Dès que l’avion se posa sur le tarmac de l’aéroport Leopold
Sedar Senghor, la pluie se mit à tomber. En ce mois d’août de canicule, Dakar soufflait à chaque fois que le ciel ouvrait ses vannes, mais le comble c’est que cela influait sur le cadre de vie, les inondations dans les quartiers, les avenues montraient que la métamorphose grandissante de la capitale n’a pas géré les problèmes d’assainissement. Chaque année les mêmes problèmes se répétaient malgré la volonté ressassée des politiques, vantant les solutions apportées qui au finish ne réglaient rien. Sandrine le cœur battant se dirigea vers le hall avec les autres passagers. Pour la première fois de sa vie, elle posait le sol sur ce pays qu’elle n’a jamais connu. Elle n’y était même pas née, mais elle se sentait appartenir intérieurement à cette terre. Elle respirait de longues brassées d’air, excitée. Bien malgré elle, elle se sentait rentrer chez elle après une très longue absence. Du haut de ses un mètre quatre vingt dix, elle surplombait l’agent qui vérifiait ses papiers, un homme trapu, très noir. Il souriait des ses dents blanches, ses yeux s’ouvrant gaiement sur le décolleté de Sandrine qui laissait voir une poitrine proéminente mise en valeur par son teint clair uni, presque rayonnante. L’agent retint son stylo, fixant dans un élan désespéré de charme, le visage de Sandrine. Elle était telle ces mannequins qu’on voyait dans les magazines, élancée, des yeux de biches qui s’ouvraient presque en cercle quand elle parlait, son nez menu, et ses lèvres qui dessinaient un cœur large écrasé que son rouge à lèvre vif mettait en évidence. Son haut blanc immaculé allait parfaitement avec son pantalon noir qui semblait si long sur ses grandes jambes se terminant sur des talons hauts qui terminaient de lui donner un air de géante. Elle sortit du hall, suivit une longue haie de barrières juxtaposées alignées en parallèle derrière laquelle se trouvaient les proches parents venant accueillir les voyageurs. Des embrassades, des étreintes à travers les barrières concoctaient cet air de tendresse de parfum de retrouvaille. Elle attarda les yeux sur un homme trop empressé de serrer sa famille contre lui, cherchant désespérant des yeux un moyen de passer à travers, un garçon sans doute dans les douze ans et une petite fille d’à peine huit ans sautillaient de joie, l’air heureux de revoir sans doute leur père. Elle se détacha du spectacle et rechercha dan la foule, un bout de papier que tenait un homme presque chauve, très mince avec dessus son nom « Sandrine Bechet ». Elle lui fit signe de la main, légèrement et l’homme s’ouvrit d’un large sourire montrant des dents jaunies par le tabac. L’homme lui fit signe de continuer sur la haie vers la sortie. Il rangea son papier qu’il froissa sans ménagement dans la poche de sa veste marron qui sans doute avait connu de meilleurs jours, s’approcha de Sandrine pour lui faire la bise et une accolade. - Bienvenue Mademoiselle Bechet, lâcha-il dans un français à l’accent très correct. - Bonjour, vous pouvez m’appeler Sandrine. - Moi c’est Adama, je suis celui avec qui vous communiquiez par mail pour votre hébergement. Je vous ai trouvé une très bonne famille, très propre et discrète aussi, vous n’aurez pas à vous plaindre. - Je vous remercie Adama, bien sûr toujours dans les mêmes conditions ? - Oh oui, rien n’a changé entre temps, ce sera cent cinquante mille francs le mois, vous aurez en charge votre repas, mais comme je vous l’ai spécifié dans le mail, la maison d’accueil peut s’en occuper si vous faites une rallonge de soixante quinze mille francs, car bien sûr il leur faudra adapter les repas à votre convenance. - D’accord, aucun souci, on fait quoi là maintenant ? - Nous allons prendre un taxi dans le parking, bien évidemment c’est à votre charge et mon transport de l’aller doit être remboursé. Ils se mirent à marcher vers le parking, la pluie battait maintenant son plein. Adama enleva sa veste et en improvisa un parapluie pour Sandrine, derrière eux un préposé aux bagages poussait les valises sur un chariot. Adama entama de marchander le prix avec un taximan qui s’était avancé vers eux, tenant la conversation dans un wolof dénué de toute locution gauloise. - Mon ami, on va à Rufisque. - Où exactement à Rufisque ? - Castor, ce sera combien ? Répondez-moi en wolof pas en toubab. - Ce sera dix mille seulement, répondit le taximan en respectant la consigne. - Trop cher, regarde il pleut je n’ai pas le temps de marchander, prend les valises et mets les dans le coffre, je te donne sept mille cinq cents francs. - Ha non trop peu, dix mille ou rien. - Regarde bien autour de toi, tes camarades sont là, si tu refuses ce que je te donne, je trouverais même quelqu’un qui acceptera cinq mille francs, je n’ai pas le temps. - Bon ok, allez monter ! Sandrine restait spectatrice regardant Adama et le taximan gesticuler jusqu’à trouver un arrangement. Quand Adama lui fit signe d’entrer dans le taxi, elle lui tendit sa veste et resta un moment les yeux levés vers le ciel, le déluge s’abattait sur son visage, emportant ses larmes invisibles qui sortaient malgré elle de ses yeux. Elle aurait tellement voulu que ce jour là ce soit sa mère qui lui tint les bras pour lui présenter sa patrie. Son cœur était empli de ce chagrin de l’absence des personnes qui nous sont chers. Elle entra dans le taxi, Adama s’affairant à faire monter les bagages dans la malle. Il donna cinq cents francs au porteur de bagages qui s’en retourna avec le chariot. Il s’engouffra dans le taxi et parla à Sandrine. - Rufisque est un peu éloignée, le taximan a demandé quinze mille francs et j’ai donné mille francs au porteur des valises. Pour seule réponse, Sandrine fouilla dans son sac, en sortit trois billets de dix mille et un de cinq mille francs qu’elle lui tendit. Le chauffeur rentra, mis en marche la voiture, activa les essuies glaces et démarra. La pluie drue, empêchait Sandrine de jouir du spectacle, elle se vautra davantage dans le fauteuil et ferma les yeux. Elle riait intérieurement de la discussion que tenait Adama et le chauffeur, mais elle n’en montra rien. - Vous habitez à Rufisque mon ami ? Demandait le chauffeur toujours dans un bon wolof. - Non moi j’habite à Dakar, aux Parcelles Assainies. J’ai une organisation qui s’occupe d’accueillir et d’héberger des toubabs qui désirent vivre dans les familles sénégalaises. Celle-ci vient d’arriver, elle a demandé à loger à Rufisque. - Mais c’est loin, tu aurais dû la convaincre de loger à Dakar. - Ah tu connais les toubabs noirs, toujours à la recherche de leur africanité, surement qu’elle a vu la ville dans un magazine, avec son caractère vétuste, eux c’est ça qui leur plait. - Hé oui, parmi d’autres choses aussi. Ils se regardèrent dans un regard complice et éclatèrent de rire. - Tu devrais ma donner ton numéro, tu sais, renchaina Adama, durant son séjour, elle aura besoin d’un taxi pour ses courses et déplacements, et peut être même qu’à force d’être avec elle, tu auras la chance de la séduire et ce sera ton ticket de sortie de la galère. - Pas de soucis mon frère, toi tu es un vrai frangin. Elle est superbe ton toubab, waouh je n’arrive même pas à conduire, c’est elle seule que je regarde. - Hé mon gars, regarde la route, c’est plus sûr, d’autant plus qu’il pleut. Tu auras le temps de la regarder, n’oublies pas que leur activité principale c’est le sexe. Ils éclatèrent à nouveau de rire. Le taxi roulait sur l’asphalte mouillée, imposant quelques soubresauts aux passagers quand ses pneus rencontraient des aspérités. Sandrine avait détaché son esprit de la conversation entre Adama et le chauffeur. Elle sentait désormais tout le poids de sa mission, y arriverait-elle ? Rien n’était sûr, il s’était passé tant d’années, et elle n’avait pour indication que le cahier intime de sa mère qu’elle serrait entre ses doigts. Par ce geste, elle revit l’image de celle-ci lui serrant très fort la main, assises sur ses genoux lui faisant face, le sourire rayonnant. Il n’y a rien qui puisse combler le vide que crée l’absence d’une mère, rien, une mère restera toujours le socle de tout enfant. Malgré la pluie qui tombait drue, Saliou Seck restait stoïquement sous le balcon de la maison voisine à la leur, une bâtisse de deux étages dont le plan, par extraordinaire faisait que les chambre faisaient face à la cour de leur maison, enlevant toute intimité à sa famille. Même pour les repas, le bol faisait face au regard des voisins au premier et deuxième étage, de même chaque bribe de conversation devait être chuchoté sinon par les effets d’écho parvenait à ceux-ci. D’ailleurs à chaque fois que Daba la voisine dans la chambre du premier avait besoin d’appeler ses deux enfants qui passaient leurs temps chez lui, elle n’avait besoin que de se mettre devant sa porte, face à la cour des Seck et crier. Zal comme il aimait à se faire appeler avait fait de brillantes étude. Après l’obtention du baccalauréat réussit à dégoter une bourse d’étude pour une formation en management. Hélas le diplôme en poche il se heurtait à la dure réalité de la vie professionnelle, le chômage malgré la qualification. Désespéré après des centaines de demandes sans suite, il rêvait pourtant du miracle qui le sortirait de la galère, lui et toute sa famille. Il ne se passait un jour où il ne pensait à reposer sa mère Ma Alima, qui chaque aurore se levait pour aller chercher du poisson qu’elle revendait, bassine en tête, en parcourant les quartiers de Rufisque. Elle arrivait ainsi à nourrir sa petite famille, que le père de famille Pa Assane n’arrivait plus à tenir avec sa maigre pension de retraite. Lorsque Adama de l’organisation Terre d’accueil l’avait approché pour lui parler de son problème de trouver une maison d’accueil pour une française qui venait en vacances, Saliou s’était tout de suite excité, l’émolument n’était certes pas grand, soixante quinze mille francs par mois, pour juste trois mois, mais il avait vu en en cet évènement une ouverture des vannes du ciel pour toutes ses prières. C’était l’occasion de se sortir de la galère, il ne devait pas rater sa chance, la séduire et faire d’elle son passe-droit pour de meilleurs lendemains. Il s’était fait particulièrement beau ce soir, rien n’avait été laissé au choix : ses cheveux qu’il avait passé à un liquide spécial pour tenter à force de tours de mains dessus d’en faire la naissance de rastas, les ornements d’art sur ses bras et les gigantesques chapelets autour du coup, sans oublier les habits multicolores faits de multitudes de tissus reliés entre eux et des sandales tout aussi artisans. Malgré la nuit et la pluie qui ne diminuait pas d’intensité, il restât à attendre l’arrivée de la petite française, il devait l’accueillir et faire bonne impression. Bientôt sa patience fut récompensée, des phares au loin montrait une voiture tentant de contourner creux remplies d’eau dans la ruelle principale. Bientôt la voiture se gara devant lui, il scruta l’intérieur pour être sûr de ne pas se tromper, s’avança vers la portière arrière en ouvrant un grand parapluie. Sandrine ouvrit la portière, regarda l’homme qui se tenait devant lui, parasol en main, pour le protéger du déluge qui ne cessait de tomber. L’homme tout en sourire lui fit des bises aux joues avec un cérémonial de bienvenue, lui tendit le parasol et s’avança sous la pluie vers la malle arrière. Le chauffeur descendait aider à sortir les bagages, Adama insistait lui pour faire entrer Sandrine dans la maison, mais elle restait à inspecter ses bagages que Zal s’empressa de faire entrer avec grand peine. - « Dieureudieuf taximan wayé del dawal ndank ak taw bi wauroul » (* merci taximan, mais il faut conduire prudemment en temps de pluie, c’est plus sûr) lança-t-elle à l’endroit du chauffeur éberlué au même titre que Adama qui en perdit son latin. - Co .. comment tu …vous …. Parlez wolof ? Réussit à dire Adama - Touti rek ( * un peu) répondit Sandrine dans un sourire plein d’équivoque. Bienheureuse pluie, sans elle, on aurait vu la sueur sur le front de Adama qui, intérieurement, repassa toutes les bêtises balancées dans la langue de Kocc par lui et le chauffeur à leur hôte bien calée dans son fauteuil. Il ne parvint pas à entrer dans la maison, baragouina autant que possible des mots de bienvenues et à peine la requête de paiement. Sandrine lui tendit une enveloppe, il ne l’ouvrit même pas pour vérifier, s’engouffra dans le taxi et demanda au taximan de le ramener chez lui.
Sandrine lui tendit une enveloppe, il ne l’ouvrit même pas pour
vérifier, s’engouffra dans le taxi et demanda au taximan de le ramener chez lui. - Yaye ki dégoul wolof way (* maman elle ne comprend pas le wolof !) lançait Saliou à sa maman qui était sortie malgré l’heure tardive pour accueillir son hôte. Toute souriante maman Alima Thiam ouvrit grand ses mains et serra contre elle Sandrine, l’étouffant presque contre ses énormes seins que cachaient à peine un tissu wax noué juste sur la poitrine. Elle mêlait dans un néo langage wolof et français dans un mélange quasi intraduisible d’un côté comme de l’autre. Elle la relâcha enfin, et ce fut ensuite à tour de rôle, Seynabou la fille aînée, Ibou qui venait juste après Saliou et Adja la benjamine en jean hyper moulante sur sa taille de guêpe que faussaient des fesses un peu grandes. Au Sénégal, une fille peut manquer de tout, elle peut même ne pas être belle, mais ne pas avoir de fesses élargies c’est le comble de la pauvreté. Pour déclencher les foudres de guerre d’une fille il suffit de lui déclarer qu’elle avait de petites fesses. Saliou sonna la fin de la récréation, clamant la fatigue du voyage dont souffrait Sandrine, celle-ci dans un sourire las montra son acceptation, et il la mena vers sa chambre. Celle-ci devait faire dans les quatre mètres carrés mais disposait d’une salle d’eau. Saliou s’assit à même le sol, jambes et bras écartés, l’air fatigué. Il parlait sans s’arrêter de tout et de rien, faisant déjà un programme de visites de zones réputés très prisées par les touristes, sa connaissance du pays sera mis à contribution rien que pour les beaux yeux de Sandrine. Celle-ci somnolait déjà dans sa tête, mais son étrange nouvel ami ne montrait aucun signe de vouloir partir. Bien malgré elle, elle le supporta encore une demi-heure puis pouffa intérieurement de joie quand il décida enfin de prendre congé. Elle ferma la porte à clé, deux tours, tenta une troisième qui refusa de s’enclencher, elle testa quand même de pousser la porte de force, histoire de vérifier qu’elle était bien fermée. Rassurée, elle se déshabilla prestement, se dirigea vers la salle d’eau avec dans l’esprit de prendre un bon bain. Elle s’arrêta net, on toquait à la porte avec insistance, discrètement certes mais sans intermittence. Elle plongea la main dans sa valise, rechercha une serviette qu’elle se ceint sur la poitrine et ouvrit la porte. Devant elle, Saliou, tout sourire, lui présenta un plateau et une bouteille d’eau minérale. Il était cette fois ci buste nu, montrant des abdominaux très bien travaillés sur une poitrine relevée. Au regard appuyé de Sandrine, il sentit toute sa gloire, il venait de gagner sa première bataille. - Désolé, ma mère m’a rappelé que votre diner était dans la cuisine, j’ai voulu vous l’apporter, vous devez avoir faim. - Merci mais je n’ai pas très faim. - Oh vous savez la nuit est longue. Saliou la contourna, entra dans la chambre et posa le plateau et la bouteille à même la moquette. Sandrine était toujours devant la porte, lui il s’attarda encore à parler de choses et d’autres, elle perdit patience et renfrogna son visage, ce devant quoi Saliou ne résista point. Il sortit et la porte se referma derrière lui avec fracas. L’inspecteur Ibrahima Keïta tira de sa poche le paquet de cigarettes mouillées, il regarda encore un peu le contenu, en sorti une qu’il posa sur ses lèvres épaisses, le contact avec la nicotine qu’il inspira le soulagea un peu. Il s’énerva, arracha de sa bouche le bâton de cigarette et le mêla au paquet qu’il broya et jeta par terre. Il ne chercha plus à s’abriter de la pluie, il était tout mouillé. Impossible d’aller chez lui se changer, heureusement, il avait sa tenue au sec dans son bureau. Il resta debout sur le trottoir à regarder les voitures passer, à toute vitesse sur cet embranchement de la route nationale. Habillée en boubou traditionnelle, un ensemble Bazin Obasanjo bleu de nuit, qui avait fini de se coller à son corps, il donnait de la peine, debout tout seul, dans l’attente d’une voiture qui le mènerait de Mbao au commissariat de Rufisque où il officiait. Son visage au facies ferme témoignant des quinze années au service de la loi, de rigueur répétée dans le travail, de refus de toute compromission, reflétait quand même la fierté du devoir accompli. Dans la corporation, ses collègues évitaient de lui parler de « coups » qu’ils s’adjugeaient aux torts des gens pour arrondir leurs fins de mois. Un jour, il lui était même arrivé de se trouver en face d’une situation de corruption d’un de ses collègues, ce qu’il trouva digne d’un rapport au commissaire qui rangea aux oubliettes très rapidement ce fait. Depuis, il était plus que craint par ses collaborateurs qui se cachaient même de lui pour opérer en toute discrétion. Sa hiérarchie le gardait parce que c’était un fin limier qui résolvait les cas les plus intrigants de crimes, son flair hors pair le mettait rapidement sur une piste sûre, et ses dossiers ne trainaient donc pas, une raison supplémentaire de son maintien, car à lui tout seul il constituait les meilleurs statistiques de la lutte contre le crime. Son coup de filet le plus parlementé fut évidemment le cambriolage du dépôt de gaz. Dans cette affaire, l’énigme des enquêteurs était de savoir comment les voleurs s’y étaient pris. L’inspecteur Kane alors en charge de l’enquête, s’était tiré les cheveux pendant plusieurs semaines sans pouvoir suivre un fil conducteur. Le gérant du dépôt gardait toujours dans le tiroir de son bureau en fer forgé une importante somme d’argent qu’il allait déposer à la banque en fin de semaine. Un jeudi au soir, les deux vigiles sont braqués aux armes à feu, selon leur déclaration préliminaire, déshabillés et ligotés come des saucissons, bâillonnés. La petite porte donnant sur l’intérieur du dépôt fut forcée et les assaillants purent entrer dans le bureau du gérant et s’emparer du butin en forçant le fameux tiroir. Toujours selon le récit des gardiens, ils étaient au nombre de cinq, et se seraient enfuit, leur forfait accompli, dans une voiture de type Renault quatre cent cinq noire, le numéro de plaque n’y était pas. Pendant des jours, les limiers se mirent à la recherche de la voiture et systématiquement, toutes les voitures de particuliers étaient arrêtées, celles n’ayant pas de papiers en règles, leurs conducteurs arrêtés et passés au crible. Les milieux interlopes étaient même investis pour glaner quelques informations que ce fut d’un coup fumant dont les auteurs se seraient peut-être autos glorifiées. L’enquête était au point mort, la presse qui avait relayé l’affaire suivait de prêt et le commissaire sentait de plus en plus l’étau de ses supérieurs sur sa gorge. Il appela alors l’inspecteur Keïta et lui déclara son désespoir. Ibrahima Keïta promis de faire de son mieux. Il rappela les deux gardiens, leur fit répéter plusieurs jours durant leurs déclarations, dans un ton presque amical, prétextant les préparer pour plus tard quand les voleurs seront attrapés et jugés. L’inspecteur Kane voyait d’un très mauvais œil le cinéma de Keïta, il s’en était même ouvert au commissaire qui disait lui faire confiance. Un matin, Keïta fit appeler l’un des vigiles, Salif. Quand ce dernier se présenta, il l’invita à l’accompagner car il était sur le chemin d’aller déjeuner au restaurant du coin. Dans un climat convivial, il lui commanda lui-même un plat, parla de tout et de rien tout le temps que dura le repas. A la fin de celui-ci, il lui déclara tout de go. - Mon ami, j’espère que tu as bien mangé ? - Merci bien chef, oui, ils cuisinent bien dans ce restaurant. - Oui, j’y viens depuis plusieurs années déjà. J’ai tenu à t’y amener car je crois qu’il fera longtemps avant que tu ne puisses manger de bonnes choses Salif. Il fit une pause, puis poursuivit. Je t’ai convoqué aujourd’hui pour te mettre en état d’arrestation. J’ai fini par tout comprendre. J’ai envoyé des agents arrêter aussi ton comparse chez lui. Toi j’ai voulu te donner une chance d’alléger ta peine, tu es un père de famille, avec trois enfants, je suis moi-même père de famille. Alors, saisis ta chance. Je sais que vous avez fait le coup à trois, votre complice est resté dans le magasin après la fermeture, il a fait le coup pendant que vous faisiez le guet en prétendant faire votre travail. J’ai l’intime conviction que l’argent est gardé intact par l’un d’entre vous. J’aurais pu vous faire un interrogatoire serré jusqu’à ce que l’un de vous avoue, mais voilà, à toi, je donne une chance inouïe, une chance unique de faire moins d’années que les autres en collaborant. A la fin de son discours, Salif pleurait comme une madeleine, expliquant qu’il s’est laissé entraîner et qu’il a succombé à la tentation à cause de sa difficulté à entretenir sa famille. L’inspecteur Keïta lui tenait l’épaule, comme en soutien à un ami, lui répondant qu’il savait de par son visage qu’il était un honnête homme. Il ne lui passa point les menottes, il sortit tout simplement du restaurant sous les regards médusés des gens, ramenant vers le commissariat son gibier. Salif avoua tout, donnant tous les détails de l’opération et la cachette de l’argent. Un joli coup de filet s’en suivit et Keïta gagna le respect de la population rufisquoise.