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des mots et
merveilles
Jacqueline Camisa
Cet ouvrage relate des conversations entre
Shri P.Rajagopalachari et des abhyasis en groupes
restreints à Madras et au domaine des Courmettes
durant les mois de février à août 1988
→ sommaire
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Retour →sommaire des mots et merveilles 3
Avant propos....................................................................................5
Préambule........................................................................................... 6
Madras
(février 1988).......................................................................................15
Visite au lion dans la jungle.................................................15
Catch the catcher....................................................................18
Notre devoir sacré...................................................................29
La porte du cœur.......................................................................31
Vivre sans peur ni culpabilité................................................35
La Réalite par l’expérience.....................................................45
Que savons-nous de la mort ?................................................50
Domaine des Courmettes
(mai à août 1988).................................................................................53
Le début est la fin.....................................................................53
Premiers pas.................................................................................. 56
Un ashram, pourquoi faire ?..................................................57
Prière et prières ........................................................................61
Un “plus” dans le temps............................................................67
Voir avant de voir.....................................................................76
Innocence et connaissance...................................................81
Ashram ou comment les bonnes choses
nous enseignent avant leur venue.....................................87
Le sens de l’accomplissement et la joie..............................99
La Nature coopère...................................................................100
Donnez une fois pour toutes votre cœur......................103
Le temps d’un instant.............................................................105
Soyons ce que nous sommes.................................................109
Se méfier des apparences.......................................................111
Se souvenir pour oublier......................................................113
Suite du sommaire →
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Avant propos
Préambule
Un Maître, pourquoi ?
La nécessité de recourir à un maître apparaît lorsqu’on désire
dépasser les bornes de son propre horizon mental, aller au delà
et découvrir l’art d’exister.
En Occident, la peur de la dépendance envers un maître, est
une attitude très commune que je partageais. Depuis trois ans,
j’essayais de méditer seule, sur le cœur, parallèlement à l’exemple
de Ramana Maharishi de Tiruvannamalai. Cet homme ne se
considérait pas comme un maître et avait quitté ce monde en
1953. Ces deux points je l’avoue, me soulageaient d’une réticence
secrète mais tenace à m’engager dans une voie spirituelle sous
la conduite d’un guide. Mais les résultats de cette pratique de
méditation ne m’apparurent pas flagrants.
Après deux ans d’observation de mes amis, leur comportement
qui me paraissait raisonnable et tolérant réussit à ne pas me
donner un préjugé défavorable de leur Maître et m’engagea à
accepter de le rencontrer.
Cette fois, l’obstacle était rehaussé d’un cran : le guide
était vivant. Shri Parthasarathi Rajagopalachari enseignait
la méthode d’un maître, son Maître, Shri Ram Chandra de
Shahjahanpur. Pourtant, dès que je décidai de commencer
à méditer, aucun doute ne précéda cette décision, aucune
argumentation n’entra en ligne de compte. Cela se passa
très simplement et bien qu’un peu abasourdie mais joyeuse,
j’expérimentai d’emblée une totale certitude. Quelque chose en
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Lalaji,
(“Truth Eternal”)
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Madras
(février 1988)
Même la maîtrise du monde matériel est ici où l’on dort par terre,
sans même un tapis. C’est la maîtrise de soi.
C’est en ce sens que la définition de “maître” est : « Celui
qui se maîtrise lui-même. » Ce ne sont pas des gens comme
Napoléon ou Hitler. Celui qui se conquiert lui-même est un
maître. Babuji disait : « Je veux du bois, pas des chaises. » Avec
une voiture, que faire d’autre si ce n’est la conduire ? Au moins
avec une charrette, il est possible de la modifier ou même de la
brûler pour se chauffer ! Mais avec un produit fini, on ne peut
rien en faire d’autre ; on ne peut pas le réparer, alors on le jette. A
mon avis, c’est symbolique de l’instinct d’autodestruction. C’est
une tendance suicidaire.
Si vous voulez donner de la valeur à ce que vous produisez,
aimez ! Alors, dans tout ce qui est produit l’amour est présent,
car il fait partie de vous-mêmes. C’est comme avec nos enfants ;
nous apprenons à aimer ce que nous produisons car ils font
partie de nous-mêmes. Si vous écrivez un poème, ce ne sera pas
du Shakespeare, mais il viendra de vous. Cela me rappelle une
anecdote. A la télévision, je regardais une émission qui s’intitulait :
« Oui, Monsieur le premier ministre. » Cet homme n’avait pas
réellement d’instruction, et à chaque fois qu’il citait Platon, son
assistant lui disait : « Mais non, c’est Shakespeare ! » Et quand
il citait Shakespeare, son assistant lui disait : « Mais non, c’est
Platon ! » Pour en finir, il se cita lui-même !
En Occident votre idée de la perfection se situe dans l’objet
produit, mais en Orient l’idée de perfection est plutôt dans
l’attitude dans laquelle on travaille. Si l’attitude est parfaite,
oubliez le résultat. A quoi cela sert-il de produire des Mercédès
si tous les ouvriers en quittant leur travail vont se soûler ? Il vaut
mieux que l’homme se perfectionne par le travail en produisant
quelques objets en bois ! Quoique vous fassiez, vous devez devenir
parfaits. Travaillez, non pas pour obtenir un produit et de l’argent,
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qu’il nous donne en tant que devoir. C’est tout à fait comme un
mariage, quand l’épouse donne son cœur à son mari, elle se donne
en même temps. Elle travaille pour lui, du moins dans la tradition
indienne ; elle lui lave ses vêtements, prépare sa nourriture,
s’occupe de lui. Puis comme l’assure l’ancienne bénédiction au
moment du mariage, elle doit être la mère de ses enfants et, quand
il sera vieux, elle doit le traiter comme son propre enfant. Quand
les hommes vieillissent ils deviennent des enfants et les épouses
deviennent leurs mères. Tel est l’héritage ancien de l’Inde. C’est
une vérité spirituelle et c’est aussi une vérité humaine. Une
femme est toujours une mère, un homme est toujours
un fils. Entre temps, ils jouent au mari et à l’épouse.
De la même façon, nous avons ce bébé Sahaj Marg que nous
devons faire croître, porter jusqu’aux coins les plus reculés, non
seulement de ce monde, mais partout où l’opportunité se fera
jour. C’est dans le développement du Sahaj Marg que reposent
notre propre croissance, notre propre bénédiction et leurs fruits
seront visibles par notre propre évolution spirituelle.
C’est ce que nous a légué notre Maître, ce dont il nous a chargé
et c’est ce qu’il nous a promis. Je prie pour que ses bénédictions
puissent à jamais être avec nous, nous aider, et nous permettre
de nous renforcer dans l’accomplissement de ce devoir.
La porte du cœur
Trois jours plus tard, le Maître semble d’humeur
particulièrement joyeuse. Il questionne : « Comment avez-vous
trouvé le sitting hier soir ? » Chacun lui donne sa réponse, ayant
pu expérimenter la profondeur de l’absorption en méditation
grâce au vacarme des marteaux en action sur le chantier
voisin. Il est prévu de construire une pièce attenante au hall,
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3 NDT : En français.
4 NDT : En français.
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éclaté !
A. : Dans les églises, on n’est pas censé y rire non plus !
P. R. : Le Christ voulait que les hommes soient heureux et
souriants. Lorsque nous agissons sans innocence, nous devenons
des robots. On regarde les singes car ils sont naturels ; ils ne
s’occupent pas de vous. Si vous avez envie de vous gratter, vous
vous réfrénez car cela ne se fait pas en société. C’est ce qui nous
fascine chez les singes, ils se grattent alors que vous ne pouvez
pas le faire. Ils sont naturels !
C’est pour cette raison que je n’apprécie pas l’industrie
cosmétique. Une crème de protection, je veux bien ; mais quand
une femme de soixante-six ans se maquille et veut en paraître
vingt-quatre ! Dans un grand restaurant à la lueur des chandelles
et en bout de table, cela peut aller ; mais plus près ... Brr ! Je
préfère voir une horrible vieille femme qu’une femme fardée qui
a sans cesse son maquillage en tête, le mascara qui dégouline sur
le nez ! Cela me fait penser aux masques japonais. J’ai soixante
ans et je suis sûr qu’à soixante-dix ans, je serai toujours aussi
heureux et sans doute encore plus qu’à présent.
Cela dénote un manque du sens des valeurs. En tout on accorde
de la valeur à ce qui est ancien, aux céramiques, aux poteries
antiques, aux timbres, aux timbres rares, aux vins vieux. Nous
voulons de l’antique pour toutes choses, sauf pour l’être humain
que l’on veut toujours jeune ! C’est fou ! De temps à autre, j’aime
à porter un costume, mais je me sens aussi bien si je n’en mets
pas. C’est un plaisir simple, sans que la culpabilité s’en mêle.
Je ne porte pas de bijoux, sauf la bague de mon Maître. Je n’en
avais jamais porté avant l’an dernier et l’on m’a fait remarquer :
« Vous essayez de devenir jeune tout à coup ? » J’ai répondu :
« Lorsqu’on est jeune, il n’est pas nécessaire de le devenir ; seuls
les vieux peuvent devenir jeunes ! » Et les gens se sont tus, ne
sachant plus quoi dire ! Acceptez et les arguments tombent ! Les
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tête ?
P. R. : (Le Maître trace un cercle imaginaire en l’air.) Coupez-
les, où vous voulez !
A. : Mais comment ?
P. R. : En pensant, en ramenant votre pensée sur le Maître, à
chaque fois. En fait vous avez une attirance envers ces pensées,
de l’attachement ...
Le moment du départ arrive. Le Maître s’occupe de nous
procurer un rickshaw pour nous conduire à l’aéroport et nous
accompagne jusqu’à la porte. Une abhyasi s’étonne de l’absence
de toute émotion de ma part et me taquine : « Quoi ! pas même
une petite larme ? » Le Maître lui répond : « Cela ne doit pas
être. » Je me sens heureuse, et c’est dans la joie que s’effectue le
retour, du moins cette fois-là ! A présent les semences pouvaient
croître. Il nous appartenait d’entretenir le jardin dans la
vigilance, dans le souvenir du Maître-jardinier et dans l’attente
du prochain élagage pour la mise à fruit. Le séminaire des
Courmettes en France durera trois mois, l’éclosion de l’avenir
spirituel de l’Occident s’y dessinera.
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Premiers pas
Le Maître s’y était rendu et avait déclaré : « Yes, yes, yes ! C’est
un endroit où je vois beaucoup d’âmes se libérer. A cet endroit,
c’est la réalisation sans la mort, car il n’y aura aucun arbre à
couper. Babuji avait refusé de couper un arbre avant la récolte
à Shahjahanpur ! »
Depuis, aux Courmettes, les responsables du comité pèsent
une décision, essayant de concilier les arguments matériels
avec les principes d’ouverture spirituelle, ce qui ne va pas sans
difficulté !
Le Maître répond alors à quelques interrogations et tente de
nous éclairer à partir du point de vue de son Maître.
P. R. : Je voudrais parler du travail spirituel tel que mon
Maître l’a exprimé. Au niveau matériel, on traite le travail comme
quelque chose qui peut être achevé, mais en spiritualité que le
travail soit achevé ou non, ce n’est pas important, cependant
il doit aller vers une croissance. Ici, en Occident on attend une
finalité dans chaque travail, mais en spiritualité il y a des étapes
dans l’évolution. Le dernier repas est avant la mort, mais tant
que nous sommes vivants chaque repas nous aide à grandir. Ici,
ce point de vue spirituel est mal compris, il est vu comme quelque
chose d’inefficace. J’avais ce même problème avec Babuji, il disait
oui à presque toute proposition et j’en étais choqué. Babuji disait :
« Je leur permets de travailler, car c’est seulement en travaillant
qu’ils avancent. »
Tel est l’esprit d’évolution dans le domaine spirituel : un
ashram n’est pas tant un lieu de confort ou d’inconfort qu’un lieu
d’apprentissage pour les personnes qui l’occupent. En Occident
on dit oui ou non, mais en spiritualité c’est différent, on travaille
avec des chocs qui font partie de l’évolution et non pas avec des
prestations fixes. Il en est de même pour la musique. En Europe
on s’applique aux gammes, en Inde on improvise.
Comment choisir ? On ne saura jamais si c’est le meilleur
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Prière et prières
Presque chaque jour, le Maître fait une promenade dans
la campagne environnante ou s’assoit sous un des grands
marronniers du parc. Les abhyasis viennent alors autour
de lui et c’est l’occasion de bénéficier de sa présence et de son
enseignement.
Ce dernier jour de mai, sur la pelouse, la question d’une
abhyasi rejoint la réflexion que Swami-Vivekananda avait eue à
propos des Occidentaux presqu’un siècle auparavant. Lorsqu’il
vint aux Etats-Unis d’Amérique et en Europe, le swami avait
remarqué la préoccupation constante des gens de l’Occident
pour le bien de l’humanité en multipliant les œuvres de charité,
notamment pour les malades et les mourants. En revanche,
l’oriental considère qu’il est de son premier devoir de s’occuper
de son élévation spirituelle. C’est par une question de ce type que
débute l’entretien de ce jour.
A. : Je fais partie d’un groupe de prière pour les malades, dois-
je continuer ?
P. R. : La prière du soir est une prière universelle. Nous devrions
prier, mais pas seulement pour les malades. Pourquoi cette distinction
entre malades et bien-portants ? Avoir une bonne santé ou être riche
peut nous donner des occasions d’agir de travers ! Reportez-vous aux
dix maximes. La prière de 9 h est une prière générale afin que tous les
humains du monde bénéficient de la grâce spirituelle et deviennent
des frères. S’il y a maladie, cela tient aux samskaras individuels et
il y a du bon quand les gens sont malades, car cela les enseigne. Les
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ce là ?
Alors soyons humbles. Après tout, nous disons que Dieu est
amour, miséricorde et compassion. Ne sait-il pas ce qu’il a à
faire pour nous ? Pourquoi devrions-nous le prier ? J’ai toujours
pensé qu’il est arrogant et déplacé de prier, car nous essayons
de rappeler à Dieu ce qu’il sait déjà ! Mais quand il y a un tel
flot d’amour dans le cœur qu’il s’écoule spontanément en prière,
alors prier devient un devoir. Toutes ces prières organisées ... la
main dans la main avec des alléluia, c’est une perte de temps, et
juste bon pour ramasser de l’argent !
Même pour prier, un certain développement est
nécessaire. Vous connaissez le vieux poème que j’ai lu au sujet
de la prière. Un homme est agenouillé dans une église et prie.
Tout à coup une pensée lui vient : « Mes mots s’envolent mais ma
pensée reste en bas, et les mots sans pensée au ciel n’iront pas. »
C’est ainsi que nous pensons toujours à nous, même en priant :
« Oh ! Master s’il vous plaît aidez Sylvie afin que mon cœur ne
lâche pas demain, parce que je l’aide, ou faites que Jacqueline
se rappelle aussi que j’ai faim. » On prie pour les autres afin de
recevoir de l’aide pour nous.
A. : Pourtant je n’ai jamais eu ce sentiment.
P. R. : Non, non, vous pouvez ne pas l’avoir eu consciemment,
cependant ... Je parle d’une manière générale, cela n’est pas du
Sahaj Marg et c’est mon opinion personnelle, peut-être erronée,
mais je préfère travailler. Supposez que je tombe, que je me casse
une jambe et que vous soyiez assis là en priant : « Jésus-Christ,
s’il vous plaît, aidez Chariji qui est tombé dans ce fossé ! » A quoi
cela sert-il ? Je descends dans le fossé et si je meurs, eh bien ! je
meurs aussi !
Il y a trop de prières et trop peu d’aide humaine directe. La
prière, c’est facile. On peut s’asseoir chez soi, dans son lit, dans
une belle chaise avec un verre à la main et que sais-je d’autre
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pas d’importance ! Mais pour les autres ... C’est pourquoi je dis
aux abhyasis qui viennent pour la première fois, réfléchissez
bien ! Réfléchissez dix fois avant de prendre votre premier sitting,
car une fois que vous êtes entré, vous êtes pris ! J’ai été attrapé
comme ça !
A. : C’est un piège !
P. R. : Mais vous l’appréciez ! Alors comment cela peut-il être
un piège ? C’est une belle autoroute, à sens unique, où l’on peut
aller dans un sens mais pas dans l’autre.
A. : Lorsque vous parlez du temps et de la causalité et que l’on
arrive à cette super conscience, en ce qui concerne le Sahaj Marg,
quand arrivons-nous à être conscients de cette super conscience ?
P. R. : Le problème c’est que vous ne comprenez pas une
chose. Chaque fois que vous êtes incapable de réconcilier votre
vie spirituelle avec votre vie matérielle, vous êtes réellement
conscient de cela. Vous ne pouvez pas relier votre expérience à
la différence qu’il y a entre les deux niveaux d’existence, mais
cet état d’agitation (restlessness) apparaît à cause de cela. Tous
ici, nous avons l’expérience que nous vivons une vie spirituelle et
une vie matérielle et très souvent nous ne pouvons pas amener
les deux ensemble. Cela montre la différence dans les niveaux de
conscience. Mais si vous pouvez arriver à l’étape suivante et vivre
dans l’une, vous verrez que les autres n’ont plus de sens pour
vous.
C’est comme s’asseoir dans un train, un tgv, le paysage se
déploie, et vous devenez l’observateur de l’intérieur du train.
Ainsi, la seule solution est d’être de plus en plus profondément
dans la spiritualité. Il s’agit de vous permettre d’être enveloppé
par un niveau de conscience et ne pas essayer d’équilibrer les deux.
Sinon, vous faites comme ces garçons qui montent à bicyclette et
qui mettent leur pied par terre pour freiner. Ils abîment leurs
chaussures, ou pire, il brûlent leurs semelles ! Nous brûlons aussi
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devez être sensitif. Par exemple, je dois savoir que vous allez
pleurer avant que vous ne vous mettiez à pleurer. Je dois le
savoir. C’est très facile ! Oui, vraiment ! C’est ça la sensibilité.
D’ordinaire, nous attendons que la personne soit en pleurs pour
la consoler et la prendre dans nos bras. Est-ce utile ? Vous devez
voir ce qui se passe avant que ce soit visible.
C’est ainsi que nous devons être capables de vous voir
avant que vous ne soyez là. Comme Babuji l’a écrit dans son
“Autobiographie”, la condition qui surgit se révèle avant qu’elle
ne soit là. Cela n’a rien d’extraordinaire. Si vous êtes dans un
train pour Lyon, vous apercevez les immeubles des faubourgs de
Lyon bien avant d’y arriver et vous vous exclamez : « Tiens, nous
arrivons à Lyon ! » Lyon se révèle avant que vous n’y soyez. En
hiver, alors que tout est enneigé, un matin, une petite pousse verte
vous annonce le printemps tout proche. La nature est toujours en
train de se montrer avant son apparition, mais les êtres humains
ont perdu cette capacité de voir.
Lorsque l’homme a découvert le microscope et le télescope, ce
fut une bonne chose dans la mesure où cela l’a aidé à accroître
ses capacités. Mais lorsqu’il ne peut plus voir sans leur aide,
cela n’est d’aucune utilité. L’instrument devient alors le Maître
et ce n’est pas bon. Vous pouvez développer tout instrument, à
condition d’en rester le maître ; alors la science et la technologie
seront de bonnes choses. Comme le disait Babuji : « La science
est une bonne servante, mais une mauvaise maîtresse ! »
Dans le Mahabharata, une très belle histoire nous est contée
à propos de la sensibilité. Un concours d’archers a lieu autour
d’un bassin. Au milieu du bassin, un pilier supporte une roue
qui tourne et sur laquelle est fiché un poisson. Il faut regarder
le reflet dans l’eau, tirer à travers la roue et atteindre l’œil du
poisson. Telle est l’épreuve. Un à un, les archers se présentent
et le Maître leur demande à tour de rôle : « Que voyez-vous ? »
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Innocence et connaissance
Le Maître parle du confort et de ses effets indésirables,
notamment de la fragilisation physique qu’il entraîne. Cette
fragilisation nous pousse à vivre de moins en moins facilement
au grand air et finira par nous faire réfugier de plus en plus
dans un habitat sophistiqué. C’est ainsi que nous en arriverons
à vivre en sous-sol par exemple. De la même manière, notre
mental se fragilise, se densifie, devient de plus en plus grossier
et nous conduit à vivre davantage dans les complexités du
subconscient.
L’analogie est hardie, mais juste. Autrefois il n’était pas
nécessaire de parler de subconscient et en conséquence, la
psychologie n’existait pas. La pénétration de la densité dans
notre mental va jusqu’au plan physique et nous pouvons observer
comment ce qui débute dans l’esprit, se manifeste ensuite dans
le physique. Comment alors sortir des sous-sols de notre esprit ?
Par le raja-yoga, car les effets sur le physique ont leurs racines
dans le mental.
Le Maître fait ensuite remarquer qu’heureusement, les
civilisations ne se laissent pas anéantir si aisément. Bien des
hommes, tel Gengis khan, s’y sont essayés. Cortez, en détruisant
une civilisation innocente a montré que celui qui est victorieux
devient un héros. Il est un héros, seulement parce qu’il a gagné ;
la puissance devient juste alors que ce qui est juste devrait
devenir puissant.
Puis il ajoute qu’en spiritualité, il n’y a pas de groupe à
proprement parler. La relation avec le Maître est personnelle.
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ambages.
Ce n’est donc pas pour le plaisir ni pour l’amusement que je
viens en Europe. C’est pour servir mon Maître et pour obéir à ses
instructions. Quelqu’un a soulevé le problème des deux billets
d’avion, mais demain quelqu’un critiquera les trois mois de séjour
aux Courmettes et leur coût. Et bien sûr, ce sont les personnes qui
se sentiront obligées de donner de l’argent qui tiendront ces propos !
C’est certain.
Je vous dis cela car je me suis engagé pour votre bien-être
spirituel et rien d’autre. Quant au reste, c’est à vous de faire
tout ce qui est nécessaire. C’est à vous de veiller à vos besoins.
Si vous pensez qu’un endroit permanent est indispensable à vos
rencontres, semaine après semaine, mois après mois, où par la
grâce de mon Maître une atmosphère spirituelle peut-être établie
et auquel nous pouvons penser comme étant notre demeure,
alors il n’y a aucun doute quant à ce que nous devons faire.
Mais si vous pensez que c’est la propriété de quelqu’un
d’autre, pour laquelle vous avez à donner de l’argent, alors c’est
négatif. Je sais que même dans les familles, les fils contribuaient
à la construction de la maison, en donnant ce qu’ils pouvaient.
Les riches donnaient plus, les pauvres donnaient moins, mais
c’était la maison familiale. Mais de nos jours, chacun veut son
indépendance, son propre appartement. C’est de l’égoïsme : ma
maison, ma propriété, ma voiture, ma femme, mes enfants. Les
maisons de famille n’existent plus aujourd’hui.
Un ashram est une grande maison de famille, car
nous sommes tous les enfants du Maître. Le Maître, lui
n’a rien. Si vous voulez une maison, c’est à vous de la construire.
Qui donc la construirait ? C’est une formule simple, il n’y a rien
d’obligatoire. On n’attendra rien de celui qui ne peut donner et
ceux qui peuvent donner, donneront ce qu’ils veulent. Il n’y a
aucune ambiguïté.
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Nous avons donc toutes ces idées reçues : un homme doit avoir
de l’instruction pour faire un bon travail, une femme doit être belle
pour faire une bonne épouse ... Certaines de nos abhyasis dépensent
des sommes folles chez le coiffeur ! Tous ces tee-shirts au crocodile
coûtent des centaines de francs, mais lorsqu’il est question d’ashram,
vous prétendez être dans une Mission où l’on ne demande pas
d’argent.
Je voudrais que vous tous, les abhyasis, compreniez bien ceci :
chacun d’entre vous doit être comme un arbre. Le Maître plante
la graine et l’arbre pousse. Mais l’arbre doit donner des graines à
son tour. Vous ne devez pas demander au Maître de venir planter
une autre graine ici, puis une autre graine là ! Vous devriez être
des outils de communication. Ce que vous entendez ici, pourquoi
ne le diffusez-vous pas ? « Oui, j’ai entendu Chariji le dire lui-
même et voilà ce qu’il a dit ! »
Dans la nature tout se transmet. Une graine donne un arbre qui
donne des millions de graines. Pourquoi hésitez-vous à parler,
pourquoi faudrait-il écrire des lettres explicatives ? Pourquoi
faudrait-il faire des appels ? Est-ce que chacun de vous ne se
considère pas que la Mission est sienne ? Avez-vous peur, êtes
vous inhibé que vous ne puissiez pas parler au monde ? Parfois,
j’ai honte en découvrant que même des précepteurs n’osent pas
parler du Sahaj Marg à l’extérieur. Pourquoi ne pas en parler, il
n’y a rien dont nous ayons à avoir honte. Que nous manque-t-
il ? Pourquoi dois-je venir et en parler à chaque fois ? En ce qui
concerne la transmission, effectivement il n’y a pas le choix, mais
pour ce qui est du système, de la méthode, de l’enseignement du
Maître, chacun pourrait être un comme un haut-parleur à partir
d’un système central. Mais nos abhyasis répugnent à parler :
« Oh, les gens vont penser que c’est une secte ! » Eh bien ! qu’ils
le pensent ! Vous leur expliquerez que ça n’en est pas une.
Je suis assez mécontent de nos frères et sœurs : ils reçoivent
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et ça s’arrête là. Ils ne permettent pas que cela aille plus loin. Je
ne pense pas que vous puissiez réellement progresser jusqu’aux
niveaux les plus élevés tant que vous ne deviendrez pas un
moyen à travers lequel cela s’écoule. Je l’affirme en m’appuyant
sur l’autorité de mon Maître qui disait que même le meilleur des
précepteurs retient vingt pour cent de ce qu’il reçoit du Maître.
Il disait aussi : « Quel commerce fournira jamais vingt pour cent
de commission ? »
Lorsque nous donnons, nous retenons toujours quelque
chose. Plus nous donnons, plus nous gardons ! C’est le secret du
travail. Si vous commencez à faire ce travail à l’extérieur pour le
Maître, vous n’avez même plus besoin de méditer. Les gens
me demandent : « Quand méditez-vous ? » Je ne médite pas du
tout ! Pourquoi le devrais-je ? Dès lors, vous devenez heureux
de devenir des instruments du Maître au lieu de recevoir votre
nourriture comme des chiens ou des chats.
Excusez-moi, c’est un mauvais exemple ; mais je voudrais
que nos abhyasi deviennent vrais, comme des lumières
dans ce monde d’obscurité.
Partout où ils vont, il doit y avoir une petite clarté, sinon ils
ne remplissent pas leur travail réel intérieur. C’est là, la réelle
Mission que nous devons construire ; oublions la Mission de
briques et de pierres. En fait je serais heureux si vous disiez tous :
« S’il vous plaît, ne venez plus en Europe car nous pouvons nous
en occuper nous-mêmes. » C’est le bonheur que doit ressentir un
père le jour où son fils lui dit : « Père, je n’ai plus besoin de ton
argent, je travaille à présent. »
A. : On peut commencer à donner de l’argent pour l’ashram ?
J’ai entendu dire que ce n’était pas sûr, ni signé ...
P. R. : Ne donnez pas de manière impulsive, simplement
parce que vous venez d’écouter ce que j’ai dit. Réfléchissez-y.
Vous devez attendre jusqu’à ce que votre cœur vous dise :
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nouvelle vie, avec une porte pour l’éternité. Bien qu’il ne soit pas
obligatoire, cependant un léger inconfort est nécessaire pour
nous le faire apprécier. Au Basant 1978, on pataugeait dans vingt
centimètres d’eau sous ma tente. On avait empilé les bagages sur
un petit monticule près d’un pilier. Les femmes et les enfants ont
occupé le hall et nous, nous avons tous dormi au milieu de l’eau.
Je ne pense pas avoir jamais aussi bien dormi !
Au lieu de courir faire du ski en montagne, pourquoi ne pas
partir à la conquête de nos équipements ménagers, c’est un
entraînement comme un autre : un matelas de moins par-ci, un
oreiller en moins par-là ... Les maux de dos proviennent d’une vie
trop douce, les médecins vous prescrivent des planches à mettre
sous le matelas ! Nous ne sommes pas fait pour une vie douce
et c’est pourquoi on va à la montagne escalader les sommets.
Dans ce sens, en spiritualité, vous pouvez faire de chaque jour
des vacances !
Cet hiver, au Basant à Shahjahanpur, nous n’avons pas pu occuper
l’ashram, alors nous avons créé l’atmosphère. On a commencé
par s’asseoir sous un arbre, j’avais une chaise, tout le monde s’est
assis autour de moi et nous avons médité. On a monté une tente
et pour finir une grande tente de méditation pour trois mille
personnes. On a creusé pour avoir de l’eau, installé une pompe et
un réservoir d’un mètre cube dans lequel on pouvait s’asperger.
Chacun y prenait plaisir et s’amusait comme des enfants. Puis on
a eu un petit générateur, puis un plus grand, c’était vraiment très
bien.
Pour créer n’importe quoi, la joie doit être là, elle donne un
sens d’accomplissement, de réalisation.
La Nature coopère
Retour →sommaire des mots et merveilles 101
7 NDT : En français.
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puisque vous êtes ici, pourquoi ne sentez-vous pas que c’est chez
vous ? Si quelqu’un me demande où est ma maison, je répondrais
que c’est là où je suis ! Quand vous allez de Nice à Carros, vous
dites j’ai quitté Carros pour Nice, c’est chez moi. Pourquoi est-ce chez
vous ? Parce que vous vous êtes déplacé. Si vous ne vous déplacez
pas, est-ce que cela ne serait plus chez vous ? Alors pourquoi ne pas
être chez soi ici ? Vous avez la nostalgie de chez vous où c’est si doux,
mais si ce n’est pas doux de vivre ici, cela ne le sera pas davantage
là-bas. C’est comme si je disais : « Cette bougie n’éclairera qu’ici
et si je l’emmène dans la pièce à côté elle s’éteindra ! » Est-ce
possible ? Elle doit brûler là où elle est.
Nous devons donc être ce que nous sommes, là où
nous sommes. Mais nous prétendons n’être qu’heureux que
chez nous, pourquoi ? Si j‘ai la capacité d‘être heureux, je dois
l’être n’importe où. Celui qui peut être heureux quelque part, peut
l’être partout. L’homme est devenu tellement habile au niveau
technique, qu’il a transféré toute ses compétences à l’extérieur
de lui-même, aux machines, aux calculettes, aux ordinateurs. De
la même façon, nous avons transféré notre bonheur à l’extérieur
de nous-mêmes : je suis seulement heureux si je suis avec mon
ami, ou si mon chien est là, ou s’il y a du feu dans la cheminée !
A qui la faute si je ne suis pas heureux ? Nous avons mis tout à
l’extérieur. La capacité qui a créé toute cette technologie, nous
devons la maintenir, alors nous pourrons l’utiliser correctement.
Supposez qu’avec cette bougie allumée vous en allumiez une
autre. La première bougie ne s’éteindra pas pour autant. Aussi,
nous devons également créer le bonheur sans perdre le bonheur,
créer la santé tout en la conservant, créer des machines tout en
maintenant notre créativité. Mais nous nous conduisons comme
si, à partir de nous, nous avions crée quelque chose à l’extérieur et
qu’ensuite il ne nous reste plus rien. C’est stupide ! Maintenant,
je pense que vous avez faim, ou que vous êtes en colère ! Cela
Retour →sommaire des mots et merveilles 111
votre arrogance qui vous fait penser aimer cette personne et que le
Maître ne s’en occupe pas. Pis encore, nous avons un sentiment
de culpabilité tel qu’il est décrit par Marc-Antoine dans son célèbre
discours.
La compassion réelle devrait consister à mener une personne
dans le besoin à la personne adéquate, sinon on fait comme ce
saint soufi du désert ! Cette histoire montre l’importance du
souvenir. C’est très subtil et très difficile. Parfois j’étais moi-
même fâché contre mon Maître, car superficiellement il ne
semblait jamais affecté par quoi que ce soit. Vous lui ameniez
quelqu’un qui allait mourir du cancer, il chaussait ses lunettes, la
scrutait et s’en retournait fumer son hookah ! Un jour je lui dis :
« N’avez-vous pas de cœur, Babuji ? » A mon propre Maître ... Il
eut cette réponse admirable : « Après l’avoir donné à mon
Maître, je n’y ai plus jamais pensé. »
Quand vous conduisez quelqu’un pour prendre un avion, vous
le laissez à l’aéroport, vous n’allez pas trouver le commandant de
bord pour le lui confier, lui recommander de ne pas s’écraser, etc.
Lorsque vous offrez un cadeau à un ami, vous n’allez pas tous les
jours lui demander ce qu’il en a fait, s’il l’a soigneusement rangé
à l’abri des chocs. Si cet ami est sensé, le mieux est qu’il vous le
rende pour que vous en preniez soin vous-même ! Mais, c’est ce
que nous faisons habituellement avec les gens.
« Vous êtes ici et votre Bien-Aimé est ici, mais aussi parfait que
cet amour puisse être, cependant ils sont deux. Quand les deux
deviennent un, désormais qui est l’amoureux et qui est le Bien-
Aimé ? Et qu’est devenu l’amour ? »
A. : Que reste-t-il ?
P. R. : Rien ! Ne vous souciez pas de cela, car c’est l’activité du
mental qui veut savoir qui, quoi, quand et pourquoi ? Lorsque
vous oubliez qui, quoi, où, quand et pourquoi, alors c’est la
Réalité.
Lorsqu’il y a souvenir, il n’est plus nécessaire de méditer. La
méditation est une étape. Babuji disait que la méditation est faite
pour se souvenir de la maison originelle qui est le Maître. Ensuite
le souvenir sert à créer l’amour pour le Maître et lorsque l’amour
pour le Maître est créé, le souvenir aussi doit s’en aller. C’est
plutôt étrange ! Lorsque cet amour s’épanouit en union avec le
Bien-Aimé, la conscience de moi-même et celle de mon Bien-
Aimé doivent aussi s’en aller. Dès lors, qui est qui ? Qui est où ?
En 1972, aux Etats-Unis, Babuji m’a dit : « Il n’est plus
nécessaire que vous méditiez, mais à une seule condition : ce
temps de méditation, vous devez me l’accorder pour faire mon
travail. » Quand vous travaillez pour le Maître et que ce travail
prend tout votre temps, il serait stupide de la part du Maître de
vous demander de méditer. Et mon Maître n’était pas quelqu’un
de stupide ! Mais je dois travailler, sinon je dois méditer.
On polémique toujours sur le capitalisme et le communisme
en termes de travail et de récompense. Pourquoi êtes-vous
récompensé ? Parce que vous travaillez pour autrui et non pas pour
vous-même ! Le Maître vous donne le travail et la récompense ;
il doit vous récompenser pour le travail effectué. Alors pour que
mon Maître s’occupe parfaitement de vous, soyez un travailleur
parfait. Rien de plus simple !
Travaillez pour le Maître et tout vous sera donné, travaillez
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créateur. Nous, nous ne faisons que manipuler les clés qui ouvrent
l’intérieur, nous ne sommes que des usagers. La société valorise
le créateur, que ce soit d’un objet d’art, d‘une forme d’art, d‘un
savoir, d‘un système d’enseignement, d‘un système de culture.
D’où également l’importance du père et la mère.
C’est pourquoi il faut un saint pour interpréter ces
hexagrammes. Babuji le pouvait car il avait la vision. C’est la
vision qui importe et non pas le savoir. Aussi, en Orient,
la réelle sagesse est dans le fait de voir, alors que la sagesse
occidentale réside dans le savoir.
J’ajouterai quelque chose de très important : quand un interprète
devient-il un maître ? Lorsqu’il arrive à extirper du symbole tout ce
que le Maître a pu y déposer. Le Maître présente sa vision sous une
forme que nous appelons un symbole, tel le fameux “Om” en sanscrit.
En fait, en un sens je ne crois pas du tout à ce qu’on appelle
la création. Est-ce qu’un arbre créé une semence ? Il ne fait que
s’exprimer dans la semence, dans la fleur. Le vrai créateur ne fait
que s’exprimer lui-même et se reproduire lui-même. Donc un
maître doit au moins produire un maître, sinon il n’est pas un
maître. Il n’a nul besoin d’en faire deux, ce serait une répétition.
Un artiste exceptionnel pourrait n’avoir exécuté qu’un seul tableau
dans sa vie, le reste de son œuvre n’est qu’un surplus. Un chef
d’œuvre est toujours unique et ce que l’on appelle création n’est
qu’une expression de soi-même. Je ne crois pas en la création.
Lorsque vous engendrez un enfant, pensez-vous à l’enfant ?
Vous ne faites qu’exprimer votre amour, pourtant, le bébé arrive.
En êtes-vous le créateur ? Non, car très souvent l’enfant n’est pas
désiré, cependant il est une expression de votre amour. Savez-
vous s’il est un garçon ou une fille ? Non. Lorsqu’il y a amour,
de façon naturelle cet amour s’écoule et prend la forme d’un bébé.
Donc là où il y a quelque chose, cette chose doit s’exprimer et en ce
sens nous sommes tous des créateurs. La seule différence réside en
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Vers l’Ultime
P. R. : Le changement doit intervenir de l’intérieur vers
l’extérieur. Si vous voulez gonfler un ballon, vous insufflez de l’air
à l’intérieur, vous n’intervenez pas par l’extérieur. Si vous voulez
obtenir de la musique d’un cor, vous soufflez de l’air dans le cor.
Vous agissez toujours de l’intérieur vers l’extérieur. C’est pour
cela que vous devez avoir la capacité et la patience de travailler à
l’intérieur avant tout.
Vous pouvez vous rendre dans un institut de beauté et vous
faire maquiller, un peu de bleu par ci, un peu de rouge par là.
Vous sortirez vingt minutes plus tard en ayant payé mille francs
et en pensant que vous êtes belle. Les Indiens en font autant
avec leurs peintures de guerre, seule la technique et les couleurs
diffèrent, mais sans plus. Et cela coûtait moins cher !
Mais ce qui est réel, vient de l’intérieur, même pour la beauté.
Aujourd’hui, on veut changer son nez, ses oreilles par la chirurgie
plastique. En Afrique, des femmes s’élargissent les lèvres, c’est
leur idéal de beauté. Les Anglais disent que la beauté est dans
les yeux de celui qui regarde et non pas dans l’objet. Sinon,
chacun devrait tomber amoureux de la même jolie fille ! Mais
cela n’arrive jamais, car ce qui est beau pour vous, selon moi est
laid. Pourquoi voyez-vous la beauté ? A cause des samskaras. Un
homme change d’amie, mais d’une certaine manière elle ressemble
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chez lui ?
P. R. : Bien sûr, c’est partout et toujours. C’est l’esprit humain
qui crée les différences. Dieu n’a pas créé la France ou la Gaule,
il a créé le monde et c’est nous qui avons créé la France ! Nous
avons créé les frontières, les douanes ...
A. : Heureusement que l’humour est le langage universel !
P. R. : Oui, j’ai lu quelque part, qu’un sourire n’a pas de
langage ! C’est pourquoi il est facile d’aimer les étrangers, mais
difficile de les haïr, car l’amour est exprimé par les yeux et par le
sourire. Pour exprimer la haine, on a besoin du langage, sinon
comment la manifester ? L’amour est donc facilement exprimé,
heureusement ! Tous ici, nous sommes tellement différents,
venant de pays différents. Je pense que c’est pour cela que Dieu
fait que l’amour est facile et que la haine est difficile, de façon à
garder pour lui-même, comme étant son langage, le silence.
A. : Vous pensez que l’amour est facile, d’une certaine manière ?
P. R. : C’est très facile. C’est la chose la plus facile et la
plus naturelle. Pourquoi est-ce devenu si difficile ? A cause de
l’égoïsme et de la peur. L’égoïsme est forcément accompagné de
la peur, car si je suis égoïste et que je veux quelque chose, j’ai peur
de ne pas l’obtenir ou bien de le perdre, ou encore qu’il soit volé.
Celui dont l’égoïsme est chronique préfère ne pas aimer et par
conséquent, pour toute personne qui préfère ne pas aimer, il doit
y avoir une autre personne qui doit rester non-aimée ! Et toute
personne qui sera en relation avec une telle personne, apportera
cette atmosphère de non-amour.
Une pierre, jetée dans une mare, tombe à un endroit, mais
ses effets s’étendent en cercle tout autour. C’est la manière de
la Nature. Si vous apportez une lampe, elle va tout illuminer. Si
vous amenez un poisson dans une pièce, tout va puer ! Si vous
amenez un homme qui est bon, la bonté va irradier. Si vous
amenez un saint, la sainteté va irradier. C’est pourquoi j’ai dit à
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Confiance et obéissance
Un abhyasi raconte au Maître son rêve, qu’il décrit comme un
Retour →sommaire des mots et merveilles 153
ici.
A. : Babuji a dû prendre des risques quand il a voulu répandre
la Mission.
P. R. : Non, il m’a dit qu’il ne prenait pas de risque, il savait ce qu’il
faisait. Je lui a posé la question : « Comment, vous faites de ces gens
des précepteurs ? », et il m’a dit : « Pour commencer, j’avais besoin
de gens pour travailler et j’ai pris tous ceux qui se proposaient. »
Lorsque vous construisez une maison, vous utilisez des
échafaudages, des étais que l’on retire ensuite. Que faire ? Vous
pouvez rester temporairement mais vous pouvez aussi rester
de manière permanente, cela dépend de vous ! Je peux venir
dans votre maison en tant qu’invité, mais je peux y rester pour
toujours ! N’ayez pas peur, c’est peu vraisemblable ! Un jour,
quelqu’un écrivit une lettre à Babuji : « S’il vous plaît faites-moi
la grâce de me rendre visite pour deux ou trois jours. » Babuji m’a
dit : « Regarde cet homme, il écrit à son Maître et lui demande
de venir deux ou trois jours ! Est-ce que je vais aller chez lui
et y rester des années ? Mais il a peur que j’y reste et il limite
son invitation à deux ou trois jours ! » Il avait sa manière bien
particulière, bien à lui de voir les choses.
Donc une invitation devrait venir du cœur : « Je vous en prie,
venez, et ne partez plus ! » Sinon, c’est comme ces invitations
mondaines à déjeuner, sans plus, qui dévoilent la disposition du
cœur. Personne ne va rester chez vous pour toujours, chacun a
son travail.
Si vous voulez que je reste éveillé, vous devez me poser des
questions !
A. : Mercredi dernier, j’ai rêvé du Maître, le jour où il est venu
à Toulon. Je n’avais pas du tout l’intention d’aller à la réunion,
mais plutôt d’aller au cinéma. La nuit j’ai rêvé que je me trouvais
dans une assemblée, séparé du Maître par un mur. Je me suis
senti soulevé de terre et aspiré tout près du Maître et ensuite j’ai
reçu son regard, très intense et me suis senti tout petit. Quel en
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est le sens ?
P. R. : Cela montre que vous ne devriez pas avoir peur de moi !
Avoir peur n’a pas de sens. Cela ne sert à rien.
A. : J’ai peur de mes erreurs.
P. R. : On ne voit les erreurs que lorsqu’on regarde en
arrière. Lorsque l’on regarde devant soi, on ne voit que
les opportunités. Alors pourquoi regarder en arrière ? A quoi
cela sert-il ?
Supposez que je sois venu de Nice à pied. Je connais tous les
virages et toutes les routes qui m’ont amené ici. A quoi cela me
servirait-il de repartir en arrière ? Donc pour une personne qui va
parcourir cette route seulement une fois, regarder en arrière est
inutile. Si nous sommes des conducteurs d’autobus sur le même
trajet, cela peut servir. Mais nous devons voyager une seule
fois ! Pour moi, qui suis comme un conducteur de bus, il m’est
nécessaire de connaître chaque virage, car je vous emmène. Mon
destin est donc malheureux !
A. : Etes-vous comme un conducteur indien qui klaxonne
inlassablement ?
P. R. : Je suis un conducteur avec un cœur indien !
Après quelques considérations sur les accidents de la
circulation en Inde et en Europe, la conversation se poursuit.
A. : Dès le premier jour où je me suis trouvée en Inde, je me
suis sentie chez moi.
P. R. : Je m’y sens aussi chez moi ! Mais je me sens aussi chez
moi ici. Lorsque vous pensez que la maison est à vous ou que ceci
est votre maison, alors vous ne pouvez pas vous sentir chez vous
dans d’autres endroits. Où que je sois, je me sens chez moi,
je suis chez moi. Nous devrions faire en sorte que tout endroit
soit chez nous. Ne vivez pas dans une maison, mais emmenez
votre maison avec vous. Cette idée est dans mon dernier message,
celui de Basant je crois. J’ai donné l’exemple de la tortue qui se
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Leçons de choses
Le Maître se préoccupe du séminaire des précepteurs qui
doit avoir lieu à la mi-juillet. Sa courtoisie sans faille et son
sens inné du respect des convenances lui font demander s’il lui
serait possible de parler en anglais sans être interrompu par
une traduction simultanée en français.
P. R. : J’aimerais aborder les thèmes de la pratique des
abhyasis, du travail des précepteurs, tout. C’est pour le futur
que nous faisons cela et non pas pour le présent. Ce séminaire
dépend de deux choses : d’une part il y a ce que désire le Maître et
d’autre part mon souhait de faire en sorte qu’il soit parfaitement
bien compris. Si cela se passe bien, on pourra le publier peut-être
en deux parties : la partie théorique que tout le monde pourra lire
et la partie pour les précepteurs, réservée à leur usage. Toutes les
idées sont là, voyons à présent ce qui va en sortir !
Une abhyasi interrompt : « Pourrait-on sélectionner des
enregistrements pour de futurs abhyasis, afin de leur présenter
le Sahaj Marg ? »
P. R. : Vous pouvez sélectionner un enregistrement. Par
exemple, vous pouvez le faire à partir de la série de discours
publié dans le livre “Le rôle du Maître dans l’évolution humaine”.
Cette traduction simultanée en français risque de poser
Retour →sommaire des mots et merveilles 161
Interview de FR3
La presse d’Antibes nous rend visite et demande l’autorisation
de nous filmer en méditation en plein air, sur la pelouse pour
nous présenter aux informations locales. Le Maître acquiesce
et nous dit en souriant : « Laissons les filmer, nous, nous
méditerons. » Le lendemain, le Maître est invité à l’antenne de
la chaîne locale de télévision pour une courte interview qui sera
diffusée quelques jours plus tard, entre les nouvelles de la météo
et une recette de cuisine ... Le journaliste, après avoir présenté
“Monsieur Rajagopalachari”, questionne : « Je voudrais savoir
ce que représente le yoga dans la civilisation indienne et quelle
est son importance. »
P. R. : Le yoga a toujours eu la plus haute importance, car
nous pensons que la vie intérieure régule la vie extérieure. En
Occident, il y a ce qu’on appelle “un esprit sain dans un corps
sain”, mais cela s’arrête au niveau du mental. Nous, nous allons
Retour →sommaire des mots et merveilles 164
Invertendo
P. R. : C’est un mot inventé par Babuji ; il devait avoir ses
raisons. Ce n’est pas l’inversion. C’est un principe qui inverse
les choses ; c’est un mouvement dynamique comme le balancier
d’une horloge dont le mouvement revient dans la direction
opposée. Par exemple, lorsqu’en progressant nous atteignons
un point particulier, nous ressentons un certain arrêt, parfois
même un recul. En étudiant le mouvement de la roue, j’ai trouvé
l’explication : lorsque la roue tourne, le centre est statique, le
point supérieur de la roue va vers l’avant tandis que son point
inférieur va vers l’arrière, bien que le mouvement d’ensemble
nous amène vers l’avant. Malgré tout, l’impression est d’aller en
arrière.
A. : Tout comme le mouvement de la svastika.
P. R. : Oui ; mais ce qui est surprenant, c’est la façon dont on
a pu comprendre cela, dans l’antiquité, avant l’invention de la
roue !
Babuji disait : « Alors que vous devez aspirer intensément
au progrès, n’essayez pas d’évaluer vos progrès vous-mêmes,
mais écrivez votre journal. » Au bout d’un an, en le lisant,
nous découvrons les révolutions du progrès. Nous devons nous
accorder le temps d’évaluer ; mais la plupart des gens font une
appréciation de sitting en sitting : « Hier, ce sitting était bon,
celui-là est mauvais. »
A. : Je trouve ce mouvement pendulaire très intéressant, ainsi
que l’impression de régression.
P. R. : C’est la raison pour laquelle vous avez besoin d’un maître.
Retour →sommaire des mots et merveilles 166
P. R. : Parce que c’est seulement une église. Dieu n’est pas là,
alors on construit des églises ; Dieu est partout n’est-ce pas ?
Est-ce qu’ici en ce moment ce n’est pas une église ? Est-ce que nous
n’adorons pas ? Quelle est la différence ? Pourquoi devrait-il y
avoir un bâtiment, un chemin de croix, une nef ; ce sont des
rituels. Là où il y a des rituels, il n’y a plus de vie.
Supposez qu’un homme parte en voyage et que quelqu’un lui
demande où est sa femme. Il sortira son portefeuille et dépliera
toutes les photos de sa femme, lorsqu’elle était enfant, en train
de se baigner en maillot de bain, le jour de son mariage. Cela
représente sa femme, mais ce n’est pas sa femme. Ce n’est pas
vivant. C’est pourquoi nous disons un guru vivant. Qu’est-ce qui
est adéquat pour aujourd’hui ? Le fameux “aujourd’hui”. C’est le
même enseignement et le même but 10 il n’y a pas de différence,
sauf le nom et la forme.
Vous savez, il faut beaucoup de sagesse. Les gens me
demandent souvent : « Mais comment avez-vous pu abandonner
votre religion ? » Je n’ai rien abandonné ; je me suis développé !
Lorsque vous semez une graine dans le sol, et qu’elle devient un
arbre, pouvez-vous reprocher à l’arbre : « Oh, mais tu as abandonné
le sol ? » Il rirait et vous dirait : « Homme stupide, regarde en bas,
ce sont mes fondations, mais pas moi ! Je suis ceci et cela aussi. »
C’est pourquoi dans l’hindouisme tout spécialement, le Divin
doit aller dans les sept niveaux supérieurs, mais aussi dans les
sept niveaux inférieurs, les sept enfers. Car Dieu ne peut pas être
autre chose que celui qui gouverne également les enfers. Est-ce
qu’il peut donner les enfers à contrôler à quelqu’un d’autre que
lui et dire que cela n’est pas à lui ? Dieu peut-il avoir peur de
10 NDT : En français.
Retour →sommaire des mots et merveilles 172
Cachemire.
A. : Il est mort beaucoup plus tard.
P. R. : Oui, il n’est pas mort de la crucifixion. Les caves du
Vatican en recèlent les preuves, mais la publication n’en est pas
autorisée. L’enseignement du Christ a été changé, et à présent ce
n’est plus le Christ qui est important, mais l’Eglise !
A. : J’ai assisté à des funérailles récemment dans une église. Au
moment de la communion, je vous ai vu comme si vous donniez
du prasad.
P. R. : Prasad veut dire quelque chose qui a été sanctifié par le
toucher de la Divinité. C’est dans le prasad. Quand vous donnez
une fleur, vous ne prenez pas une bouteille de parfum pour la
parfumer avant de l’offrir ! La fleur est déjà parfumée; dans le
prasad, c’est pareil. La Divinité est là, naturellement. Sinon, il
faut les orgues, et tout le reste.
Offrir le prasad se fait en une ou deux minutes, car le Divin doit
venir et accepter. Et l’acte d’acceptation est suffisant. La forme
peut changer. N’importe qui ne peut pas offrir le prasad ; vous
devez posséder le contact. Par exemple, pouvez-vous téléphonez
à Mitterand comme ça ! Vous aurez probablement à faire au
secrétaire du secrétaire du secrétaire, etc.
A. : Nous vivons très loin de vous ...
P. R. : C’est à vous de conserver le contact. Selon un diction
anglais, même un chat peut regarder un roi ! C’est à vous de
garder le contact. Supposez qu’un garçon aime beaucoup une
fille, et qu’à chaque fois qu’il veut la rencontrer, il téléphone à une
amie : « Veux-tu demander à Edith de me retrouver ce soir, s’il
te plaît ? » Est-ce qu’Edith se rendra à son invitation ? Pour finir,
il risque de se retrouver avec l‘amie ! En amour, le contact
doit être direct. Quand il s’agit d’autorité, on suit le canal de
l’autorité. Les deux ne vont jamais ensemble.
A. : Dans les textes chrétiens, on décrit le diable comme une
Retour →sommaire des mots et merveilles 174
mer, qui mange des détritus, cela n’est pas bon. Et presque tous
les êtres humains sont ainsi. Ni capables d’amour, ni capables de
haine, ils luttent entre les deux, comme deux fils électriques qui
ne sont pas en contact, mais pas non plus totalement séparés et
à une distance telle que les étincelles détruisent le fil lui-même.
Donc notre amour nous détruit et notre haine nous détruit aussi,
car aucun des deux n’est total. Et qu’est-ce qui est total ? Haïssez
avec le cœur ou aimez avec le cœur !
A présent, il faudrait que je travaille, à moins que vous n’ayez
d’autres questions ?
A. : L’autre matin, vous m’avez dit que je devais me souvenir
de trois qualités par rapport au Maître. Vous me l’avez répété
deux fois, mais j’ai oublié !
P. R. : Moi aussi 11 ! Un jour Babuji m’a écrit que tel jour à
telle heure il m’avait amené à un certain état spirituel et il m’a
dit : « Ecris-le dans ton journal de façon à ce que tu puisses me
répondre lorsque je te le demanderai ! » Alors je me suis dit :
c’est lui le Maître, c’est lui qui m’a placé à cet endroit et il m’écrit
pour que je m’en souvienne et que je le lui redise un jour ! A notre
rencontre suivante je lui ai demandé : « Babuji, qu’est-ce que cela
signifie ? » Il m’a répondu : « Je te le dis seulement afin que tu
puisses t’en souvenir lorsque j’oublie ! » C’est la même situation.
A. : Je ne me souviens que de la musique mais pas des paroles !
P. R. : Cela suffit. Après tout, les mots sont faits pour faire de
la musique ! J’ai vraiment du mal à m’en souvenir, car je ne parle
pas à partir du mental. Je vous ai déjà dit que lorsque j’ai fait un
discours, je dois ensuite écouter l’enregistrement car je ne sais
plus ce que j’ai dit. Les gens pensent que je plaisante, mais ce
11 NDT : En français.
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cœur. Il est très important de méditer sur le cœur car le destin s’y
trouve. Pourtant nous le recherchons à l’extérieur. Comprenons
bien pourquoi nous méditons à l’intérieur du cœur, autrement
nous aurons tout le temps les mêmes questions : sur le Ciel, Dieu,
etc. La vérité spirituelle est le destin, qui ne peut se trouver à
l’extérieur de nous. Cherchez-le donc à l’intérieur. C’est logique
et c’est valable en tout, car le destin s’applique à toute chose : à la
tristesse, au bonheur, à la santé, à tout, à la vie elle-même.
A. : Quelle est la limite entre l’extérieur et l’intérieur ?
P. R. : Il n’y a pas de limites.
A. : A l’intérieur et à l’extérieur il n’y a pas de limites et pourtant
entre l’interne et l’externe il y a une limite.
P. R. : Faites-vous référence à la notion de frontière ? C’est à
dire à notre pensée : je pense quelque chose à l’extérieur et je
pense quelque chose à l’intérieur ?
A. : Donc c’est la pensée qui fait le lien entre l’intérieur et l’extérieur.
P. R. : Il n’y a pas de différence. La frontière est la pensée elle-
même.
A. : Oui, ceci n’a rien à voir avec la forme physique.
P. R. : Non, ce n’est pas vrai. Si vous pensez que quelque chose
se trouve à l’extérieur, cette chose se trouve à l’extérieur et donc
vous pensez à l’extérieur. Si vous pensez que ceci se passe à
l’extérieur, ceci se passe à l’extérieur parce que notre cœur aussi
est extérieur ; mais ce n’est pas vrai, si vous pensez au cœur
physique.
A. : C’est la pensée qui fait la différence entre l’intérieur et
l’extérieur ?
P. R. : C’est l’idée que quelque chose se trouve à l’extérieur ou
à l’intérieur.
A. : Est-ce qu’il s’agit de la pensée elle-même qui rend la chose
intérieure ou extérieure ?
P. R. : Oui, certainement. Si vous êtes heureux, dans votre
Retour →sommaire des mots et merveilles 179
De l’amitié
L’amitié est un problème ; un ami peut me dire quelque chose
qui me rende furieux alors qu’une autre personne qui me dira la
même chose ne me fera pas réagir. Quand je suis très bien nourri
et que mon épouse me traite mal, cela ne me fait rien ; mais si elle
me traite mal quand je suis furieux, je réagis violemment. Toutes
ces amitiés sont très terre à terre et sans réel propos. Quand une
amitié s’arrête, comme elle n’est pas réelle, il n’y a pas non plus
de réelle raison à ce qu’elle se termine !
C’est comme les divorces modernes ; vous divorcez après vingt-
trois ans de mariage et je vous en demande la raison. Vous me
répondez : « Oui, je me suis marié pour obtenir sa nationalité. »
Ou : « Autrefois je l’aimais. » Ou : « Ce n’est plus harmonieux. »
En fait la vérité se manifeste plus tard : « C’est que j’ai rencontré
une autre femme ... » Cette qualité du mariage était très fragile
car il n’y avait aucune connexion à l’intérieur, aucun lien à
l’intérieur. Cet état de fragilité est dû au fait que tout le monde
regarde vers l’extérieur. Et tant que vous regarderez à l’extérieur,
vous trouverez toujours des choses qui seront supérieures à ce
que vous avez. Si vous êtes un philosophe, vous attendrez que la
recherche ultime soit achevée ; si vous êtes un célibataire, vous
resterez un célibataire éternellement, car vous attendrez toujours
mieux que ce que vous aurez connu.
En même temps, il y a aussi cette recherche du plaisir qui
demande autre chose. Mais si nous en restons aux rapports
humains d’amitié cela reste fragile, cela se termine par la tragédie
Retour →sommaire des mots et merveilles 187
et la misanthropie.
Par contre, si vous cherchez à l’intérieur, tous les rapports humains
vont s’améliorer. Pourquoi ? Parce que lorsque vous orientez votre
attention vers l’interne, c’est comme si vous attachiez un bateau de
cent vingt mille tonnes à un pilier, c’est comme si vous le mettiez à
l’ancre. Lorsque je tourne mon attention dedans, le bateau de mon
existence est alors ancré dans mon cœur et cette existence ne peut pas
bouger. La mer ne peut pas m’arracher à ce monde et son immensité
ne peut rien contre moi. C’est pour cela que tous les malheurs que
notre destin, parfois, nous envoie ne peuvent pas m’atteindre.
Comprenez-vous ? Je suis ancré en moi-même.
Si vous jetez l’ancre vers l’extérieur sous forme d’une
dépendance quelconque, envers votre épouse, votre enfant,
votre travail, votre profession, votre culture, votre pouvoir, votre
position sociale, vous êtes alors vulnérable. Il est plus productif
de chercher à s’ancrer à l‘intérieur. C’est la seule possibilité qui
existe, mais peut-être êtes-vous comme ces Anglais traditionnels
dont un œil regarde dans une direction et l’autre ailleurs ! Vous
regardez votre épouse d’un œil et de l’autre les jolies filles dans la
rue ! Votre attention est divisée et donc vous n’obtenez rien.
Qu’est-ce que ça veut dire d’être attentif, d’avoir de l’attention ?
Cela signifie que l’attention ne doit pas être divisée. La totalité
de votre attention conduit à la concentration et pour finir, la
concentration est un instrument de la révélation. Cela veut
dire : une vision, un objet, une direction. Dans le Sahaj Marg
nous illustrons cette pensée par : un Maître, une Mission, une
Méthode. Quel est le but ? La réalisation de nous-mêmes : je
suis la Mission, je suis le Maître, je suis la Méthode, je suis tout.
Tout ce qu’est le Maître, je le suis aussi ; pourquoi ? parce que
je le trouve à l’intérieur de moi. Quand je me cherche, je Le
trouve, Lui.
Est-ce que vous voyez la logique de cette méditation ? Vous
Retour →sommaire des mots et merveilles 188
dire ?
Personne ne peut le dire. Telle est la beauté de la science
enrichie par le mysticisme. Il y a un trou noir dans l’espace ; il y a
aussi de la gravité qui provient de la singularité et si vous arrivez
à la conclusion que ces deux choses, le trou noir et la singularité
sont la même chose, vous ne vous trompez pas. C’est l’énorme
gravité d’un trou noir qui rend possible que ce trou noir absorbe
le temps et même la lumière. En fin de compte il s’agit de la même
chose. Une chose est visible et l’autre est invisible. Une chose est
visible parce que vous pensez qu’elle l’est, en dépit du fait que
vous ne la voyez pas ! L’autre chose est invisible parce que vous
pensez qu’elle est invisible.
Là, vous avez un autre exemple du principe de l’invertendo, à
propos du visible et de l’invisible. Lorsque vous pensez qu’une
chose est visible, elle est visible ; lorsque vous pensez qu’une
chose est invisible, elle est invisible. Lorsque vous pensez que
Dieu peut être vu, Dieu est vu sans aucun doute. Lorsque vous
dites : « Mais comment vais-je pouvoir faire pour voir Dieu, Dieu
n’existe pas Chariji ! », dans ce cas Dieu ne sera jamais visible,
car c’est une négation. C’est la même chose que l’homme malade
qui refuse de reconnaître sa maladie. Même mourant, il proteste :
« Non, ce n’est pas le mal qui me tue, c’est ma femme ! »
Il nous faut donc d’abord accepter, puis il nous faut reconnaître
et enfin il nous faut accepter pour devenir quelque chose. Ce
processus du devenir est appelé un processus de transformation.
J’ai quitté ma chambre il y a une heure, comme vous le savez ;
c’est un peu comme dans “Alice au pays des merveilles”, tout ce
qu’il y a à faire c’est de courir, de courir pour pouvoir rester là où
vous êtes ! Et moi, j’ai quitté ma chambre il y a une heure ; j’ai
voyagé et en même temps je suis resté sur place !
Nous avons le plus grand besoin d’un mental qui
refuse de reconnaître les frontières. Pas de frontières
Retour →sommaire des mots et merveilles 191
un lion, une chèvre, etc. » Mais par contre, si vous utilisez une
lampe, une lumière pour éclairer, vous regardez et il n’y a rien.
Donc la Réalité c’est rien !
Ici aussi, nous disons que la Réalité n’est rien d’autre que le
Rien ou la qualité du Rien.
Cet après-midi, je parlais des trous noirs à quelqu’un. On dit
que les trous noirs prennent de la matière d’ici pour l’aspirer et
l’envoyer dans un autre univers. Ils ont une énorme puissance ;
ils prennent de la matière d’un endroit pour créer ailleurs. Dieu
par contre, a créé de rien.
A. : Certains pensent que cet autre univers pourrait être le Ciel.
P. R. : Oui, il pourrait s’agir du Ciel ... ou de l’Enfer, peu
importe ! S’il y a le Ciel, il y aura aussi l’Enfer, c’est logique !
A. : C’est plutôt comme l’anti-matière.
P. R. : Je pense qu’un maître spirituel tel que Babuji est un trou
noir humain. Il enlève toute densité à chacun et à toute chose
dans le monde, sans qu’il en soit affecté. Il y a des trous noirs de
matière ; ici, il s’agit d’un trou noir humain et vivant, que nous
ne pouvons jamais voir. Le trou noir ne se voit pas non plus, car
il conserve la lumière en lui en raison de l’énorme pouvoir de
gravitation situé à l’intérieur. Le Maître est toujours dedans, et
il attire tout en lui. Nous ne pouvons pas échapper à une telle
personne quand nous sommes auprès d’elle ! Vous savez, lorsque
les gens voulaient aller à Shahjahanpur pour la première fois je
les avertissais : « Si vous n’êtes pas sérieux, n’y allez pas ! » Parce
qu’une fois arrivé aux pieds de ce vieil homme, c’en était fait de
vous ! Vous pouvez vous rebeller, envoyer tout promener, vous
en aller, mais vous reviendrez. Tel est le problème. Il est toujours
lui-même, il n’a pas besoin d’être autre chose. Il est.
réveillant que cela a duré deux minutes, alors qu’en fait cela a
duré deux heures.
Donc tout est lié. C’est pourquoi le Seigneur Krishna, dans la
Gita, dit : « Je suis le temps. » Le Maître est le maître du temps,
que peut-il être d’autre ? Il maîtrise le temps en se maîtrisant
lui-même. Nous songeons à prolonger la vie en terme de durée
calendaire, mais Il maîtrise la vie en devenant éternel. Il ne
s’agit pas d’une prolongation du temps, mais en devenant maître
du temps, tout phénomène qui dépend du temps commence à
dépendre du Maître.
Babuji a dit à Don je crois, qu’il y avait une transmission que
lui, Babuji, n’avait jamais faite et que probablement il ne ferait
jamais. C’est de transmettre d’au-delà du temps. Quand Babuji a
dit cela, l’idée m’est venue qu’il est le maître du temps. Comment
transmettre d’au-delà du temps à moins que vous ne soyez vous-
même au-delà du temps ? C’est la première indication que j’ai
reçue concernant sa maîtrise du temps.
A. : Le temps et l’espace représentent des limitations et tout est
unité ?
P. R. : Rien n’existe ! Disons que vous avez une maison. Si
votre chambre fait deux mètres sur un mètre cinquante, vous
aurez l’impression d’être enfermé. Si vous la construisez de
quatre mètres sur cinq, vous vous sentirez un peu plus à l’aise. Si
vous l’élargissez à huit sur six, vous vous sentirez parfaitement
heureux. Mais si vous en bâtissez une de six cents mètres sur trois
cents mètres, vous vous sentirez seul ! Et si vous en faites une
mesurant l’infini par l’infini, vous n’êtes plus dans une chambre,
vous êtes dans l’espace, perdu, et vous ne savez que faire.
C’est cette incapacité à me dilater qui me maintient en
esclavage, prisonnier de moi-même. Quand puis-je me dilater ?
Lorsque je n’ai pas peur de me dilater, lorsque je sais que tout
l’univers n’est rien d’autre qu’une chambre, dont les murs ont
Retour →sommaire des mots et merveilles 196
apprendre les uns des autres. » Ils étaient très contents. Demain
ils veulent voir le lever de soleil, je les emmènerai et je serai peut-
être un peu en retard pour la méditation.
A. : Les enfants s’intéressent ...
P. R. : Les enfants et ceux qui sont des enfants par le cœur ! Ils
ont pris beaucoup d’intérêt à leurs questions. La seule question
qu’ils ne m’aient pas posée aujourd’hui c’est comment devenir un
précepteur. Demain, ils vont sûrement y penser !
L’an dernier, au Canada, nous étions chez Christine. En
ouvrant la porte, on vit la petite fille de Christine, âgée de cinq
ans, face à un petit bonhomme de trois ans.Elle lui disait : « Je
suis Parthasarathi. » Et le petit lui répondait : « C’est toujours toi
qui veux être Parthasarathi, cette fois c’est moi ! » (Rires.) Il y a
donc de l’espoir !
A. : Il y a une autre question qu’ils ont posée : « Avez-vous déjà
choisi le nouveau Maître – le successeur – ? »
P. R. : Je ne l’ai pas entendue, elle a dû être formulée en Danois !
On parlait en trois langues à la fois, le fils de Victoria parlait moitié
norvégien, moitié français, son français était traduit en anglais et
l’anglais en danois. Toutes ces langues simultanément !
La juste place
A. : Vous dites que l’amour appartient principalement au domaine
humain et qu’il n’existe pas vraiment dans le règne animal. J’ai
pourtant vu dans un film récent à la télévision, un animal, un
hippopotame intervenir pour sauver une gazelle de la mâchoire
d’un crocodile. Il a chassé le crocodile, traîné la gazelle sur la
berge et l’a léchée d’une manière telle qu’on aurait pu y voir une
sorte d’amour. Qu’en pensez-vous ?
P. R. : Il y a beaucoup d’histoires de cette sorte. En Inde, nous
Retour →sommaire des mots et merveilles 200
savons qu’il y a des enfants qui ont été adoptés par des loups,
et même récemment il y a une vingtaine d’années, un enfant de
dix ans est sorti de la jungle. Il ne pouvait qu’hurler comme les
loups et on a fait la relation avec un bébé d’un autre village qui
avait disparu. Kipling a écrit cette histoire célèbre, “Le livre de
la jungle”. Mais si un loup peut aimer, peut-on en déduire que
tous les loups sont aimants ? Il est possible, chez les animaux
supérieurement développés, que quelque chose y ressemble, mais
dans le règne humain, l’amour est sensé être une caractéristique
de ce règne. Si un dauphin aide un marin à regagner le rivage, cela
ne signifie pas que tous les dauphins aiment les humains. Cela ne
prouve rien du tout ; a-t-on vu des mariages entre dauphins et
humains ? Cela peut prouver seulement la possibilité d’une telle
chose lorsqu’un animal se développe de façon supérieure. Mais je
n’accepte pas ces comportements comme des preuves de l’amour
dans le règne animal.
A. : N’est-ce pas peut-être aussi une preuve d’évolution ...
P. R. : Lorsque je dis que l’amour est une caractéristique de
l’être humain, je n’ai pas dit que cela n’avait rien avoir avec
l’évolution ; vous comprenez de travers. C’est comme un être
humain hautement évolué, il a quelque chose de la Divinité, mais
vous ne pouvez pas dire que tout être humain est divin !
Même si vous mettez deux métaux ensemble, à la surface de
leur interaction des atomes migrent de l’un vers l’autre. Allez-
vous dire que l’or aime le fer ? C’est un phénomène purement
physique. En science, on sait bien qu’il y a un passage de molécules
gazeuses au travers d’une membrane ; c’est l’osmose. Lorsqu’on
stimule une corde, il y a un phénomène de résonance. Pouvez-
vous dire que cette ampoule aime cette lampe et donc qu’elles
vibrent à l’unisson ?
A. : Est-ce que les animaux peuvent éprouver de l’attachement,
de la douleur, des sensations, et si oui, comment peuvent-ils ne
Retour →sommaire des mots et merveilles 201
A. : Pour avoir vécu pendant quelques années dans des pays
différents, j’ai acquis l’expérience d’un usage différent de ces
mots.
P. R. : Non, non. Dans le Sahaj Marg, nous n’avons qu’une
seule série de mots. La condition est toujours la condition. Ainsi,
un malade peut mourir alors que sa condition semble bonne
subjectivement. Un autre malade peut éprouver de grandes
souffrances, alors que sa maladie est relativement bénigne. Vous
pouvez être un malade psychosomatique et éprouver des douleurs
qui n’existent pas ; la condition est là. Mais l’état intérieur diffère
dans chaque cas.
A. : C’est notre façon linéaire de penser qui nous fait ...
P. R. : Oui, c’est juste.
A. : Est-ce le sentiment de cette unité de ...
P. R. : Maintenant ? Vous l’éprouvez tous. Oui.
A. : Oui ?
P. R. : Oui. Si vous portez votre attention vers l’intérieur, vous
sentirez.
A. : C’est une réflexion de ...
P. R. : Vous n’y pouvez rien, vous savez. Vous avez tous reçu la
même nourriture, et vous êtes tous heureux, un peu somnolents,
les yeux clos. A l’exception d’un homme nommé X. qui allume
un cigare et pollue instantanément l’atmosphère. (Il rit.) (Rires.)
Vous voyez ? Nous partageons cette condition à ce moment
précis. Je veux dire que vous n’y pouvez rien. Et cela nous amène
à comprendre qu’en fait vous ne partagez pas. Vous comprenez,
le partage implique que j’ai quelque chose que je puisse diviser
en parts pour chacun. « Partagez ce pain entre vous. » Alors
nous le coupons et le répartissons. Mais lorsque vous partagez
une condition, c’est une condition commune à tous. Il n’y a pas
à donner ni à prendre. Ainsi, le mot partage est utilisé avec un
sens différent. « Nous partageons un appartement. » Allez-vous
Retour →sommaire des mots et merveilles 206
P. R. : Oui.
A. : La difficulté c’est, qu’en Occident tout est établi en se
référant à la philosophie grecque. C’était la chose importante.
P. R. : Oui, oui. Je vous en ai parlé au cours de ces trois
dernières années. Vous pouvez lire dans un discours que le fléau
de la civilisation européenne provient de son origine grecque. Les
Grecs vous ont corrompus il y a des milliers d’années, et vous ne
vous êtes pas encore dégagés de cette influence. La conscience
du corps, la plastique corporelle sont deux conceptions très
préjudiciables à votre moralité, à vos philosophies et qui vous
viennent de la Grèce.
A. : Babuji disait aussi cela à propos des Grecs. Ce n’est même
pas que ce qui est grec se révèle bon ou mauvais, mais on en parle
toujours comme s’il s’agissait de la source.
P. R. : C’est la panacée vous voyez, pas seulement le
commencement et la fin.
A. : Que pensez-vous de Socrate ?
P. R. : C’était aussi un Grec.
A. : (Inaudible.)
P. R. : Non, non. Le problème n’est pas de croire ceci ou cela,
mais de constater les effets produits sur vous. Le vin c’est bon,
mais son effet sur vous est l’ivresse. N’est-ce pas ? Donc ne buvez
pas de vin. Qu’y a-t-il de mauvais dans le vin ? Il a une jolie
couleur, un beau rouge, rouge sombre ou rosé, quelle qu‘en soit
la teinte, conservez-le dans la bouteille et admirez le. (Rires.)
C’est la même chose avec la connaissance, toute connaissance
qui vous mène à la corruption, n’est pas bonne – par exemple la
connaissance de la criminalité, comment percer un coffre-fort –.
C’est une connaissance qui a sa technologie propre, sa précision.
Interrogez un perceur de coffre, il vous dira la beauté de son
“art”. Certains d’entre eux sont des génies dans leur travail. Vous
savez, même la police parfois, lorsqu’elle est incapable de faire
Retour →sommaire des mots et merveilles 212
qui ne l’est pas. Ainsi, plus que personne d’autre cela m’a aidé
et j’espère être capable de mieux vous aider, pour cette raison
même. Je ne voulais pas vous le dire, mais ... (Rires.)
A. : Vous avez “laissé le chat sortir du sac”.
P. R. : Pas exactement. J’ai encore plus d’un “chat” dans mon
sac, dont vous ignorez tout ! Ou peut-être seulement des petits
chatons !
C’est la base même de l’éducation, le professeur apprend en
même temps qu’il enseigne. Les étudiants s’instruisent pendant
qu’on leur enseigne, autrement il n’y aurait pas de progrès. Nos
écoles, particulièrement en Inde, regorgent d’enseignants qui
n’apprennent plus dès qu’ils sont devenus professeurs. Alors ils
enseignent encore et toujours la même chose, classe après classe
et les sujets traités ont vingt ans de retard. Le pauvre étudiant
quitte l’école avec vingt ans de retard sur l’état actuel de la
connaissance. Que faire ?
A. : Dans tout véritable enseignement chacun doit apprendre,
je suppose.
P. R. : Non, non, il ne s’agit pas d’enseignement véritable ou
non, il s’agit de l’enseignement en soi. Certains d’entre vous se
rappelleront mes propos de l’an dernier sur l’adoration des enfants
pour leurs parents. Vous savez, les parents sont des espèces de
dieux. Mais lorsque l’enfant atteint l’âge de onze, douze ou treize
ans, c’est la chute du dieu. Pourquoi ? Précisément parce que
l’enfant s’est élevé jusqu’à votre propre niveau de compréhension
ou d’instruction.
(Rupture dans l’enregistrement.)
Nous devrions abandonner toutes les structures conceptuelles.
C’est cela, la liberté. Tout comme la liberté physique nécessite
la démolition de toutes les barrières, la liberté de pensée exige
que nous détruisions toutes nos limitations conceptuelles ;
séparations dues aux appellations, aux nationalités, aux systèmes
Retour →sommaire des mots et merveilles 215
... Tout doit être abandonné. Alors nous connaîtrons cet état de
liberté dans lequel, de façon intuitive, nous pourrons juger ou
percevoir la vérité même, plutôt que de l’apprécier par réflexion
et intellectualisation. On appelle cela la perception directe. Et
pour l’obtenir il faut avoir l’esprit ouvert, faute de quoi vous
direz : « Oh ! cela ne peut pas être vrai. »
(Rupture dans l’enregistrement.)
La difficulté réside dans notre sentiment de sécurité à l’intérieur
d’une structure. Je vous parlais ce matin d’un prisonnier condamné
à perpétuité. Supposons qu’il soit libéré. Il a perdu tous contacts,
il n’a plus de relations, plus rien, il préfère alors retourner en
prison. Il s’y sent en sécurité. Au moins il a un endroit où dormir.
Lorsque vous avez été privé de liberté pendant un temps trop long,
il arrive un moment où celle-ci devient effrayante, redoutable et
inacceptable. C’est ainsi que nous sommes devenus, que nous
avons, en quelque sorte, enfermé notre esprit dans un si grand
nombre de cadres, de structures figées dans notre existence, dans
nos conceptions, et que nous sommes effrayés d’avoir à les briser
pour nous en échapper. C’est comme une personne qui ne veut
pas ouvrir sa porte, la nuit pour sortir. Elle dit : « Où aller dans
le noir ? » Au même endroit où vous allez lorsqu’il fait jour, le
paysage n’a pas changé. Le pays n’a pas changé ! C’est parce que
vous ne pouvez pas l’apercevoir que vous éprouvez de la peur. Le
jour vous pensez pouvoir le voir c’est pourquoi vous n’avez pas
peur. Les choses sont toujours les mêmes. Il s’agit de ma façon
de voir selon laquelle l’obscurité dissimule et la clarté permet de
voir, c’est aussi un système conceptuel.
A. : Je pensais tout à l’heure lorsque vous avez fait état de cette
structure et que le sitting avait duré beaucoup plus longtemps
que le temps ... (Inaudible.) ... imparti. C’est une structure.
P. R. : Oui, c’est une structure – que des choses doivent se
dérouler pendant le sitting –. Mais qu’est-ce qu’un sitting ? Pour
Retour →sommaire des mots et merveilles 216
par une déviation, pour vous diriger dans une autre direction.
Aujourd’hui vous ne pouvez trouver une route sur la simple
indication de la direction, vous devez suivre les instructions.
Voyez comment le développement moderne nous force à plus
d’obéissance. Quand vous volez en avion, tout mouvement est
contrôlé. L’astronaute ne peut pas choisir la direction en fonction
de la lune, car la position de celle-ci changera sans cesse.
S’il y a une chose que la science et la technologie occidentale
nous ont enseignée, c’est que la logique n’a aucune place. Le
processus séquentiel de l’étape par étape est un signe de l’esprit
primitif. Le développement signifie enlever les séquences,
les étapes. Le développement final, c’est de penser que vous êtes
là, et vous êtes là, de penser que vous êtes Cela et vous êtes Cela.
Lorsque vous pensez, vous devez être à ce moment même ici ! Ce
ne sont pas des fantasmes, on trouve cela dans le livre “Jonathan
le Goéland”. Et alors ici, intervient la plus grande vérité du yoga :
à quelque possibilité que je puisse penser, cela doit être possible
pour moi. Sinon, je ne pourrai même pas l’envisager !
Je vous invite donc à l’essayer ! C’est votre privilège, votre vie,
votre but. Je cite Blake qui disait : « Tu es ce que tu penses être. »
Si vous pensez être un imbécile, vous êtes un imbécile, si vous
pensez avoir peur, vous avez peur, si vous pensez être Dieu ...
A. : Saint-Augustin disait aussi quelque chose comme cela.
P. R. : Oui, Saint-Augustin. Mais il disait autre chose, que je
n’ose pas dire, sinon vous allez me lapider ! Il parlait du culte. « Si
vous rendez un culte à une pierre, vous deviendrez une pierre, si
vous adorez l’homme, vous deviendrez un homme, si vous adorez
Dieu ... » Je n’en dirai pas plus, autrement vous allez me jeter
des pierres ! Logiquement, vous devriez poser une question :
« Serais-je encore comme je suis ? A quoi ça sert de penser que je
suis Dieu ? » Ça, c’est le blocage : vous pensez être toujours celui
que vous êtes ; ce n’est pas un blocage par maladie, un blocage
Retour →sommaire des mots et merveilles 221
Amour et discipline
Retour →sommaire des mots et merveilles 222
P. R. : ... Oui, c’est exact ; tout ce qui est libre vous laisse libre et
tout ce que vous agrippez vous agrippe également. Je connais un
couple qui possède deux chats. Ils ne parviennent pas à méditer ;
pourquoi ? A cause des chats ! Ils ne peuvent pas se déplacer à
cause des chats, ils ne peuvent méditer à neuf heures à cause des
chats ... Eh bien ! qu’ils abandonnent la méditation ... ou les chats !
Quelquefois les gens sont tellement attachés à leurs chats, qu’ils
préfèrent délaisser la méditation. Le Docteur Varadachari disait :
« Sans doute seront-ils des chats dans une prochaine vie ! » C’est
de l’attachement et nous ne devrions pas en avoir. A quoi cela
sert-il ? Si vous voulez volez, il vous faudra bien vider les cailloux
de vos poches avant de monter dans l’avion. Au décollage, tout
doit rester au sol ; vous ne pourrez pas les larguer un à un pour
vous élever. De même, lorsque vous êtes attaché à Cela, tout le
reste s’en va. Mais les gens ont des idées curieuses : « J’aime mes
chats ! »
A. : Les chats aimeraient bien être seuls, eux aussi !
P. R. : Là n’est pas la question ; les chats peuvent être seuls ou
ne pas l’être, ce sont des animaux après tout. La question c’est
de savoir quel est votre but dans la vie. Avec les enfants, c’est
pareil ; les mères doivent essayer de laisser leurs bébés et leur
apprendre à être seuls quand vient l’heure de la méditation. Je
constate qu’elles ne sont pas au satsangh et si elles y sont, elles
ne sont pas attentives. Au moindre cri de leur enfant, les voilà
dehors ! Elles méditent ici, mais leur attention est là-bas. Si elles
méditaient vraiment, rien n’arriverait et elles n’entendraient pas
pleurer leurs enfants.
Les mères indiennes méditent ou restent avec leurs enfants.
S’ils pleurent dix minutes, nous disons que cela leur fait les
poumons ! Quand vous voulez aller à l’opéra ou ailleurs, vous
faites bien appel à une baby-sitter ; alors, où est le cœur de cette
mère à ce moment-là ?
Retour →sommaire des mots et merveilles 223
Vers le silence
A plusieurs reprises, le Maître nous confie qu’il parlera de
moins en moins à l’avenir. Pour l’instant, nous avons de la peine
à l’imaginer.Cependant son avertissement se vérifiera quelques
années plus tard. Ce jour-là, le Maître parle du silence.
P. R. : Babuji disait que le silence est le langage de Dieu. Ne
parlons pas plus qu’il n’est nécessaire. Lorsque nous bavardons,
nous faisons intervenir l’intellect ce qui renforce cette maladie
occidentale ! J’aimerais parler de moins en moins.
A. : Que voulait dire Babuji en énonçant : « Vous devez me
forcer à devenir un. » ?
P. R. : Essayez ! Il ne disait pas forcer, mais obliger. Nous
pouvons obliger quelqu’un par la raison, par l’amour. Forcer,
c’est différent. (Cette interruption dans le propos du Maître,
n’empêche pas celui-ci de suivre le fil de sa pensée.)
Souvent, la réponse est donnée en méditation et cela nous
convainc. Lorsque la réponse est donnée de l’extérieur, un doute
subsiste toujours. Nous devons donc chercher la réponse à
l’intérieur, c’est ce qu’il y a de mieux à faire. Le plus souvent, je
parle pour ceux qui ne sont pas encore des abhyasis, pour leur
expliquer le système. Pour les abhyasis, parlons en silence !
Quand vous méditez, c’est là que le Maître vous parle. C’est
toujours le Maître qui vous parle, mais de l’intérieur.
Retour →sommaire des mots et merveilles 227
Plus tard.
Ashram, pas encore ...
P. R. : Je voudrais dire encore un mot. Il n’est pas question
d’ashram européen ou d’ashram indien. C’est notre ashram. Si
vous pensez à l’Europe et à l’Inde séparément, ces idées peuvent
surgir. Mais notre Mission n’a rien à voir avec la géographie,
l’histoire, la politique ou la religion. C’est une Mission globale ;
pensez plutôt que c’est le dix neuvième ashram, localisé à ce qu’on
appelle l’Europe. Si l’Inde a dix-huit ashrams, c’est que c’est
nécessaire. Certains d’entre eux sont de simples appartements
ou de petits lieux, où une centaine de personnes peuvent méditer.
Comme je l’ai dit, un ashram est un lieu d’activité spirituelle.
On en a besoin, et voilà ! L’argent tout comme l’amour est
indispensable. Je pense que l’argent est de l’amour sous forme
tangible ; sinon comment montrer son amour ? Dans la Gita, le
Seigneur Krishna dit : « Quoi que vous donniez, donnez-le avec
cœur ! » Il y a toujours quelque chose à donner, comme l’enfant
qui a apporté cette fleur. Ne faites pas de séparation entre
l’amour, l’argent et le service. L’un donne avec son cœur,
l’autre avec son porte-monnaie, l’autre avec sa force intellectuelle,
physique, chacun selon ses capacités, sans plus.
Je profite de l’occasion pour remercier chacun d’entre vous de
sa contribution ; tandis que les questions sortent du mental, les
donations ne peuvent provenir que du cœur. Je ne suis donc pas
seulement heureux, mais reconnaissant. J’aimerais également
ajouter à la manière indienne, qu’après tout, vous ne faites que
contribuer à bâtir votre propre maison où vous m’inviterez à
venir ! Construire un ashram est une chose, mais l’entretenir
année après année, est aussi une responsabilité. Heureusement
l’amour est quelque chose qui coule sans cesse et ces problèmes
Retour →sommaire des mots et merveilles 228
13 NDT : “ Master has all time and no time. Only the abhyasi has by
devotion and craving to put his time with Master’s time. ”
Retour →sommaire des mots et merveilles 229
L’amour élève
P. R. : La souffrance est nécessaire dans la vie. Beaucoup de gens
pensent qu’ils sont nés en France, qu’ils ont beaucoup d’argent
et qu’ils jouissent de la vie. Puis un jour ils reçoivent des chocs :
l’un meurt, l’autre a un cancer, et alors ils comprennent la réalité
de la vie. Ça, c’est la manière dure de la vie et la plupart des gens
viennent à la spiritualité par la souffrance. Ils ne comprennent
pas qu’il y a une manière plus douce qui est celle du cœur. Seuls
les gens avisés, sages, viennent par la joie et le bonheur.
C’est pourquoi Kabir disait : « N’ayez pas de mauvaises
fréquentations. » Au minimum, ces mauvaises fréquentations
se traduiront par des remous qui vous perturberont. Mais elles
pourraient aussi vous attirer dans un groupe : « Oh, qu’est ce
que cette spiritualité, viens donc avec moi, tu verras ! » et si à ce
moment vous êtes tenté, vous êtes perdu. Il vaut mieux ne pas
aller en vacances. Ces histoires de vacances sont la plupart du
Retour →sommaire des mots et merveilles 230
14 NDT : En français.
Retour →sommaire des mots et merveilles 232
Attention !
P. R. : La lumière divine dans le cœur sert de point de départ
pour la méditation. J’ai dit avant-hier qu’on ne pouvait expliquer
la chose ; c’est pourquoi mon Maître disait qu’on pouvait donner
l’expérience mais qu’on ne pouvait pas expliquer l’expérience.
Je pense que le premier signe de progrès est lorsqu’on dépasse
ce besoin d’attention et lorsqu’on recherche cette assistance
intérieure.
A. : Que voulez-vous dire par assistance ?
P. R. : Dans votre croissance ! L’attention ne fait que vous
calmer ou vous stimuler ; un vrai chercheur ne devrait pas
s’inquiéter même s’il est bousculé, tant qu’il obtient ce pourquoi
il travaille. L’attention est un piège !
Le Maître illustrera ce propos pendant le séminaire, en
acceptant et en interdisant alternativement les visites des
adultes sur sa terrasse.Les enfants sont toujours les bienvenus,
Retour →sommaire des mots et merveilles 233
ainsi que ceux dont le cœur est comme un enfant ...Une fillette de
huit ans ne quitte pas le Maître ou presque ; elle va le chercher, le
tire de sa table de travail pour l’emmener promener ou s’asseoit
sagement à côté de lui pendant des heures sans bouger et sans
rien dire. Chacun admire son aisance et son naturel et rêve
d“‘être comme un petit enfant”, comme elle, auprès du Maître.
appendice
Le Sahaj Marg