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Soumeylou Boubèye Maïga : «EN TERMES DE SOLUTIONS, LE

PRÉSIDENT DOIT ALLER PLUS LOIN»

Je pense que la déci- sion de s’adresser à la Nation est bonne, parce que la

parole du président était attendue. Globale- ment, je peux dire qu’il a bien

énuméré les problèmes aux- quels nous faisons face. Maintenant ce qui est

attendu du président, c’est qu’au-delà du constat, il puisse prendre des

décisions qui correspondent à la gravité potentielle de la situation. Et de ce

point de vue, je pense qu’en termes de solutions, le président doit aller

beaucoup plus loin et être au-dessus de la mêlée en restant habité en

permanence par sa mission, qui est d’aider à reconstruire le pays sur des

bases de co- hésion, de consensus. De ce point de vue là, pour moi la

question centrale, c’est d’abord la question institu- tionnelle. Parce que par
rap- port aux différents défis que le président de la République a énoncés

et qui font l’objet de revendications et de préoccupations de la part des

populations, nous ne pour- rions relever aucun de ces défis s’il n’y a pas

une confiance absolue des ci- toyens dans les institutions.

Comme il l’a indiqué lui- même, les dernières élec- tions législatives ont
donné naissance à une crise impor- tante, des frustrations impor- tantes.
Mais surtout au-delà des frustrations, c’est que le traitement qui a été
réservé aux différentes situations a entraîné une crise de confiance au
niveau des ci- toyens dans le processus électoral et une défiance en- vers
la Cour constitutionnelle qui est quand même une pièce essentielle de l’État
de droit et du processus démo- cratique.

avons indiqué dans notre communiqué que le président de la République


doit user de ses prérogatives constitution- nelles pour apporter les ré-
ponses adéquates aux problèmes qui sont posés. Et pour nous, parmi les
ré- ponses adéquates, nous pensons que le président doit s’appuyer sur la
Constitution, comme il l’a dit lui-même, qui lui donne toutes les pistes pour
pouvoir sortir de la situa- tion.

Je pense en particulier que le président doit, l’un après l’autre, utiliser les
arti- cles 42 (dissolution de l’ As- semblée nationale Ndlr) et 50 (les
pouvoirs exceptionnels Ndlr) de la Constitution. Et décider de consacrer
une partie du reste de son man- dat à la mise en œuvre des réformes qui
ont été adop-

tées lors du Dialogue national inclusif (DNI) qui a été un grand moment de
consen- sus. Nous pensons que si le président utilise l’article 42 et l’article
50, en ce moment le mécanisme de suivi des re- commandations du DNI
pour- rait jouer le rôle législatif qui a été celui du CTSP (Comité de
transition pour le salut du peuple) pendant la transition.
Bien sûr, ce mécanisme de suivi doit être dûment constitué, être très
représen- tatif des différentes compo- santes de la Nation, de manière à
assurer la mise en œuvre de ces réformes sous le leadership du président
de la République. Et en ce mo- ment là, nous pourrions re- faire les
élections législatives et engager ce que le prési- dent lui-même a déclaré
lors de la clôture du DNI : enga-

ger la deuxième génération de notre architecture institu- tionnelle.

Cette démarche me sem- ble être primordiale, si on veut rétablir la


confiance

avec l’opinion, avec les popu- lations ; la confiance dans les institutions.
Parce que, je pense que les institutions qui ne bénéficient pas d’une large
adhésion des popula- tions ne pourraient pas met- tre en œuvre les
solutions qui sont envisagées.

Les mesures qui ont été indiquées dans le discours du chef de l’État
doivent être da- vantage précisées, adossées à des délais assez précis
pour les populations. Parce que il y a là-dans des me- sures de court terme,
des mesures de moyen terme et des mesures de long terme. Je crois que
ce qui est fonda- mental aujourd’hui, c’est de reconstruire la confiance dans
les institutions. Parce que, quelle que soit la valeur des mesures qui sont
annoncées, si la confiance ne règne pas, elles ne peuvent pas être mises
en œuvre. Or, nous avions déjà une crise structurelle multidimensionnelle
qui est assez profonde, parce que nous avons connu un cumul de
situations de crises. Donc, cette crise-là nécessite que le pays puisse

se ressouder pour avancer d’un seul pas vers les solutions. Dès lors qu’il y
a, au- delà des frustrations, une crise de confiance assez réelle, je pense
que ça peut être extrêmement compliqué de mettre en œuvre, même les
mesures qui, technique- ment, sont adéquates.

La générosité d’un dis- cours politique ne suffit pas à en assurer la bonne


mise en œuvre. L’adhésion, la confiance des citoyens, la légitimité des
institutions sont aussi importantes. Je pense que la légitimité du président
étant indiscutable, il lui appartient d’user de cette légitimité pour utiliser les
moyens constitutionnels qui sont à sa disposition. Et en la circonstance, je
considère que nécessité fait loi, nous ne devons être freinés par aucun
tabou pour pouvoir aboutir à la stabilisation de notre pays.

Je crois qu’il y a un principe d’opportunité qui lui donne aujourd’hui


l’occasion de poursuivre son travail de reconstruction, au-delà de toutes
autres considérations.

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