVI siècle, les artistes italiens l’école de Palestrina (1525-1594). Mais cette
en Touraine n’eurent guère d’influence sur diffusèrent la Renaissance dans la plupart des renaissance artistique, inspirée de la Rome
l’art en France, la venue des peintres pays d’Europe. Mais, le plus souvent, le antique, ne fut pas suivie d’une renaissance
maniéristes le Rosso (1494-1540) et le mouvement se limita à quelques individua- politique. Si l’éclatement de la péninsule en
Primatice (1504-1570) marqua le début d’une lités appelées par un prince éclairé. Leur micro-États rivaux fut fécond pour les arts,
il se révéla néfaste à la fin du XV siècle,
lorsque l’Italie devint un champ de bataille
pour l’empire et les royaumes de France et
d’Espagne. L’asservissement de la péninsule,
dans les années 1530, entraîna la fin d’un
humanisme trop confiant en l’homme et la
crise de la Renaissance. Au même moment,
les réformes luthérienne (1517) et calviniste
(1536) reformulaient sur le plan religieux les
angoisses auxquelles l’esprit de la Renais-
sance ne donnait que des réponses partielles
et destinées à la seule élite princière. L’art
s’engagea alors dans la voie du maniérisme,
annonciateur du baroque et d’un nouveau
retour à l’ordre : le classicisme français.
Fondé sur l’imitation de la manière des
grands maîtres, le maniérisme, aujourd’hui
tenu pour une période artistique à part
Décoration de la entière, fut longtemps considéré comme le
galerie de François I crépuscule de la Renaissance.
au château de
Fontainebleau, par le
Rosso, commencée vers
1533. Des artistes italiens
maniéristes donnèrent une INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
impulsion originale à
la Renaissance française. A. Chastel, Mythe et crise de la Renaissance,
Ils créèrent un programme Skira, Genève, 1989. P. Chaunu, le Temps des
décoratif très raffiné pour Réformes, Fayard, Paris, 1975 (1988). J. Delu-
illustrer des fables meau, l’Italie de Botticelli à Bonaparte, Armand
très complexes. Colin, Paris, 1974. B. Jestaz, l’Art de la
/ G. Dagli Orti Renaissance, Mazenod, Paris, 1987.

4305

Vous aimerez peut-être aussi