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somptueuse d’une cité grosse de ses avatars les plus tragiques. Le lieu nous est familier : il s’agit
de Port-au-Prince. Une ville à l’asphalte fertile ou germent toutes les aventures. Un lieu où la
mort peut toujours pointer, au détour d’une rue, sa gueule de méduse. Mais dans cet espace de
tous les dangers, la vie refuse d’abdiquer.
L’écriture de la romancière, précise et stylisée, est pleine de tous les vacarmes d’une
agglomération qui vit la gueule ouverte. Le moindre incident est un spectacle qui distrait des
petits malheurs du quotidien.
La ville est excessive, baroque et fantasque. Comme une meule, elle broie les existences mais
génère, dans son dynamisme quotidien, mille et une recettes de survie. Elle est aussi le lieu
géométrique de la vitalité solaire d’un peuple dont la vie est un défi permanent : « Imaginez une
ville entière sur des sièges ou agglutinée jusque sur les trottoirs, à regarder devant un téléviseur,
dans une totale hystérie, vingt-deux adultes courir derrière un ballon. Une ville entière qui crie
Gooooal !!!! Et arrose le ciel de quelques rafales d’armes automatiques. Pour oublier ceux que
les rafales atteignent vraiment. » (p22).
La ville n’avait pas toujours cet air boudeur de forteresse assiégée : certains quartiers ont jadis
dégagé des fragrances enivrantes de bourgades fleuries : « Puis est venu le temps des clôtures…
sont arrivés les lourds fers forgés aux fenêtres, les hauts murs de pierre et les barrières-ponts-
levis à l’entrée des maisons ». Il s’agit donc pour la narratrice de raconter, comment sous les
coups de boutoir d’une histoire traumatisante, a émergé une urbanité meurtrie, soumise au feu
roulant de la violence sommaire des maîtres de l’heure qui sont de tous horizons et de toutes
nationalités.
Ce qui doit plaire au lecteur, c’est la familiarité avec des situations les unes amusantes, les autres
outrageantes - qui remplissent les pages du roman. Des personnages que l’on a l’impression de
connaître. Et surtout cette tension dramatique donnant le tempo de cette ville qui consume la vie
par les deux bouts. Une cité où le silence est une parenthèse paradisiaque et où Eros et Thanatos
se frottent les vertèbres dans un corps à corps aussi érotique que funeste. Pourtant le récit ne
s’enferme pas à double tour dans un mimesis du réel. Jouant des silences et des ellipses, il fait la
part belle à l’imagination du lecteur et la pluralité des points de vue s’élève du macadam brûlé
comme un vaste chant profane.
Il y a dans ce nouveau livre de Yanick Lahens tous les ingrédients du polar à suspens : une mort
sur ordonnance, un juge assassiné ; une enquête à hauts risques et interminable. Le polar n’est
pourtant qu’un moule où chacun vient glisser sa musique, comme dirait Patrick Reynald. Mais le
plus important est le regard sans complaisance sur une société qui se laisse aller à de douces
dérives, une chimie sociale complexe, que nous avons trop tendance à analyser avec nos binocles
d’une autre époque, insensible aux mutations de la folle transition politique.
Un roman haletant, une écriture jazzée avec des changements de rythme suivant qu’elle narre
l’histoire de l’étudiant révolutionnaire Ezéchiel, ou celle de Pierre l’homosexuel, banni, mais à la
morale la moins douteuse, ou même du caïd Joubert dont le nom de guerre on ne peut plus
suggestif est Jojo Piment piqué.
La fièvre de raconter bat à la porte d’une ville des sept douleurs, s’engouffre dans les rues
étroites débordantes de rumeurs et de destins fracassés. Le mouvement est perpétuel et l’axe du
manège est Brune, jeune chanteuse droite dans ses bottes apportant au roman fraîcheur et
espérance.
Les personnages féminins de Yanick Lahens sont à leur manière des gouverneures de la rosée :
ce sont elles qui dans Failles comme dans Bain de Lune sonnent le clairon de la révolte face à la
robuste santé du malheur.
Le texte échappe à l’enfermement des récits confinés et par moments nombrilistes, genre voyage
autour de ma chambre. Ce faisant, il s’ouvre à un bouquet d’humanité, à des personnages qui se
côtoient pour dégager une chaleur diffusément universelle.
Douces déroutes est de ces écrits qui nous invite à ne pas nous contenter de l’écume des choses,
mais à plonger au fond du chaudron social pour anticiper le tsunami qui se prépare.
*Enseignant, éditorialiste
Douces déroutes, Yanick Lahens, Sabine Wespieser Eds, Paris, janvier 2018
Douces déroutes, le dernier roman de Yanick Lahens est la chronique à la fois émouvante et
somptueuse d’une cité grosse de ses avatars les plus tragiques. Le lieu nous est familier : il s’agit
de Port-au-Prince. Une ville à l’asphalte fertile ou germent toutes les aventures. Un lieu où la
mort peut toujours pointer, au détour d’une rue, sa gueule de méduse. Mais dans cet espace de
tous les dangers, la vie refuse d’abdiquer.
L’écriture de la romancière, précise et stylisée, est pleine de tous les vacarmes d’une
agglomération qui vit la gueule ouverte. Le moindre incident est un spectacle qui distrait des
petits malheurs du quotidien.
La ville est excessive, baroque et fantasque. Comme une meule, elle broie les existences mais
génère, dans son dynamisme quotidien, mille et une recettes de survie. Elle est aussi le lieu
géométrique de la vitalité solaire d’un peuple dont la vie est un défi permanent : « Imaginez une
ville entière sur des sièges ou agglutinée jusque sur les trottoirs, à regarder devant un téléviseur,
dans une totale hystérie, vingt-deux adultes courir derrière un ballon. Une ville entière qui crie
Gooooal !!!! Et arrose le ciel de quelques rafales d’armes automatiques. Pour oublier ceux que
les rafales atteignent vraiment. » (p22).
La ville n’avait pas toujours cet air boudeur de forteresse assiégée : certains quartiers ont jadis
dégagé des fragrances enivrantes de bourgades fleuries : « Puis est venu le temps des clôtures…
sont arrivés les lourds fers forgés aux fenêtres, les hauts murs de pierre et les barrières-ponts-
levis à l’entrée des maisons ». Il s’agit donc pour la narratrice de raconter, comment sous les
coups de boutoir d’une histoire traumatisante, a émergé une urbanité meurtrie, soumise au feu
roulant de la violence sommaire des maîtres de l’heure qui sont de tous horizons et de toutes
nationalités.
Ce qui doit plaire au lecteur, c’est la familiarité avec des situations les unes amusantes, les autres
outrageantes - qui remplissent les pages du roman. Des personnages que l’on a l’impression de
connaître. Et surtout cette tension dramatique donnant le tempo de cette ville qui consume la vie
par les deux bouts. Une cité où le silence est une parenthèse paradisiaque et où Eros et Thanatos
se frottent les vertèbres dans un corps à corps aussi érotique que funeste. Pourtant le récit ne
s’enferme pas à double tour dans un mimesis du réel. Jouant des silences et des ellipses, il fait la
part belle à l’imagination du lecteur et la pluralité des points de vue s’élève du macadam brûlé
comme un vaste chant profane.
Il y a dans ce nouveau livre de Yanick Lahens tous les ingrédients du polar à suspens : une mort
sur ordonnance, un juge assassiné ; une enquête à hauts risques et interminable. Le polar n’est
pourtant qu’un moule où chacun vient glisser sa musique, comme dirait Patrick Reynald. Mais le
plus important est le regard sans complaisance sur une société qui se laisse aller à de douces
dérives, une chimie sociale complexe, que nous avons trop tendance à analyser avec nos binocles
d’une autre époque, insensible aux mutations de la folle transition politique.
Un roman haletant, une écriture jazzée avec des changements de rythme suivant qu’elle narre
l’histoire de l’étudiant révolutionnaire Ezéchiel, ou celle de Pierre l’homosexuel, banni, mais à la
morale la moins douteuse, ou même du caïd Joubert dont le nom de guerre on ne peut plus
suggestif est Jojo Piment piqué.
La fièvre de raconter bat à la porte d’une ville des sept douleurs, s’engouffre dans les rues
étroites débordantes de rumeurs et de destins fracassés. Le mouvement est perpétuel et l’axe du
manège est Brune, jeune chanteuse droite dans ses bottes apportant au roman fraîcheur et
espérance. Douces déroutes, le dernier roman de Yanick Lahens est la chronique à la fois
émouvante et somptueuse d’une cité grosse de ses avatars les plus tragiques. Le lieu nous est
familier : il s’agit de Port-au-Prince. Une ville à l’asphalte fertile ou germent toutes les
aventures. Un lieu où la mort peut toujours pointer, au détour d’une rue, sa gueule de méduse.
Mais dans cet espace de tous les dangers, la vie refuse d’abdiquer.
L’écriture de la romancière, précise et stylisée, est pleine de tous les vacarmes d’une
agglomération qui vit la gueule ouverte. Le moindre incident est un spectacle qui distrait des
petits malheurs du quotidien.
La ville est excessive, baroque et fantasque. Comme une meule, elle broie les existences mais
génère, dans son dynamisme quotidien, mille et une recettes de survie. Elle est aussi le lieu
géométrique de la vitalité solaire d’un peuple dont la vie est un défi permanent : « Imaginez une
ville entière sur des sièges ou agglutinée jusque sur les trottoirs, à regarder devant un téléviseur,
dans une totale hystérie, vingt-deux adultes courir derrière un ballon. Une ville entière qui crie
Gooooal !!!! Et arrose le ciel de quelques rafales d’armes automatiques. Pour oublier ceux que
les rafales atteignent vraiment. » (p22).
La ville n’avait pas toujours cet air boudeur de forteresse assiégée : certains quartiers ont jadis
dégagé des fragrances enivrantes de bourgades fleuries : « Puis est venu le temps des clôtures…
sont arrivés les lourds fers forgés aux fenêtres, les hauts murs de pierre et les barrières-ponts-
levis à l’entrée des maisons ». Il s’agit donc pour la narratrice de raconter, comment sous les
coups de boutoir d’une histoire traumatisante, a émergé une urbanité meurtrie, soumise au feu
roulant de la violence sommaire des maîtres de l’heure qui sont de tous horizons et de toutes
nationalités.
Ce qui doit plaire au lecteur, c’est la familiarité avec des situations les unes amusantes, les autres
outrageantes - qui remplissent les pages du roman. Des personnages que l’on a l’impression de
connaître. Et surtout cette tension dramatique donnant le tempo de cette ville qui consume la vie
par les deux bouts. Une cité où le silence est une parenthèse paradisiaque et où Eros et Thanatos
se frottent les vertèbres dans un corps à corps aussi érotique que funeste. Pourtant le récit ne
s’enferme pas à double tour dans un mimesis du réel. Jouant des silences et des ellipses, il fait la
part belle à l’imagination du lecteur et la pluralité des points de vue s’élève du macadam brûlé
comme un vaste chant profane.
Il y a dans ce nouveau livre de Yanick Lahens tous les ingrédients du polar à suspens : une mort
sur ordonnance, un juge assassiné ; une enquête à hauts risques et interminable. Le polar n’est
pourtant qu’un moule où chacun vient glisser sa musique, comme dirait Patrick Reynald. Mais le
plus important est le regard sans complaisance sur une société qui se laisse aller à de douces
dérives, une chimie sociale complexe, que nous avons trop tendance à analyser avec nos binocles
d’une autre époque, insensible aux mutations de la folle transition politique.
Un roman haletant, une écriture jazzée avec des changements de rythme suivant qu’elle narre
l’histoire de l’étudiant révolutionnaire Ezéchiel, ou celle de Pierre l’homosexuel, banni, mais à la
morale la moins douteuse, ou même du caïd Joubert dont le nom de guerre on ne peut plus
suggestif est Jojo Piment piqué.
La fièvre de raconter bat à la porte d’une ville des sept douleurs, s’engouffre dans les rues
étroites débordantes de rumeurs et de destins fracassés. Le mouvement est perpétuel et l’axe du
manège est Brune, jeune chanteuse droite dans ses bottes apportant au roman fraîcheur et
espérance.
Les personnages féminins de Yanick Lahens sont à leur manière des gouverneures de la rosée :
ce sont elles qui dans Failles comme dans Bain de Lune sonnent le clairon de la révolte face à la
robuste santé du malheur.
Le texte échappe à l’enfermement des récits confinés et par moments nombrilistes, genre voyage
autour de ma chambre. Ce faisant, il s’ouvre à un bouquet d’humanité, à des personnages qui se
côtoient pour dégager une chaleur diffusément universelle.
Douces déroutes est de ces écrits qui nous invite à ne pas nous contenter de l’écume des choses,
mais à plonger au fond du chaudron social pour anticiper le tsunami qui se prépare.
*Enseignant, éditorialiste
Douces déroutes, Yanick Lahens, Sabine Wespieser Eds, Paris, janvier 2018
Douces déroutes, le dernier roman de Yanick Lahens est la chronique à la fois émouvante et
somptueuse d’une cité grosse de ses avatars les plus tragiques. Le lieu nous est familier : il s’agit
de Port-au-Prince. Une ville à l’asphalte fertile ou germent toutes les aventures. Un lieu où la
mort peut toujours pointer, au détour d’une rue, sa gueule de méduse. Mais dans cet espace de
tous les dangers, la vie refuse d’abdiquer.
L’écriture de la romancière, précise et stylisée, est pleine de tous les vacarmes d’une
agglomération qui vit la gueule ouverte. Le moindre incident est un spectacle qui distrait des
petits malheurs du quotidien.
La ville est excessive, baroque et fantasque. Comme une meule, elle broie les existences mais
génère, dans son dynamisme quotidien, mille et une recettes de survie. Elle est aussi le lieu
géométrique de la vitalité solaire d’un peuple dont la vie est un défi permanent : « Imaginez une
ville entière sur des sièges ou agglutinée jusque sur les trottoirs, à regarder devant un téléviseur,
dans une totale hystérie, vingt-deux adultes courir derrière un ballon. Une ville entière qui crie
Gooooal !!!! Et arrose le ciel de quelques rafales d’armes automatiques. Pour oublier ceux que
les rafales atteignent vraiment. » (p22).
La ville n’avait pas toujours cet air boudeur de forteresse assiégée : certains quartiers ont jadis
dégagé des fragrances enivrantes de bourgades fleuries : « Puis est venu le temps des clôtures…
sont arrivés les lourds fers forgés aux fenêtres, les hauts murs de pierre et les barrières-ponts-
levis à l’entrée des maisons ». Il s’agit donc pour la narratrice de raconter, comment sous les
coups de boutoir d’une histoire traumatisante, a émergé une urbanité meurtrie, soumise au feu
roulant de la violence sommaire des maîtres de l’heure qui sont de tous horizons et de toutes
nationalités.
Ce qui doit plaire au lecteur, c’est la familiarité avec des situations les unes amusantes, les autres
outrageantes - qui remplissent les pages du roman. Des personnages que l’on a l’impression de
connaître. Et surtout cette tension dramatique donnant le tempo de cette ville qui consume la vie
par les deux bouts. Une cité où le silence est une parenthèse paradisiaque et où Eros et Thanatos
se frottent les vertèbres dans un corps à corps aussi érotique que funeste. Pourtant le récit ne
s’enferme pas à double tour dans un mimesis du réel. Jouant des silences et des ellipses, il fait la
part belle à l’imagination du lecteur et la pluralité des points de vue s’élève du macadam brûlé
comme un vaste chant profane.
Il y a dans ce nouveau livre de Yanick Lahens tous les ingrédients du polar à suspens : une mort
sur ordonnance, un juge assassiné ; une enquête à hauts risques et interminable. Le polar n’est
pourtant qu’un moule où chacun vient glisser sa musique, comme dirait Patrick Reynald. Mais le
plus important est le regard sans complaisance sur une société qui se laisse aller à de douces
dérives, une chimie sociale complexe, que nous avons trop tendance à analyser avec nos binocles
d’une autre époque, insensible aux mutations de la folle transition politique.
Un roman haletant, une écriture jazzée avec des changements de rythme suivant qu’elle narre
l’histoire de l’étudiant révolutionnaire Ezéchiel, ou celle de Pierre l’homosexuel, banni, mais à la
morale la moins douteuse, ou même du caïd Joubert dont le nom de guerre on ne peut plus
suggestif est Jojo Piment piqué.
La fièvre de raconter bat à la porte d’une ville des sept douleurs, s’engouffre dans les rues
étroites débordantes de rumeurs et de destins fracassés. Le mouvement est perpétuel et l’axe du
manège est Brune, jeune chanteuse droite dans ses bottes apportant au roman fraîcheur et
espérance.
Les personnages féminins de Yanick Lahens sont à leur manière des gouverneures de la rosée :
ce sont elles qui dans Failles comme dans Bain de Lune sonnent le clairon de la révolte face à la
robuste santé du malheur.
Le texte échappe à l’enfermement des récits confinés et par moments nombrilistes, genre voyage
autour de ma chambre. Ce faisant, il s’ouvre à un bouquet d’humanité, à des personnages qui se
côtoient pour dégager une chaleur diffusément universelle.
Douces déroutes est de ces écrits qui nous invite à ne pas nous contenter de l’écume des choses,
mais à plonger au fond du chaudron social pour anticiper le tsunami qui se prépare.
*Enseignant, éditorialiste
Douces déroutes, Yanick Lahens, Sabine Wespieser Eds, Paris, janvier 2018
Douces déroutes, le dernier roman de Yanick Lahens est la chronique à la fois émouvante et
somptueuse d’une cité grosse de ses avatars les plus tragiques. Le lieu nous est familier : il s’agit
de Port-au-Prince. Une ville à l’asphalte fertile ou germent toutes les aventures. Un lieu où la
mort peut toujours pointer, au détour d’une rue, sa gueule de méduse. Mais dans cet espace de
tous les dangers, la vie refuse d’abdiquer.
L’écriture de la romancière, précise et stylisée, est pleine de tous les vacarmes d’une
agglomération qui vit la gueule ouverte. Le moindre incident est un spectacle qui distrait des
petits malheurs du quotidien.
La ville est excessive, baroque et fantasque. Comme une meule, elle broie les existences mais
génère, dans son dynamisme quotidien, mille et une recettes de survie. Elle est aussi le lieu
géométrique de la vitalité solaire d’un peuple dont la vie est un défi permanent : « Imaginez une
ville entière sur des sièges ou agglutinée jusque sur les trottoirs, à regarder devant un téléviseur,
dans une totale hystérie, vingt-deux adultes courir derrière un ballon. Une ville entière qui crie
Gooooal !!!! Et arrose le ciel de quelques rafales d’armes automatiques. Pour oublier ceux que
les rafales atteignent vraiment. » (p22).
La ville n’avait pas toujours cet air boudeur de forteresse assiégée : certains quartiers ont jadis
dégagé des fragrances enivrantes de bourgades fleuries : « Puis est venu le temps des clôtures…
sont arrivés les lourds fers forgés aux fenêtres, les hauts murs de pierre et les barrières-ponts-
levis à l’entrée des maisons ». Il s’agit donc pour la narratrice de raconter, comment sous les
coups de boutoir d’une histoire traumatisante, a émergé une urbanité meurtrie, soumise au feu
roulant de la violence sommaire des maîtres de l’heure qui sont de tous horizons et de toutes
nationalités.
Ce qui doit plaire au lecteur, c’est la familiarité avec des situations les unes amusantes, les autres
outrageantes - qui remplissent les pages du roman. Des personnages que l’on a l’impression de
connaître. Et surtout cette tension dramatique donnant le tempo de cette ville qui consume la vie
par les deux bouts. Une cité où le silence est une parenthèse paradisiaque et où Eros et Thanatos
se frottent les vertèbres dans un corps à corps aussi érotique que funeste. Pourtant le récit ne
s’enferme pas à double tour dans un mimesis du réel. Jouant des silences et des ellipses, il fait la
part belle à l’imagination du lecteur et la pluralité des points de vue s’élève du macadam brûlé
comme un vaste chant profane.
Il y a dans ce nouveau livre de Yanick Lahens tous les ingrédients du polar à suspens : une mort
sur ordonnance, un juge assassiné ; une enquête à hauts risques et interminable. Le polar n’est
pourtant qu’un moule où chacun vient glisser sa musique, comme dirait Patrick Reynald. Mais le
plus important est le regard sans complaisance sur une société qui se laisse aller à de douces
dérives, une chimie sociale complexe, que nous avons trop tendance à analyser avec nos binocles
d’une autre époque, insensible aux mutations de la folle transition politique.
Un roman haletant, une écriture jazzée avec des changements de rythme suivant qu’elle narre
l’histoire de l’étudiant révolutionnaire Ezéchiel, ou celle de Pierre l’homosexuel, banni, mais à la
morale la moins douteuse, ou même du caïd Joubert dont le nom de guerre on ne peut plus
suggestif est Jojo Piment piqué.
La fièvre de raconter bat à la porte d’une ville des sept douleurs, s’engouffre dans les rues
étroites débordantes de rumeurs et de destins fracassés. Le mouvement est perpétuel et l’axe du
manège est Brune, jeune chanteuse droite dans ses bottes apportant au roman fraîcheur et
espérance.
Les personnages féminins de Yanick Lahens sont à leur manière des gouverneures de la rosée :
ce sont elles qui dans Failles comme dans Bain de Lune sonnent le clairon de la révolte face à la
robuste santé du malheur.
Le texte échappe à l’enfermement des récits confinés et par moments nombrilistes, genre voyage
autour de ma chambre. Ce faisant, il s’ouvre à un bouquet d’humanité, à des personnages qui se
côtoient pour dégager une chaleur diffusément universelle.
Douces déroutes est de ces écrits qui nous invite à ne pas nous contenter de l’écume des choses,
mais à plonger au fond du chaudron social pour anticiper le tsunami qui se prépare.
*Enseignant, éditorialiste
Douces déroutes, Yanick Lahens, Sabine Wespieser Eds, Paris, janvier 2018
Douces déroutes, le dernier roman de Yanick Lahens est la chronique à la fois émouvante et
somptueuse d’une cité grosse de ses avatars les plus tragiques. Le lieu nous est familier : il s’agit
de Port-au-Prince. Une ville à l’asphalte fertile ou germent toutes les aventures. Un lieu où la
mort peut toujours pointer, au détour d’une rue, sa gueule de méduse. Mais dans cet espace de
tous les dangers, la vie refuse d’abdiquer.
L’écriture de la romancière, précise et stylisée, est pleine de tous les vacarmes d’une
agglomération qui vit la gueule ouverte. Le moindre incident est un spectacle qui distrait des
petits malheurs du quotidien.
La ville est excessive, baroque et fantasque. Comme une meule, elle broie les existences mais
génère, dans son dynamisme quotidien, mille et une recettes de survie. Elle est aussi le lieu
géométrique de la vitalité solaire d’un peuple dont la vie est un défi permanent : « Imaginez une
ville entière sur des sièges ou agglutinée jusque sur les trottoirs, à regarder devant un téléviseur,
dans une totale hystérie, vingt-deux adultes courir derrière un ballon. Une ville entière qui crie
Gooooal !!!! Et arrose le ciel de quelques rafales d’armes automatiques. Pour oublier ceux que
les rafales atteignent vraiment. » (p22).
La ville n’avait pas toujours cet air boudeur de forteresse assiégée : certains quartiers ont jadis
dégagé des fragrances enivrantes de bourgades fleuries : « Puis est venu le temps des clôtures…
sont arrivés les lourds fers forgés aux fenêtres, les hauts murs de pierre et les barrières-ponts-
levis à l’entrée des maisons ». Il s’agit donc pour la narratrice de raconter, comment sous les
coups de boutoir d’une histoire traumatisante, a émergé une urbanité meurtrie, soumise au feu
roulant de la violence sommaire des maîtres de l’heure qui sont de tous horizons et de toutes
nationalités.
Ce qui doit plaire au lecteur, c’est la familiarité avec des situations les unes amusantes, les autres
outrageantes - qui remplissent les pages du roman. Des personnages que l’on a l’impression de
connaître. Et surtout cette tension dramatique donnant le tempo de cette ville qui consume la vie
par les deux bouts. Une cité où le silence est une parenthèse paradisiaque et où Eros et Thanatos
se frottent les vertèbres dans un corps à corps aussi érotique que funeste. Pourtant le récit ne
s’enferme pas à double tour dans un mimesis du réel. Jouant des silences et des ellipses, il fait la
part belle à l’imagination du lecteur et la pluralité des points de vue s’élève du macadam brûlé
comme un vaste chant profane.
Il y a dans ce nouveau livre de Yanick Lahens tous les ingrédients du polar à suspens : une mort
sur ordonnance, un juge assassiné ; une enquête à hauts risques et interminable. Le polar n’est
pourtant qu’un moule où chacun vient glisser sa musique, comme dirait Patrick Reynald. Mais le
plus important est le regard sans complaisance sur une société qui se laisse aller à de douces
dérives, une chimie sociale complexe, que nous avons trop tendance à analyser avec nos binocles
d’une autre époque, insensible aux mutations de la folle transition politique.
Un roman haletant, une écriture jazzée avec des changements de rythme suivant qu’elle narre
l’histoire de l’étudiant révolutionnaire Ezéchiel, ou celle de Pierre l’homosexuel, banni, mais à la
morale la moins douteuse, ou même du caïd Joubert dont le nom de guerre on ne peut plus
suggestif est Jojo Piment piqué.
La fièvre de raconter bat à la porte d’une ville des sept douleurs, s’engouffre dans les rues
étroites débordantes de rumeurs et de destins fracassés. Le mouvement est perpétuel et l’axe du
manège est Brune, jeune chanteuse droite dans ses bottes apportant au roman fraîcheur et
espérance.
Les personnages féminins de Yanick Lahens sont à leur manière des gouverneures de la rosée :
ce sont elles qui dans Failles comme dans Bain de Lune sonnent le clairon de la révolte face à la
robuste santé du malheur.
Le texte échappe à l’enfermement des récits confinés et par moments nombrilistes, genre voyage
autour de ma chambre. Ce faisant, il s’ouvre à un bouquet d’humanité, à des personnages qui se
côtoient pour dégager une chaleur diffusément universelle.
Douces déroutes est de ces écrits qui nous invite à ne pas nous contenter de l’écume des choses,
mais à plonger au fond du chaudron social pour anticiper le tsunami qui se prépare.
*Enseignant, éditorialiste
Douces déroutes, Yanick Lahens, Sabine Wespieser Eds, Paris, janvier 2018
Les personnages féminins de Yanick Lahens sont à leur manière des gouverneures de la rosée :
ce sont elles qui dans Failles comme dans Bain de Lune sonnent le clairon de la révolte face à la
robuste santé du malheur. Douces déroutes, le dernier roman de Yanick Lahens est la chronique
à la fois émouvante et somptueuse d’une cité grosse de ses avatars les plus tragiques. Le lieu
nous est familier : il s’agit de Port-au-Prince. Une ville à l’asphalte fertile ou germent toutes les
aventures. Un lieu où la mort peut toujours pointer, au détour d’une rue, sa gueule de méduse.
Mais dans cet espace de tous les dangers, la vie refuse d’abdiquer.
L’écriture de la romancière, précise et stylisée, est pleine de tous les vacarmes d’une
agglomération qui vit la gueule ouverte. Le moindre incident est un spectacle qui distrait des
petits malheurs du quotidien.
La ville est excessive, baroque et fantasque. Comme une meule, elle broie les existences mais
génère, dans son dynamisme quotidien, mille et une recettes de survie. Elle est aussi le lieu
géométrique de la vitalité solaire d’un peuple dont la vie est un défi permanent : « Imaginez une
ville entière sur des sièges ou agglutinée jusque sur les trottoirs, à regarder devant un téléviseur,
dans une totale hystérie, vingt-deux adultes courir derrière un ballon. Une ville entière qui crie
Gooooal !!!! Et arrose le ciel de quelques rafales d’armes automatiques. Pour oublier ceux que
les rafales atteignent vraiment. » (p22).
La ville n’avait pas toujours cet air boudeur de forteresse assiégée : certains quartiers ont jadis
dégagé des fragrances enivrantes de bourgades fleuries : « Puis est venu le temps des clôtures…
sont arrivés les lourds fers forgés aux fenêtres, les hauts murs de pierre et les barrières-ponts-
levis à l’entrée des maisons ». Il s’agit donc pour la narratrice de raconter, comment sous les
coups de boutoir d’une histoire traumatisante, a émergé une urbanité meurtrie, soumise au feu
roulant de la violence sommaire des maîtres de l’heure qui sont de tous horizons et de toutes
nationalités.
Ce qui doit plaire au lecteur, c’est la familiarité avec des situations les unes amusantes, les autres
outrageantes - qui remplissent les pages du roman. Des personnages que l’on a l’impression de
connaître. Et surtout cette tension dramatique donnant le tempo de cette ville qui consume la vie
par les deux bouts. Une cité où le silence est une parenthèse paradisiaque et où Eros et Thanatos
se frottent les vertèbres dans un corps à corps aussi érotique que funeste. Pourtant le récit ne
s’enferme pas à double tour dans un mimesis du réel. Jouant des silences et des ellipses, il fait la
part belle à l’imagination du lecteur et la pluralité des points de vue s’élève du macadam brûlé
comme un vaste chant profane.
Il y a dans ce nouveau livre de Yanick Lahens tous les ingrédients du polar à suspens : une mort
sur ordonnance, un juge assassiné ; une enquête à hauts risques et interminable. Le polar n’est
pourtant qu’un moule où chacun vient glisser sa musique, comme dirait Patrick Reynald. Mais le
plus important est le regard sans complaisance sur une société qui se laisse aller à de douces
dérives, une chimie sociale complexe, que nous avons trop tendance à analyser avec nos binocles
d’une autre époque, insensible aux mutations de la folle transition politique.
Un roman haletant, une écriture jazzée avec des changements de rythme suivant qu’elle narre
l’histoire de l’étudiant révolutionnaire Ezéchiel, ou celle de Pierre l’homosexuel, banni, mais à la
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La fièvre de raconter bat à la porte d’une ville des sept douleurs, s’engouffre dans les rues
étroites débordantes de rumeurs et de destins fracassés. Le mouvement est perpétuel et l’axe du
manège est Brune, jeune chanteuse droite dans ses bottes apportant au roman fraîcheur et
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Les personnages féminins de Yanick Lahens sont à leur manière des gouverneures de la rosée :
ce sont elles qui dans Failles comme dans Bain de Lune sonnent le clairon de la révolte face à la
robuste santé du malheur.
Le texte échappe à l’enfermement des récits confinés et par moments nombrilistes, genre voyage
autour de ma chambre. Ce faisant, il s’ouvre à un bouquet d’humanité, à des personnages qui se
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Douces déroutes est de ces écrits qui nous invite à ne pas nous contenter de l’écume des choses,
mais à plonger au fond du chaudron social pour anticiper le tsunami qui se prépare.
*Enseignant, éditorialiste
Douces déroutes, Yanick Lahens, Sabine Wespieser Eds, Paris, janvier 2018
Le texte échappe à l’enfermement des récits confinés et par moments nombrilistes, genre voyage
autour de ma chambre. Ce faisant, il s’ouvre à un bouquet d’humanité, à des personnages qui se
côtoient pour dégager une chaleur diffusément universelle.
Douces déroutes est de ces écrits qui nous invite à ne pas nous contenter de l’écume des choses,
mais à plonger au fond du chaudron social pour anticiper le tsunami qui se prépare.
*Enseignant, éditorialiste
Douces déroutes, Yanick Lahens, Sabine Wespieser Eds, Paris, janvier 2018
Douces déroutes nous livre une entrée dans le monde haïtien de la drogue tel qu’il est tenu
par une fraction de la bourgeoisie qui éblouit Cyprien par sa « décontraction calculée et
coûteuse ». Ce que l’on peut résumer si facilement, ce n’est pas l’action du roman – c’est
ce que sa contemporanéité suggère en termes de flux politiques, de critique sociale, de
préoccupations collectives.
Le second tour de force de l’auteure de Douces déroutes est de garder un certain recul
sans avoir recours à de grands effets spéciaux ni des leçons de morale. La réalité et le rêve
se mélangent. Cette violence sordide est décrite crûment sous les traits de Joubert (Jojo
Piman piké) qui se fait tueur à gages pour échapper à la misère de son milieu social, plus
subtilement dans la scène qui met aux prises Cyprien Novilus, jeune paysan et « modeste
stagiaire dans un cabinet d’avocats » (p.29), avec le ministre de la Justice devant lequel il
doit s’abaisser à cause de la morgue de ce dernier, encore plus violemment au cours de la
scène de « la boite de nuit, mi-garçonnière, mi-bordel », où le même Cyprien assiste pétrifié
au spectacle offert par une jeune danseuse et par de « respectables » hommes politiques
dont leur ombre plane sur chaque combine ou scandale. C’est qu’il ne s’agit pas de croiser
les bras, mais de découvrir des personnages aux destins entrecroisés. En pénétrant dans
le petit cercle vicieux et vicié de l’homme d’affaires Sami Hamid (portrait craché du
flibustier), le jeune avocat Cyprien Norvilus voit la vraie vie. Eh oui, la misère produit ça
aussi des opportunistes bon teint, des criminels à gogo ! Et pendant que Pierre reçoit du
monde chez lui, Brune continue à chanter pour ne pas désespérer, et Ézéchiel cherche
dans la poésie un prétexte pour fuir la misère de son quartier. Les profils épinglés montrent
comment Yanick Lahens manie, comme en photographie, la technique d’agrandissement
en témoignant d’un surprenant sens de la variation. Certains thèmes – trames même – vont
et viennent sous sa plume. Mais aussi et surtout quelle galerie de personnages !
Douces déroutes nous livre une entrée dans le monde haïtien de la drogue tel qu’il est tenu
par une fraction de la bourgeoisie qui éblouit Cyprien par sa « décontraction calculée et
coûteuse ». Ce que l’on peut résumer si facilement, ce n’est pas l’action du roman – c’est
ce que sa contemporanéité suggère en termes de flux politiques, de critique sociale, de
préoccupations collectives.
Comment freiner de telles déroutes ou dérives ? Mais avec qui ? Scepticisme grandissant
du côté de l’auteure. Désormais, plus personne ne lui fera croire à un quelconque plan de
sauvetage national. Ce dont nous sommes capables, en tout cas, c’est de lire Yanick
Lahens même si son œuvre est sombre, truffée de clichés (comme c’est le cas de bon
nombre de ses contemporains et contemporaines à succès), pessimiste même. Face à tant
de réflexions mises en perspective, elle ne peut que laisser échapper un profond soupir. Un
soupir mélangeant perplexité, dépit et observations acerbes.
Comment freiner de telles déroutes ou dérives ? Mais avec qui ? Scepticisme grandissant
du côté de l’auteure. Désormais, plus personne ne lui fera croire à un quelconque plan de
sauvetage national. Ce dont nous sommes capables, en tout cas, c’est de lire Yanick
Lahens même si son œuvre est sombre, truffée de clichés (comme c’est le cas de bon
nombre de ses contemporains et contemporaines à succès), pessimiste même. Face à tant
de réflexions mises en perspective, elle ne peut que laisser échapper un profond soupir. Un
soupir mélangeant perplexité, dépit et observations acerbes.ou dérives ? Mais avec qui ?
Scepticisme grandissant du côté de l’auteure. Désormais, plus personne ne lui fera croire à
un quelconque plan de sauvetage national. Ce dont nous sommes capables, en tout cas,
c’est de lire Yanick Lahens même si son œuvre est sombre, truffée de clichés (comme c’est
le cas de bon nombre de ses contemporains et contemporaines à succès), pessimiste
même. Face à tant de réflexions mises en perspective, elle ne peut que laisser échapper un
profond soupir. Un soupir mélangeant perplexité, dépit et observations acerbes.