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romance studies, Vol. 32 No.

3, July 2014, 171–82

Lire Sade avec Rousseau


Mladen Kozul
University of Montana, USA

In Sade criticism, relations between Sade and Jean-Jacques Rousseau are


a polarizing subject. The two authors are either considered to be sharply
opposed to, or essentially compatible with, each other. This article argues
that the analysis of their relationship, instead of being based on explicit
references to Rousseau or his texts, should take into consideration the spe-
cificities of Sadean intertextuality. While being outrageously original, Sade
still belongs to a rhetorical culture that recycles texts and discourses. His
creative processes include imitation, copying, plagiarizing, and the recombi-
ning of elements from other texts, including Rousseau’s. The Sadean inter-
text highlights dystopic aspects of Rousseau’s ideas and imagery. While
underscoring the importance of the modernity of Rousseau’s ideas at
successive stages of the French Revolution, this article pays special attention
to the Sadean use and recasting of Rousseau’s criticism of the theatre, of
his two Discours, and of Du Contrat social.

keywords D. A. F. de Sade, J.-J. Rousseau, intertextuality, French Revolution

Peut-on lire Sade avec Rousseau? Prendre les textes de Rousseau comme outil pour
lire Sade? Il semble acquis que l’opposition entre Rousseau et Sade dépasse de loin
ce qui pourrait les rapprocher. Lorsque Philippe Roger (1991: 383) assure, dans un
article représentatif de cette position, qu’il y a ‘peu de pensées aussi adverses, voire
antagonistes’ que celles de ces deux auteurs, il reprend le sentiment de Foucault, de
Sollers, et de tant d’autres, selon lesquels Sade est un anti-Rousseau. D’un autre côté,
un article de Michel Delon (1972) affirme que Sade et Rousseau sont des frères
ennemis, presque comme Rousseau et Diderot. Il souligne l’importance du modèle
littéraire de La Nouvelle Héloïse pour Aline et Valcour et cite les lignes élogieuses
que Sade consacre à Rousseau philosophe, aussi bien dans l’Idée sur les romans que
dans sa correspondance. Il observe que les critiques tendent à les opposer d’un point
de vue proprement idéologique et que cette perspective seule commande l’idée selon
laquelle l’unique rapport qui puisse exister entre eux est de l’ordre du renversement,
du changement de signe, ou de la parodie.
Pour voir plus clair dans des présupposés qui mènent à des positions si tranchées,
il convient de faire un point sur la méthode. Il s’agira d’examiner d’abord quel type

© W. S. Maney & Son Ltd 2014 DOI 10.1179/0263990414Z.00000000070


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d’analyse aboutit à des appréciations si différentes, puis de fonder l’investigation des


rapports entre Rousseau et Sade sur les spécificités de l’intertextualité sadienne et
d’ancrer celle-ci dans le moment historique où Sade écrit. La deuxième partie sera
consacrée à l’examen des traces rousseauistes que ces mécanismes intertextuels
génèrent dans les textes de Sade. Une première approximation qu’on pourrait être
amené à nuancer par la suite suggère que, s’agissant de Rousseau, l’intertextualité
sadienne opère avant tout de deux façons interdépendantes.
Il semble que la première de ces deux modalités tienne au fait que Rousseau est un
dialecticien d’un type particulier. Pour analyser la corruption qu’entraînent les sciences
et les arts, il postule l’existence d’un monde des essences authentiques d’avant la
culture, puis observe comment la culture les infléchit. Avant les sciences et les arts,
les hommes étaient transparents les uns aux autres; façonnés par les sciences et les
arts, ils n’osent plus paraître ce qu’ils sont. Pour traquer l’inégalité causée par la
propriété, il postule la rapacité insatiable des uns et le dépouillement complet des
autres; pour discuter du contrat social, il lui faut supposer d’abord la guerre de tous
contre tous. Chacune de ces démarches, qui fondent le raisonnement, respectivement,
des deux Discours et du Contrat social, implique des hypothèses qui prennent la
forme d’une narration sur laquelle se greffent des développements analytiques. Les
résultats de ceux-ci sont ensuite confirmés par une nouvelle couche narrative qui
confirme leur validité en tant que principes des évolutions historiques. Tout se passe
comme si Sade s’emparait des présupposés dystopiques de la pensée de Rousseau,
les généralisait, en développait certains aspects pour les distribuer entre les couches
disparates de ses textes de fiction. On peut les discerner dans des traits de l’anthro-
pologie scélérate sadienne et dans certains aspects du monde fictionnel dans lequel
celle-ci peut vraisemblablement s’inscrire. D’autre part, il arrive aussi que la pensée
et l’imaginaire rousseauistes surgissent dans le texte sadien comme réfractés, ou
médiatisés, soit par des formes qu’ils ont acquises dans la réception des textes de
Rousseau au seuil ou au cours de la décennie révolutionnaire, soit par des modèles
de cohérence conceptuels ou narratifs auxquels Rousseau lui-même puisait pour
formuler sa pensée.

De l’intertextualité sadienne
Les enquêtes sur la relation entre Rousseau et Sade, qu’elles aboutissent à la conclusion
de leur incompatibilité ou pas, sont en général fondées sur deux sortes d’éléments. La
première consiste en références explicites à Rousseau ou à ses ouvrages — c’est-à-dire
qu’il faut que le nom de Rousseau ou les titres de ses textes apparaissent dans un
texte de Sade. Le second type de données pris en compte est fourni par le dépouille-
ment de catalogues des bibliothèques privées de Sade ou de sa correspondance qui
contient des commandes de livres qu’il passait de la prison, ce qui permet de voir ce
qu’il a lu ou ce qu’il voulait lire de Rousseau. La récolte de ce genre d’indices s’avère
assez maigre. Philippe Roger (1991: 383) s’étonne que Rousseau soit ‘si peu présent
dans les textes de Sade, nommément ou par le biais de la citation’ et pense que
Rousseau bénéficie peu des ‘empiètements de la référence’ sur la fiction qu’il tient
pour caractéristique du roman sadien (Roger, 1991: 394). Il ne trouve, dans toute
l’œuvre de Sade, que trois références à un texte ou à une idée de Rousseau, deux dans
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la Philosophie dans le boudoir, une dans La Nouvelle Justine, où telle idée de


Rousseau est réfutée par les libertins en quelques lignes. Il en conclut que si l’on s’en
‘tient aux citations et renvois directs, le Rousseau des deux Discours et du Contrat
social est introuvable chez Sade’ (Roger, 1991: 398). Mais si l’on met de côté les
citations et renvois directs et si l’on prend en compte d’abord les particularités de
l’intertextualité sadienne, puis le contexte historique et discursif de l’époque où Sade
écrit et où se forment les rousseauismes dont il fait son matériau, la récolte s’avère
différente.
Notons, avant de faire des observations sur le fonctionnement de l’intertextualité
sadienne, que Sade a beaucoup lu Rousseau. Un inventaire de 1769 de sa bibliothèque
de La Coste recense seize volumes des textes du citoyen de Genève. Celui de la biblio-
thèque à Saumane de son oncle, l’abbé de Sade, mort en 1777 et à laquelle le marquis
avait accès, est tout aussi riche (Mothu, 1995; Roger, 1991: 386). Les deux montrent
que l’oncle et le neveu se portaient acquéreurs des livres de Rousseau au fur et à
mesure de leur publication par Rey. Pour le neveu, c’était plus difficile. Mais de la
prison, il continue de commander des œuvres de Rousseau à sa femme.
Le premier élément à prendre en compte concerne donc la manière qu’a Sade de
tisser ses textes à partir de fils épars. Les études des sources l’ont démontré: stricte-
ment parlant, Sade ne cite pas, mais recopie et recycle les textes. Quand il transcrit
des pages entières de Voltaire, d’Holbach, ou de Démeunier, ou de tant d’autres,
moins bien connus, il n’indique qu’exceptionnellement sa source, en note ou dans le
corps du texte. Les annotations de Michel Delon dans les Œuvres (Sade, 1990; 1995;
1998) en apportent une démonstration massive (voir aussi Delon, 1988; Deprun, 1970;
Seifert, 1983; Leduc, 1969). Son mécanisme créatif ne respecte pas la forme de sa
matière première. L’intertextualité sadienne est basée sur l’éclatement et la contami-
nation, sur la recomposition des matériaux utilisés, sur la reprise et la réécriture. Son
travail est un brassage gigantesque des discours ambiants d’origine disparate, où
la culture livresque se combine avec le pamphlet, la rumeur, et la harangue. Sade
appartient bien à une culture rhétorique qui recycle les discours, mais en le faisant, il
désagrège leurs contenus classiques. Les emprunts se présentent sous des travestisse-
ments génériques. Ces particularités de l’intertextualité sadienne font que les réfé-
rences aux textes de Rousseau se trouvent éclatées, infléchies, masquées. Elles surgissent
dans la couche textuelle où on ne les attend pas, sous des formes surprenantes.
Lorsqu’on arrive à nettement discerner une source sadienne, elle n’apparaît quasiment
jamais dans sa forme générique d’origine.
Le deuxième élément qu’il faut prendre en compte pour identifier l’intertexte
rousseauiste chez Sade, c’est le contexte discursif et historique dans lequel ce dernier
s’est formé. Pour Sade, lorsqu’il commence à se mettre sérieusement à l’ouvrage au
début des années 1780, Rousseau était très loin de ce qu’il est pour nous. Chercher le
Rousseau du début du XXIe siècle chez Sade n’aboutit pas à grand-chose. Notre
Rousseau est un monument philosophique et littéraire lesté de deux siècles d’exégèse
professionnelle. Celui de l’époque de Sade est un écrivain controversé dont l’actualité
est immédiate. Nous savons dégager l’unité de la pensée de Rousseau malgré ses
paradoxes et ses tensions internes. Mais cette unité est une révélation relativement
récente, un effet des lectures modernes. Si l’adhésion à telle idée de Rousseau peut
encore de nos jours indiquer l’appartenance à telle position politique, ses idées
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n’inspirent pas l’action politique de manière immédiate. Sade, lui, est un auteur de la
décennie révolutionnaire, où un Rousseau différent de celui d’avant la Révolution
devient omniprésent dans les divers courants des idéologies révolutionnaires. Durant
les phases politiques de la Révolution, la lecture de Rousseau est un enjeu constant
dans le positionnement des acteurs politiques.
Selon Saint-Just, par exemple, Jean-Jacques Rousseau était révolutionnaire. Il
existe un rousseauisme de Robespierre, le Rousseau théoricien de la législation, de
la cohésion sociale, et de la formation civique, le Rousseau des thermidoriens, le
Rousseau napoléonien. Tous les révolutionnaires, presque sans exception, se ré-
clament de sa pensée. Il y a un Rousseau monarchiste ou feuillant, girondin à la mode
de Mme Roland, un Rousseau jacobin, un Rousseau communiste à la Babeuf. En
partie, l’intertexte rousseauiste chez Sade est le résultat des mêmes mécanismes de
production du sens. Pour les thermidoriens, il s’agissait de faire oublier l’utilisation
du nom de Rousseau par Robespierre, Saint-Just, Marat, et d’autres partisans de la
Terreur. La Terreur pose, entre autres, le problème du lien entre liberté et violence,
entre droit et contrainte, qui sont à la fois au cœur de la pensée politique de Rousseau
et les thèmes majeurs des textes de Sade. Contre l’union, chez Robespierre, de la
vertu et de la Terreur — union qui, dans la transposition sadienne, fonde les récits
de Justine et de Juliette —, on verra Desmoulins réclamer une vertu sans Terreur,
ou tel libertin sadien nier toute universalisation de la vertu. En bref, la présence des
rousseauismes changeants au gré des récupérations idéologiques est constante et
intense durant la période où Sade écrit ses textes majeurs qui sont, à leur tour, le fruit
du même contexte mouvementé.
Les rousseauismes concurrents qui se dégagent de ces luttes pour le sens sont donc
le matériau premier de Sade. Lorsque Sade travaille à ses textes les plus élaborés, les
idées de Rousseau ont déjà fait leur entrée dans le champ intellectuel depuis une
trentaine d’années. Elles se sont disséminées dans le monde discursif et ont bénéficié
de très nombreux relais, polémiques, idéologiques, encyclopédiques, romanesques,
théâtraux, et ainsi de suite. Il s’agissait sans doute pour Sade tout autant de se référer
aux idées et arguments glanés dans ses lectures que d’intégrer dans ses textes des
rousseauismes répandus dans de multiples discours du temps. Ce qui s’incorpore au
texte sadien est une collection d’idées rousseauistes disparates dont la récupération
idéologique contemporaine montre clairement la maniabilité. L’intertexte rousseauiste
se manifeste moins chez Sade comme le rapport précis avec les textes de Rousseau ou
les références transparentes à ces textes que comme la dissémination d’un imaginaire
rousseauiste conceptuel et représentationnel à la fois.

Intertexte et dystopie
C’est surtout dans l’anthropologie du libertin sadien et dans la représentation du
monde social, économique, et politique dont ce libertin incarne les traits essentiels
qu’on reconnaît la trace des aspects dystopiques de la pensée de Rousseau. Les per-
sonnages sadiens incarnent des valeurs qui tiennent lieu d’argument. Justine illustre
les malheurs de la vertu, Juliette les prospérités du vice. De manière analogue, l’aspect
argumentatif du personnage de libertin se réfère à l’empreinte laissée par les idées du
premier Discours de Rousseau sur la structuration du personnage sadien. Le libertin
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sadien achevé, grand seigneur, ministre, aux mœurs détestables, meurtrier, débauché,
cruel, incarne l’idée selon laquelle la culture et la sophistication dont il témoigne
vont de pair avec le dernier degré de corruption morale. Les sciences — dans le sens
rousseauiste des connaissances — et les arts qui l’ont façonné n’ont rien fait pour
améliorer ses mœurs, tout au contraire. Il matérialise les effets néfastes de l’accumu-
lation des sciences et des arts inutiles selon Rousseau, qui se manifestent par des
prestiges culturels masquant l’hypocrisie et le vice. Tous les libertins sadiens aisés,
riches, cultivés, éduqués, maniant la langue et l’argumentation à la perfection,
capables de tenir de longs discours bien organisés, démontrent les effets funestes de
l’acquisition des arts et des sciences qui ne sont bons qu’à ‘corrompre les mœurs’
comme l’écrit Rousseau (1992: 53) dans le premier Discours.
On sait que cet aspect du personnage sadien est tellement dominant qu’il défie la
vraisemblance romanesque, puisque même le libertin brigand, bandit et voleur de
grand chemin du bas de l’échelle sociale, est philosophe; il manie la rhétorique et
possède un réservoir important d’idées dont il nourrit ses arguments. L’abus des
sciences et des arts est essentiel à son caractère. Dans ce sens, il n’y pas de libertin
sadien qui ne porte l’empreinte d’un rousseauisme qu’on ne reconnaît pas tout de
suite pour tel, tant on a perdu l’habitude de souligner ce que la pensée de Rousseau
suppose de dystopique pour se déployer. Il s’agit pourtant bien de la transformation
romanesque d’une idée de Rousseau qui change de registre chez Sade. Mais ce
changement de registre est en phase non seulement avec les hantises de Rousseau,
mais aussi avec celles de son temps. Les censeurs qui voulaient empêcher la publication
du premier Discours pensaient que le texte de Rousseau allait pousser ses lecteurs
à vouloir devenir ‘[d]es hommes bruts qui ne connaissent ni religion ni morale’
(Bouchardy, 1964: xxxv). Ces hommes-là, Sade les met en scène dans ses romans
libertins, alors que le second Discours de Rousseau fournit de quoi façonner le
monde fictionnel dans lequel ils se meuvent.
En effet, dans le second Discours, Rousseau présente une narration cyclique qui
décrit le passage de l’état de nature primitif et de la guerre de tous contre tous à ce
qu’il appelle ‘un nouvel état de nature’ qui est le résultat du despotisme, celui-ci étant
le symptôme du dernier degré de l’inégalité:
C’est ici le dernier terme de l’inégalité, et le point extrême qui ferme le cercle et touche
au point d’où nous sommes partis. [. . .] Les sujets n’ayant plus d’autre loi que la volonté
du maître, ni le maître d’autre règle que ses passions, les notions du bien et les principes
de la justice s’évanouissent. C’est ici que tout se ramène à la seule loi du plus fort et par
conséquent à un nouvel état de nature différent de celui par lequel nous avons commencé,
en ce que l’un était l’état de nature dans sa pureté et que ce dernier est le fruit d’un excès
de la corruption. (Rousseau, 1992: 254)

Ces quelques lignes de Rousseau correspondent aux coordonnées essentielles du monde


fictionnel sadien. Sade place ses libertins au point où les conditions de possibilité de
leur parole réalisent l’hypothèse désastreuse du second Discours. Le monde du liber-
tinage sadien est celui où les inégalités et le despotisme ont décomposé la société.
Celle-ci regorge de violences que les despotes justifient par des argumentations
qui, dans la bouche du libertin, tendent à transformer la philosophie en sophistique
et la parole en imposture par laquelle le fort subjugue le faible. Cette représentation
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sadienne d’une parole qui trouve sa validité dans la position économiquement et


socialement dominante de celui qui parle est conforme à l’analyse qu’en propose
Rousseau dans le second Discours.1 Le monde du libertinage sadien est logé dans une
constellation à la fois narrative et théorique où la société entière est régie par la loi
du plus fort et du plus corrompu. En particulier, les lignes du second Discours qui
affirment que dans ce nouvel état de nature ‘les sujets n’ont plus d’autre loi que la
volonté du maître, ni le maître d’autre règle que ses passions’ (Rousseau, 1992: 254),
pourraient servir d’exergue aux Cent Vingt Journées de Sodome et à d’autres romans
de Sade. Ajoutons à cela que les richissimes libertins sadiens, dont ceux des Cent
Vingt Journées de Sodome, sont présentés comme produits d’une société que
Rousseau décrit dans le second Discours comme celle où s’imposent ‘la domination
et la servitude, la violence et les rapines’, et où ‘les riches connurent à peine le plaisir
de dominer qu’ils dédaignèrent bientôt tous les autres’, et deviennent ‘semblables à
ces loups affamés qui ayant une fois goûté de la chair humaine rebutent toute autre
nourriture et ne veulent plus que dévorer des hommes’ (Rousseau, 1992: 236). Dans
Justine ou les Malheurs de la vertu, le despotique moine Clément expose sa théorie
de l’homme naturel, étranger aux valeurs morales, dont le plaisir sexuel implique
les pires sévices. Justine, horrifiée, objecte: ‘Mais l’homme dont vous parlez est un
monstre’. Clément: ‘L’homme dont je parle est celui de la nature’. Justine: ‘C’est une
bête féroce’. Clément tombe d’accord (Sade, 1995: 269).

Intertexte et médiation discursive


La seconde modalité selon laquelle l’intertexte rousseauiste se constitue chez Sade
concerne, d’une part, sa réfraction dans des modèles de pensée auxquels Rousseau
lui-même se référait pour élaborer sa pensée et d’autre part, les formes que la pensée
et l’imaginaire rousseauistes reçoivent dans la réception qui précède son intégration
au texte sadien. Le premier de ces deux aspects peut être illustré par les échos
des positions rousseauistes décelables dans la théâtralité sadienne telle qu’elle se
manifeste dans ses romans.
Si l’on peut établir les rapports entre la théâtralité sadienne et la conception
rousseauiste du théâtre, il est clair en même temps que la Lettre à d’Alembert doit
beaucoup de ses arguments antithéâtraux aux augustiniens de Port Royal, surtout à
Pierre Nicole et au prince de Conti.2 Là comme ailleurs, ce que Rousseau dénonce,
ou ce qu’il pose comme point de départ d’un raisonnement dialectique, Sade se
l’approprie pour créer son monde du libertinage fabuleux. À un premier niveau, la
théâtralité sadienne fonctionne comme une démonstration du bien-fondé des hantises
rousseauistes. Dans La Lettre à d’Alembert, Rousseau théorise la corruption des
mœurs par le spectacle, théâtral ou autre. Sade en apporte la preuve. S’il faut chercher
un modèle à l’aspect moral, ou immoral, de la conception du théâtre sadienne, c’est
chez Rousseau qu’on le trouverait. La théâtralité sadienne n’obéit certainement pas
au principe de l’épuration des passions, elle sert leur exacerbation et en cela, elle suit
de près l’analyse de l’effet du théâtre sur le public que Rousseau propose dans la
Lettre à d’Alembert. Le théâtre, ou mieux: le spectacle théâtral selon Sade réalise les
pires craintes de Rousseau quant à la corruption morale qu’il provoque. Voyons cela
d’un peu plus près, dans la plus intéressante manifestation de la théâtralité sadienne,
celle des Cent Vingt Journées de Sodome.
LIRE SADE AVEC ROUSSEAU 177

Ce roman décrit une salle de théâtre et le fonctionnement du spectacle qu’elle


accueille, pour ensuite en faire le mécanisme central du dispositif narratif. Plusieurs
caractéristiques du théâtre organisé par les quatre libertins des Cent Vingt Journées
de Sodome sont redevables aux idées de Rousseau sur le théâtre. On se souvient que,
sur les traces des augustiniens, Rousseau est particulièrement sévère avec les femmes
qui osent se montrer au théâtre, que ce soit sur scène ou dans le public. Voici ce qu’on
trouve à ce propos dans la Lettre à d’Alembert:
Je demande comment un état dont l’unique objet est de se montrer au public, et qui
pis est, de se montrer pour de l’argent, conviendrait à d’honnêtes femmes, et pourrait
compatir en elles avec la modestie et les bonnes mœurs? A-t-on besoin même de disputer
sur les différences morales des sexes, pour sentir combien il est difficile que celle qui se
met à prix en représentation ne s’y mette bientôt en personne, et ne se laisse jamais
tenter de satisfaire des désirs qu’elle prend tant de soin d’exciter? (Rousseau, 1990: 179)

Selon Rousseau, il est probable qu’une femme devienne prostituée si elle est
comédienne. La continuité entre les deux états est pleinement réalisée dans la fiction
sadienne. Le sous-titre des Cent Vingt Journées de Sodome est ‘l’école du libertinage’.
Le moyen pédagogique essentiel de cette école est le théâtre. Notons au passage
que le château de Silling des Cent Vingt Journées de Sodome se trouve en Suisse, et
que le roman de Sade, malicieusement, s’il n’installe pas son théâtre à Genève, ne
l’installe pas non plus très loin.3 Comme dans la critique rousseauiste, la scène du
théâtre de Silling communique le vice à son public. Les quatre libertins des Cent Vingt
Journées de Sodome projettent de se faire raconter toutes les ‘branches, toutes les
attenances, de ce qu’on appelle, en langue de libertinage, les passions’. Il s’agit, pour
les maîtres du château, ‘de trouver des sujets en état de rendre compte de tous ces
excès’, et ils choisissent quatre femmes qui sont bien appelées ‘actrices’, et qui, ‘ayant
passé leur vie dans la débauche la plus excessive, se trouvaient en état de rendre un
compte exact de toutes ces recherches’ (Sade, 1990: 39–40). Toutes les quatre ont été
prostituées ou maquerelles ou le sont toujours au moment où elles apparaissent
sur la scène de Silling. Entre les narrations, elles s’emploient aussi à ‘satisfaire des
désirs qu’elle[s] [ont pris] tant de soin d’exciter’, pour reprendre la formulation de
Rousseau.
À quoi sert le théâtre de Silling? Selon la Lettre à d’Alembert, ‘l’effet général du
spectacle est de [. . .] donner une nouvelle énergie à toutes les passions’ du public
(Rousseau, 1990: 71). Loin de ‘purger les passions en les excitant’ (Rousseau, 1990:
71), comme le voudraient les poétiques classiques, le théâtre éveille les passions. C’est
même le point essentiel de l’art dramatique. Rousseau affirme que ‘la scène est un
tableau des passions humaines’ — définition parfaitement applicable à la scène
sadienne — ‘dont l’original est dans tous les cœurs; mais si le peintre n’avait soin de
flatter ces passions, les spectateurs seraient bientôt rebutés’ (Rousseau, 1990: 68–69).
Sade attribue au salon de Silling l’effet que Rousseau craint tout en y voyant le
mécanisme essentiel de tout spectacle. Les actrices que les quatre libertins de Silling
installent sur la scène du château doivent flatter les passions de leurs maîtres. Au
château de Silling, le théâtre a pour objet ‘l’irritation des sens’ du public, il doit
enflammer l’imagination (Sade, 1990: 56 et 40).
Une fois la salle de théâtre de Silling décrite et son fonctionnement précisé, ce
dispositif théâtral configure non seulement le déroulement du récit mais aussi la
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rhétorique narrative. On décèle en effet dans Les Cent Vingt Journées de Sodome un
aspect important de la pensée de l’isolement commune à Rousseau et à Sade. Rous-
seau (1990: 66) observe, dans la Lettre à d’Alembert, que ‘l’on croit s’assembler au
spectacle, et c’est là que chacun s’isole, c’est là qu’on va oublier ses amis, ses voisins,
ses proches’. Chez Sade, cette idée de l’isolement par le théâtre est le mécanisme
central de la structure d’appel des Cent Vingt Journées de Sodome. Dans la mesure
où le lecteur sadien, sollicité par le tableau narratif, est construit comme spectateur
des scènes romanesques, il est soumis au même mécanisme auquel est soumis l’obser-
vateur intradiégétique des scènes orgiaques ou du théâtre sadien. L’introduction aux
Cent Vingt Journées de Sodome se clôt sur l’injonction suivante:
Ami lecteur, [. . .] [s]ans doute, beaucoup de tous les écarts que tu vas voir peints te
déplairont, on le sait, mais il s’en trouvera quelques-uns qui t’échaufferont au point de
te coûter du foutre, et voilà tout ce qu’il nous faut. Si nous n’avions pas tout dit, tout
analysé, comment voudrais-tu que nous eûssions pu deviner ce qui te convient? C’est à
toi à le prendre et à laisser le reste, un autre en fera autant; et petit à petit tout aura
trouvé sa place. C’est ici l’histoire d’un magnifique repas où six cent plats divers s’offrent
à ton appétit. Les manges-tu tous? Non, sans doute [. . .] choisis et laisse le reste, sans
déclamer contre ce reste, uniquement parce qu’il n’a pas le talent de te plaire. Songe qu’il
plaira aux autres, et sois philosophe. (Sade, 1990: 69)

Cette adresse au lecteur suggère que chacun devrait se servir selon sa préférence de
ce qui lui plaît, sans porter préjudice à des goûts différents du sien. Le roman entend
mettre en œuvre le souci du bien du destinataire à travers une pédagogie de la
tolérance, gage du bonheur collectif. Le lecteur modèle des Cent Vingt Journées
de Sodome est présenté comme philosophe — un philosophe qui ne se préoccupe
pas des bonnes mœurs, pourtant — soucieux autant de son propre plaisir que de
l’inviolabilité et de l’irréductibilité de celui des autres.
En réalité, cet appel à la communauté des lecteurs est un leurre. L’exorde de Sade
y insiste: chaque lecteur ne prendra que ce qui lui convient. Contrairement aux
apparences, cette restriction ne procède pas d’un choix laissé au lecteur, mais d’une
interdiction qui lui est faite d’accéder à la totalité des significations déductibles de la
connaissance des passions. Autrement dit, le récit isolera chacun dans son propre
monde passionnel. Chaque lecteur se trouve donc exclu de tout assentiment intersub-
jectif, comme de tout recoupement des désirs individuels. L’élimination de tout ce qui
est autre que ses passions propres revient à renvoyer chaque lecteur à une solitude
absolue. Chez Sade comme chez Rousseau, la passion mise en scène suscite chez son
destinataire une passion qui l’isole des autres.

L’intertextualité sadienne et la réception de Rousseau à la veille de


la Révolution
L’intertexte rousseauiste chez Sade ne porte pas les traces d’un Rousseau idéalement
réduit à tel ou tel texte. Il est plutôt marqué par les rousseauismes qu’a façonnés la
réception des textes de Rousseau, antérieure au moment où Sade se met à écrire.
Justine ou les Malheurs de la vertu de 1791 en porte témoignage. Le second Discours
de Rousseau décrit le processus qui mène de l’état de nature à l’émergence de la
LIRE SADE AVEC ROUSSEAU 179

propriété. Celle-ci est consolidée par l’instauration de la loi qui est toujours celle du
plus riche et du plus fort parce qu’elle a pour rôle de garantir la position dominante
des possédants. Comme le riche a tout gagné par la force, il peut tout perdre par la
force aussi. Pour l’éviter, il s’ingénie à donner aux autres des institutions ‘qui lui sont
aussi favorables que le droit naturel lui était contraire’ (Rousseau, 1992: 238). ‘Telle
fut’, écrit Rousseau,
l’origine de la société et des lois, qui donnèrent de nouvelles entraves au faible et de nou-
velles forces au riche, détruisirent sans retour la liberté naturelle, fixèrent pour jamais la
loi de la propriété et de l’inégalité, d’une adroite usurpation firent un droit irrévocable.
(Rousseau, 1992: 239)

C’est une idée forte dont on sait l’importance pour la théorie révolutionnaire et
pour la pensée politique de gauche depuis plus de deux siècles. Suivant les traces de
Rousseau, dans les années 1840, Pierre-Joseph Proudhon identifiera la propriété
au vol. Sade retient l’idée de Rousseau de l’illégitimité foncière de la loi et de son
caractère arbitraire. Lorsque dans Justine ou les Malheurs de la vertu, Justine réfute
l’utilité du crime, la Dubois réplique:
La dureté des riches légitime la mauvaise conduite des pauvres; [. . .] tant que notre infor-
tune, notre patience à la supporter, notre bonne foi, notre asservissement, ne serviront
qu’à doubler nos fers, nos crimes deviendront leur ouvrage, et nous serions bien dupes de
nous les refuser quand ils peuvent amoindrir le joug dont leur cruauté nous surcharge.
(Sade, 1995: 153)

Soulignons deux idées dans cette réplique de la Dubois. La première: le crime est le
fait des institutions qui imposent l’inégalité. Il y aurait beaucoup à dire sur ce point,
autour duquel on pourrait encore faire de nombreux rapprochements entre le discours
des personnages sadiens, les réflexions de Rousseau, y compris dans sa correspon-
dance, et le foisonnement de discours politiques au début de la décennie révolution-
naire. La deuxième idée est que le faible a plus à perdre en renonçant à sa liberté
d’action que les riches, et là, la Dubois suit de près le second Discours, où Rousseau
(1992: 241) écrit que ‘les pauvres n’ayant rien à perdre que leur liberté, c’eût été une
grande folie à eux de s’ôter volontairement le seul bien qui leur restait pour ne rien
gagner en échange’. La position de la Dubois est parfaitement rousseauiste. Elle
dénonce le faux contrat comme le fait Rousseau dans le second Discours, où il nie ‘la
validité d’un contrat qui n’obligerait qu’une des parties, où l’on mettrait tout d’un
côté et rien de l’autre, et qui ne tournerait qu’au préjudice de celui qui s’engage’
(Rousseau, 1992: 244–45). La Dubois enchaîne avec l’idée centrale du Contrat social
et de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789: ‘La nature nous
a fait naître tous égaux, Thérèse; si le sort se plaît à déranger ce premier plan des lois
générales, c’est à nous de réparer les usurpations du plus fort’ (Sade, 1995: 153).
Au cours de cette discussion entre Justine, la Dubois, et Cœur-de-Fer, Sade
explore la contradiction entre la loi comme moyen par lequel le riche légitime l’usur-
pation que représente la propriété, du second Discours d’une part, et la loi comme
base d’une organisation sociale équitable du Contrat social d’autre part. Justine
défend le contrat social, les bandits lui opposent les éléments du second Discours.
Dans un livre consacré à la réception mouvementée du Contrat social entre 1762 et
180 MLADEN KOZUL

la Révolution, Jean-Jacques Tatin-Gourier (1986: surtout 80–86) signale les textes sur
lesquels Sade aurait pu s’appuyer pour réfuter la théorie rousseauiste du Contrat
social et pour élaborer celle à laquelle adhèrent ses libertins. Il a également identifié
les textes de la fin des années 1780 qui combinent les idées du second Discours et du
Contrat social soit pour les opposer soit pour les accorder. On retrouve chez Sade les
tensions créées par la réception de ces deux textes de Rousseau. Justine objecte que
les faibles doivent être les premiers à se soumettre au pacte social parce qu’ils ont le
plus à y gagner:
Comment voulez-vous que ne périsse pas celui qui, par un aveugle égoïsme, voudra lutter
seul contre les intérêts des autres? La société n’est-elle pas autorisée à ne jamais souffrir
dans son sein celui qui se déclare contre elle? L’individu qui s’isole, peut-il se flatter d’être
heureux et tranquille, si, n’acceptant pas le pacte social, il ne consent à céder un peu de
son bonheur pour en assurer le reste? (Sade, 1995: 164)

Cœur-de-Fer répond en faisant jouer les arguments du second Discours contre ceux
du Contrat social, avancés par Justine:
Ce qu’on appelle l’intérêt de la société n’est que la masse des intérêts particuliers réunis,
mais ce n’est jamais qu’en cédant que cet intérêt particulier peut s’accorder aux intérêts
généraux; or, que voulez-vous que cède celui qui n’a rien? Je ne blâme point la position
de ce pacte, mais je soutiens que deux espèces d’individus ne durent jamais s’y soumettre;
ceux qui, se sentant les plus forts, n’avaient pas besoin de rien céder pour être heureux,
et ceux qui, étant les plus faibles, se trouvaient céder infiniment plus qu’on ne leur
assurait. Cependant la société n’est composée que d’êtres faibles et d’êtres forts, or, si le
pacte dut déplaire aux forts et aux faibles, il s’en fallait donc de beaucoup qu’il ne convînt
à la société, puisqu’il enlève toujours trop à l’un et n’accorde jamais assez à l’autre. (Sade,
1995: 165)

L’échange des arguments est entièrement placé sur le terrain balisé par Rousseau.
Sade installe Cœur-de-Fer dans un contexte social à partir duquel il peut s’approprier
les arguments basés sur ce que Rousseau pose dans le second Discours comme un
hypothétique pis-aller. On lit en effet dans le second Discours que, dans ce deuxième
état de nature qui réinstalle la guerre de tous contre tous comme résultat ultime de
l’inégalité qu’amène la propriété privée, ‘les plus puissants et les plus misérables, se
font de leur force ou de leurs besoins une sorte de droit au bien d’autrui, équivalent,
selon eux, à celui de la propriété’ (Rousseau, 1992: 236). À ce moment-là, écrit Rous-
seau (1992: 237), ‘l’égalité rompue fut suivie du plus affreux désordre: les usurpations
des riches, les brigandages des pauvres, les passions effrénées de tous étouffant la
pitié naturelle et la voix encore faible de la justice, rendirent les hommes avares,
ambitieux et méchants’. Sade fait parler et agir sur la scène de ses romans ces hommes
avares, ambitieux, et méchants qui sont, pour Rousseau, les produits nécessaires des
conditions sociales qu’il pose comme présupposés de sa réflexion. Rousseau décrit la
société rongée par les méfaits de l’inégalité qui résulte de la propriété privée; Sade
s’approprie la vision rousseauiste et en fait le modèle de base de la société qu’il décrit
dans ses romans.
Revenons, pour finir, au fonctionnement de l’intertextualité sadienne. Les études
des sources sadiennes sont assez nombreuses pour permettre de constater que celle-ci
LIRE SADE AVEC ROUSSEAU 181

est spécifique dans sa capacité à articuler entre eux des textes et des discours dispa-
rates. Les textes sont par principe ouverts, traversés par des discours et des enjeux
qui façonnent leur sens et leur portée. Cela est tout aussi vrai pour ceux de Rousseau
que pour ceux de Sade dans leur contexte historique spécifique. Chercher les éléments
des textes de Rousseau chez Sade par le biais du renvoi nominal et de la citation
directe est utile mais insuffisant pour comprendre comment ils interagissent. Les
échos et les fragments des textes de Rousseau sont disséminés dans les discours
dont Sade se sert. Dans le roman sadien, l’intertexte rousseauiste affecte de multiples
couches de signification, des idées précises utilisées dans les répliques des personnages
aux coordonnées générales de l’anthropologie sadienne.
L’une des spécificités de l’écriture sadienne est l’étroite dépendance de la narration
fictionnelle et du discours analytique. Non seulement le texte romanesque de Sade se
fait en les renversant l’un en l’autre, mais tout porte à penser que cette perspective
qui soupçonne dans chaque discours et type de parole ses multiples potentialités
fictionnelles et analytiques à la fois fait partie de la manière dont Sade s’approprie
aussi bien les idées de Rousseau que les rousseauismes de la seconde partie du XVIIIe
siècle.

Notes
1
Pour la théorisation de la parole du dominant d’Alembert a été discutée dans la famille Sade dès
comme imposture, voir Rousseau, 1992: 222 et 235. 1758. Voir la lettre du 11 novembre 1758 de Mme
2
Dans une dissertation de l’Histoire de Juliette, de Longeville au comte de Sade (Lever, 1993: 804).
Noirceuil renvoie à La Logique ou l’Art de Penser 3
Même si le chemin vers Silling passe par la Forêt-
de Nicole dont Sade possédait un exemplaire (Sade,
Noire (Sade, 1990: 54), le narrateur situe explicite-
1998: 412; Seifert, 1983: 252). La Lettre à d’Alembert
ment le château de Durcet ‘en Suisse’ (Sade, 1990:
figurait dans la bibliothèque de l’abbé de Sade
dans une édition de 1761 dont les deux volumes 43). L’ambigüité de la référence géographique
regroupent les deux Discours, la Lettre à d’Alembert renforce la légitimité d’une lecture métaphorique ou
et Du Contrat social (Roger, 1991: 386). La Lettre à polémique de la situation du château.

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Lever, M. éd. 1993. Bibliothèque Sade I. Papiers de famille: Le règne du père (1721–1760). Paris: Fayard.
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Seifert, H.-U. 1983. Sade, Leser und Autor: Quellenstudien, Kommentare und Interpretationen zu Romanen und
Romantheorie von D. A. F. de Sade. Francfort-sur-le-Main et Bern: Peter Lang.
Tatin-Gourier, J.-J. 1986. Le Contrat social en question. Échos et interprétations du Contrat social de 1762 à la
Révolution. Lille: Presses Universitaires de Lille.

Notes on contributor
Correspondence to: Prof. Mladen Kozul, The University of Montana, College of
Arts and Sciences, Liberal Arts 136, Missoula, MT 59812, USA. Email:
mladen.kozul@mso.umt.edu

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