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Jean Despois

Problèmes de l'économie algérienne


In: Annales de Géographie. 1962, t. 71, n°384. pp. 196-198.

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Despois Jean. Problèmes de l'économie algérienne. In: Annales de Géographie. 1962, t. 71, n°384. pp. 196-198.

doi : 10.3406/geo.1962.16188

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1962_num_71_384_16188
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rieurs, des calcschistes et des phyllades supérieures qui forment deux nappes dont la
première est affectée par trois anticlinaux. Enfin, l'ensemble du haut Himalaya
comprend les gneiss du Barun, le granite stratoide du Makalu, effilé vers le Sud, inter
prété comme un coin injecté dans les racines des grands chevauchements, entre les
gneiss rigides et la couverture épimétamorphique des couches noires et jaunes de
l'Everest, micaschistes passant vers le haut à des phyllades puis à des pélites.
L'auteur aborde ensuite quelques problèmes, celui de la vallée de l'Arun non seu
lement transversale mais encore établie dans une ondulation anticlinale de l'édifice
des nappes où l'entaille est d'environ 15 000 m. Elle se serait mise en place à l'Éocène
et serait antécédente. L'hypothèse de l'antécédence apparaît d'autant plus vraisem
blableque les terrasses, dans la chaîne bordière, ont des pendages, croissant vers
l'intérieur, de 10 à 15°. Des remblaiements, considérables dans l'intérieur de la chaîne,
auraient été provoqués par des accidents longitudinaux. Quelques paragraphes sur
les glaciers de parois, de cirques, de vallées, vite couverts en arrière des moraines
terminales dont les plus basses sont à 4 300 m, terminent ces brèves observations
sur des questions qui, de toute évidence, n'ont guère préoccupé l'auteur.
La partie la plus longue de l'ouvrage a pour objet la description des itinéraires.
Elle est riche par les observations de détail, coupes, croquis et dessins précis, parfois
si évocateurs qu'ils autorisent des remarques sur le relief et les glaciers que ne fait
pas l'auteur. Elle est suivie d'une étude pétrographique des échantillons où les
analyses chimiques sont nombreuses.
Le géographe, comme le géologue, seront enfin reconnaissants à l'auteur d'avoir
tenté, dans les soixante pages finales, une synthèse de la géologie himalayenne.
Il résume les travaux des divers géologues qui ont travaillé dans la chaîne. Il distingue
lui-même la zone des Siwaliks dont les roches détritiques tendres se plissent encore
en séries isoclinales que domine une chaîne bordière de formations permo-triasiques,
également en voie de soulèvement. Celle-ci est chevauchée, le long d'une grande
flexure, par la zone du bas ou du moyen Himalaya (Cambrien-Carbonifère) dont les
terrains métamorphiques plongent régulièrement vers le Nord. Cette zone est chevau
chée à son tour par le haut Himalaya (Précambrien et Primaire inférieur et granites
tertiaires) qui se soulève encore. Les raccords stratigraphiques de formations qui pré
sentent de fréquentes variations de faciès sont discutés, tandis que l'analyse critique
des diverses interprétations tectoniques exposées conduit l'auteur à résumer l'histoire
de la chaîne, dont le matériel s'est accumulé pendant le Primaire, en bordure du
continent de Gondwana, et qui s'est esquissée au Secondaire. Les nappes se sont accu
mulées à la fin de cette période, mais la chaîne n'a cessé de se soulever depuis lors.
J. Dresch.

PROBLÈMES DE L'ÉCONOMIE ALGÉRIENNE

L'Algérie continue d'attirer l'attention des économistes.


Alors qu'elle fait habituellement, de leur part, l'objet d'études générales, voici
qu'un jeune auteur, R. Dumoulin, désireux d'en préciser les structures démograp
hiques, sociales et économiques, préfère se limiter au cadre d'un département,
celui de Bône, qui a été détaché de celui de Constantine dès 1955 x. Il s'efforce donc
d'abord de justifier son choix, s'évertuant à montrer l'unité de ce département qui
1. R. Dumoulin, La structure asymétrique de l'économie algérienne d'après une analyse de la
région de Bône, Paris. Genin, 1960.
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est fait en réalité de régions très diverses, juxtaposées, mais complémentaires et
soudées par un double axe routier et ferroviaire qui débouche à Bône.
L'idée conductrice, soulignée par le titre du livre, est que la situation de l'Algérie
n'est pas tout à fait celle des autres pays sous-développés, que son économie n'est
pas uniquement une « économie coloniale », mais que toute sa structure est asymét
rique— l'asymétrie se définissant « par une triple série de déralages dans les compos
antes sociologiques, économiques et démographiques qui, se répercutant de proche
en proche, aboutissent à la généralisation de niveaux de vie anormalement bas dans
un revenu global relativement élevé ». Le but du livre est de décrire et de dégager
cette asymétrie qui caractérise tous les domaines et qui évolue en s'aggravant, puis
d'en rechercher les remèdes.
Le mot est plus neuf que l'idée, déjà évoquée par de nombreuses expressions
comme déséquilibre, disparité, décalage, distorsion, divergence, désarticulation,
contradiction... Il est vrai qu'il n'est pas exactement synonyme et que le long et
intéressant exposé des structures humaines et économiques du département de Bône
en reçoit un éclairage parfois nouveau.
L'asymétrie des niveaux de vie étant l'aboutissement de toutes les autres, c'est
elle qu'il faut avant tout combattre en incorporant les classes les plus pauvres dans
l'économie dominante, en les valorisant en tant que productrices et consommatrices.
La seconde partie du livre s'efforce de le démontrer en proposant des solutions qui
exigeraient une aide extérieure et qui seraient du reste valables pour l'ensemble des
départements algériens.
C'est à un problème plus particulier que s'attaquent les auteurs d'un livre anonyme
sur la micro-industrie « au service de l'industrialisation de l'Algérie »x. Après un bref
tableau des industries existant en 1956, industries insuffisantes, hétérogènes, fragment
aires mais non négligeables, ils passent en revue « les inconnues de l'industrialisation »
selon le Plan de Constantine (1959-1963). L'industrialisation est une nécessité vitale
pour le pays, mais elle n'est pas sans danger parce que les solutions comportent
trop d'inconnues. Le plan prévoit la création, en 5 ans, de 400 000 emplois réguliers
nouveaux dont 250 000 environ pour l'industrie. Mais ces 250 000 emplois comportent
nécessairement un encadrement important d'ingénieurs, de techniciens subalternes,
d'agents de maîtrise et d'ouvriers qualifiés dont l'Algérie ne peut fournir qu'un nombre
infime : d'où viendront tous les autres dans les circonstances actuelles? D'autre part
le rapide développement industriel prévu — mais en fait retardé sensiblement par les
événements — risque d'amener la paupérisation des campagnes et la prolétarisation des
villes par suite de l'abandon des champs parles jeunes plus dynamiques et de l'exode
de familles entières venues vivre au crochet des nouveaux salariés urbains. Il faut
aussi craindre en ville une rapide « désintégration sociale » en même temps qu'une diffi
cile adaptation à une vie nouvelle où l'on change de « notion de temps, de durée,
d'exactitude, de vitesse ». Enfin n'y a-t-il pas souvent contradiction entre un État
qui veut industrialiser pour créer des emplois et des entreprises dont les principaux
soucis sont la rentabilité et le profit?
A côté de l'industrialisation sous sa forme moderne il y a donc place pour ce que
les auteurs appellent la micro-industrie. Ce n'est pas l'artisanat qui, sous des formes
diverses, est un travail manuel qui exige un long apprentissage. C'est une industrie
élémentaire faite — hors des grandes villes et de préférence dans les campagnes
« sous-développées » — de groupes d'ateliers comptant deux ou trois machines ser-
1. Secrétariat social d'Alger (5, rue Horace Vernet), Au service de l'industrialisation de
l'Algérie. La micro-industrie , Alger, 1960.
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vies par quatre à six personnes, fournissant chacun un seul type de produit simple
et bon marché : matériaux de construction, articles de ménage rustiques, outils de
travail, pièces de rechange simples, vêtements... Les travailleurs pourraient être
formés au cours de stages de brève durée. Ces ateliers recevraient l'impulsion de
commissaires au développement aidés de moniteurs, qui utiliseraient les organismes
locaux et veilleraient à la création progressive de ces ateliers, à leur coordination
et à la commercialisation de leurs produits. Les matières premières seraient pour la
plupart prises sur place ou utiliseraient les déchets du secteur évolué de l'industrie.
Coiffée par la direction générale au Plan d'Alger et par des sous-directions régio
nales, cette micro-industrie préparerait les travailleurs au maniement et au rythme
des machines, elle serait au service de l'industrialisation, mais elle serait aussi une
transition qui tiendrait compte, dans les campagnes, « de l'écart qui existe entre la
société originelle coutumière et les sociétés modernes industrielles ». L'idée mérite
réflexion et doit être encore creusée.
D'autre part, on doit à J. Guillot cinq articles qui, réunis en un livre1, forment
un ensemble sur l'évolution de l'économie algérienne depuis la seconde guerre mond
iale. Le premier traite du problème de l'amélioration des niveaux de vie des popu
lations musulmanes et des efforts qui ont été faits pour accroître la production,
depuis les Travaux de la Commission des réformes musulmanes de 1943-44, avec
la politique du paysannat et la création des Secteurs d'amélioration rurale (S.A.R.).
Le second retrace l'histoire de l'industrialisation depuis l'époque antérieure à 1939.
Suit un long compte rendu critique du livre de R. Gendarme sur l'économie de l'Algérie
que j'ai analysé ici-même2. Dans la quatrième étude intitulée Réformes économiques
et plans en Algérie, l'auteur critique fortement les perspectives décennales de déve
loppement économique de l'Algérie de mars 1958, parce qu'elles font presque toujours
abstraction de la dualité des secteurs et des structures économiques ; il plaide pour
des investissements prioritaires et massifs dans le secteur rural traditionnel. Enfin
le cinquième article est consacré au Plan de Constantine (1959-1963) et au bilan de
l'année 1959. Ils sont d'abord exposés en détail ; le retour à la distinction des deux
économies est approuvé ; vient ensuite une longue discussion critique où l'auteur
regrette, une fois encore, que l'effort maximum n'ait pas d'abord porté sur l'amélio
rationdu sort des ruraux les plus pauvres. Il y a à cela, on le sait, des raisons de
rendement3.
Ces trois livres laissent à l'arrière-plan l'horizon politique qui est cependant
chargé de sombres nuages.
J. Despois.
L'INDUSTRIE DE LA PÊCHE
AUX ILES SAINT-PIERRE ET MIQUELON

Le Territoire des îles Saint-Pierre et Miquelon est trop exigu (240 km2 et 5 000 hab.
environ) et éloigné de la métropole pour attirer beaucoup l'attention. Cependant,
ce petit archipel français, tout proche de Terre-Neuve, est actuellement le théâtre
d'une expérience de pêche industrielle, qui mériterait d'être mieux connue.
La Société de Pêche et de Congélation ( S.P.E.C.), société d'économie mixte, créée
1. J. Guillot, Le développement économique de l'Algérie (Cahiers de l'Institut de Science écon.
appliquée, Suppl. n° 108, déc. 1960, Paris, I.S.E.A.).
2. L'économie de l'Algérie (Annales de Géographie, 1960, p. 80-83).
3. Les comptes économiques de l'Algérie et du Sahara pour les années 1957 et 1958, qui ont servi
de base au Plan de Constantine, ont été publiés sous ce titre par la Statistique générale de
l'Algérie, Alger, 1960.

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