Vous êtes sur la page 1sur 3

Edition du 28 avril 2020

Par Diane de Puységur

Le ministère de la Culture allemand débloque un fonds d’aide aux travailleurs


indépendants d’un montant de 50 milliards d’euros

Mi-mars, à Berlin, des travailleurs indépendants, dont font partie les artistes, ont lancé un appel au
gouvernement allemand. Le contre-ténor, David Erler, à l’initiative de cette démarche, a écrit au
ministère de la Culture, expliquant que des milliers de personnes travaillant comme artistes
indépendants allaient connaitre une année noire sans commande ni programmation artistique. Monika
Grütters, ministre d’Etat allemande à la Culture a, seulement quelques jours après, annoncé le
déblocage sans précédent de 50 milliards d’euros destinés spécifiquement aux petites entreprises et
travailleurs indépendants. Il s’agit du programme d’aide le plus important de l’histoire du pays.

En France, alors que le ministère de la Culture prévoit la mise en place de plusieurs fonds de soutien au
secteur culturel, quelques mécènes privés ont pris l’initiative d’aider les artistes, à l’image du fondateur
de la regrettée Maison Rouge, Antoine de Galbert. Récemment, ce dernier a en effet « décidé de reporter
les actions courantes de la fondation pour créer temporairement un fonds de soutien qui pourra aider
plus directement des artistes ». Selon lui, « 90 % d’entre eux n’ont pas de galeries et peu de
collectionneurs » tandis que les autres vont de manière différente « souffrir de l’actualité ».

La Fondation Antoine de Galbert ne pouvant soutenir des personnes privées, elle lance un appel aux
associations culturelles et collectifs d’artistes à se faire connaître. « Je ferai de mon mieux pour répondre
à leurs besoins », a déclaré le mécène aux journalistes de The Art Newspaper France.

A quoi ressemblera le marché de l’art au 1er janvier 2021 ?

La crise, une fois passée, aura-t-elle transformé les habitudes des collectionneurs ? C’est la question
que Barden Prisant, journaliste spécialisé dans le marché de l’art au magazine Forbes, a posé à la
directrice du Winston Art Group, cabinet américain de conseil en acquisition d’œuvres d’art. Celle-ci
prédit, sans grande surprise, que le Covid-19 aura pour effet de rendre la visibilité et la vente des œuvres
encore plus dépendantes d’Internet.
Si on prend l’exemple des foires d’art, les plus importantes continueront évidemment à se tenir
physiquement, elles resteront des évènements clefs du marché international et rythmeront toujours son
calendrier. En revanche, selon elle, dans l’expectative d’un retour à la normale, il faut s’attendre à ce
qu’elles se tiennent exclusivement sur Internet, du moins dans un premier temps, comme c’est le cas
de l’édition 2020 d’Art Basel Hong-Kong.

De même, elle prévoit que des foires de taille plus modeste, accueillant des professionnels en phase de
lancement, seront totalement dématérialisées. Si l’émergence de foires virtuelles devient une tendance
pérenne, elle explique que ces jeunes marchands et galeries se trouveront finalement soulagés d’un
certain nombre de frais et pourraient y trouver un avantage certain. Encore leur faudra-t-il adopter une
bonne stratégie de communication autour de l’ouverture de leurs galeries virtuelles respectives, prévient
notre spécialiste. En effet, elle estime qu’un tiers des galeries de Los Angeles fermeront leurs portes à
cause de la crise. Il leur est alors conseillé de ne pas céder à la panique et de préparer habilement
l’ouverture de leur plateforme virtuelle car le risque est de créer un engorgement d’effets d’annonce qui
fera fuir les collectionneurs.

Du côté des maisons de vente, notons que celles dotées d’une bonne culture d’entreprise et d’une forte
implantation internationale se sont depuis longtemps appropriées le modèle des ventes live et online.
Mais avec un basculement général du marché des ventes vers un modèle totalement dématérialisé, la
directrice du Winston Art Group craint des problèmes de transition numérique pour beaucoup de
maisons qui n’auraient pas encore intégré cette nouvelle façon de faire des affaires. Il faudra donc un
temps d’adaptation mais des institutions comme Phillips s’en sortent bien et la vente, pour 1,27 million
de dollars, de Antipodal Reunion par George Condo chez Sotheby’s ces derniers jours, constitue un
record pour une vente en ligne. Cette vente montre, selon elle, que le marché est prêt à faire cette
transition. D’ailleurs ce nouveau modèle devrait permettre aux maisons de vente de faire des économies
très intéressantes en termes de frais de transport, de stockage et de location de salles.

Mais mis à part le modèle économique avantageux que toute industrie peut extraire d’un monde
dématérialisé, reste toujours en suspens la question de la possibilité d’apprécier une œuvre sans
percevoir sa plasticité. Les avis et sensibilités ne cesseront de diverger à ce sujet et resteront le plus
souvent biaisés par l’intérêt financier que les marchands et collectionneurs pourront en tirer. Laissons
alors ceux qui ont consacré leur vie à promouvoir les artistes s’exprimer. Ainsi, à la question de savoir
si un collectionneur peut raisonnablement acquérir une œuvre de grande valeur financière sans avoir,
de tous ses sens, jugé de sa valeur artistique, la galeriste Paula Cooper répond que non. Installée à
New-York depuis 1968, celle qui a lancé les carrières de Donal Judd et de Dan Flavin, considère en effet
que « l’expérience de l’art demeure fondamentale ».

Disparition de Peter Beard : le plasticien et photographe amoureux du continent africain


s’en est allé

Né en 1938 dans la high society new-yorkaise, Peter Beard a été retrouvé mort dans une forêt de Long
Island après trois semaines de recherches. Il entreprit dès 1955 d’explorer l’Afrique, en se rendant alors
au Kenya où il installa sa tente près de l’ancienne ferme de la romancière Karen Blixen, auteur de Out
of Africa qui fut à l’origine de sa passion pour ce continent. Beard rencontra d’ailleurs le grand écrivain
danois à la fin de sa vie et fit de cette femme atypique des portraits à l’atmosphère spectral.
En 1965, il publie The End of The Game, recueil de photos dans lequel il témoigne de la disparition des
éléphants au Kenya. Inspiré des diaries de son adolescence, l’ouvrage est un mélange étonnant de
textes, notes personnelles, photographies et peintures. Il photographie les cimetières d’éléphants et
débarrasse la photo animalière de toute idéalisation.

Ces aventures en Afrique ne l’empêcheront pas de garder un œil attentif sur la scène artistique de New
York et d’assister aux débuts du Pop Art. En 1972, son charme ravageur séduit, entre autres, Andy
Warhol. Ce dernier sera fasciné par cet artiste qui « peint avec son sang ». Il nouera aussi des liens avec
Francis Bacon avec lequel il collabora longtemps. Fréquentant Jacquie O et les Rolling Stones, Peter
Beard construit son aura entre la jet set américaine insouciante des années 1970 et ses virées sauvages
en Afrique mais n’oubliant jamais en chemin son âme d’aventurier et ses carnets remplis de souvenirs.

La réouverture des musées et lieux culturels européens se concrétise timidement

Dès le début de cette semaine, les musées allemands ont de nouveau accueilli du public, tandis que
leurs équivalents italiens et belges est annoncée à partir du 18 mai prochain.

En France, l’annonce par Emmanuel Macron d’un déconfinement progressif à partir du 11 mai a été
diversement accueillie par les institutions. Car au-delà de cette date seuil, aucun calendrier précis n’a
été dévoilé et le principe directeur selon lequel les lieux accueillant du public doivent rester fermés
« jusqu’à nouvel ordre », pour faire l’objet d’un déconfinement au cas par cas, maintient un flou
difficilement supportable. Nul doute que le gouvernement pourra et voudra bénéficier de l’expérience
des pays qui auront entre-temps rouvert leurs lieux artistiques et patrimoniaux, avant de préciser les
modalités applicables en France.

Vous aimerez peut-être aussi